OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Bienvenue à l’e-G8, le Davos du web http://owni.fr/2011/05/23/eg8-davos-web-internet-sarkozy-publicis/ http://owni.fr/2011/05/23/eg8-davos-web-internet-sarkozy-publicis/#comments Mon, 23 May 2011 14:19:48 +0000 Andréa Fradin et Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=64078

De la même manière que Cannes donne envie aux gens de faire des films, l’e-G8 doit être une vitrine du web.

Dans la bouche de Maurice Lévy, puissant patron du groupe de communication Publicis et président de ce pré-sommet consacré aux questions numériques, cette phrase résonne comme un slogan publicitaire à destination des jeunes entrepreneurs. Pendant deux jours, les 24 et 25 mai, le jardin des Tuileries va se transformer en FIAC de l’Internet, à l’initiative de Nicolas Sarkozy. En nous recevant dans son bureau des Champs-Elysées, le P-DG se veut rassurant: “Nous avons l’habitude de ce type de manifestations, nous organisons Davos”. Et c’est peut-être ce qui inquiète certains.

1000 invités, des pointures internationales (Mark Zuckerberg de Facebook, Eric Schmidt de Google, Jeff Bezos d’Amazon, le magnat des médias Rupert Murdoch), un grand chapiteau, des ateliers, des stands où les jeunes pousses du web pourront s’exposer: le parfait environnement pour réfléchir à “l’impact d’Internet sur l’économie”… Quitte à oublier le reste.

Car si l’item tarte à la crème ”Internet et la société” (avec la brochette Groupon, Orange, Facebook, le World Economic Forum et Wikipedia) est bien au programme de l’eG8, l’événement reste trusté par des problématiques au registre beaucoup plus industriel. Parmi les séances plénières, relevons:

  • “Internet et la croissance économique” (avec eBay, Vivendi, Google, Christine Lagarde)
  • “la propriété intellectuelle à l’heure du numérique” (avec Gallimard, Twentieth Century Fox, Universal et Frédéric Mitterrand) 
  • “encourager l’innovation” (Lessig, Financial Times, Free, Éric Besson)

Une discussion à l’attention des gros bonnets du web, qui encadrent également la manifestation: “le président a souhaité que l’e-G8 soit organisé en dehors des pouvoirs publics”, précise Maurice Lévy.

Dans les tuyaux depuis 2006

En tout, il devrait coûter aux alentours de trois millions d’euros, et Publicis se prépare déjà à un exercice “déficitaire”. Dans l’affaire, l’Élysée se contente de louer le jardin des Tuileries, ce qui veut donc dire que les grands acteurs du secteur sont poussés à la contribution.

Comme le révélait La Tribune dans son édition du 2 mai, les sponsors ont du débourser entre 100 000 et 500 000 euros pour être partenaires de l’événement et afficher un logo sur les affiches. Quand on lui demande s’il ne s’agit pas d’un achat de temps de parole, Maurice Lévy s’emporte:

Vous ne pouvez pas organiser une telle manifestation sans inviter certains acteurs. Si on n’avait pas convié Stéphane Richard, ça n’aurait pas été très sérieux.

Ce faisant, il reconnaît ainsi implicitement la présence d’Orange parmi les “co-chairmen”, aux côtés de Vivendi, eBay, Microsoft ou Capgemini.

Pour Lévy, l’e-G8 est un couronnement. Dès 2006, “au moment de la remise du rapport sur l’économie de l’immatériel”, il rêvait du Grand Palais pour “susciter la création”. Mais ses envies avaient dû être remisées au placard. Motif invoqué par Éric Besson et Nathalie Kosciusko-Morizet, tour à tour secrétaires d’État à l’économie numérique? Pas d’argent. Et c’est finalement Nicolas Sarkozy qui relance l’idée en mars 2011.

“Il voulait mettre à l’ordre du jour du G8 un certain nombre de points relatifs à Internet, et il m’a donc contacté”, se félicite Maurice Lévy. Et si ce dernier refuse de s’avancer davantage sur les priorités, il reconnaît quelques grandes lignes, pas si éloignées de “l’Internet civilisé” enterré en grande pompe il y a quelques semaines:

Il faut nourrir les huit chefs d’État. Le président a isolé certaines questions: les droits d’auteur, les infrastructures, la protection de l’enfance. Apporter des réponses à cela n’a rien d’anormal. Il faut se poser la question de ce qui forme ou non une démocratie.

“Ceux qui ne seront pas présents auront tort”

Ravi de la perspective qu’offrent ces deux jours, le publicitaire tient néanmoins à déminer le terrain, conscient des limites de l’exercice. “Sur Internet, si vous faites une connerie, vous vous faites reprendre 25 fois”, note-t-il dans un sourire. Encadré par deux collaborateurs versés dans le numérique, le boss de Publicis a visiblement identifié les points de friction potentiels:

Des gens qui ne représentent rien se feront entendre, et vice-versa. Nous avons invité quatre personnes de l’ICANN, le président de l’Electronic Frontier Foundation, Lawrence Lessig et d’autres universitaires d’Harvard ou Princeton. Ceux qui ne seront pas présents auront tort.

Parmi les absents, on peut signaler Cory Doctorow, l’un des plus célèbres activistes du web. Sur BoingBoing, il explique brièvement les raisons qui l’ont poussé à décliner l’invitation:

C’est une tentative de manipuler les gens qui s’intéressent à l’Internet, pour qu’ils prêtent de la crédibilité à des régimes qui sont en guerre avec le web ouvert et libre.

Pour Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du Net, il s’agit ni plus ni moins d’une “opération de blanchiment [des politiques publiques] qui masque ce que les gouvernements mettent en œuvre depuis un an”. En citant WikiLeaks, le COICA ou les directives européennes en matière de filtrage, il rappelle que l’ACTA, le fameux accord commercial anti-contrefaçon négocié en secret pendant deux ans, doit être soumis au vote lors d’un conseil des ministres de l’OCDE qui se tiendra… en même temps que le G8.

Au plan européen, de nombreuses initiatives citoyennes, dont la Quadrature du Net, Telecomix ou Network Cultures dénoncent de façon unanime la tenue de l’eG8, “sommet visant à œuvrer pour un Internet civilisé”, dont le sort ne dépendrait que d’une poignée de chefs d’État. Pour se faire entendre, ils ont déjà mis sur pied un contre-site: “G8 vs Internet”.

Abandon de la gouvernance?

Soucieux d’éviter le retour de bâton, Maurice Lévy tient à préciser que la qualité de l’e-G8 “dépendra de la qualité de ses interventions”. Celles-ci, poursuit le grand ordonnateur, pèseront chacune de la même façon dans les conclusions de l’événement, de “l’échange” (il ne faut surtout pas parler de keynote) mené entre Zuckerberg et la salle à l’avis d’un auditeur lambda. A l’en croire, cette synthèse, adressée aux dirigeants qui se réuniront dès le lendemain à Deauville pour le G8, devrait donc être équilibrée. Et dégagée du sceau du Palais: “Il n’y a pas l’ombre de l’Élysée sur les conclusions”, assure le patron de Publicis.

Pourtant, Nicolas Sarkozy et ses sherpas auraient orienté les débats depuis de longs mois. Selon des informations publiées par Frédéric Martel sur Marianne2.fr, le président de la République aurait fait barrage en 2010 à une conférence destinée à mettre en lumière l’action des cyberdissidents à travers le monde. “Vous m’avez fait part de votre intention de réunir une conférence internationale consacrée à la liberté d’expression sur Internet. Cette problématique doit être abordée de manière globale”, aurait-il fait savoir à Bernard Kouchner – encore ministre des Affaires étrangères par l’entremise de ses conseillers.

Aux yeux de Jérémie Zimmermann, le cadre du forum est biaisé, et il craint que les gouvernements n’abandonnent la gouvernance aux richissimes ténors du web, dont le poids est devenu tel qu’ils influent directement sur les décisions politiques:

L’e-G8 part du principe que les leaders d’Internet sont ceux qui ont de l’argent. Prenez les trois invités majeurs (Facebook, Google et Amazon, ndlr): deux d’entre eux font reposer leur modèle économique sur la collecte des données personnelles, et la dernière est passée maître dans l’art de déposer des brevets fantaisistes. Cette conférence ouvre la porte à des entreprises dont le business model est fondé sur la restriction.

Quand on lui oppose cet argument, Maurice Lévy tique. Il insiste:

Le débat ne sera intéressant que s’il est contradictoire.

Reste à savoir qui parlera le plus fort. Et dans l’arène, pas sûr que tous les participants jouent à armes égales.

NB: Sur le site officiel de l’eG8, Publicis vient de mettre en ligne une vidéo mettant en scène l’effort, les escabeaux et la sueur mobilisés pour la mise en place de ce grand événement. Le tout à grand renfort de musique blockbusterienne. On vous laisse déguster.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Crédits photo: eG8 Forum, Flickr CC tOkKa, celticblade, pierre bédat

Retrouvez tous les articles de notre Une e-G8 sur OWNI (illustration de Une CC Elsa Secco pour OWNI)
De l’Internet des “Pédos-nazis” à l’”Internet civilisé”

- G8 du net : les bonnes questions de Nova Spivack

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[LABO] Oussama Ben Laden, augmenté http://owni.fr/2011/05/20/labo-oussama-ben-laden-augmente/ http://owni.fr/2011/05/20/labo-oussama-ben-laden-augmente/#comments Fri, 20 May 2011 14:33:49 +0000 Andréa Fradin et Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=63703 Près de trois semaines après sa mort, que reste-t-il d’Oussama Ben Laden? Médiatiquement, la disparition du fondateur d’Al-Qaida, ennemi numéro un des Etats-Unis depuis dix ans, a fait l’effet d’une déflagration. Sans précédent? Pas vraiment. Quelques jours avant, le mariage princier entre William et Kate Middleton a atteint un pic d’attention similaire, avant de s’éroder à la même vitesse que le terroriste islamiste, comme le montre cette courbe établie sur Google Trends (en rouge le mariage, en bleu Ben Laden):

Dans la volonté d’être un laboratoire de R&D, OWNI s’est demandé comment redonner du sens à cet épisode, vécu sur le mode de l’ultra-temps réel. Nous avons donc développé un module de vidéo “augmentée” qui, en plus du flux principal, ajoute du contenu relatif, qu’il s’agisse d’images, de vidéos, de pages web, ou même de GIF animés.

Le prototype repose sur une base de code préexistante, ajustée à nos besoins – ajaxification des éléments connexes synchronisés sur la vidéo principale (sic).

Pour en savoir plus sur ce qu’est l’hypervidéo (pour “hyperlinked video“, ou vidéo cliquable en VF), vous pouvez également lire le billet qu’en avait fait Tristan Nitot, ou encore regarder ce qu’en avait fait Upian et Arte pour Notre poison quotidien, le documentaire de Marie-Monique Robin. Et n’hésitez pas à envoyer un mail à tech@owni.fr pour plus de précisions.

Enfin, et pour profiter pleinement de l’expérience, nous vous conseillons de naviguer directement dans l’application:

http://app.owni.fr/augmented/benladen/

L’élimination d’OBL marque la chute d’un symbole, remarquablement décrite par l’essayiste américain Greil Marcus dans L’Amérique et ses prophètes, publié en 2006. Dans un climat post-11 Septembre déjà bien consommé, il dressait ce constat sans appel:

La nation américaine: une invention qui pouvait être détruite comme elle avait été construite.

Sur le même postulat, l’administration Obama a défiguré le visage de la peur d’une balle en pleine tête, avant de jeter son corps à la mer depuis le pont d’un porte-avions stationné en mer d’Oman. Dans les heures et les jours qui ont suivi l’opération menée par les Navy Seals dans la petite bourgade pakistanaise d’Abbottabad, les États-Unis ont mis en branle un storytelling jamais effrayé par la contradiction. Ben Laden aurait été tué parce qu’il cherchait à se défendre, ce qui a été démenti; il se serait servi d’une femme comme bouclier humain, ce qui a été démenti; la photo de son cadavre devait être montrée à la presse et au grand public, ce qui a été refusé.

Avec la disparition de l’icône wahhabite, la culture populaire s’est immédiatement réappropriée l’événement, à grand renfort de détournements. Les médias ont dû gérer l’afflux d’information primaire, qu’elle provienne de la Maison-Blanche ou de Twitter. Les théories du complot ont repris du poil de la bête. C’est tout ce que nous avons essayé de visualiser, en 3 minutes – et quelques digressions.

N’hésitez pas à nous faire parvenir vos retours, à tech@owni.fr


Illustration CC FlickR: swanksalot

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