OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Cheveux au vent, Saint-Michel-Sarkozy explose les cocos ! http://owni.fr/2009/11/12/cheveux-au-vent-sarkozy-explose-les-cocos-au-mur-de-berlin/ http://owni.fr/2009/11/12/cheveux-au-vent-sarkozy-explose-les-cocos-au-mur-de-berlin/#comments Thu, 12 Nov 2009 17:37:55 +0000 JBB (Article XI) http://owni.fr/?p=5400 Mieux que ce bon vieux Alexandre Issaïevitch Soljénitsyne ! Depuis ce matin et un changement de statut Facebook, le monde entier sait qu’il doit sa liberté (ou peu s’en faut) au président français. Il ignore encore – par contre – que l’effondrement du mur de Berlin n’est pas le seul coup d’éclat de Nicolas Sarkozy, infatigable militant de l’anti-communisme. La preuve en images.

Cela commence à se dire.

À se murmurer.

À se savoir, donc.

Et il n’est désormais plus guère de Français ignorant que le royal meneur de revue, bûcheron d’élite, a fait tomber le mur de Berlin comme d’autres abattent les sapins à la volée.

Il y était !

En personne !

Et pas qu’un peu, hein : il pesait d’une épaule vigoureuse sur le béton, arrachait des bouts de ciment avec ses ongles, luttait pied à pied avec des gardes-frontières liberticides et usait – porté par les encouragements d’une foule enthousiaste – d’une lourde masse d’arme pour mieux faire tomber ce mur honni.

Bref : il s’est battu comme un lion pour la liberté des peuples, militant acharné arpentant le monde pour faire tomber les derniers vestiges du communisme.

La classe !
-

Comme d’habitude, il s’en trouvera pour médire, douter et crier au coup de communication trop vite monté en sauce.

Mécréants qui se refuseront à rendre au président ce qui lui revient de droit, soit la paternité de la poussée décisive ayant provoqué la chute du mur.

Et hérétiques n’acceptant pas le rôle majeur joué par Saint-Michel-Sarkozy dans l’écroulement du communisme, archange ayant finalement bien piétiné la tronche au sale dragon marxiste.

Qu’importe ces gens de peu de foi, trop habitués à nager dans le scepticisme pour reconnaître à la réalité sa force brute [1], nous – toi comme moi – savons à quoi nous en tenir.

Sarkozy est grand !

Alain Juppé est son prophète !

Et tous deux, partis ensemble pour Berlin en 1989 [2], ont joué un rôle majeur dans la mise au pas d’une rance idéologie !

Voilà…
-

D’ailleurs : je constate avec joie que nous sommes entre gens de bonne compagnie.

Et je ne résiste pas au plaisir de te dévoiler quelques clichés qu’Article11 conservait au secret, photos attendant l’instant idoine pour être rendues publiques.

Il me semble que – justement – ce moment est venu.

Et qu’il serait contre-productif de dissimuler plus longtemps des pièces historiques importantes, aussi essentielles pour comprendre le magnifique destin présidentiel de Nicolas Sarkozy que pour mieux appréhender les décennies qui, des premiers soubresauts des années 1960 jusqu’aux événements de 1989, ont conduit à l’effondrement du bloc soviétique.

Juge donc par toi-même :

4 juin 1961 : le président du Conseil des ministres de l’URSS, Nikita Khrouchtchev, homme qui a dénoncé le culte et la terreur staliniens dans un XXe rapport passé à la postérité, inaugure “la détente” et se rend à Viennes pour rencontrer Kennedy. Les deux hommes se serrent la main sous l’œil concentré d’un jeune étudiant de droit, militant anti-communiste venu en Autriche en stop et en compagnie de son ami Alain Madelin.
Nicolas Sarkozy – puisque c’est bien lui – expliquera plus tard : « Le 4 juin au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Viennes, et semblent annoncer du changement dans les rapports entre Kennedy et Khrouchtchev. Nous décidons de quitter Paris avec Alain Madelin pour participer à l’événement qui se profile. »

26 juin 1963 : John Kennedy se rend à Berlin-Ouest, ville emmurée et devenue symbole. Il y prononce, devant une foule incroyable, un discours reste célèbre. Et lance un « Ich bin ein Berliner » mythique, phrase à laquelle fait écho celle d’un jeune militant anti-communiste français, assis juste derrière lui : « Ich auch. »
Nicolas Sarkozy – puisque c’est bien lui – expliquera plus tard : « Le 26 juin au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Berlin-Ouest, et semblent annoncer du changement dans les rapports entre l’Allemagne et les États-Unis. Nous décidons de quitter Paris avec Patrick Devedjian pour participer à l’événement qui se profile. »

21 novembre 1985 : Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev entament, à Genève, un cycle de discussions et d’accords décisifs, qui mènera à la signature en 1987 du Traité de Washington et à une belle avancée en matière de désarmement. Devant un parterre de journalistes et de photographes, en présence d’un jeune militant anti-communiste français qui a suivi toutes les négociations, les deux présidents se serrent chaleureusement la main.
Nicolas Sarkozy – puisque c’est bien lui – expliquera plus tard : « Le 21 novembre au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Genève, et semblent annoncer du changement dans les rapports entre l’URSS et les États-Unis. Nous décidons de quitter Paris à moto et avec Christian Estrosi pour participer à l’événement qui se profile. »

5 juin 1989 : entre le 15 avril et le 4 juin 1989, les manifestations se sont succédées sur la place Tian’anmen, réunissant tous ceux qui, à Pékin, rêvent de réformes politiques et démocratiques. Très durement réprimé, le mouvement finit par mourir dans le sang et les larmes. Mais compte un dernier coup d’éclat, ultime symbole de la volonté de ne pas abandonner la lutte : un homme politique français, par ailleurs militant anti-communiste, se place sur la route d’une colonne de chars chinois et la force à faire halte.
Nicolas Sarkozy – puisque c’est bien lui – expliquera plus tard : « Le 5 juin au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Pékin, et semblent n’annoncer aucun changement dans les rapports entre le pouvoir et les manifestants. Nous décidons de quitter Paris à pied et avec François Fillon pour participer à l’événement qui se profile. »
-

Maintenant que tu as pu vérifier par toi-même.

Dis-moi : est-ce que c’est pas nous qu’on a le meilleur président du monde ?

Hein ?


Notes

[1] Note que ce sont les mêmes tristes sires qui – déjà – contestaient le rôle majeur joué par le grand timonier dans la relance de la construction européenne ou la résolution du conflit géorgien.

[2] « Le 9 novembre au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Berlin, et semblent annoncer du changement dans la capitale divisée de l’Allemagne. Nous décidons de quitter Paris avec Alain Juppé pour participer à l’événement qui se profile », explique Nicolas Sarkozy. Quel flair !


» Article initialement publié sur Article 11 (voir en commentaires pour d’autres merveilleux photomontages)

]]>
http://owni.fr/2009/11/12/cheveux-au-vent-sarkozy-explose-les-cocos-au-mur-de-berlin/feed/ 3
L’interview présidentielle racontée de l’intérieur http://owni.fr/2009/10/20/exclusif-avec-e-m-l%e2%80%99interview-presidentielle-racontee-de-l%e2%80%99interieur/ http://owni.fr/2009/10/20/exclusif-avec-e-m-l%e2%80%99interview-presidentielle-racontee-de-l%e2%80%99interieur/#comments Tue, 20 Oct 2009 10:49:40 +0000 JBB (Article XI) http://owni.fr/?p=4754

Tu ne l’ignores pas, ami : A11 est un repère de journalistes ratés et de scribouillards sans avenir, maigres cohortes de plumes devenues fielleuses à force d’espérer écrire pour un Grand Média. Le Point, L’Express, Le Nouvel Observateur, Libération, Paris Match, triste litanie de ces titres de presse que nous avons assiégés de nos envies, pourchassés de nos ambitions, portes closes que nous pourrions décrire dans les moindres détails tant nous nous y sommes cassés les dents, milliers de piges proposées et refusées, vains rêves de Pulitzer brisés sur l’autel de ces rédacteurs en chef qui jamais n’ont accepté de nous laisser une chance. Tu sais : ils n’ont pas voulu de nous. Alors, on l’a mauvaise, évidemment.

En ce sombre tableau que je te dresse à la volée, confession crachée par un matin maussade où les sanglots longs des violons bercent ma plume d’une langueur sonotone (il n’est pire sourd que celui qui veut écrire), une exception. Une seule. Loin du dédain des autres titres, sans faire preuve de cette morgue inutile dont (presque) tous les journalistes en titre ont usé à l’encontre de ces petits pisse-copies du net que nous sommes, une seule rédaction a eu pour nous quelques égards, nous a prêté quelques gentilles attentions. Oui : Le Figaro. Tu rigoles ? Tu te gausses ? Tu te poiles tant et plus ? Tu ne devrais pas. Sous leur froide carapace de propagandistes crétins, les journalistes du Figaro conservent quelques traces de cette chaleureuse camaraderie confraternelle qui a fait les grands jours de la Presse Française [Tout ça pour te dire : il n’est rien d’étonnant à ce que nous comptions quelques amis dans le vaisseau amiral de la maison Dassault. Des camarades. Des plumes amies. Des frères, presque !
De ces liens chaudement tissés année après année en cette rédaction, nous avons aujourd’hui décidé de te faire profiter. Nous ne doutons pas que tu sauras apprécier à sa juste valeur le document qui suit, un témoignage exceptionnel sur la façon dont le grand journalisme – puisqu’il existe encore – se construit, loin des pouvoirs et en toute indépendance. Tu ne manqueras pas – j’en suis sûr – de voir en cette confession anonyme de l’un des six journalistes ayant interviewé Nicolas Sarkozy pour Le Figaro (
entretien-fleuve publié ce matin, deux pleines pages dévolues à la communication présidentielle) un précieux contrepoint à la petite musique de l’actualité, le meilleur moyen de soulever une part de ce mystère et de ce secret qui entourent la réalisation d’une interview présidentielle. Bref : on te montre là les coulisse des médias et de l’Élysée. Profite.

Dernier point : comme Le Figaro le mentionne, ils étaient six à assaillir le président de questions toutes plus impertinentes les unes que les autres. Soit Etienne Mougeotte (directeur de la rédaction), Gaëtan de Capele, Philippe Goulliaud, Charles Jaigu, Paul-Henri du Limbert, et Guillaume Tabard, tous éminentes plumes figaresques. Notre source – l’un d’entre eux, donc – tient à l’anonymat, d’autant qu’elle exerce de lourdes responsabilités au sein de sa rédaction. Nous nous contenterons donc de mentionner ses initiales : E. M. Bien malin qui devinera de qui il s’agit…


A. 11 : Ça ne fait pas un peu beaucoup, six journalistes pour un seul interviewé ?

E. M. : C’est vrai que ça peut sembler un brin excessif. Mais que voulez-vous ? Rien n’est trop beau pour la France de Nicolas Sarkozy ! Il fallait marquer le coup.

A. 11 : Vous aviez retenu les meilleurs de vos salariés ?

E. M. : Exactement ! Ça a été un peu difficile de choisir, tant les grands talents se comptent par dizaines au Figaro. J’en ai finalement retenu cinq, mes préférés. Ils sont les plus prometteurs de mes journalistes, les plus incisifs, les moins sujets aux éventuelles compromissions avec le pouvoir, fut-il de droite. Je les couve, je suis comme une mère-poule pour eux. D’ailleurs, je les appelle “mes pioupious” : ce sont mes petits poussins.

Quand on a débarqué à l’Élysée, ça en jetait. Moi en tête, mes cinq pioupious derrière, tous à la queue-leu-leu, avec notre bloc-note à la main droite, notre Mont-Blanc à la gauche, la carte de presse siglée RF à la boutonnière. On marchait au pas bien cadencé, le menton levé et les épaules tendues. Je scandais “Une, deux, Une, deux, Une, deux…” et nous avons traversé la cour de l’Élysée ainsi. Ce fut un grand moment !

A. 11 : Le président vous attendait sur le perron ?

E. M. : Toujours ! Il m’attend toujours sur le perron. Je suis quand même l’un de ses proches, vous savez. Nous sommes à tu et à toi, lui et moi, Et ce n’est pas un mince réconfort pour le vieux briscard de la presse que je suis de se savoir apprécié et aimé par l’homme politique le plus visionnaire et audacieux de ces deux cent dernières années. Minimum !

Donc, il nous attendait sur le perron et on s’est claqué la bise. « Comment ça va, ma couille », il m’a demandé – il m’appelle toujours ainsi, je goute fort cette familiarité un brin populaire – , puis il nous a fait rentrer à l’intérieur, moi et les pioupious.

A. 11 : Le tutoiement et la bise, ce n’est pas trop pour un journaliste ?

E. M. : Comment ça ? Je ne comprends pas… Moi et mes pioupious, on bécote toujours les interviewés quand ils sont de notre bord ; c’est naturel, simplement. Ces marques d’affection sont un peu nos médailles de la Légion d’honneur, à nous journalistes indépendants, nous les portons en notre cœur comme d’autres exhibent leur rosette à la boutonnière.

Quand Nicolas Sarkozy me fait la bise, je ne me lave plus les joues pendant deux semaines. Ce serait sacrilège que d’ôter les parcelles de salive qui ont pu s’y déposer, d’enlever les traces bacillaires du plus grand homme de ce siècle commençant. Le plus grand ! Je le rappelais d’ailleurs incidemment dans un de mes éditoriaux, titré De l’audace et en date du 23 juin dernier : « En incitant les Français à épouser l’avenir pour le construire ensemble, Nicolas Sarkozy englobe un siècle d’histoire, de Jules Ferry, le père de l’école républicaine, au Conseil national de la Résistance, initiateur du pacte social qui inspire encore le modèle français. Car c’est en s’appuyant sur ce socle de valeurs communes que le président proclame son “Ayons le courage de changer” », que j’écrivais. Enlevé, n’est-ce pas ?

A. 11 : Très, oui ! Plus enlevé dans le style, d’ailleurs, que le contenu de l’entretien que vous publiez aujourd’hui. Ce dernier est un rien morne, un brin chiant…

E. M. :Pardon ? Sacrilège, sacrilège ! Vade retro, anti-sarkonitas !

(Il se signe)

A. 11 : Excusez-moi, je ne voulais pas manquer de respect au président. Disons qu’on l’a senti plus incisif, plus efficace dans sa communication…

E. M. : Rien ne vous autorise – même pas la sympathie que je vous porte – à de telles assertions.

(Il grommelle, me regarde avec méfiance. Se reprend.)

Disons… Je peux comprendre d’où vous vient ce sentiment. L’entretien ne s’adresse pas à vous, mais aux lecteurs du Figaro. Certains commentateurs fielleux, s’appuyant sur quelques affaires sans importance se sont permis ces derniers jours de suggérer un divorce entre Nicolas Sarkozy et son électorat. Prenant prétexte des innocents coups de reins en terres exotiques d’un ministre ou de la nomination bien méritée du prince héritier, ils ont extrapolé sur le prétendu fossé qui séparerait désormais le président de ses électeurs. Mensonges, que tout cela ! Il fallait donc mettre les choses au point avec ceux-là mêmes qui sont concernés. Vous comprenez ?

A. 11 : Je crois, oui. Du moins : pour le fond. Parce que ça n’explique pas la forme, ce tunnel ininterrompu de platitudes…

E. M. : Sacrilège, sacrilège !

(Il se signe, derechef. Soupire un bon coup.)

Je vais être franc avec vous, parce que je vous aime bien : ni moi ni les pioupious ne sommes responsables de la forme de cette interview.

A. 11 : C’est quand même vous qui posiez les questions…

E. M. : Que nenni ! Nous sommes venus à l’Élysée pour prendre un café, ça a été d’ailleurs un très agréable moment. L’interview – les questions aussi bien que les réponses – ce sont les conseillers du président qui s’en sont occupés. Ils ont tout écrit pendant que nous mangions les petits fours. C’est mieux comme ça, même si ce n’est à l’évidence pas leur meilleure opération de communication.

A. 11 : Mais votre édito… Vous avez au moins écrit cet éditorial joliment signé La fin de la récré ?

E. M. : Bien sûr ! Je ne laisse cette tâche exaltante à personne d’autre. Il vous a plu ?

A. 11 : Il est… euh, comment dire… très incisif…

E. M. : N’est-ce pas ? Je ne voulais pas laisser au seul président, qui a tant de choses à gérer, l’écrasante charge de la reprise en main. J’ai voulu prêter main-forte, en somme.

A. 11 : Main-forte ? C’est plutôt “poing-puissant”, tant vous dégommez tous azimuts…

E. M. : Il le fallait. J’ai allumé tout le monde. Tout le monde !
Les Français, « nos sympathiques compatriotes (qui) se délectent d’un petit jeu de massacre aux cibles tournantes » – j’ai écris « sympathiques » pour ne pas mettre benêts, hein…
« L’opposition, sans projet, sans programme, sans leader » ; sur ce point au moins, vous ne me donnerez pas tort…
« La majorité parlementaire, députés et sénateurs confondus », à qui je « recommande » gentiment la lecture de l’interview pour l’aider à reprendre ses esprits ; voilà qui devrait les calmer, ces réfractaires !
Et même les ministres ! « Si certains ou certaines ministres se sentent mal à l’aise au gouvernement, la porte est grande ouverte », que j’écris. Ça en jette, non ?

A. 11 : On peut dire ça. On a presque l’impression que vous pourriez vous-même décider de les virer…

E. M. : Qui sait, qui sait ? Moi et les pioupious, on n’a pas fini de faire parler de nous…

> Article initialement publié sur Article XI

]]>
http://owni.fr/2009/10/20/exclusif-avec-e-m-l%e2%80%99interview-presidentielle-racontee-de-l%e2%80%99interieur/feed/ 1
Délation et népotisme pour ferment de la nation http://owni.fr/2009/10/12/delation-et-nepotisme-pour-ferment-de-la-nation/ http://owni.fr/2009/10/12/delation-et-nepotisme-pour-ferment-de-la-nation/#comments Mon, 12 Oct 2009 16:24:03 +0000 JBB (Article XI) http://owni.fr/?p=4533 A la Société générale ou à l’Epad, un même poids de l’état civil : délation et népotisme pour ferment de la nation

L’un monte au firmament, l’autre s’envole pour des terres dites natales. Il est peu à voir entre les destin de Jean S., patron confirmé des Hauts-de-Seine, et de Yaro S., sans-papier qui doit son interpellation dans le même département à un guichetier de la Société Générale. Juste : tous deux jouent leur destin sur leur état civil ; et cela dit beaucoup sur la déliquescence de notre société.

« Que va t-il se passer, avec ce pétainisme soft ? On va commencer par verrouiller la protection des fortunes et de leur transmission héréditaire (…). Après quelques ronds de jambe estivaux et effets de manche en direction des débris de la gauche, s’ouvrira une guerre, insidieuse et féroce, contre le peuple, et particulièrement contre les familles et les gens les plus exposés. Que le peuple se tienne tranquille, à sa place. Que chacun mérite la place qu’il a. L’apologie du mérite, c’est ça et rien d’autre : chacun n’a que ce qu’il mérite, s’il est là, au fond du trou, c’est qu’il mérite d’être là. »

Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ?

Il en est dans les Hauts-de-Seine (92) comme partout : tous les états civils ne se valent pas.

Et si certains constituent le plus joli des viatiques vers un avenir meilleur (loin vers le sommet), d’autres ne permettent rien d’autre qu’un voyage express pour l’ailleurs (loin, tout court).

Normal.

Et il faudrait être bien mal inspiré – ou de très mauvaise foi – pour rapprocher l’ascension fulgurante dans le neuf-deux de Jean Sarkozy, très prochain dirigeant de l’établissement public gérant le quartier d’affaire de la Défense (Epad), de l’expulsion non moins fulgurante de ce clandestin aussi interpellé dans le neuf-deux, grâce à la “présence d’esprit” d’un guichetier.

Rien ne réunit, à l’évidence, ces personnages.

Si ce n’est de jouer tous deux leur destin sur leur état civil.
-

Le premier a beau s’en défendre« Je demande à être jugé non pas sur l’état civil mais sur les actes et sur les résultats » – , nul (sinon à l’Elysée) n’oserait prétendre que c’est à autre chose qu’à sa naissance qu’il doit son si remarquable parcours.

Le second n’a pas pu se défendre – ou si peu, puisque Le Monde souligne que son avocat n’a même « pas fait valoir (au tribunal) l’irrégularité des conditions de son interpellation » – quand un guichetier de La Société Générale a pris sur lui d’appeler la police et de faire fermer la banque en s’apercevant que l’homme lui faisant face n’avait pas d état civil acceptable, puisque porteur de faux papiers.
Je ne sais lequel me dégoûte le plus, du prince héritier prêt à croquer sans scrupules dans le gâteau que lui tend gentiment le paternel, ou du guichetier assez pitoyable pour encager un homme libre et le regarder s’affoler en attendant l’arrivée des forces de l’ordre.

Mais il me semble – par contre – que ce sont là deux facettes d’une même médaille, triste esprit des temps et mise à bas des dernières parcelles du pseudo idéal républicain, celui qui a chanté si fort l’égalité et la fraternité que ce refrain à tue-tête est devenu le meilleur moyen de couvrir les cris des miséreux et les plaintes des exclus.

Népotisme et délation vont de pairs, en somme, et d’autant mieux que les deux ne sont que fort peu dénoncés en place publique, tellement moins vendeurs qu’un énième rebondissement sur l’affaire-Polanski-devenue-Mitterrand grâce à la trouble intercession de la madone du FN.

Et on lit, relit et scrute continuellement les pages d’un opus sans intérêt signé d’un ministre sans intérêt, mais personne – ou peu s’en faut – ne hurle au scandale parce que le prince héritier, à 23 ans et sans même avoir validé sa deuxième année de droit, accumule les responsabilités.

Et on convoque, reconvoque et auditionne les mêmes témoins et procureurs d’une affaire à parfum de scandale, mais personne – ou peu s’en faut – ne dénonce le retour indigne du régime de vichy, citoyens ayant tellement intégrés les attentes du régime qu’ils font même le travail de police à sa place [1].

Et ce bruit monstrueux d’un côté, ce silence assourdissant de l’autre, montrent suffisamment combien nous perdons chaque jour du terrain.

-

C’est tout ?

Presque.

Prends juste acte du changement de nom de cette banque qui s’était audacieusement donnée comme slogan la phrase « On est là pour vous aider ».

Et avoue que son nouveau patronyme ne saurait mieux décrire le monde dans lequel on vit.

L’état civil, quelquefois, est quand même vachement révélateur…


> Article initialement paru sur ArticleXI (bienvenue à eux!)

]]>
http://owni.fr/2009/10/12/delation-et-nepotisme-pour-ferment-de-la-nation/feed/ 1