OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Pourquoi ProPublica se met à la publicité ? http://owni.fr/2011/01/06/pourquoi-propublica-se-met-il-a-la-publicite/ http://owni.fr/2011/01/06/pourquoi-propublica-se-met-il-a-la-publicite/#comments Thu, 06 Jan 2011 16:43:21 +0000 Megan Garber http://owni.fr/?p=41315 Allez jeter un œil au site de ProPublica, et vous noterez peut être qu’à coté des articles de blog, des boutons de dons, des projets spéciaux, et de tout ce qui fait la réputation de ce site de journalisme d’investigation, est apparu une nouvelle fonctionnalité : des bannières publicitaires. A partir d’aujourd’hui, le site internet va afficher des publicités afin de compléter les dons des différentes fondations partenaires ainsi que des lecteurs : ses deux principales sources de revenu.

“Nous avons attendu longtemps avant de le faire, ce n’était qu’une question de temps” m’a expliqué Richard Tofel au téléphone.

ProPublica n’est pas le seul à s’aventurer dans le domaine de la publicité caritative. Un certain nombre de site semblables dont California Watch, Texas Tribune, Voice of San Diego, et MinnPost affichent des messages sponsorisés de manière directe via des partenariats communautaires ou des souscriptions d’entreprises. Comme l’a expliqué Tofel dans un billet de blog expliquant et annonçant la démarche : “Nous le faisons dans l’objectif habituel : générer des recettes permettant d’alimenter nos activités, promouvoir ce que les personnes dans le milieu appellent la “durabilité”.”

Les revenus ainsi perçus ne seront certainement pas supérieurs à ce que rapportent les autres canaux de financement de ProPublica. Le site avait 1300 donateurs en 2010, en plus des 3,8 millions de dollars  accordés par la Fondation Sandler. Or la publicité web étant ce qu’elle est, les revenus publicitaires seront probablement une goutte d’eau par rapport aux donations. “Compte tenu de ce qui s’est passé ces cinq dernières années pour des prévisions raisonnables et comparables à notre audience (ndrl : plus de 1 million de pages vues mensuelles), il ne s’agira pas d’un montant très important”.

En somme, rien de comparable avec le Huffington Post, tant en termes de revenus que de contenu. Les annonces ProPublica seront délivrées via le réseau Public Media Interactive Network, un réseau de publicités web opéré par National Public Media lancé en 2008 pour vendre les espaces publicitaires vacants sur NPR.org et PBS.org. Mais ce réseau s’est récemment étendu aux sites d’information non-lucratifs (dont Texas Tribune et MinnPost feraient d’ailleurs partie selon ce communiqué de presse). Ce réseau vend des packs : les éditeurs peuvent ainsi sélectionner ou non des packs de publicités à afficher sur leur site. “Nous avons regardé la liste des annonceurs et pour le moment, aucun d’entre eux ne nous a semblé problématique.” précise Tofel. Pas de “Perdez 3 kilos en 1 semaine” ou autres monstruosités… Et puis surtout, comme le dit Tofel : “Il est de notre ressort d’accepter ou non un annonceur qui nous est proposé”. ProPublica a d’ailleurs publié une charte d’acceptabilité des publicités qui stipule :

Tout d’abord, ProPublica se réserve le droit d’accepter ou de rejeter n’importe quelle publicité ou parrainage qui nous est proposé.

ProPublica refusera toute publicité qui est réputée ou supposée trompeuse, frauduleuse, illégale, ou qui omettrait de se conformer au normes de décence, de gout ou de dignité. Ces conditions demeurant à la discrétion seule de ProPublica.

ProPublica, comme tout éditeur de journalisme de qualité, maintient une séparation claire entre les informations publiées et le contenu publicitaire. Les publicités qui tenteraient de brouiller cette distinction seront rejetées.

Voilà une approche qui permet à la fois de prendre le meilleur tout en évitant le pire. Tofel explique : “il s’agit de lâcher un peu de latitude sans risquer de tomber dans des situations inconfortables – ou pire, qui nuiraient à la confiance des lecteurs”

Cette relation avec les lecteurs – qui en définitive, considère l’audience de ProPublica non pas comme un collectif anonyme mais comme des individus dans le meilleur des sens : des amplificateurs de messages – restera constante chez ProPublica y compris avec cette stratégie publicitaire. Comme nous le verrons, promet Tofel, les partenariats existants avec d’autres médias (48 rien que la dernière année – ce qui est rare dans le milieu) continueront d’envoyer du trafic vers d’autres sites, partenaires ou autres.

Même si l’intégration de bannières publicitaires implique un intérêt à conserver et faire grossir le trafic vers ProPublica, Tofel rappelle : “nous ne sommes pas là pour faire de l’argent, nous sommes ici pour provoquer du changement, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. Mais nous avons besoin d’argent pour maintenir le navire à flots, ceci non seulement pour aujourd’hui et demain, mais aussi et surtout pour un futur plus lointain.”

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Article initialement publié sur Nieman journalism Lab

>> photos flickr CC Propublica ; mammal ; Trey Ratcliff

Traduction : Stanislas Jourdan

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Science Blogs : “Un modèle complètement nouveau” pour le Guardian http://owni.fr/2010/09/09/science-blogs-un-modele-completement-nouveau-pour-le-guardian/ http://owni.fr/2010/09/09/science-blogs-un-modele-completement-nouveau-pour-le-guardian/#comments Thu, 09 Sep 2010 06:32:50 +0000 Megan Garber http://owni.fr/?p=27445 La semaine dernière, le Guardian a lancé un réseau de blogs scientifiques dont le but est de mélanger parfaitement la science et les blogs : “nous voulons divertir, énerver et informer.

Depuis, sur le site web du journal, vous pouvez trouver des contenus de quatre blogs connus et respectés : “Life and physics” de Jon Butterworth, un professeur de physique à l’University College of London qui travaille avec le grand collisionneur de hadrons du CERN ; “The lay scientist”, le blog pop-science-pot-pourri du chercheur et éditeur scientifique Martin Robbins ; le blog de gouvernance scientifique “Political science” de l’ancien membre du parlement britannique Evan Harris ; et “Punctuated equilibrium”, du biologiste de l’évolution Grrrl Scientist.

L’idée est d’exploiter l’expertise scientifique et de la diffuser en même temps. “Ce réseau de blogs n’est pas seulement créé pour que les autres blogueurs scientifiques les lisent ; il ne s’adresse pas qu’aux autres scientifiques“, explique Alok Jha, le correspondant en science et en environnement qui a eu l’idée du réseau et qui (en plus de son travail de journaliste) le supervise maintenant. Le réseau a l’intention d’atteindre (et de divertir/faire enrager/informer) le plus possible de personnes. “Nous sommes un journal généraliste, note-t-il, et tout ce que nous faisons rentre dans ce prisme.


Le réseau marque aussi un nouveau petit décalage dans l’écosystème médiatique : le media de référence et les blogueurs indépendants collaborent pour élargir leur audience, plutôt que de se faire concurrence.

Si cela semble familier (NDT : au Royaume-Uni), c’est sans doute que ce nouveau réseau est une réponse directe au journaliste du Guardian Alan Rusbridger, qui vise la mutualisation journalistique. “C’est bien d’avoir les critiques des scientifiques quand nous faisons une erreur, note Jha. Les scientifiques vont nous apporter un peu de leurs rêves” ; en retour, ils seront lus par une audience plus large.

Audience et paiement

Le réseau du Guardian arrive alors que les réseaux de blogs scientifiques (anglo-saxons NDT) composés de blogs très spécialisés prolifèrent. La semaine dernière, PLOS (Public Library of Science), un éditeur  non-profit de revues scientifiques en accès libre surtout centré sur les sciences naturelles, a lancé son réseaux de onze blogs. Les blogs Plos rejoignent Wired Science, Scientopia et d’autres. Et bien sûr, on a beaucoup parlé des blogs scientifiques avec ScienceBlogs et le scandale du PepsiGate. L’incursion du Guardian dans les réseaux de blogs scientifiques ne s’est pas faite en réaction à ce scandale (PepsiCo a envoyé ses experts contribuer à des réseaux de blogs se revendiquant fièrement indépendants), le projet étant en route depuis le printemps.

Cependant, “cela a tout  accéléré, explique Jha. Je pense qu’il y a eu une réflexion chez les blogueurs : ‘Que faisons nous maintenant ? Comment le faisons nous ?’ et ça nous a amené à nous dire, ok, c’est le moment de le faire.

Le projet général est des plus classiques : plus de contenus pour les medias, plus d’audience  pour les fournisseurs de contenus.Beaucoup de scientifiques veulent écrire, raconte Jha ; mais il y en a beaucoup moins qui comprennent l’alchimie mystérieuse requise pour présenter les choses aux entreprises de presse. L’arrivée des blogs a bousculé la relation entre les experts et le grand public (Le Guardian lui-même, dans ce cas, passe du rôle du gardien à celui d’hôte)”.

Le résultat, pour les scientifiques, ce n’est pas l’audience au sens du Huffington Post (signer un article = argent). Le Guardian paye les blogueurs pour leur travail. Ce qui est plus une question de principe qu’une question économique :

Même si certains scientifiques écrivaient déjà sur leurs propres blogs sans être payés, explique Jha, nous avons pensé que ce n’était pas possible de ne pas payer car ce serait de l’exploitation.

La solution : les revenus sont partagés à 50/50. Le Guardian vend des pubs contre les pages des blogueurs ; les blogueurs, en retour, touchent la moitié. Mais c’est encore en expérimentation (et les publicités sur le web sont notoirement volatiles, même sur un site dont le trafic est très élevé comme celui du Guardian) l’arrangement inclue aussi une sorte d’assurance financière pour les blogueurs : si les revenus publicitaires s’effondrent en dessous d’un seuil, l’accord sera revu.

“Indépendant de toute interférence”

Bien que les bannières de blogs varient, ils gardent, dans leur présentation du Guardian, un slogan unique : “HOSTED BY THE GUARDIAN.” (hebergé par Le Guardian) C’est une manière de clarifier (et de réitérer) le fait que, bien que les contenus des blogs soit sur le site du Guardian, ils ne viennent pas complètement du Guardian.  “L’idée, c’est que ce ne sont pas des blogs de journalistes internes, précise Jha. Ce sont eux (ce qu’ils pensent indépendamment de toute interférence).

Et “indépendant” veut vraiment dire “indépendant.” Les blogs ne sont pas modifiés (ni leur contenu, ni leur copie). Contrairement à d’autres arrangements d’hébergement blogs/journaux (voir, par exemple Nate Silver, dont le FiveThirstyEight est lié officiellement au New York Times - et dont le contenu est relu et édité  par l’équipe du Times) les blogs scientifiques du Guardian sont relus par les blogueurs eux-mêmes. Pour ces deux premières semaines , oui, un directeur de la production relira les billets avant de cliquer sur “publier.” Mais c’est temporaire (cette période est prévue pour régler les problèmes techniques et pour installer la confiance des deux côtés). Le but, après cette période d’essai initiale, est de donner aux blogueurs l’accès libre aux outils de publication en ligne du Guardian (quelque chose, précise Jha, “que personne à part l’équipe interne ne pouvait faire avant“. Le projet (simple mais symbolique, aussi) est que les blogueurs pourront bientôt publier directement  sur le site du Guardian sans intermédiaire. “C’est un modèle complètement nouveau pour nous“, explique Jha (car , pour l’instant, “tout est édité.“)

Jha est au courant des maux de têtes potentiels qui accompagnent la liberté (une notion qui est particulièrement menacée au Royaume-Uni, dont le système légal se moque beaucoup. “Comme entreprise de presse, nous sommes très attentif à rester du bon côté de la loi” commente Jha ; Cependant encore une fois, “nous essayerons de ne jamais censurer“. Jha et ses collègues ont pris beaucoup de temps pour discuter de l’équilibre entre la liberté d’expression et l’obligation de préserver leur responsabilité légale au lancement du réseau. Finalement, le projet a gagné contre les précautions. “Nous sommes plutôt prompt à dire ‘publions’ plutôt que nondit-il. Et depuis que les blogs d’information existent, le but est d’être dans une relation moins hiérarchique, pas plus. “À la fin, nous aimerions qu’ils aient un contrôle complet, commente Jha. C’est l’ambition“.

Article initialement publié sur NiemanJournalismLab

Illustration FlickR CC : practicalowl

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Vers un journalisme de suivi? http://owni.fr/2010/08/04/a-quand-une-plate-forme-dediee-au-journalisme-de-suivi/ http://owni.fr/2010/08/04/a-quand-une-plate-forme-dediee-au-journalisme-de-suivi/#comments Wed, 04 Aug 2010 11:18:05 +0000 Megan Garber http://owni.fr/?p=23634 Dans son analyse des implications journalistiques des fuites de Wikileaks sur les Wars Logs en Afghanistan, publié plus tôt cette semaine, Jay Rosen fait une prédiction provocatrice :

La réaction sera incroyablement plus faible que ce que nous sommes en droit d’attendre – pas parce que l’histoire n’est pas assez sensationnelle ou dérangeante, mais parce que c’est trop dérangeant, un bordel que nous ne pouvons pas réparer et que nous préférons donc oublier… Le schéma mental sur lequel la plupart du journalisme d’investigation se fonde part du principe que des révélations explosives mènent à un tollé public ; les élites reçoivent le message et réforment le système. Mais que se passe-t-il si les élites croient que la réforme est impossible parce que les problèmes sont trop gros, les sacrifices trop importants, le public trop sujet à la distraction ? Si la dissonance cognitive a été insuffisamment prise en compte dans notre théorie sur le fonctionnement du grand journalisme… et ne fonctionne souvent pas ?

Il est encore tôt pour le dire, bien sûr, mais il est bien trop probable que les prévisions de Rosen se révèleront exactes : les documents fuités, après leur révélation, se dissolvent dans un système mal équipé pour les traiter. J’espère que nous aurons tort. Cependant, cela vaut la peine d’ajouter un autre paramètre à l’analyse de Rosen : le rôle des journalistes eux-mêmes dans la mise en forme et le filtrage des documents. En effet, si l’arbre massif qu’est WikiLeaks tombe dans une forêt inhabitée, ce ne sera pas tant seulement à cause de la dynamique entre l’opinion publique et les élites politiques qui l’éludent souvent qu’en raison de la dynamique entre l’opinion publique et ceux qui la façonnent. Ce sera à cause des suppositions (parfois dépassées) que les journalistes font sur le mouvement de leurs articles à travers le monde. Le vrai défi auquel nous faisons face n’est pas la forêt vide. C’est une forêt si touffue – si débordante de croissance, retentissante de bruit, que nous oublions le bruit que fait le premier arbre en tombant.

Publication, publicité

Avant, l’imprimé et la culture de la diffusion offraient aux journalistes une audience limitée, mais quasiment automatique. Quand vous avez des abonnés et des lecteurs réguliers, leur loyauté assurée par l’étroitesse du marché des médias, vous avez le luxe d’ignorer l’aspect distribution du journalisme. Le corollaire étant que vous avez aussi le luxe de supposer que votre production journalistique, une fois publiée, impliquera des changements sur le monde. Automatiquement.

Et le journalisme d’investigation, en particulier, qu’il soit mené par Bly ou Bernstein ou Bogdanich, fonctionne généralement sous la théorie de la distribution bien rôdée : des découvertes scandaleuses mènent à des publics scandalisés mènent à modérer les décideurs mènent au changement social. (Pour plus d’information sur ce sujet, écoutez le dernier podcast de Rebooting the News.) Le journalisme était un levier de la démocratie ; la publication était la publicité, et donc, de même, la fin de l’engagement d’un média à couvrir un sujet. La question de la distribution, de la circulation d’un article important à travers la société, n’était généralement pas le problème des journalistes.

Ce qui était pratique, c’est sûr: comme groupe, les journalistes sont nécessairement obsédés par la nouveauté, et ont toujours été poussés par L’Article Suivant. Il existe une fine ligne de démarcation, entre l’amplification d’un sujet et le plaidoyer en sa faveur ; la rhétorique du “ne tirez pas sur le messager” de la collecte d’informations tient la route tant que les messagers en question maintiennent la distance appropriée avec les nouvelles qu’ils délivrent. Et une des façons de maintenir la distance, c’était une séparation structurée des articles via une trame d’endiguement narratif. Produit, publie, dégage.

Le web, cependant, pour répéter nos observations, change tout cela. Les plates-formes digitales – les blogs, de la façon la plus explicite, mais aussi les véhicules du journalisme digital dans leur ensemble – ont introduit une forme de storytelling plus itérative, qui met au défi de façon subtile le print et les suppositions admises de confinement conceptuel. Pour des journalistes comme Josh Marshall et Glenn Greenwald et autres chasseurs de scandales des temps modernes, être journaliste est aussi, implicitement, être un avocat. Et donc, se concentrer sur l’aspect de suivi du journalisme, pas uniquement allumer des feux, mais les maintenir vivaces- est fondamental dans leur travail. De plus en plus, dans l’économie des médias digitaux, les bons journalistes trouvent les histoires. Les très bons les entretiennent. Les meilleurs les gardent enflammés.

Et pourtant, pour en revenir à la question de WikiLeaks, cet éthos de la continuité n’a en général pas été intégré dans la culture au sens large, parmi les journalistes et leur public. L’un des raisons à cela est la question du momentum, le défi éditorial du maintien de l’intérêt du lecteur pour un sujet donné, sur une longue période de temps. Les questions politiques prises dans l’inertie du Congrès, les campagnes militaires qui durent de mois en années, les questions sociales cachées à la vue de tout le monde, – leur temporalité en elle-même devient un problème à résoudre. Pour prendre l’exemple le plus infamant, il y a une raison pour laquelle les campagnes politiques ne se distinguent souvent pas d’un épisode de Toddlers and Tiaras“ : les campagnes étant des affaires qui s’étalent sur des années (elles sont plus longues maintenant, en fait : Mitt Romney et Mike Huckabee sont sans doute en train de creuser Maid-Rite loose-meats pendant que j’écris ce texte), les journalistes se focalisent souvent sur les bagatelles/conflits/etc. pas nécessairement parce qu’ils pensent que ce focus aboutit à un meilleur journalisme, mais parce qu’ils estiment, probablement avec raison, que cela soutient l’attention de leur audience comme la saison des élections démarre.

Which is all to say — and not to put too expansive a point on it, but — time itself poses a challenge to the traditional notion of “the story.” Continuity and containment aren’t logical companions; stories end, but the world they cover goes on. The platform is ill-suited to the project.

Ce qui signifie – et pour ne pas être trop expansif là-dessus- , mais le temps en lui-même pose un défi à la notion traditionnelle de “l’article” [story]. La continuité et l’endiguement ne sont pas des compagnons logiques ; les histoires prennent fin mais le monde qu’elle couvre continue. La plateforme n’est pas adapté au projet.

Dossierasuivre.org ?

Alors que s’attaquer de front au problème n’est pas une tâche facile – c’est à la fois systémique et culturel et donc très dur à résoudre, j’aimerais finir avec une considération expérimentale (quoique petite, timide, en l’air). Si nous avions un cadre dédié au journalisme de continuité – une organisation dédiée à l’information dont le seul but serait de suivre les sujets dont la maigre ampleur les empêche d’être l’objet d’un suivi par les médias déjà existant ? Que se passerait-il si nous prenions le modèle de PolitiFact – une niche dédiée non pas à un sujet ou une région en particulier, mais à une pratique particulière – et l’appliquions à suivre les faits plutôt qu’à les vérifier ? Si nous avions un cadre dédié au reportage, à l’agrégation et à l’analyse de sujets qui méritent notre attention – une équipe de journalistes, de chercheurs, d’analystes et de spécialistes de l’engagement dont l’existence professionnelle entière est centrée sur le maintien en vie de ces histoires qui méritent notre attention ?

Bien sûr, vous pourriez avancer que les blogueurs professionnels et amateurs font déjà ce travail de suivi ; les organes de presse historiques le font eux-mêmes, aussi. Mais ils ne font pas assez souvent, ou de façon assez systématique. (C’est une raison majeure pour laquelle c’est si facile d’oublier que la guerre fait toujours rage en Irak, que 12,6% des Américains vivent en-dessous du seuil de pauvreté, etc.) Ils manquent souvent d’incitation, pour, disons, localiser un sujet comme les Wars Logs pour leurs lecteurs. Ou pour la contextualiser. Ou, en général, pour suivre son évolution. Un cadre indépendant – et, hé, c’est une idée expérimentale, “cadre indépendant” peut aussi inclure un blog dédié sur le site d’un média historique – n’empêcherait pas d’autres boutiques de faire du travail de suivi sur leurs propres sujets ou celui d’un autre, comme la présence de PolitiFact n’empêche pas d’autres cadres de faire du fact-checking. Une boutique solitaire cependant servirait comme une sorte de réseau de sécurité sociale – une assurance contre l’apathie.

Comme le contributeur du Lab C.W. Anderson faisait remarquer lundi : “Je me demande ce qu’il faudrait pour qu’un dossier comme la bombe des War Logs reste dans l’esprit des gens assez longtemps pour que cela signifie quelque chose”.

Je me le demande aussi. J’adorerais trouver.

Billet initialement publié sur le Nieman Lab ; traduction Sabine Blanc et Martin Untersinger

À lire aussi : Pour un journalisme de suivi

Illustration CC FlickR fotoamater.com

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Un modèle “pay what you want” pourrait-il marcher pour l’info? http://owni.fr/2010/06/09/un-modele-decide-du-prix-pourrait-il-marcher-pour-linfo/ http://owni.fr/2010/06/09/un-modele-decide-du-prix-pourrait-il-marcher-pour-linfo/#comments Wed, 09 Jun 2010 17:18:56 +0000 Megan Garber http://owni.fr/?p=17644 L’ancien directeur de Panera Bread a récemment annoncé une expérimentation intrigante : le magasin de la chaine à Clayton, dans le Missouri, se débarrasse des prix. La franchise de Clayton, actuellement présentée comme un restaurant “non-profit” et renommée “Saint Louis Bread Company Cares Cafe” offre les mêmes produits que les magasins Panera classiques : pâtisseries, soupes et salades. Au lieu d’assigner une valeur monétaire aux produits, le magasin laisse les clients décider de ce qu’ils vont payer.

“Prenez ce dont vous avez besoin, laissez ce qui vous semble juste”, peut-on lire sur une pancarte au-dessus du comptoir.

Ce type de modèle n’est pas nouveau. Mais souvent, cela ne marche pas. “Si vous utilisez un schéma PWYW [Pay What You Want, Ndt] trop généreusement, vous vous exposez à un désastre financier“, fait remarquer l’économiste Stephen Dubner. Imaginez si Tiffany & Co. instaurait une journée PWYW sur les bijoux en diamant.”

Pourtant, dans les conditions adéquates, cette approche peut se révéler assez efficace. Chez One World Everybody Eats, une soupe populaire à Salt Lake City, Denise Cerreta gère un service analogue à l’expérience de Panera : au lieu d’attribuer un prix aux repas que One World sert, elle demande aux clients de payer ce qu’ils peuvent – et, m’a-t-elle dit, “de payer un peu plus si possible.” Elle a vu juste, semble-t-il : One World fonctionne depuis sept ans.

Ce qui m’amène à la question que vous avez sentie venir : est-ce que le modèle de paiement de Panera fonctionnerait pour l’information ?

Sollicitation, pas demande

De nombreux exemples tendent à prouver que le modèle ne tient pas pour l’information. Carta, la publication allemande sur les affaires publiques, a reçu 198,27 dollars en dons de 65 personnes sur Kachingle, une plate-forme spécialisée, soit le record actuel du site. Woo. Le ridicule des sommes récoltées s’explique par une raison : nous aimons les prix. Ou, plus précisément, nous sommes conditionnés à en attendre.

Mais que se passerait-il si nos attentes changeaient ? Si les sites de l’information implémentaient dans leurs interfaces en ligne une sollicitation plus structurée et systématique pour rétribuer les contenus  ?

Prenons de nouveau One World. Une des raisons pour lesquelles l’effort de Denise Cerreta porte ses fruits, c’est qu’au café, le comportement des consommateurs est surveillé. Le café a construit en son sein ce que Cerreta appelle “un point de responsabilité” : un endroit où, évoluant dans le continuum consommation-satisfaction, les consommateurs savent que c’est le moment où l’on attend  qu’ils compensent ce qu’ils ont (littéralement) consommé. Dans le cas de One World, le “point de responsabilité” est une simple boîte à dons. Elle est placée – de façon explicite, intentionnelle et inévitable – en public.

Et c’est ça qui fait une grosse – peut-être toute – la différence (souvenez-vous de l’expérience Big Brother Eyes d’il y a quelques années). On peut dire que quand cette responsabilité est négociée en privée, que seul l’éclat de l’écran éclaire nos actions (bonnes ou mauvaises), notre volonté de mettre quelques pièces dans la boîte à dons devient certainement moins affirmée.

Pourquoi ne pas envisager une approche plus souple de la définition de ce qui est public ou ne l’est pas?  Que se passerait-il si nous traduisions le point de responsabilité physique de Cerreta en interactions éphémères du web ? Si les citoyens ont besoin d’une petite incitation pour se comporter dans le privé avec autant de sens civique que dans le public, impossible d’affirmer que les sites d’information ne puissent la fournir  (ou du moins expérimenter pour ce faire). Il s’agirait simplement d’intégrer cette incitation dans la structure et les modèles de consommation. De créer, pour adapter la phrase de Cass Sunstein, une architecture de la responsabilité.

La première étape serait de recadrer les termes de la transaction concernant les fournisseurs d’information : de la cotisation (obligatoire et donc purement économique) au don (optionnel, et qui implique que l’on considère l’information comme un bien commun). C’est un glissement sémantique, certainement ; mais il pourrait aussi être psychologique.

Prenons le travail d’Edward Deci. Lors d’une série d’expériences dans les années 70, le socio-psychologue a étudié le comportement de deux groupes de sujets. L’un devait résoudre un puzzle, l’autre était payé pour résoudre le même puzzle. Ceux qui ont travaillé pour ce que Deci appelait la récompense “intrinsèque” de la résolution du puzzle – la simple satisfaction du travail bien fait – eurent plus de succès, constata-t-il, pour trouver la solution que ceux qui étaient payés. C’est ironique, mais le paiement produit un effet désincitatif.

Deci étudiait la motivation à travailler, plutôt que la motivation à payer. Cependant, ses découvertes générales (officiellement, que “la récompense monétaire contingente réduisait en fait la motivation intrinsèque de la tâche“) sont éclairantes. Introduire un moyen concret de paiement dans un échange qui serait sinon éphémère peut parfois décourager l’action, plutôt que de l’encourager ; assigner une valeur monétaire à des biens et des expériences peut limiter – et même nier – leur valeur. Les prix sont pratiques, bien sûr, et, dans la plupart des cas, entièrement nécessaires. Mais nous préférons nous voir motivés par autre chose qu’une obligation machinale, peut-être par ce qu’on appelle l’altruisme.

Responsabilité et urgence

Ce que les découvertes de Deci suggèrent pour l’information, c’est que, paradoxalement, “ce serait bien si vous payiez” pourrait en fait être plus incitatif pour les consommateurs que le plus brusque et plus transactionnel “vous devez payer”. Les murs payants sont une chose ; les portes de paiement, du type “prenez un bout”, “payez ce que vous estimez être juste !”, en sont une autre. La perméabilité suggère la confiance ; l’espoir que quelqu’un se comporte bien suscite son comportement positif. Le contraire de la théorie des fenêtres cassées.

De nouveau, le caractère public (lire : la responsabilité publique) constitue la clé. Les personnes qui font tout pour être de bons citoyens veulent aussi être reconnus comme tels. Chaque année, je reçois une série de mails de ma faculté (comprenant habituellement un petit diaporama : “campus en automne”, “campus au printemps”, “campus en été”, avec enfants, chiots et arc-en-ciel) demandant des contributions pour sa campagne annuelle de dons. Souvent, je laisse passer plusieurs de ces mails avant de faire effectivement un don. Ce n’est pas que je ne veux pas ou que je n’ai pas l’intention de donner, c’est qu’il ne semble pas urgent de répondre. Le paiement se veut une sollicitation mais fait l’effet d’une demande : il n’y a pas à payer maintenant, cela peut-être effectué n’importe quand. Et cela diminue la dynamique de la transaction.

L’un des mails les plus récents que j’ai reçus utilisait toutefois un autre ressort que la simple nostalgie : il montrait une longue liste de donateurs de ma classe -ostensiblement, comme une manière de les remercier pour leur contribution en le faisant savoir publiquement… mais aussi, bien sûr, comme une façon de pousser en avant ceux qui n’avaient pas encore contribué. Le bruyant espace vide entre “Ganson” et “Geannette”, je dois dire, engendre un excellent effet dissuasif contre une future velléité de trainer des pieds. Soudain, l’urgence était implicite.

En d’autres termes, l’équipe en charge de la récolte des dons a introduit dans sa sollicitation un point de responsabilité. Pas un tiroir-caisse virtuel, une approche “payez maintenant ou vous n’obtiendrez pas les biens que vous voulez” : c’est impossible pour des gens en quête de donateurs qui ne vendent pas des biens mais du bien potentiel. Mais un message plus subtil et pourtant aussi marquant : “vous payez maintenant ou tout le monde saura que vous n’avez pas payé“.

Le capital social est un bien économique autant qu’un bien civique ; ces personnes en quête de donateurs ont imbriqué cela dans leur mail de façon si implicite que leur sollicitation a soudainement pris l’apparence de la demande. En mettant l’accent sur l’aspect social de leur appel à l’action plutôt que sur le monétaire, , ils ont transmis le fait qu’ils parlaient business. Littéralement.

Tirer partie de l’économie sociale

Quand on parle du problème de la monétisation, nous tombons parfois dans le piège de l’équation “modèle payant” = “paywall”. Nous supposons que l’information est une marchandise simple, et que le modèle du tiroir-caisse est donc la seule solution viable pour la monétiser (“nous ne sommes pas NPR, après tout“). Mais l’approche focalisée sur la marchandise ignore l’aspect social de l’économie des médias.

Particulièrement en ligne, avec les mécanismes de mutualisation intégrés dans le web, l’information est un bien social autant (et peut-être même plus) qu’un produit à acheter et vendre. C’est donc un bien d’expérience – quelque chose qui a besoin d’être consommé avant que sa valeur ne soit déterminée avec précision. Un modèle basé sur le principe du pourboire – qui combine la récompense obtenue pour un job bien fait avec le prestige social de se montrer assez généreux pour laisser un pourboire – fait plus sens que le paywall, qui par nature n’est pas fluctuant.

Mes exemples de dons, l’expérimentation de Denise Cerreta (“décide du prix”) et les anciens de ma fac, sans parler de l’expérience de beaucoup de médias publics financés par les cotisations des auditeurs – suggèrent le potentiel du paiement de l’information orientée sur la sollicitation plutôt que sur la demande. Ils montrent ce qui se passerait si nous injections un peu d’humanité dans les business models de rétribution des contenus, pratiques mais néanmoins totalement impersonnels. Les individus sont, après tout, plus heureux de donner que de payer des factures. Même si les chèques que nous signons sont du même montant.

Cela ne veut pas dire que le recadrage des termes de la transaction est une réponse large au problème de la monétisation des contenus. “Pas de formule magique” est devenue à raison une ritournelle connue. De plus, comme Laura Walk, la présidente et directrice de WNYC, me l’a dit lors d’une conversation à propos de la généralisation du modèle PWYW:

Je pense qu’il y a un attrait plus fort vers le soutien à une organisation qui n’est pas financée par la publicité – il ne s’agit pas là de fournir une audience aux annonceurs – mais qui mène une mission. C’est pourquoi, je crois, les gens nous apprécient.

Cela vaut peut-être la peine d’élargir nos idées quant aux structures de payement. Les nombreuses expérimentations que nous observons dans les réseaux sociaux en ce moment – le HuffPo met en place la reconnaissance des membres engagés de la communauté, le système de commentaire star de Gawker, la liste publique des donateurs de Kickstarter et de Spot.us, le système des badges au mérite de Foursquare – tirent partie de la connexion culturelle à l’information des utilisateurs, et de leur désir d’être reconnus pour leur bon comportement citoyen dans les cultures que les systèmes d’informations créent.

Que se passerait-il si ces mêmes motivations étaient employées au service de la monétisation de l’information en ligne ? Si nous dirigions notre attention des transactions aux échanges ? Kachlingle n’a peut-être pas seulement révolutionné les structures du paiement en ligne : son bocal à pourboire digital reste rare sur les sites. Mais si le New York Times – ou le Washington Post, ou le Huffington Post – proposaient leur propre Kachingle ? S’ils avaient aussi un système de badge pour louer en public les gens qui ont soutenu financièrement leurs services ? Si, au lieu d’ériger un paywall, ils bâtissaient leur site sur une architecture de l’altruisme ?

C’est une expérience, certainement. Une expérience qui va peut-être échouer. Encore un mot cependant: j’adorerais voir ce qui se passerait si nous élargissions un peu notre idée de modèle payant viable.

Billet initialement publié sur le Nieman Lab.

A lire également sur le sujet, hors de la soucoupe : Flattr, le système de micropaiement qui va sauver la presse ?wall de rue 89 ; Paul Jorion

Crédits Photo CC Flickr : Danielygo, Another Point In Time, Ken Wilcox, Shelly’s Blogger.

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