OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Quand mon minou est tout doux, il fait miaou http://owni.fr/2011/05/05/minou-tout-doux-miaou/ http://owni.fr/2011/05/05/minou-tout-doux-miaou/#comments Thu, 05 May 2011 09:16:05 +0000 Alexie Geers http://owni.fr/?p=61107 NDLR : Suite à la polémique créée par le site “Mon minou tout doux”, Veet a décidé de suspendre sa campagne publicitaire.

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Ce matin, en faisant ma revue de presse quotidienne, je tombe sur l’article de Dariamarx, “Minou, Chou, Hibou, Caillou” et celui d’A dire d’ellesQuand mon minou est tout doux” au sujet de la nouvelle campagne de publicité Veet. Toutes les deux évoquent la nouvelle campagne de la marque intitulée étrangement “Mon minou tout doux”.

Vous aurez compris la métaphore de bon goût…

Le site Internet prend la forme d’un jeu dans lequel l’internaute peut choisir un “minou” et l’épiler grâce aux différents produits proposés. Après l’épilation, le “minou” épilé passe un test, celui du “matou” qui vérifie la bonne épilation de votre minou. Le matou considère à peu près à chaque fois que votre minou n’est pas assez épilé.

En images :

Capture d'écran, site Mon minou tout doux, mai 2011.

Capture d'écran, site Mon minou tout doux : le choix du produit, mai 2011.

Capture d'écran, site Mon minou tout doux : épilation du minou, mai 2011.

Capture d'écran, site Mon minou tout doux : vérification de l'épilation par le matou, mai 2011.

Capture d'écran, site Mon minou tout doux : le minou bien épilé selon le matou, mai 2011.

Cette campagne pour des produits dépilatoires évoque par le truchement de la métaphore la question de l’épilation intime. Pas d’aisselles ou de jambes à épiler mais bel et bien un minou, un chat ou plutôt une chatte.

Rien de bien nouveau dans la quête du glabre mais du nouveau dans la manière de l’aborder.

Dans les années 30 où apparait plus fortement le souci de l’épilation, on peut voir des publicités qui aujourd’hui nous font sourire “d’avant-après” (Pub Desfossés, juillet 33). Dans les années 60, “l’avant” a disparu et laisse place à l’après épilation, soit une peau lisse et brillante (Veet, mars 60).

Pub Desfossés (juillet 33, Votre Beauté) ; publicité Veet (mars 60, Marie-Claire)

Plus récemment, dans les clips publicitaires pour la télévision, des jambes lisses discutent entre elles (clip Veet, 2009) :

L’épilation, dans ces exemples, est liée aux aisselles, aux jambes, on peut trouver également des produits d’épilation pour le visage (sourcil, lèvres supérieures) mais encore jamais pour l’épilation intime. Ou plutôt : jamais vendus comme des produits pour l’épilation intime.

Pourtant la mode de l’épilation du pubis est loin d’être nouvelle : après avoir été appelée “épilation du maillot” évoquant le port du maillot de bain, l’épilation intime a pris de plus en plus d’ampleur, passant de la forme “brésilienne” à celle du “ticket de métro” pour arriver à l’épilation dite “intégrale”.

Cette nécessité de l’épilation créée par les rédactions de presse féminine pour conforter l’apparition sur le marché d’un nombre de produits dépilatoires toujours plus grand est devenue une nouvelle norme.

Et pourtant, alors que les produits vantés sont parfois destinés à ce type d’épilation, les publicités ne la citent jamais directement jusqu’à cette campagne Veet “Mon minou tout doux” : pour la première fois, la publicité évoque cette pratique jusqu’ici reléguée dans l’intimité.

Revenons à la forme de cette campagne. Il s’agit d’un jeu interactif dans lequel le pubis est symbolisé par un petit chat qu’il faut épiler à l’aide d’un des produits. Après l’opération, le matou, soit l’ordre masculin apporte son jugement sur l’épilation du minou. On note ici l’apparition de la figure masculine de la même manière que dans l’article d’Elizabeth Alexandre pour Marie-Claire “Gazon chéri : comment préfèrent-ils notre pubis ?”.

Article d'Elizabeth Alexandre "Gazon chéri : comment préfèrent-ils notre pubis ?", Marie-Claire (date non précisée)

L’épilation intime est présentée non pas comme une pratique individuelle mais comme une pratique destinée à la gent masculine. Le jugement de l’épilation est sanctionné par la préférence des hommes-matous. Il n’est pas si fréquent, dans une publicité cosmétique, de mentionner directement le destinataire de l’opération de séduction. D’ordinaire, le bien-être de la femme est d’abord prôné, même si la séduction est le but final. Chez Veet et ses minous, aucune mention de la pratique féminine de l’épilation mais seulement sa destination.

À cela s’ajoute le choix de l’univers visuel, du rose bonbon, des petits animaux, une musique entêtante, qui n’est pas sans rappeler le jeu préféré des 5-8 ans, Littlest Pet Shop (figurines d’animaux). Jeux dont on peut voir une version sur Internet, sur le site  Jeux 2 filles.

Capture d'écran jeux Pet Shop, site www.jeux-2-filles.com, mai 2011.

L’usage de produits dépilatoires s’adresse à une cible, certes larges mais d’adultes (plus ou moins) consentants tandis que le choix du jeu sur fond rose et petits nœuds semble évoquer l’univers (construit comme tel) de l’enfance.

Veet a fait le choix de la métaphore pour évoquer une pratique intime, ce qu’on peut assez bien comprendre puisque placarder des pubis glabres sur des affiches dépasserait les cadres de la loi. Cependant pourquoi avoir choisi des chatons enfantins ? Un jeu enfantin ? Des couleurs enfantines ? Une musique enfantine ?

Et plus qu’enfantin, un univers “petite fille” ? Car il s’agit bien de rose et de “jeux de filles”. Pourquoi faire de l’épilation du sexe féminin un jeu d’enfant ? Un jeu de petite fille ?

L’épilation des aisselles, du maillot ou des jambes appartiennent à la quête de beauté, à une recherche esthétique. Elle concerne le corps en société, le corps qui se dénude au début du siècle en même temps que se développe les loisirs de plein air. L’épilation du pubis est un peu différente puisqu’elle concerne le champ de la sexualité, cette pratique vient d’ailleurs de la pornographie où la pilosité est une exception à la norme du glabre.

Cette campagne est tiraillée entre l’hypersexualisation des enfants et l’infantilisation des adultes, l’une comme l’autre sont problématiques, même sous des dehors rose bonbon.

Au sujet de l’hypersexualisation des petites filles, voir :


Billet initialement publié sur L’appareil des apparences, un blog de Culture visuelle

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http://owni.fr/2011/05/05/minou-tout-doux-miaou/feed/ 33
Marie-Claire sans retouches ? http://owni.fr/2010/03/19/marie-claire-sans-retouches/ http://owni.fr/2010/03/19/marie-claire-sans-retouches/#comments Fri, 19 Mar 2010 10:01:13 +0000 Alexie Geers http://owni.fr/?p=10313 Quand le magazine féminin promet un numéro d’avril 100% sans retouches, qu’entend-il par là et que veut-il démontrer ? Alexie Geers, auteur du blog L’Appareil des apparences sur Culture visuelle, et nouvelle venue sur Owni, analyse l’opération.

Un an tout juste après Elle et ses stars photographiées «sans fards, sans maquillage, sans retouches» par Peter Lindbergh, Marie-Claire, nous promet, pour son numéro d’avril 2010, un numéro «100% sans retouches».

Elle, avril 2009, "Stars sans fards, sans maquillage, sans  retouches" (Monica Belluci)

Elle, avril 2009, “Stars sans fards, sans maquillage, sans retouches” (Monica Belluci)

Marie-Claire, avril 2010, Une, "Numéro 100% sans  retouches" (Louise Bourgoin)

Marie-Claire, avril 2010, Une, “Numéro 100% sans retouches” (Louise Bourgoin)

Selon Christine Leiritz, directrice de rédaction et éditorialiste, « nulle retouche, pas de tricherie »[1] dans ce numéro, pensé comme un pied de nez à la proposition de loi de Valérie Boyer[2]:  «Ce que nous voulons montrer est limpide. Marie-Claire n’offre pas une «représentation erronée de l’image du corps dans notre société» comme le craint la députée, à grand coup de logiciels de retouche, de castings de filles maigrissimes et d’injonctions à maigrir. Marie-Claire, pas plus, n’offre à ses lectrices une image réductrice d’une beauté unique et d’une jeunesse éternelle».

Une petite observation dudit magazine s’impose au regard de ce discours.

La directrice de rédaction mentionne que «les publicités ne sont pas concernées» par la non-retouche, seules les photographies dites éditoriales participent au défi. Or sur les 322 pages que comporte ce numéro, 123 sont des publicités pleine page: 30% du magazine échappe donc à la «non-retouche», donnant au numéro un aspect visuel tout à fait proche de ce dont on a l’habitude.

L’éditorialiste en a d’ailleurs parfaitement conscience «Pas sûr, même, que si nous n’avions pas ajouté la mention “photos non retouchées” vous auriez perçu un quelconque changement»…

Prêtons attention au 70% restant et aux «photographies non retouchées».

Tout d’abord, que signifie «sans retouche»? A quel moment commence la retouche d’une photographie? Au moment de l’éclairage qui unifie le visage et qui gomme les pores? Au moment du choix d’un noir et blanc légèrement surexposé? Au moment de la chromie qui elle aussi peut se révéler avantageuse? Ou plus généralement avec l’utilisation de la palette graphique et des outils de modifications numériques?

Bien entendu la rédaction de Marie-Claire entend la retouche dans son acceptation la plus courante (voir le débat sur le Worldpress[3]), la retouche numérique soit toutes les modifications que l’on peut faire sous Photoshop, mincir les modèles, effacer rides et boutons…

Pourtant les photographes n’ont pas attendu Photoshop pour donner à leurs modèles l’apparence la plus avantageuse. Ainsi si l’on regarde de plus près  la page 227 (dossier mode), bien que l’image n’ait peut-être pas subie l’action d’une gomme Photoshop, il est certain que par le travail du photographe, une partie des “défauts” si souvent traqués dans la presse féminine, disparaissent d’eux-mêmes sous l’effet de l’éclairage et du noir et blanc. Sans évidement parler du choix du modèle, lui aussi capital.

Dossier mode "Peps un the city", in Marie-Claire, avril  2010, numéro 100% sans retouches, page 227

Dossier mode “Peps un the city”, in Marie-Claire, avril 2010, numéro 100% sans retouches, page 227

Ainsi on comprend aisément que la construction d’une image photographique se fait autrement qu’en retouchant.

A la lecture de l’éditorial de Christine Leiritz, un second point me semble intéressant:  c’est la volonté de prouver que le magazine ne donne pas d’ «injonctions» à maigrir ou à l’éternelle jeunesse. Cependant, quels articles peut-on lire: “Nouvelles crèmes minceur” (p. 193), “Médecine esthétique, des nouveautés futées” (p. 204 ), ou encore “Aides minceur à dévorer” (p. 285)… soit des articles en complète opposition avec le discours de la rédaction voulant montrer des femmes qui s’assument et qui sont bien dans leur peau.

D’ailleurs, en regardant l’illustration de l’article sur “les nouvelles crèmes minceurs” (p. 193), on peut voir une image de quatre modèles très minces, qui dans un numéro traditionnel et “retouché” auraient subies un remodelage des cuisses pour les …rendre plus rondes! En définitive, dans cet exemple, la version sans retouche montre des corps plus minces que si l’image avait été retouchée.

"Nouvelles crèmes minceur", in Marie-Claire, avril 2010,  numéro 100% sans retouches, page 193.

“Nouvelles crèmes minceur”, in Marie-Claire, avril 2010, numéro 100% sans retouches, page 193.

Ce qui fait réfléchir à la place du discours. Si l’image a une place importante dans la presse féminine, il ne faut pas oublier la diversité du discours proposé par celle-ci. Comme nous l’avons dit plus haut, il y a 123 pleines pages de publicités, dont par exemple 49 pages pour la cosmétique (crèmes, maquillage, complément alimentaires “beauté”) vantant les mérites de produits censés «activer la jeunesse» ( Lancôme, Généfique), «camoufler les imperfections» (Séphora, BareMinerals), lisser les capitons et resculpter (Elancyl, Offensive cellulite),  «amincir jusqu’à 20%» (Somatoline Cosmetic, Traitement amincissant intensif )…

On peut alors se demander ce que retient la lectrice du feuilletage de ce magazine «spécial»?

Car si les images ne sont pas «retouchées», au sens «modifiées sous Photoshop», elles sont pourtant bel et bien travaillées, fabriquées, composées. D’autre part la coexistence d’article sur la minceur, sur la quête de perfection n’a pas disparu, ni les publicités du même ordre. Ce qui remet a priori en question l’idée de la rédactrice selon laquelle «Ce ne sont pas les images qui créent des schémas sociaux, comme cette proposition de loi veut nous le faire croire, mais les schémas sociaux qui se reflètent sur ces images».[4]


[1] LEIRITZ Christine, “Pas (re)touche!”, edito in Marie-Claire, avril 2010, page 30.

[2] Proposition de loi relative aux photographies d’images corporelles retouchées, http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion1908.asp

[3] GUNTHERT André, “Le détail fait-il la photographie”, L’Atelier des icônes, 7 mars 2010, http://culturevisuelle.org/icones/447

[4] LEIRITZ Christine, “Pas (re)touche!”, art. cit.

Billet initialement publié sur L’Appareil des apparences, blog de Culture visuelle

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