OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le Popolo Viola défie Berlusconi http://owni.fr/2010/10/28/le-popolo-viola-defie-berlusconi/ http://owni.fr/2010/10/28/le-popolo-viola-defie-berlusconi/#comments Thu, 28 Oct 2010 17:31:07 +0000 Anne Daubrée http://owni.fr/?p=33908 La Piazza della Repubblica est violette de monde. Ce 2 octobre, en France, les syndicats invitent à manifester contre la réforme de retraite. En Italie, à Rome, c’est le « popolo viola » qui déferle, sur fond de crise politique aiguë. Mot d’ordre : « Licenziamolo » (licencions-le). Le message vise Silvio Berlusconi, président du Conseil, et se décline sur tous les tons, jusqu’aux plus carnavalesques. En attendant que le cortège démarre, un homme parade près de la fontaine, portant le « lit doré offert par Poutine » à Berlusconi, (rendu célèbre par les récits d’une prostituée fréquentée par le chef de l’état). À quelques pas de là, une famille toute de violet vêtue, enfants compris, s’adonne à une séance photo. Sous les arbres, un autre manifestant, très applaudi, scande les noms d’hommes politiques, Berlusconi en tête, dont les portraits sont reproduits sur un panneau « stop mafia ».

Un langage commun

Seul point commun entre tous ces manifestants : des banderoles, tee-shirt et écharpes de cette même couleur violette. « Ils se sont autoconvoqués, ils ont découvert un langage commun », commente Domenico Gallo, un magistrat romain croisé lors de la manifestation (en fait, je ne l’ai pas croisé exactement dans le cortège, mais derrière la scène, dans l’espace VIP de la piazza san giovanni). Un peu partout en Italie, ils se sont mobilisés via Internet pour organiser ce « No B day 2 », version abrégée du « no Berlusconi day » deuxième édition.

C’est la deuxième fois que l’autoproclamé « Popolo viola », qui s’est reconnu et agrégé via internet dans son opposition au régime actuel, organise une manifestation de cette envergure. « Nous sommes contre Berlusconi, mais aussi contre le berlusconisme » tient à préciser un manifestant romain. Entendre : contre la corruption, le conflit d’intérêt, les politiques qui mènent à la précarité, pour la liberté de l’information et le respect de la constitution.

Difficile cohabitation des drapeaux

Vers 14h30, le cortège s’ébranle dans une atmosphère plutôt joyeuse. « Berlusconi, espèce de salaud » ou « La Mafia, hors de l’Etat », scande une foule où se mélangent les âges, à travers les rues de la capitale. Aux banderoles violettes venues de toute la péninsule, – via 300 bus, d’après les organisateurs – se joignent celles de plusieurs partis. « On les voit trop », soupire une Turinoise, vêtue de violet.

Particulièrement présents, le bleu et le blanc de l’Italia dei valori (IDV parti fondé par un ex magistrat, Antonio di Pietro, en pointe dans le combat contre la corruption du monde politique) colorent la foule en marge de la majorité violette. Quelques hommes politiques tel que Nichi Vendola, président de la région des Pouilles, et figure montante de l’opposition, plutôt bien acueillis par les manifestants.

Fatiguée d’être en colère

En fin du parcours, les manifestants remplissent l’imposante Piazza San Giovanni. Là, sur une scène, des personnalités engagées issues de la société civile défilent pour parler de justice, des dangers qu’encourt la Constitution, de la crise de l’éducation, ou encore de la liberté de la presse. Pas d’hommes politiques au programme. Militants de la lutte anti mafia, précaires, journalistes engagés se succèdent sur les planches, égrènent les scandales occultés par la majorité des médias. « Je suis fatiguée d’être en colère (…), c’est à votre génération de faire changer les choses », tonne Concita De Gregorio, directrice du journal l’Unità, qui donne un large retentissement aux luttes sociales. Lorsque le frère de Paolo Borsellino juge assassiné par la Mafia, prend la parole, c’est l’ovation.

À l’apparition du visage de Berlusconi en vidéo sur l’écran géant, les lazzis se déchainent, comme une poussée de fièvre. Les derniers manifestants resteront tard pour écouter de jeunes artistes, malgré la fraicheur de la nuit, pendant que les médias se chamaillent déjà autour des chiffres officiels versus ceux des manifestants : 10 000 pour les uns, 50 000, voire plus pour les autres.

Amer apprentissage

C’est en tout cas beaucoup moins que le 5 décembre dernier. Ce jour là, le No B day avait réuni environ 500 000 personnes. Ce 2 octobre laisse un goût de « pas comme la dernière fois » dans la bouche des manifestants, partagés entre la déception et la joie de descendre dans la rue. Entre ces deux dates, les membres du « popolo viola » ont fait l’apprentissage de la politique, pour ceux qui n’avaient pas encore milité, et de l’invention de formes démocratiques en ligne, pour tous. Non sans mal.

Des groupes locaux se sont divisés, notamment sur la question de la collaboration – ou pas – avec les partis politiques. Et les modalités des processus de décision en ligne restent à inventer. « Nous devons apprendre à dialoguer en ligne, à nous modérer », soupire GianFranco Mascia, l’un des organisateurs, qui rêve à la constitution d’un Move on à l’italienne, qui permettrait aux individus de se coaguler en ligne pour intervenir dans le débat politique, sans mettre sur pied une organisation structurée.

Recherche mégaphone

Ces militants d’un nouveau genre sont plutôt étonnés de voir débarquer plusieurs médias français, – France 3, Canal plus – et de s’entendre considérés comme des pionniers de la politique 2.0. « En France, vous savez bloquer un pays », me dit-on plusieurs fois, d’un ton admiratif. Eux désespèrent de se faire entendre dans un espace médiatique cadenassé. Les télévisions, tout particulièrement, sont pratiquement absentes de la manifestation.

La revue de presse du lendemain est éloquente. Les quotidiens d’opposition, dont La Repubblica et Il Fatto quotidiano font écho à la manifestation. Mais Libero, un quotidien qui soutient avec acharnement la politique berlusconienne, titre « haine sur la Place ». Un récit qui colle mal avec l’image de ces manifestants, l’air décidé, qui ont marché dans Rome avec la Constitution italienne pour seule arme de poing.

Illustration de Une au second degré par Loguy, à télécharger par ici

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Gauche italienne: la relève vient du Sud… et d’Internet http://owni.fr/2010/10/28/gauche-italienne-la-releve-vient-du-sud-et-d%e2%80%99internet/ http://owni.fr/2010/10/28/gauche-italienne-la-releve-vient-du-sud-et-d%e2%80%99internet/#comments Thu, 28 Oct 2010 16:45:43 +0000 Anne Daubrée http://owni.fr/?p=33868 Retrouvez la traduction de cet article et l’ensemble de nos articles en anglais sur http://owni.eu !

Outsider de la politique italienne, certains l’appellent le « Obama » blanc. Cela ne dérange pas Nichi Vendola, figure de l’opposition qui construit sa réputation grâce au web. «  Nichi Vendola est obligé par sa personnalité même, par son histoire, d’être novateur », analyse Federico Mello, journaliste au Fatto quotidiano. C’est peu dire que l’homme est atypique : président de la région des Pouilles, au sud-est de la péninsule, Nichi Vendola  se revendique tout  à la fois communiste, croyant et homosexuel. Ce qui ne l’a pas empêché de gagner les élections régionales à deux reprises, après avoir remporté les primaires de la gauche. Et ces derniers succès électoraux doivent beaucoup à sa stratégie Internet.

Responsable de sa communication, la société locale Proforma s’est notamment inspirée des méthodes d’Obama pour lancer les «  fabbriche di Nichi » (usines de Nichi) : un réseau de sympathisants composé pour l’essentiel de déçus de la gauche, mais surtout de très jeunes, souvent étudiants, qui vivent là leur première expérience politique qui organise, via Facebook, le soutien de la campagne de son candidat. La «  fabbrica » de Bari, capitale de la région des Pouilles, donne le la, en proposant des actions simples et conviviales comme les « guerrilla gardening », consistant à aller biner le parc public de la ville, ou des « réunions tupperware » pour convaincre d’aller voter pour le candidat. A l’inverse, certaines initiatives de fabbriche locales (vidéos, slogans, matériel de campagne…) sont remontées et servent à la campagne officielle.

La fabbricha de Rome a ainsi amené 240 bulletins de plus en faveur de Vendola en organisant le trajet en bus depuis la capitale. «  Nous avons délégué des pans entiers de l’organisation et de la créativité de la campagne », explique Dino Amenduni, spécialiste des réseaux sociaux chez Proforma. Selon ses calculs, au delà des simples fans Facebook, ce sont « environ 10 000 personnes » qui  se mobilisent fortement depuis cet été via les Fabbriche.

En campagne pour les primaires de la gauche, de fabbrica en fabbrica

Au mois d’octobre, pour Nichi Vendola, l’enjeu a basculé du régional au national avec l’accord de la gauche pour élire lors de primaires son chef de file pour les prochaines élections législatives. Et les fabbriche pourraient se révéler un outil décisif. En campagne hors de sa région, Nichi Vendola fait le candidat voyageur, visitant toute l’Italie de «  Fabbrica » en «  Fabbrica ». D’abord dans la capitale, où ses partisans romains avaient réuni 300 personnes pour une soirée débat rapportée jusque dans la presse nationale, puis en Sicile pour une rencontre sur le thème « un Sud meilleur ».

« Nichi Vendola  doit être plus connu dans le reste du pays. Les « fabbriche » ont un rôle important à jouer. L’activisme des personnes est essentiel pour suivre les rencontres avec Nichi, apporter des contenus vidéos…», analyse Dino Amenduni. On  compte aujourd’hui 479 Fabbriche, qui ont essaimé bien au delà des frontières de la région des Pouilles, et mêmes par delà les Alpes, à Paris ou Berlin. De nombreux étudiants ou émigrés italiens se sont saisis de ce moyen de renouer des liens avec leur terre natale.

De l’usine à activistes au laboratoire politique

Pour Nichi Vendola, qui lançait «  la poésie est dans les faits », en guise de slogan de campagne,

la Fabbrica avec ses volontaires, est un exemple d’autoformation à la politique et de réforme de la politique. Ce n’est pas un simple comité électoral, mais un espace différent, actif et créatif. (…) Des idées, des propositions et des actions de tout genre naissent et se diffusent dans toute la  région, via internet et les actions sur le territoire (1).

Une visite à Laterza,  petite ville perdue dans la campagne des Pouilles, semble lui donner raison. Ici, la Fabbrica organise des visites guidées dans le parc naturel voisin -la Gravina -  menacé par les promoteurs immobiliers et les chasseurs. Objectif : sensibiliser les habitants de la zone à un autre développement possible, basé sur le respect de l’environnement.

Même souci à Galatone, où une autre  Fabbrica  monte des opérations de nettoyage du territoire. Les sympathisants de Florence ont pour leur part mis en place des ateliers gratuits pour apprendre à confectionner son propre liquide vaisselle à partir de produits naturels. Une recette bientôt transmise à la Fabbrica de Rome. Un exemple parmi d’autres des liens qui se tissent par échanges de mails, visio conférences via Skype ou encore aux rencontres nationales l’été dernier. « Nous préparons un réseau social pour permettre aux Fabbriche d’avoir des échanges plus horizontaux » ajoute Dino Amenduni, qui réfléchit aussi  à des outils de fundraising pour les fabbriche, « autofinancées ».

Dans une Italie où la tentation du discours du « tout pourris » est forte, Nichi Vendola a su mobiliser les énergies d’une toute  jeune génération dans un projet politique, via le réseau. Il lui reste à présent à répondre aux espoirs qu’il a suscités.

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(1) La fabbrica di Nichi, cosimo Rossi intervista Nichi Vendola, manifestolibbri 2010

Photo Credits: nichivendola.it, Flickr CC Paride de Carlo.

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Les cyberactivistes italiens : précurseurs des nouvelles contestations numériques http://owni.fr/2010/10/28/les-cyberactivistes-italiens-precurseurs-des-nouvelles-contestations-numeriques/ http://owni.fr/2010/10/28/les-cyberactivistes-italiens-precurseurs-des-nouvelles-contestations-numeriques/#comments Thu, 28 Oct 2010 15:18:22 +0000 Anne Daubrée http://owni.fr/?p=33895 Octobre 2009, la toile italienne est en ébullition : la Cour Constitutionnelle vient de déclarer inconstitutionnel un projet de loi mettant Silvio Berlusconi, le président du Conseil, à l’abri de ses multiples procès. Sur Facebook un mystérieux « Saint précaire » lance un appel : tous dans la rue, pour exiger les démissions de Berlusconi. Le 5 décembre, à Rome, quelques 500 000 manifestants se retrouvent dans le cortège. Le fruit de deux mois de travail acharné de volontaires disséminés du Nord au Sud de la péninsule, qui ont ouvert des pages Facebook locales, imprimé et distribué des tracts téléchargés sur Internet, organisés des manifs éclairs (flash mob)…

Opposants de toujours à Berlusconi, précaires en lutte, militants de la lutte anti-mafia, jeunes sans expérience politique, se sont agrégés sur la toile à cette occasion, sous le nom de « Popolo Viola », une couleur choisie pour sa neutralité politique. Au-delà de la manifestation qui a pris d’assaut les rues de la capitale, « une série de réseaux biodégradables se sont développés qui se créent et se dénouent en fonction des situations », observe Emanuele Toscano, sociologue, qui compte parmi les initiateurs du No B Day. Un exemple parmi d’autres du nouvel élan qu’ont trouvé sur la toile des mouvements de contestation étouffés par la “ berlusconisation” de l’espace public.

La télé verrouillée

Internet a ouvert une brèche nouvelle, dans un paysage médiatique jusqu’alors cadenassé par Silvio Berlusconi. Le président du conseil détient un vaste empire audiovisuel privé (Canale 5, Italia 1…) et enfreint la loi pour bloquer les nouveaux entrants. Dans les kiosques aussi, il peut compter sur de nombreux soutiens, dont le quotidien Il Giornale, détenu par son propre frère, où Internet est régulièrement accusé de tous les maux.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les chaînes publiques n’ont guère plus de liberté de ton depuis qu’en 2004, Il Cavaliere a fait virer une poignée de journalistes trop critiques à son goût. L’un d’eux, Michele Santoro, animateur de l’émission politique corrosive Anno Zero n’a retrouvé sa place que sur une décision de justice. Le 25 mars dernier, censuré, il a transféré son émission… sur Internet. Pas de vagues sur le service publique. Et, si l’eau s’avise de frémir, le président du Conseil n’hésite pas à décrocher son téléphone pour intervenir en direct, pendant Balloro, une émission politique pourtant bien moins critique que Anno Zero.

Vacance de contre-pouvoirs

Au chapitre des contre-pouvoirs insuffisants figure aussi, en bonne place, l’opposition politique. Les activistes qui se mobilisent contre le berlusconisme via les réseaux « ne sont pas satisfaits de la manière dont l’opposition joue son rôle et préfèrent s’auto-organiser », analyse Federico Mello, journaliste pour Il Fatto Quotidiano. Ils considèrent le leader de l’opposition, le Partido Democratico (PD, Parti démocratique), comme un poids mort de la contestation. De fait, jusqu’à la dernière minute, son secrétaire général, Pier Luigi Bersani, a renaclé à soutenir la manifestation qui a mis 500 000 personnes dans les rues contre son principal adversaire! Le tout, au grand désespoir des jeunes cadres de sa formation.

Un pays fait pour les vieux

Au delà du politique, « l’Italie n’est pas un pays pour les jeunes » titrait Il Corriere della Sera, un quotidien difficile à accuser de gauchisme. Écoles et universités sont en crise, notamment victimes de coupes budgétaires. Les jeunes, y compris les plus diplômés, sont condamnés à des petits boulots précaires. Au second trimestre 2010, le taux de chômage des 15-24 ans est monté à 27,9%, d’après l’Istat (l’institut national de la statistique italienne). Une situation d’autant plus insupportable quand elle est comparée aux pratiques d’un État où des starlettes sont nommées ministres, où les scandales de corruption s’accumulent et où le président du Conseil, trainant d’innombrables casseroles judiciaires, s’illustre par le faste de ses fêtes, ses frasques avec des prostituées et ses tentatives de tordre la Constitution pour éviter les procès.

Privés des canaux traditionnels, l’info et les mouvements contestataires passent par le web. Avec des succès parfois étonnants : dans deux conseils régionaux siègent les élus du « Movimento 5 stelle », mouvement politique né et organisé sur le web, sous l’impulsion du tonitruant Beppe Grillo, mélange de Coluche et Michael Moore. Ce comique très populaire, bouté hors du petit écran pour son irrévérence politique dans les années 80, a trouvé refuge sur la toile depuis 2005 et a su en utiliser toutes les ressources.

Le lance-pierre de l’info

D’après Wikio, le blog de Beppe Grillo est le blog politique le plus lu en Italie. Auquel s’ajoutent d’autres sources d’information libres en ligne. Sur le site de Il Fatto Quotidiano,  jeune journal qui critique aussi bien les dysfonctionnements de l’Etat que l’impuissance de l’opposition, les articles sont partagés jusqu’à 15 000 fois sur les réseaux sociaux ou par mail, d’après Federico Mello, un des journalistes. Pour lui, « les citoyens italiens ne cherchent pas seulement à s’informer, ils veulent aussi diffuser l’information sur le réseau ».

Plus que des relais, les internautes deviennent producteurs d’information : Spinoza, blog d’actualité satirique, reçoit les billets de 7000 personnes. « Le blog a explosé après la victoire électorale de Berlusconi, en 2008. Les lecteurs ont commencé à poster leurs saillies » témoigne Alessandro Bonino, l’un des fondateurs du blog. Articolo 21, du nom de l’article de la Constitution qui sacre la liberté de la presse, a lui aussi choisi de s’appuyer sur les textes envoyés par ses lecteurs. Première mission que se fixent ces sites d’info : démonter la propagande véhiculée par la télévision. Valigia Blu a ainsi organisé devant le siège de la Rai une chorale parodiant les titres les plus ridicules des JT de la chaîne publique :

Un chaton nait, un dauphin rote, ce n’est pas le zoo, mais le sommaire du journal de Rai 1….

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Objectif : réclamer les démissions du directeur de l’information.

Frein légal et frein technique

Ces mouvements numériques sont ils assez forts pour parvenir à transformer la politique et la société ? Les freins sont puissants : malgré les 300000 signatures recueillies grâce à une initiative Internet menée par Beppe Grillo, la loi d’initiative populaire qui visait à réformer la vie politique dort au fond d’un tiroir, au Sénat. Pendant ce temps, le gouvernement tente d’en promouvoir d’autres lois, destinées à limiter la liberté d’expression jusqu’à s’attirer les foudres de l’OCDE, qui en juillet dernier, lui a demandé de retirer sa loi dite « bâillon », laquelle visait à limiter la publication du contenu des écoutes téléphoniques par la presse. Un texte qui, au passage, a bien failli clouer définitivement le bec des bloggeurs impertinents. Il leur imposait les mêmes devoirs qu’à la presse, notamment le droit de réponse en 48 heures, sous peine de 12 5000 euros d’amendes.

L’accès à Internet demeure, par ailleurs, pour l’instant très limité : moins d’un ménage sur deux dispose d’une connexion, d’après l’Istat. Et la qualité du réseau est déplorable, l’État n’investissant pratiquement pas, pour améliorer les infrastructures. A contrario, la quasi totalité des Italiens regardent la télévision.

« C’est difficile de parler au reste du pays, on reste entre nous », se désolait une manifestante anti-Berlusconi, le 4 octobre dernier, à Rome. Un isolement qui s’ajoute au caractère composite des mouvements qui se déploient sur Internet jusqu’à les faire parfois basculer dans une véritable cacophonie. Depuis son blog, Beppe Grillo ne soutient pas les initiatives du « Popolo viola ». Entre deux No B day, (le deuxième s’est déroulé le 4 octobre dernier), les groupes qui composent le Popolo Viola se sont divisés sur de multiples questions, dont celles de la collaboration avec les partis politiques. Et l’élaboration des modalités de prises de décision en ligne ne se fait pas sans heurts.

La télévision du président est nue

Néanmoins, le monde politique commence à s’ouvrir. L’IDV, l’Italia dei valori, un parti d’opposition, a soutenu les manifestations du « Popolo Viola ». Dans le PD, des élus et des cadres poussent à l’ouverture du parti. Et une figure montante de la gauche, Nichi Vendola, actuellement gouverneur de la région des Pouilles, se montre parfaitement en phase avec les mouvements qui se développent sur le réseau.

Bien que le gouvernement continue de trainer des pieds pour freiner Internet, la bataille est loin d’être gagnée avec les plus jeunes. Une partie de la nouvelle génération s’informe en ligne, agit et a abandonné cette « pensée paresseuse », décrite par Gian Franco Mascia. Laissant leurs aînés vaincus et sans espoir s’affaler devant la télévision du président du Conseil, les jeunes se tournent vers ce web qui crépite d’une idée qu’on croyait disparue en Italie. Celle d’un changement possible.

Photo FlickR CC JCP.im, Redbanshee, Gengiskunk, Bondine.it.

Cet article doit beaucoup aux ouvrages suivants

Federico Mello, Viola , Aliberti editore 2010

Gianfranco Mascia, Il Libbro viola, B.C.Dalai editore, 2010

Marco Travaglio, La scomparsa dei fatti, Il saggiatore 2007

Concetto Vecchio, giovani e belli, chiarelettere, 2009

Arturo di Corinto, Alessandro Gilioli, I Nemici della Rete, Rizzoli 2010

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Beppe Grillo: comment monter un mouvement politique sur Internet… et avoir des élus ! http://owni.fr/2010/10/28/italie-beppe-grillo-mouvement-politique-sur-internet-elus/ http://owni.fr/2010/10/28/italie-beppe-grillo-mouvement-politique-sur-internet-elus/#comments Thu, 28 Oct 2010 14:58:48 +0000 Anne Daubrée http://owni.fr/?p=33871 Retrouvez la traduction de cet article et l’ensemble de nos articles en anglais sur http://owni.eu !

En quoi consiste il Movimento 5 Stelle (Le mouvement des cinq étoiles) ?

Le Movimento 5 stelle est un mouvement né sur Internet, et uniquement sur Internet.
Tout est parti des posts que je publiais sur mon blog, à raison d’un part jour, sur toutes sortes de sujets, et que j’invitais les gens à commenter. Au bout d’un moment, j’ai lancé (nous avons lancé plutôt) une plate-forme en s’appuyant sur le service web américain Meet Up. Chacun pouvait s’inscrire s’il partageait notre manière de penser afin de se connecter aux autres, de se réunir dans les villes pour entretenir l’activisme politique sur le terrain, uniquement sur ces idées que nous partagions, pas sur des idéologies. Puis, de là sont nées les listes civiques, montées par des citoyens pour reprendre possession de la politique, de l’économie et des institutions italiennes. Maintenant, ses représentants entrent aux conseils municipaux, régionaux et, bientôt, au Parlement. Aujourd’hui, environ 400 groupes, dans 400 villes d’Italie et presque 100000 personnes adhérent à ce mouvement.

Les cinq étoiles, ce sont les cinq grandes idées : l’eau publique est la première étoile, la deuxième, le zéro déchets, c’est-à-dire le tri, la réutilisation et le recyclage. Ensuite, viennent les énergies renouvelables, la mobilité et, enfin, le Wifi libre et gratuit. Au delà de ces cinq idées, nous avons fait tout un programme : nous sommes le seul mouvement avec des idées et non des idéologies ! D’ailleurs, nous connaissons un grand succès et tout le monde est en train de nous copier.

En quoi consistaient les actions de terrains organisées grâce à Meet up ?

Il pouvait s’agir de manifestations : en vélo, du type Critical Mass, pour exiger des pistes cyclables ou pour faire signer des pétitions pour que le service d’eau devienne public, pour un système de tri avec collecte des ordures porte à porte, contre les incinérateurs, contre le nucléaire… Par ailleurs, ils menaient des campagnes d’information en allant à la rencontre des gens : ils imprimaient le journal téléchargeable qui est disponible sur mon blog, pour le diffuser.

Pourquoi le mouvement est il né sur Internet ?

Parce que chez nous les médias sont dans les mains des groupes industriels, des groupes bancaires ou des partis, qui ont tout intérêt à ne pas changer les choses et à se partager le milliard d’euros de remboursement électoral, pour survivre en parlant de tout autre chose. Nous, nous ne touchons pas d’argent public. Le movimento 5 Stelle est auto subventionné. Nous avons obtenu 500 000 signatures sans demander d’argent. Mieux : les 1,7 millions d’euros que nous devions recevoir, nous les avons refusés. Nous, nous parlons de politique : on nous a accusé d’être l’anti-politique mais en fait ce sont eux qui incarnent la vraie anti-politique.

De quoi parlez-vous sur Internet que vous ne pourriez pas aborder dans les médias ?

Nous parlons de comment mon fils se déplacera dans 20 ans. Nous voulons une société qui passe de 6 Kwat à 2 kwat, de 40 à 20 tonnes de marchandises par personne, de la semaine de 40 heures  de travail  qui passe à celle de 20… Nous avons des projets. Sur ce blog, aujourd’hui, écrivent 3 prix Nobel :  Muhammad Yunus, économiste prix Nobel pour la paix, Joseph Stiglitz et Dario Fo.

Pourquoi les médias, selon vous, ne parlent pas de vous ?

Ils n’en parlent pas, parce qu’ils ont foutrement peur ! Nous volons sous leurs radars, nous les contournons, ils ne nous perçoivent pas ! Ici, Internet est bloqué (voir notre article de cadrage, NdR) par ces groupes qui refusent de le faire fonctionner car les réseaux sont entrain de changer la société : les intermédiaires entre les citoyens et l’économie ou la politique comme les politiciens, les journalistes, les boutiquiers vont être éliminés ! Par ailleurs, c’est aussi une question d’âge : les gens de ces groupes ont 70 ans, en moyenne. Sur Internet, ils en ont 25 ou 30.

Et vous, quel âge avez-vous ?

Moi j’ai 62 ans.  Voilà pourquoi je ne me considère pas un internaute : je fais le comique et je me suis donné comme but de faciliter le dialogue entre les personnes. Je mets à disposition des instruments, comme la plate-forme du mouvement, le blog, les Meet up, comme les listes civiques, pour que les personnes, les idées, les comportements s’agrègent. Pour faire la plus grande révolution qu’il y ait dans ce pays. Je pense même qu’il n’existe rien de tel en Europe. Mais ce n’est pas moi qui l’ai faite : j’ai seulement utilisé Internet, qui transforme les usages, l’info, etc. Je fais un spectacle où je montre comment on matérialise les objets depuis le réseau, avec une imprimante 3D, comment on fabrique des objets importés d’Internet chez soi…

Comment fonctionne la plate forme en ligne ?

L’inscription se fait en ligne, gratuitement, en donnant son nom et prénom. Si un citoyen décide de s’occuper de politique, de sa ville, de sa région… Il peut le faire via le portail en lançant une liste civique en six jours. Les modalités sont publiques : nous vérifions qu’il n’a pas de casier judiciaire, qu’il n’a sa carte dans aucun parti et qu’il réside bien dans la ville, dans l’administration de laquelle il souhaite s’impliquer. S’il répond positivement à ces trois prérequis, il obtient un “label” de qualité « inscrit au mouvement cinque stelle, beppegrillo.it”. Une fois le label attribué, ils s’autogèrent, font des primaires, déposent leurs listes… Je vais donner un coup de main physiquement pour organiser des réunions publiques, dans la rue, sur des places…

Nous avons aujourd’hui 42 élus dans des villes importantes comme Bologne, Modène, Reggio Emilia, Venise, Trévise, Brindisi, deux conseillers régionaux en Emilie Romagne et deux dans le Piémont. Et tout ça, sans l’aide des journaux. Au contraire : tout le monde était contre nous !
Quant au programme, il est en wiki : chacun peut l’améliorer, il n’y a rien de figé. Des architectes débattent sur la construction de maisons passives, d’autres parlent transports, énergie, eau…
Bientôt, nous intégrerons un réseau social, une sorte de Facebook, toujours dans l’idée de créer des système simples pour que les gens se rencontrent et échangent des infos. C’est une révolution politique en soi : nous éliminons les partis, nous sommes au dessus d’eux ! Ce sont les citoyens qui se rapproprient la politique.

Au départ, les Meet up organisaient des actions contestataires. Aujourd’hui, le Movimento 5 Stelle, présente des candidats aux élections. Pourquoi être passé de la critique des institutions à leur intégration ?

Avant tout, le mouvement a explosé avec la rage de dire « dehors les parlementaires corrompus ». Notre protestation était constructive, parce que elle n’était pas fin en soi. Maintenant, avec le mouvement 5 Stelle, nous avons évolué : nous voulons proposer des choses. Un simple exemple : à Trévise,  une ville importante, un conseiller a proposé et fait adopter des lois pour  le tri sélectif de 90 écoles à coût zéro pour la commune, et avec un recyclage à 98% des déchet.

Internet était-il le seul moyen d’arriver à un tel résultat ?

Absolument. Internet est sous pression, des lois essaient de le bloquer, de le priver de financement… Ils essaient de le neutraliser par tous les moyens mais il ne s’arrêtera pas. C’est ça la force d’Internet : c’est un virus !

Photo credits: Flickr CC Gengiskunk, cinemich, nulla

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