OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Lescure, du droit d’auteur au devoir d’hébergeur http://owni.fr/2012/12/06/lescure-du-droit-dauteur-au-devoir-dhebergeur/ http://owni.fr/2012/12/06/lescure-du-droit-dauteur-au-devoir-dhebergeur/#comments Thu, 06 Dec 2012 15:11:04 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=127024

“Maintenir les principes [du droit d'auteur] en les adaptant”. C’est la philosophie de la mission confiée par le gouvernement à Pierre Lescure, qui a fait en fin de matinée un très chic rapport d’étape [PDF] dans les salons du ministère de la Culture, en présence de sa locataire, Aurélie Filippetti.

Lescure, Pellerin et Filippetti dans un sac de noeuds

Lescure, Pellerin et Filippetti dans un sac de noeuds

L'Internet français entre Monty Python et Plus Belle la Vie. Bug Facebook, pigeons, Lescure, guerres de ...

Le point presse, révélé dans ses grandes largeurs quelques heures plus tôt sur le site du Monde, était surtout destiné à occuper le terrain dans un agenda gouvernemental chargé sur les questions numériques : les conclusions sur le rapprochement du CSA et de l’Arcep devrait arriver “dans les prochains jours” a indiqué la ministre, suivies de près par celles du rapport dit “Colin et Collin” sur la fiscalité numérique.

Avec son cœur d’hébergeur

L’occasion pour la ministre et son chargé de mission de rappeler, badges officiels vissés sur le cœur, leurs priorités pour un “Acte 2 de l’exception culturelle”. Mais aussi de commencer à ruer dans les brancards. Seule annonce véritable de la matinée, Pierre Lescure a en effet fait part de son intention de “revenir sur certains statuts, dont celui des hébergeurs”.

Et par hébergeurs, il fallait en fait entendre Google : la mission Lescure s’inscrit pleinement dans la guerre que mène le gouvernement français à l’encontre du géant du web, dans un objectif de reconquête de sa “souveraineté numérique”. Une souveraineté qui doit également être “culturelle” a signalé le fondateur de Canal +, déclarant :

Quand l’hébergeur a un service comme YouTube et qu’il recommande des choses à l’utilisateur, il est plus qu’un hébergeur.

Mission Lescure impossible

Mission Lescure impossible

La guerre serait-elle déjà déclenchée ? A peine installée, la mission Lescure, qui planche sur l'avenir de la culture ...

Interrogé sur une éventuelle incompatibilité avec le droit européen, qui fait autorité en la matière, Pierre Lescure a indiqué que “l’Europe n’a pas toujours raison” et qu’elle “peut évoluer”. Sans en dire davantage sur les modalités concrètes de cette évolution du régime de responsabilité des hébergeurs, véritable serpent de mer du secteur. Ce qui est sûr, c’est que la mission souhaite “responsabiliser” davantage ces acteurs, qui ne peuvent être considérés comme des “tuyaux neutres”. Pour pourquoi pas, aussi, mieux les taxer, même si l’ancien boss de Canal s’est défendu de vouloir mettre en place “le meilleur système “ permettant d’y parvenir.

Contacté par Owni, Google n’a pour le moment pas répondu à nos sollicitations.

Auditions et contradictions

Sur les autres orientations de la mission, mise en place d’une offre légale et lutte contre la contrefaçon, le temps a surtout été à la répétition.

Pierre Lescure a plaidé une nouvelle fois pour une offre légale made in France, en particulier dans le cinéma, où les tarifs, la diversité des catalogues et la chronologie des médias actuelle laissent encore à désirer.

Évidemment, pas un mot ou presque sur Hadopi, avec laquelle Pierre Lescure assure néanmoins travailler en bonne intelligence. En matière de défense de la propriété intellectuelle en ligne, outre la responsabilisation des hébergeurs, il indique vouloir agir de manière plus globale, en “luttant contre les sites illégaux en amont” et en “tarissant leurs sources de financement”.

La mission a par ailleurs confirmé son intention de ne pas aller vers une légalisation des échanges non marchands, “via une ‘licence globale’ ou une ‘contribution créative’”, soulignant que cette mesure “fait l’objet d’un rejet assez général”. Le collectif de la Quadrature du Net et l’UFC Que Choisir, favorables à ce mécanisme, déclaraient fin septembre leur intention de boycotter la mission.

Nous, les autistes du web

Nous, les autistes du web

Les professionnels du cinéma, dans leur majorité, n'aiment pas beaucoup Internet, au mieux utile aux opérations marketing ...

La mission poursuivra ses auditions jusqu’à fin décembre. Ce sera alors l’heure de la réflexion et de l’émission de propositions concrètes. “Entre nous” a précise Pierre Lescure, qui dit néanmoins veiller à l’écoute des différentes voix de la culture et du numérique. Un remue-méninges qui devrait durer “deux à deux mois et demi” avant la confrontation publique.

Pour le moment, le bilan semble bon : la presse (Le Monde ou Libération ce jour) salue par exemple l’effort de consultation, face aux “simulacres” de discussions des “missions Olivennes ou Zelnik lancées sous l’ère Sarkozy, qui ont surtout masqué des décisions prises d’avance (Hadopi en tête)”. Mais au-delà de l’intention, restent à voir les arbitrages concrets et la manière dont le gouvernement tranchera (ou pas) les “contradictions” observées par Pierre Lescure dans un bouillon de culture toujours aussi agité.

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CSA-Arcep, la fusion dans le frigo http://owni.fr/2012/11/22/csa-arcep-la-fusion-dans-le-frigo/ http://owni.fr/2012/11/22/csa-arcep-la-fusion-dans-le-frigo/#comments Thu, 22 Nov 2012 10:43:25 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=126487

On va pas se mentir : depuis le début, ça sentait le roussi. Trop complexe, trop politique et soumis à un calendrier serré, le projet de rapprochement des gendarmes des telecoms (Arcep) et de l’audiovisuel (CSA) devrait accoucher d’une souris.

Internet en fusion

Internet en fusion

En lançant une réflexion sur le "rapprochement" de l'Arcep et du CSA, le gouvernement ressuscite un serpent de mer qui ...

Selon Les Échos, l’idée d’une fusion pure et simple des deux autorités serait “exclue” car “prématurée”. A la place, “un rapprochement progressif” serait privilégié. Le journal économique évoque la “mise en place d’une structure commune [...] composée de membres des deux Autorités, [...] créée par la loi et dotée d’une personnalité juridique”.

Selon nos informations, cette piste semble en effet se dessiner assez clairement du côté du gouvernement, même si rien n’est arbitré pour le moment. Si cette option est privilégiée, restent à François Hollande et Jean-Marc Ayrault de trancher. Et leurs positions ne sont pas encore claires sur le dossier.

Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement veut aller vite. Il souhaite intégrer le nouveau visage de la régulation dans la loi sur l’audiovisuel, attendue en janvier prochain. Autant dire que le calendrier est ténu. Il oblige les ministres concernées, Fleur Pellerin (économie numérique) et Aurélie Filippetti (Culture) à rendre leurs avis dans les toutes prochaines semaines. Le calendrier devrait être respecté, à quelques jours près. Et le sort des autorités tranché très rapidement après la remise des rapports en question.

Cliquez sur l'image pour voir notre infographie /-)

Convergence sans conscience

Lancée en septembre dernier par Matignon, la réflexion est censée apporter une réponse à l’effacement progressif des frontières entre les terrains de jeu de l’Arcep et du CSA. Internet brouille les cartes de la régulation, films, séries et sons ayant pris depuis longtemps leurs quartiers en ligne, et ce bien avant l’avènement tant redouté de la télé connectée.

Une évolution s’impose donc. Tous les observateurs, réfractaires à une fusion-rapprochement-proximité des autorités y compris, s’accordent sur ce point. La méthode elle, risque de ne pas faire l’unanimité : l’expédition du dossier empêche en effet de répondre aux questions, nombreuses et amples, posées par un tel chantier.

Nouveaux mécanismes de financement de la culture ou bien encore la neutralité du Net : les points d’achoppement ne manquent pas. Surtout quand les avis sont aussi partagés : côté CSA, la régulation des contenus diffusés sur Internet est posée comme condition au rapprochement avec l’Arcep.

L’Arcep trolle le CSA

L’Arcep trolle le CSA

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) est contre le projet de sa fusion avec le ...

“Le CSA, qui est l’un des principaux garants de l’exception culturelle, défend les intérêts de la création française et européenne dans le cadre de l’application du principe de neutralité”, affirmait le gardien du PAF dans son avis au gouvernement. A ce titre, il plaide pour l’instauration d’un “principe de préférence” culturel sur Internet. Discrimination à laquelle s’oppose l’Arcep, qu’elle juge contraire aux obligations européennes et “à la liberté de communication sur Internet”.

“L’adaptation des fondements et des objectifs de la régulation, notamment de la régulation audiovisuelle, constitue un préalable indispensable à une réforme institutionnelle et [...] celle-ci mérite d’être mûrement réfléchie”, écrivait le gendarme des télécoms dans un avis publié il y a un mois. Son souhait ne sera pas entendu. Ou du moins pas totalement.

Car le gouvernement ne se lance pas non plus à corps perdu dans une mise en branle expresse des deux autorités. Le scénario du pire, pointé par de nombreux observateurs, semble évité. Au bénéfice d’un moyen terme provisoire. Préférable mais qui laisse bon nombre d’interrogations en suspens.


Photo par XRayDeltaone (CC-BY-SA)

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Lex Google : état des lieux http://owni.fr/2012/10/29/lex-google-etat-des-lieux/ http://owni.fr/2012/10/29/lex-google-etat-des-lieux/#comments Mon, 29 Oct 2012 18:11:17 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=124448 Grosse ambiance à l’Elysée ! A 17h, François Hollande, accompagné des ministres Aurélie Filippetti (Culture) et Fleur Pellerin (économie numérique), rencontrait le big boss de Google, Éric Schmidt.

Lex Google pour les nuls

Lex Google pour les nuls

Si les éditeurs de presse français n'ont pas encore déclaré officiellement la guerre à Google, le manège y ressemble. ...

Prévue de longue date, la tournée européenne de ce dernier se voit quelque peu troublée par l’irruption du projet de loi dit de “lex Google”. Porté par des éditeurs de presse français, italiens et allemands, il vise à faire payer Google pour la création de liens hypertextes menant aux articles des journaux.

Un dispositif qui suscite depuis quelques jours des débats très vifs : d’un côté, certains éditeurs de presse, qui estiment que Google capte la valeur des articles pour alimenter ses services et au passage ses revenus publicitaires ; de l’autre, Google qui menace de déréférencer tout ce petit monde, au motif que ce dispositif serait contraire au principe même de moteur de recherche et à la presse française elle-même. Sans oublier toutes les autres voix, ni pro-Joffrin, ni pro-Google, qui s’interrogent simplement sur le bien fondé d’un tel mécanisme et, plus avant, d’une telle réflexion.

En attendant le compte-rendu de cette réunion, rapide tour d’horizon des positions des uns et des autres, présents cet après-midi au Palais présidentiel. Sourires crispés, camps qui se font face : la lourde ambiance présagée par les passes d’armes de ces derniers jours paraît presque se matérialiser.

[Survolez la photographie ci-dessus pour faire apparaître les pictos. Cliquez dessus pour en savoir plus.]

Mise à jour 30 octobre : des négo ou une loi

Dur dur de connaître le détail de ce qui s’est dit à l’Elysée ! Mais a priori, la voie de la négociation, privilégiée par Fleur Pellerin, serait dans un premier temps préférée à la création, par la loi, d’un droit voisin.

Dans un communiqué, l’Elysée indique en effet que “le président a par ailleurs souhaité que des négociations puissent rapidement s’engager et être conclusives d’ici la fin de l’année entre Google et les éditeurs de presse. Il a souligné que le dialogue et la négociation entre partenaires lui paraissaient la meilleure voie, mais que si nécessaire, une loi pourrait intervenir sur cette question, à l’instar du projet en cours en Allemagne. “

Mis à part les “engagements” du patron de Google sur “un appui au développement numérique des PME et l’installation de l’institut culturel à Paris”, difficile de savoir ce qui est sorti de la bouche d’Eric Schmidt. Sans compter qu’outre le projet de loi concernant la presse française, Google est aussi titillé sur les questions de données personnelles ou de fiscalité du numérique. Du côté du géant américain, on botte en touche : interrogé par Owni, Google souligne seulement le caractère non exceptionnel d’une telle visite, qui a pu être interprétée comme une réponse à la crispation de la semaine dernière autour de la lex Google : “La visite d’Eric Schmidt était prévue depuis longtemps. Il s’est rendu en France à de nombreuses occasions pour y rencontrer le chef de l’Etat et des membres du gouvernement, afin d’échanger avec eux sur la contribution d’Internet à la création d’emplois et au rayonnement de la culture française dans le monde.”


Retrouvez tous nos articles sur le sujet : #lexgoogle.

Photo postée sur le compte Twitter de l’Élysée.

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Lex Google, les chefs s’en mêlent http://owni.fr/2012/10/26/lex-google-les-chefs-sen-melent/ http://owni.fr/2012/10/26/lex-google-les-chefs-sen-melent/#comments Fri, 26 Oct 2012 17:02:53 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=124302 “Pas abouti”. C’est le sentiment de Fleur Pellerin sur la “Lex Google”, ce projet de loi qui vise à faire payer Google pour le référencement d’articles français. En marge de son déplacement aux États-Unis, la ministre de l’économie numérique aurait confié au site anglophone Quartz qu’elle préférait une “négociation” entre Google et les éditeurs, plutôt qu’une loi, et une modification du Code de la propriété intellectuelle :

Ce que je suggérerais – et ce que je vais suggérer à Google et à la presse – est de commencer la négociation, de commencer des discussions pour peut-être trois mois, et d’essayer de trouver un accord sur la base d’une négociaition.

Google se paie la presse

Google se paie la presse

C'est la guerre ! Face au projet de loi de certains éditeurs de presse qui souhaitent faire payer Google dès qu'il ...

Fleur Pellerin exprime donc son intention de garder la main sur un dossier disputé du côté de la Culture par sa collègue Aurélie Filippetti, a priori responsable de la presse. Et confirme que les deux femmes, déjà peu en phase lors de la campagne présidentielle, ne s’accordent pas sur le sujet.

Fin de semaine dernière, la ministre de la Culture confirmait en effet son vif intérêt pour un projet de loi écrit par une association d’éditeurs de presse, qui milite pour faire payer Google à chaque signalement dans ses services (Google Actu, moteur de recherche) d’un article. Dispositif contesté et complexe qui passe par une extension du droit d’auteur au bénéfice des titres français.

Hasard du calendrier, la déclaration d’Aurélie Filippetti avait été suivie par la fuite dans l’AFP d’une note de Google adressée aux ministères concernées par ce dispositif. Le géant américain expliquait alors :

Google ne peut accepter que l’instauration d’un droit voisin pour le référencement de sites de presse français mette en cause son existence même et serait en conséquence contraint de ne plus référencer les sites français.

La guerre de tranchées qui s’en était suivie devrait d’ailleurs connaître un nouveau rebondissement dès la semaine prochaine : le big boss de Google est en effet annoncé à Paris le 29 octobre. Là encore, c’est Fleur Pellerin qui a lâché le morceau.

Éric Schmidt rencontrera François Hollande, pour échanger sur ce projet de loi, mais également plusieurs affaires en cours, notamment sur les données personnelles. Si Google n’a jamais communiqué sur le sujet, le rendez-vous n’en était pas moins prévu de longue date et s’intègre dans une tournée du patron de Google en Europe.

Lex Google pour les nuls

Lex Google pour les nuls

Si les éditeurs de presse français n'ont pas encore déclaré officiellement la guerre à Google, le manège y ressemble. ...

Interrogé par Owni, le géant américain déclare qu’“en tant que Président Exécutif de Google, Eric Schmidt rencontre régulièrement des dirigeants nationaux et des membres de gouvernements. Cela fait partie intégrante de son travail.” Manière polie de remettre les choses à leur place.

En attendant, le camp d’en face ne lâche rien. Les éditeurs de presse français, italiens et allemands se sont réunis il y a deux jours à Rome pour “soutenir les projets législatifs dans le domaine de la propriété intellectuelle” indique l’AFP. Dans le but “d’accroître la compétitivité de la presse numérique et d’assurer à tous les citoyens le libre accès à des informations de qualité”.

La France y était représentée par l’association de la presse d’information politique et générale (IPG). Cette même association qui a poussé auprès du gouvernement le projet de loi qui a mis le feu à la poudrière Internet.


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Touche pas au grisbi du CNC http://owni.fr/2012/10/24/touche-pas-au-grisbi-du-cnc/ http://owni.fr/2012/10/24/touche-pas-au-grisbi-du-cnc/#comments Wed, 24 Oct 2012 15:09:57 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=123653

Créée en 2008 pour inclure la télévision numérique à l’effort national de soutien à la création, la TSTD est une évolution naturelle de la taxe historique sur les services de télévision (TST). En principe : ce qui est prélevé à chaque diffuseur pour permettre de financer le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).

Tout allait bien jusqu’à ce que Free, “qui a tout compris”, ne dissocie ses offres “télévision” et “Internet” pour réduire drastiquement sa voilure à l’effort, celle-ci étant indexée au prix de l’abonnement contenant l’accès à la télévision. En séparant ses offres et en faisant reposer l’essentiel du prix de l’abonnement à l’accès Internet – collant un prix d’accès ridicule au service télé – le FAI n’est plus un acteur comme les autres du financement de la création française. Il en devient un acteur à la marge.

Pour compenser, l’État français décide donc de pondre une notification d’ajustement à sa taxe, afin d’englober également les services “Internet” des fournisseurs d’accès. Initiative très largement soutenue par le CNC, on s’en doute, pour qui “la télé, c’est Internet maitenant” et qui affiche des positions laissant peu de place à l’ambiguïté, d’abord par la voix d’Éric Garandeau, son président, ayant annoncé que 20 agences nationales du cinéma européen soutenaient la France :

On nous dit qu’il faut tout sacrifier aux télécoms car c’est l’avenir, alors que même de grands groupes se disent en ce moment que la richesse n’est plus dans les tuyaux, mais dans les contenus.

Mais aussi par la voix de Mathilde Dessane, chargée des médias :

Au même titre que pour un exploitant de salle, une personne qui bénéficie d’un service est censée être taxée pour que tout ça soit redistribué, le principe est vertueux. Il n’y a aucune raison d’exclure Internet de ce type de taxe. La cohérence du fonds de soutien est au cœur du modèle français de soutien au cinéma et à l’audiovisuel, dont l’un des traits originaux est bien la contribution de tous les acteurs de la chaîne (y compris les fournisseurs d’accès) au financement de la création française et européenne.

Un premier texte a donc été déposé par la France en novembre 2011.

On a un problème, Houston

“Halte là” signale Bruxelles, qui a estimé, sans se presser, par la voix de la Commission européenne, que le texte – dans cette version – n’est pas en accord avec la législation de l’Union. En octobre, la Cour des comptes se demandait également, prudemment mais sûrement, si la taxe était justifiée au regard de la règlementation européenne. Et de renvoyer Paris à ses études et à la rédaction d’une nouvelle notification prenant compte du caractère sacré d’Internet.

La ministre de l’économie numérique, Fleur Pellerin, affirmait déjà fin septembre que le texte allait être ré-écrit. La ministre de la culture, Aurélie Filippetti, a confirmé cette décision de retirer le texte datant de fin 2011. Les négociations étaient censées être terminées ce 21 octobre. Pour Filippetti, il est plus simple de notifier un nouveau texte avec lequel Bruxelles sera d’accord, différent dans la forme, beaucoup moins dans le fond, plutôt que d’aller batailler dans de plus longues procédures avec la Commission.

En tout état de cause, c’est pendant que la Commission européenne planchait sur les futures règles applicables au soutien au secteur cinématographique – mise en service prévue en janvier 2013 – que se sont déroulées les 22e rencontres cinématographiques à Dijon. Du 18 au 20 octobre dernier, les pros du secteur épaulés par la société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs (ARP), ont surtout milité pour accélérer la validation bruxelloise de cette TSTD version 1. Venue spécialement à Dijon, la ministre de la culture en a profité pour annoncer être déjà passée à la version 2, et de “notifier dans les jours prochains un nouveau texte”, inclus dans la loi de finance rectificative : une taxe en lien avec le chiffre d’affaires des diffuseurs.

On peut respecter les grands principes du compte de soutien et donc toute son efficacité au service du cinéma et de la création cinématographique et audiovisuelle. C’est cette position-là qui sera défendue à Bruxelles ces prochains jours avec cette nouvelle notification.

L’assiette concernée pour les fournisseurs d’accès : Internet haut débit, fixe et mobile, “assortie d’un abattement pour tenir compte de la densité audiovisuelle du web” (sic). Nous avons naturellement voulu en savoir plus sur cette densité, mais n’avons à cette heure obtenu aucune précision supplémentaire de la Rue de Valois.

Tu diffuses ? Tu finances !

Au centre des interrogations des cinéastes à Dijon, Michel Hazanavicius en tête, les négociations d’Aurélie Filippetti auprès de la Commission européenne sur cette TSTD, version 1 ou version 2. Leur ligne de défense, précisée dans leur communiqué de presse [pdf], repose notamment sur le “socle du modèle français”, c’est-à-dire (on l’aura compris) sur le financement par le diffuseur – les chaînes de télé numérique et les fournisseurs d’accès – d’un pourcentage des oeuvres.

Mais alors que les principes de neutralité fiscale et de neutralité technologique avancées par l’Europe devraient ou pourraient en tout cas s’appliquer, Florence Gastaud, déléguée générale de l’ARP, y voit un sacré paradoxe :

A l’origine, l’exception culturelle a été inventée pour résister à l’hégémonie de la culture américaine, le paradoxe actuel c’est qu’il faille se battre à l’intérieur des frontières européennes, contre les dirigeants bruxellois.

Sur le principe, le CNC n’est pas opposé à une nouvelle notification puisque “l’idée est de réécrire le texte mais sans changement radical, pour mieux faire passer le message auprès de la commission”.

Mais pourquoi se battent-ils autant ?

Pour l’argent. On comprend mieux pourquoi la bataille est rude quand on voit que les ressources du CNC ont explosé depuis deux ans. Les Echos apportaient quelques explications, aiguillés par le rapport de la Cour des comptes sur le financement du CNC :

Une telle explosion s’explique par le rendement de la taxe sur les services de télévision (TST), payée par les distributeurs de chaînes (CanalSat, Numericable et les fournisseurs d’accès Internet), qui a atteint 322 millions d’euros en 2011, soit près de quatre fois plus qu’en 2008.

Au total ce sont 786 millions de recettes pour le CNC en 2011. Contre 500 millions en 2007. Pourtant, La Tribune précise que l’État a été piocher 20 millions d’euros “suite à une demande du sénateur UMP Philippe Marini” et Free a presque cessé de payer les taxes – alors qu’il en payait 20 millions auparavant.

Lors de la présentation au Sénat des résultats de la Cour des comptes, Patrick Lefas, président de la 3e chambre précisait même que “les ressources du CNC sont ainsi passées de 528 millions d’euros en 2007 à 867 millions d’euros en 2011, soit une augmentation, inédite au sein des quelques 80 autres opérateurs du ministère de la culture et de la communication, de 46,3 %.”. Avec 93% des ressources provenant de taxes, passant de 442 millions en 2001 à 806 millions en 2011 :

La création, en 2007, de la Taxe sur les Services de Télévision “distributeurs” (TSTD) a joué un rôle majeur dans l’augmentation des ressources de l’établissement, le produit de cette taxe passant de 94 millions d’euros en 2008 à 322 millions d’euros en 2011, au point de représenter près de 40 % des recettes du CNC.

Les députés viennent de voter ce lundi un prélèvement pour le budget 2013 de 150 millions d’euros dans le cadre de la participation du CNC au redressement des comptes publics. Justifié par Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, par le fait que “l’autonomie ne doit pas aller jusqu’à utiliser les fonds publics de manière déraisonnable”.

Le calcul est assez rapide : 150 millions prélevés sur un peu plus de 800 millions de trésorerie et 786 millions en recettes fin 2011, la ponction ne semble pas être trop gênante. À gauche ou à droite les députés étaient plutôt divisés : 22 députés de droite avaient déposé un amendement pour annuler la ponction dans les comptes du CNC. Autre motif de discorde, le plafonnement de la taxe affectée aux grands opérateurs de l’État, dont un premier amendement déposé par Gilles Carrez et Hervé Mariton a été rejeté.

Peu importe, ils en ont déposé un autre.


Photo par M4tik [CC-bync] remixée par O.Noor pour Owni.

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Petite presse en ligne deviendra grande (ou pas) http://owni.fr/2012/10/19/petite-presse-en-ligne-deviendra-grande-ou-pas/ http://owni.fr/2012/10/19/petite-presse-en-ligne-deviendra-grande-ou-pas/#comments Fri, 19 Oct 2012 06:00:37 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=122994

La journée de la presse en ligne du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) commence tout juste ce matin et compte bien mettre sur la table l’inutilité des aides et subventions à la presse, notamment à travers un manifeste pour un nouvel écosystème de la presse numérique. Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, était quant à elle auditionnée mercredi sur le projet de loi de finances 2013 (PLF 2013) à la Commission des affaires culturelles. Et si beaucoup des questions et des réponses ont tourné autour de l’avenir de France Télévisions ou du budget rogné de la Hadopi, seul Michel Françaix, le rapporteur de la mission Médias, Livre et industrie culturelle, option rapport sur les médias, glissait quelques mots sur “le problème de la presse en ligne”. Et expliquait que la presse (en général) rencontrait des difficultés depuis 30 à 35 ans, quand les aides, elles, augmentaient de plus en plus. “On a jamais donné autant d’argent par rapport au nombre de journaux vendus cette année”, expliquait le rapporteur.

Petite presse en ligne dans le PLF 2013

L’idée pour Michel Françaix : recentrer les aides vers ceux qui en ont besoin et redéfinir le taux de TVA selon les types de presse, qu’elle soit citoyenne ou qu’elle soit “autre”. Avant que le rapporteur ne livre ses conclusions la semaine prochaine, nous avons épluché le volet “aides à la presse” du projet de loi de finance 2013. Le principe des aides à la presse, en ligne ou papier, repose sur une volonté du gouvernement précisée dans le projet de loi de finances 2013 :

S’agissant du secteur de la presse, la stratégie de l’État poursuit deux objectifs fondamentaux : le développement de la diffusion de la presse et la préservation de son pluralisme et de sa diversité.

[App] Subventions à la presse: le Juste pris

[App] Subventions à la presse: le Juste pris

Retour ludique sur les subventions accordées par le Fonds d'aide à la modernisation de la presse à travers une application ...

Aider la presse à coups de versements d’aides et de crédits de quelques millions d’euros pourrait être l’intention la plus louable possible. Seulement comme Vincent Truffy (journaliste pour Mediapart) le montrait sur Owni en décembre 2010 dans l’application “Le juste pris”, deux ans après les états généraux de la presse écrite, des députés constatent que les éditeurs de journaux se sont, le plus souvent, contentés d’aller à la pêche aux subventions sans remettre en question leur fonctionnement.

Faire l’économie d’une remise en question du fonctionnement est sans doute plus simple pour les éditeurs de presse. La presse, qu’elle soit papier ou numérique, est notamment aidée par les injections de milliers d’euros du fonds stratégique de développement de la presse, le FSDP.

En 2013, ce sont donc 516 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement qui sont budgétés, les aides directes étant 22% plus élevées après les États généraux de la presse de 2011.

Dans le détail, l’AFP recevra 119,6 millions d’euros (en hausse de 2 millions par rapport à 2012). S’ajoutent 19,7 millions pour accompagner la modernisation sociale de la fabrication de la presse quotidienne et 4 millions pour la modernisation des diffuseurs. Et encore 18,9 millions pour l’aide à la distribution. Le plus gros poste : 320 millions d’euros pour le plan d’aide au développement du portage, l’aide à la SNCF pour le transport de quotidiens et 12 millions pour le pluralisme des quotidiens nationaux à faibles ressources. Dans ces 320 millions, il faut aussi compter sur les 249 millions pour l’aide au transport postal de la presse dont une compensation du manque à gagner pour La Poste de 32,4 millions.

Les 33,5 millions pour la modernisation et la presse en ligne paraissent bien petits dans les répartitions.

L’ancien fond SPEL, aujourd’hui section II du FSDP, va donc profiter de quelques milliers d’euros pour aider la presse en ligne. Ce qui pour Maurice Botbol, président du Spiil – qui organise aujourd’hui la 3e journée de la presse en ligne – et fondateur du groupe de presse Indigo (publiant entre autres La lettre A) n’est pas le problème de fond. La position du Spiil sur le sujet est claire, il faut supprimer les aides directes (subventions) qui sont, selon lui :

contre-productives, inefficaces et qui n’ont jamais été aussi élevées, comparées au nombre de lecteurs. Le système est à bout de souffle et il faut le réadapter. Inutile de continuer les aides sous perfusion.

Pure players dans la jungle

“Le fonds SPEL, en 2012, c’est un peu moins de 10 millions d’euros, les aides à la presse en ligne ne représentent presque rien, quand l’ensemble avoisine le milliard”, précise le fondateur d’Indigo. Et dans ce même fond, moins de 5% des aides est distribué aux pure players, c’est aussi parce “qu’ils n’ont pas l’habitude de remplir des dossiers d’aides contrairement à la presse traditionnelle”. Le montant maximum des subventions d’un pure player ? 200 000 euros. Contre 1 million à 1,5 million pour la presse papier.

Autre cause de cette moindre attribution, les délais de réponse. “Les délais sont longs par rapport au rythme du numérique. Et les demandes peuvent se dérouler sur 6 à 8 mois parfois”. Dernier frein mais non des moindres, le fonds SPEL refuse de subventionner le développement interne :

Ils exigent que le développement logiciel soit sous-traité. Or ne pas faire appel à un prestataire est rédhibitoire. Sauf que les pure players ne vont pas faire appel à des SSII alors qu’il est possible de le faire en interne !

Au FSDP, on confirme, “les dépenses internes n’ont jamais été prises en compte”.En plus de ce fossé entre le fonctionnement d’un pure player et l’administration chargée de distribuer les subventions, il reste ce petit détail de l’application de la TVA à 19,6 pour les pure player contre 2,1 pour le papier. Taxer différemment un contenu parce que le support de lecture n’est pas le même, une des meilleures façons d’appuyer ce que pérorent les réfractaires au journalisme web ou comment dire : si c’était vraiment la même chose, sous-entendu “aussi bien”, il n’y aurait aucune différence.

Rappelons qu’Aurélie Filippetti déclarait dans Polka en juillet dernier :

Si la presse abandonne la qualité, il n’y aura plus de différence entre les journaux, les magazines payants et la presse gratuite, notamment sur le Net où rien n’est éditorialisé.

Selon les administrations, ces aides indirectes – un taux très bas pour la presse papier – ne pourraient pas être applicables à la presse en ligne. Nicolas Sarkozy, lors des États Généraux de la presse en janvier 2009, déclarait que la France “allait poursuivre le travail de conviction engagé de ses partenaires européens pour que les taux réduits de TVA soient étendus à la presse en ligne”. Une directive européenne de novembre 2006 [pdf] précise que les taux de TVA ne peuvent être inférieur à 15% au sein de l’Union européenne, à quelques exceptions près notamment le taux de TVA à 2,1% de la presse papier. Ou le livre à 5,5 ou 7%.

En novembre 2011, la Commission européenne attirait la France vers le taux réduit pratiqué sur le livre numérique (le même que pour les livres papiers). Début juillet 2012, la Commission ouvrait une procédure contre la France et le Luxembourg pour infraction au droit communautaire. Taxer différemment un même contenu selon le support sur lequel il est lu semble pour certains éditeurs de presse (Arrêt sur images, Médiapart et Indigo) assez aberrant pour appliquer le taux réduit à 2,1% sur les ventes de leurs productions numériques. Avec pour argument les principes de neutralité fiscale et technologique. Maurice Botbol explique : “deux produits équivalents ne peuvent pas subir deux taux de TVA différents”. Raison pour laquelle il applique le taux de TVA réduit.

Mais visiblement, du côté des députés français, on s’active et un amendement au PLF 2013 [pdf] a été déposé le 4 octobre dernier. Il a notamment pour objet :

de faire bénéficier la presse en ligne du taux “super-réduit” de TVA actuellement appliqué à la presse imprimée. Actuellement, le taux de TVA appliqué à la presse imprimée est de 2,1 %, tandis que les services de presse en ligne se voient appliquer le taux “normal” de 19,6 %. Or, l’égalité de traitement fiscal est nécessaire pour accompagner la migration de la presse imprimée sur les supports numériques ainsi que l’émergence d’une presse exclusivement en ligne.

Un moyen de réduire la fracture entre la presse en ligne et presse papier.


Photo de Visualpun.ch [CC-bysa] et photo d’Aurélie Filippetti par Richard Ying [CC-by-nc-sa] remixées ~~~=:) ONoor

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Google se paie la presse http://owni.fr/2012/10/18/google-se-paie-la-presse/ http://owni.fr/2012/10/18/google-se-paie-la-presse/#comments Thu, 18 Oct 2012 16:38:20 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=123239

Mise à jour (19h)
Forcément, après la salve de Google, la réplique ne s’est pas faite attendre.

Laurent Joffrin a immédiatement dégainé un édito sur le site du Nouvel Obs pour dénoncer la “censure” que menace d’appliquer le géant du web sur la presse française. Et de conclure, vibrant, sur : “il appartient maintenant au gouvernement et aux élus français de dire si la confection des lois reste l’apanage de la République ou bien si elle est abandonnée au pouvoir de fait d’une féodalité multinationale.”
Même agacement du côté de la ministre de la Culture, qui aurait déclaré à l’AFP : “Ce n’est pas avec des menaces qu’on traite avec un gouvernement”.

De son côté, Google diffuse ce même message auprès des rédactions : “nous pensons qu’une loi telle que celles proposées en France et en Allemagne serait très dommageable pour Internet. Ce n’est pas un secret, cela fait maintenant trois ans que nous le disons publiquement”.

Au-delà des diatribes, reste le fond du problème : comment obliger Google à ne pas déréférencer la presse ?


La presse en guerre contre Google. Et vice-versa. Au cœur : la “Lex Google”. Le projet de loi vise à faire payer la firme américaine pour l’indexation des articles de presse français dans son moteur de recherche. La confrontation s’annonce plus sanglante que jamais.

Tout désindexer

L’affaire a été relancée hier : à l’Assemblée nationale, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti s’est déclarée favorable à l’idée de créer un “droit voisin pour les éditeurs de presse” :

Parmi les outils qu’il me semble important de pouvoir développer, je pense qu’il y a cette idée de créer un droit voisin pour les éditeurs de presse – ce que l’on a appelé un peu facilement la « Lex Google » – qui me semble extrêmement pertinente.

Suite à la réaffirmation de son intérêt pour la “Lex Google”, Owni a cherché à savoir où en était vraiment le gouvernement. Et Google.

Résultat : chacun campe sur ses positions. Selon nos informations, l’Exécutif serait bien conscient de la complexité de ce mécanisme, et des problèmes qu’il serait susceptible de soulever. Mais serait prêt à tenter sa chance malgré tout, même si une une étude de faisabilité est toujours en cours.

Du côté de Google, on se dit prêt à entrer en campagne. En menaçant, précisément, de désindexer les sites de presse en ligne qui voudraient lui imposer ce dispositif. Estimant qu’il va à l’encontre de la nature du moteur de recherche du géant américain. Et qu’il n’appartient qu’à la presse française d’assumer ses choix, en récupérant le trafic perdu chez Google du côté d’autres services populaires sur le web : Facebook ou Twitter. Sans compter qu’a priori, rien ne peut forcer la boîte américaine à signaler ou non un site Internet. Les moyens pour faire plier Google sont donc limités.

Des informations que semble confirmer l’audition des équipes du géant américain, le 10 octobre dernier, auprès de la mission Lescure (vidéo). L’un des lobbyistes de la boîte, Francis Donnat, se voulait alors très clair (74e minute) :

Interdire le référencement non rémunéré est inutile et inopportun. [...] Cela va directement à l’encontre du modèle de l’Internet basé sur les liens hypertextes. C’est la remise en cause de l’existence même des moteurs de recherche si on doit payer à chaque fois qu’on référence. [...]
Les contenus en langue française seront les seuls pénalisés, car sur la toile, ne pas être référencé c’est tout simplement sortir du radar. La presse française y perdrait.

Sans compter que Google aurait mis bien ses menaces à exécution. Hasard du calendrier, l’AFP a affirmé dans l’après-midi avoir consulté une “lettre” adressée à différents ministères, dans laquelle Google expose clairement son intention de désindexer les sites de presse français en cas de mise en place du dispositif. Lettre qui ressemblerait plus à une note, transmise début octobre, et qui reprend les grandes lignes exposées lors de l’audition de Google à la mission Lescure. Signe qu’il ne s’agit pas seulement de paroles en l’air.

Aberration

Il faut dire que le projet des éditeurs de presse a tout pour étonner quiconque se balade un peu sur Internet.

Le nouvel observateur de tes mails

Le nouvel observateur de tes mails

Dans son dernier éditorial pour Le Nouvel Observateur, Laurent Joffrin déplore que l'État ne puisse pas vérifier ...

Concrètement, il consiste à étendre le Code de la propriété intellectuelle aux articles de presse publiés en ligne. Telerama, qui a publié fin septembre le contenu du projet de loi, explique que cette extension du droit d’auteur s’accompagne aussi de la volonté de sanctionner “le simple fait de faire des liens hypertextes” vers les articles en cas de non rémunération.

Le document est porté par la toute jeune association “de la presse d’information politique et générale” (IPG). A sa tête, on retrouve Nathalie Collin, la coprésidente du directoire du Nouvel Observateur et collaboratrice de longue date (déjà à Libération) d’un certain… Laurent Joffrin, dont on connaît l’amour qu’il porte au Net.

Le texte a d’abord fait l’objet d’une certaine prudence de la part de la Culture. “En l’état, ça ne va pas être possible”, confiait alors la rue de Valois à Telerama. De même, lors de l’installation de la mission Lescure, Aurélie Filippetti se montrait moins catégorique sur la question :

Il faut analyser cette proposition de créer des droits voisins pour la presse. Mais aussi être vigilants pour que les sites français ne soient pas déréférencés.

La perspective d’un tel dispositif avait fait hurler jusque dans les rangs des gratte-papiers. Particulièrement ceux rompus à la pratique du Net, qui dénoncent dans ce projet une incompréhension profonde du réseau et de ces mécanismes.

“Cette loi, c’est une idée un peu délirante” avait notamment confié Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr, un site membre du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil), à Libération. Et de poursuivre :

On en arrive à une aberration totale : les sites dépensent des fortunes pour être mieux référencés que le voisin sur Google, et ils voudraient que Google leur reverse de l’argent ? C’est une rhétorique qui n’a aucun sens. Ou alors, c’est une simple opération de lobbying.

Presse contre Google, Google contre presse : ce qui est sûr, c’est que chacun saura trouver le temps pour aller plaider sa cause du côté des ministères. On ne souhaite qu’une chose : qu’ils ne cassent pas notre Internet.


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Lescure, Pellerin et Filippetti dans un sac de noeuds http://owni.fr/2012/10/18/lescure-pellerin-et-filippetti-dans-un-sac-de-noeuds/ http://owni.fr/2012/10/18/lescure-pellerin-et-filippetti-dans-un-sac-de-noeuds/#comments Thu, 18 Oct 2012 16:00:43 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=122880 Monty Python et Plus Belle la Vie. Bug Facebook, pigeons, Lescure, guerres de chapelles, Cnil, Hadopi, CSA, Arcep, on ne sait plus qui fusionne avec qui. Mais on sait déjà qui paiera les pots cassés. On a fait une infographie pour en rigoler. Ça vaut mieux.]]>

“Le bug Facebook saisi par Fleur Pellerin qui renvoie la balle à la Cnil, elle-même concernée par des rumeurs de rapprochement avec l’Hadopi qui était déjà mentionnée dans le projet de fusion CSA-Arcep, dont le sort devrait être aussi tranché par la mission Lescure qui…” Ouf ! Reprenons notre souffle dans ce qui pourrait ressembler à une boutade, mais qui n’en est pas une. Enfin, pas complètement.

Car quiconque tente aujourd’hui de dégrossir les différents dossiers ouverts par le gouvernement dans le domaine du numérique se retrouverait, comme nous, face à un drôle de jeu de pistes. Un embrouillamini à tiroirs, où s’enchevêtrent thèmes et responsabilités, délais à géométrie variable et avis tout aussi fluctuant selon les personnalités en charge, le calendrier voire le mouvement des astres. Bref, un bon gros sacs de noeuds, pour reprendre le titre de notre infographie – sans être grossière. Reste à savoir comment on va bien pouvoir le démêler. Et sur ce point, c’est pas gagné.

Internet en fusion

Internet en fusion

En lançant une réflexion sur le "rapprochement" de l'Arcep et du CSA, le gouvernement ressuscite un serpent de mer qui ...

Fil d’Ariane

Et encore ! Nous n’avons pris comme repères que trois chantiers : rapprochement des autorités des télécoms (Arcep) et de l’audiovisuel (CSA), installation de la mission Pierre Lescure et réflexions sur la fiscalité du numérique. Régulation, création à l’heure du numérique et taxation des acteurs du Net : trois thèmes présentés comme intimement liés par les acteurs impliqués dans le bouzin.

Dès le lancement du projet de “rapprochement entre le CSA et l’Arcep” par le Premier ministre les connexions se sont très vite établies en filigrane : le but principal de l’opération est la recherche, encore et toujours, de nouvelles formes de financements de la création. A ce sujet, Internet et antennes (télé ou radio) ne sont pas logés à la même enseigne et il faut que ça cesse. Alors hop, on change la régulation ! Et on met dans la boucle la mission Lescure aux côtés de Fleur Pellerin (ministre de l’économie numérique) et Aurélie Filippetti (Culture).

Même logique du côté de la mission dite Colin et Collin (du nom de ses rapporteurs), chargée de plancher sur la fiscalité du numérique. A l’occasion de l’installation officielle de sa mission, Pierre Lescure a été également prié de s’en rapprocher par la ministre de la Culture. Comme on vous le dit : le fil d’Ariane, ici, est cousu d’or.

Problème : qui dit plein de dossiers gérés par une tripotée de personnes dit forcément quelques hic dans l’organisation. Et c’est un euphémisme. Prenez le calendrier : les premières conclusions des ministres sur le dossier CSA-Arcep sont attendues d’ici fin novembre. Celles de Colin et Collin, d’ici fin décembre. Mais la mission Lescure elle, a jusqu’à mars 2013.

Cliquer pour voir l'infographie

Matignon à la tranche

Du côté de Bercy, on assure que ce n’est pas un problème et que la mission Lescure participera dans les temps aux missions annexes qui lui ont été confiées. Son de cloche différent chez le voisin, qui devrait bel et bien donner toutes ses conclusions au printemps prochain. Qui aura donc le dernier mot ?

“On a le sentiment d’un manque de coordination, réagit Édouard Barreiro, de l’association de consommateurs UFC Que Choisir. Qui poursuit :

Sans compter que les discours sont très différents selon les interlocuteurs. Est-ce qu’à un moment ces gens vont se réunir autour d’une table pour se mettre d’accord ? Parce que là, on ne comprend rien !

Qu’on se rassure : la lumière devrait venir de Matignon. C’est aux équipes du Premier ministre qu’il reviendrait en effet de trancher dans le vif. Et cela bien avant la fin de la mission Lescure. Si du côté de Matignon, on semble bien avoir conscience de l’enchevêtrement des dossiers, il y a aussi la volonté d’avancer. Les gendarmes des télécoms et de l’audiovisuel devraient donc voir leur sort fixé d’ici la fin de l’année. Pour être gravé dans la loi sur l’audiovisuel, au début de l’année prochaine. Même tempo pour la fiscalité du numérique, appelée à être tranchée dès janvier.

Mission Lescure impossible

Mission Lescure impossible

La guerre serait-elle déjà déclenchée ? A peine installée, la mission Lescure, qui planche sur l'avenir de la culture ...

Le pas de marche est donc confirmé. Et tant pis pour ceux qui appellent à la prudence. Ou qui s’inquiètent de voir les dossiers ouverts les uns après les autres, sans que la mesure de chacun semble avoir été prise. Le régulateur des télécoms, qui, il y a quelques jours à peine, plaidait pour une réflexion “mûrement réfléchie” dans le cas d’un rapprochement avec le CSA devrait par exemple en être pour ses frais. Selon nos informations, le gouvernement veut agir pour ensuite réfléchir : faire évoluer les appareils avant de s’attaquer au type de régulation souhaité. Car trancher cette question semble irréaliste dans les délais fixés. Et le calendrier est prioritaire.

INTERNET !

Croisons les doigts pour que le Net français n’en ressorte pas trop égratigné. Car le rapprochement des régulateurs n’est pas qu’une simple affaire de tambouille institutionnelle : la forme qu’on lui donnera déterminera les règles qui s’appliqueront au contenu audiovisuel. Et comme le rappelle l’Arcep, la neutralité du net et la liberté d’expression sont en jeu. Rien que ça.

Sans compter que d’autres dossiers épineux s’ajoutent à ceux déjà évoqués. Les lois de la gravité semblent aussi s’appliquer à ce sac de noeuds numériques. N’en prenons qu’un : la volonté de certains éditeurs de presse, Laurent Joffrin en tête, de faire cracher Google au bassinet. En créant un droit voisin pour la presse, qui obligerait la boîte américaine à payer pour indexer les articles sur son moteur de recherche. Le fameux projet de “Lex Google” qui pourrait même aboutir, selon Telerama, au fait de sanctionner pénalement la création de liens hypertextes qui n’auraient pas fait l’objet d’une rémunération. Une fois encore, le gouvernement va et vient sur le sujet : Aurélie Filippetti jouant d’abord la prudence sur le dossier, pour y revenir de plus belle, hier. Une fois encore, ce projet pourrait sérieusement bousculer le Net français. Une fois encore, nous allons prendre une aspirine, respirer un grand coup et essayer de comprendre tout ça.

Croisons les doigts.


Pour comprendre ce gros sacs de noeuds, nous vous proposons cette infographie.

Nous y avons glissé quelques surprises, nos easter eggs maison. On a pensé à Laurent Chemla, qui détruit les confortables mythes de la télé connectée et de l’exception culturelle française, ou à Manach, notre dino du web, depuis longtemps poil à gratter de la Cnil et des histoires de vie privée. On a aussi glissé quelques sujets annexes, tel que le bug Facebook ou le mouvement des pigeons, qui sont venus un peu plus embrouiller les plans numériques du gouvernement. Ça nous a fait marrer, on espère qu’il en sera de même pour vous /-)

Cliquez sur les pour lire l’explication correspondante.


Illustrations et couverture par Cédric Audinot pour Owni.
Infographie par Cédric Audinot et Andréa Fradin. Et en version standalone (630×2200, 365 Ko), c’est par ici !

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Hadopi, la mort lui va si bien http://owni.fr/2012/10/17/hadopi-la-mort-lui-va-si-bien/ http://owni.fr/2012/10/17/hadopi-la-mort-lui-va-si-bien/#comments Wed, 17 Oct 2012 15:37:25 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=122977

Ça ressemble à une lente agonie. “Hadopi en sursis”, “Hadopi, business as usual”… A force d’y assister, il devient de plus en plus difficile de décrire la drôle de guerre menée par la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet sans redonder.

La mort vous va si bien

À l’occasion de la remise de son rapport d’activité ce matin, l’Hadopi a une nouvelle fois tenté de prouver aux observateurs qu’elle était toujours belle et bien présente. A la fois féroce et fébrile, sa présidente Marie-Françoise Marais a rappelé l’utilité du travail et de l’équipe de la Haute autorité, de manière offensive et explicite :

Il n’est pas possible de faire table rase de l’expérience acquise surtout au moment où une nouvelle réflexion est entamée dans la mission de Pierre Lescure.

Poussée vers la tombe, l’Hadopi n’a donc de cesse d’agiter les bras pour ne pas y tomber. Un drôle de manège qui dure depuis un an, presque jour pour jour.

À l’occasion de la publication du rapport d’activité 2011, Owni remarquait “le trac électoral de l’Hadopi”, dont la présidente prenait déjà un air de défi, lançant aux fossoyeurs de l’institution un subtil : “rendez-vous en juin 2012″. Rebelote aujourd’hui, puisque Marie-Françoise Marais a clôturé son discours sur un clin d’œil appuyé à l’histoire :

C’est, peut-être facétieusement mais avec sérénité, que je vous donne rendez-vous en 2013.

Le trac électoral de l’Hadopi

Le trac électoral de l’Hadopi

2012 se fera avec la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), c'est ...

Loin d’être dupe, “MFM” poursuit donc la campagne. Qui se corse avec le temps : toujours plus de coups de griffe à l’attention du législateur, dont les choix ont obligé l’Hadopi “à faire avec les moyens du bord”, ou en direction d’Aurélie Filippetti. Depuis plusieurs mois, l’autorité se plaint de n’avoir obtenu audience auprès de la ministre en question. “Malgré des demandes orales et officielles, adressées dans une lettre”, a encore précisé aujourd’hui Marie-Françoise Marais, qui déclare néanmoins que l’entrevue “ne saurait tarder.”

Des coups de boutoirs répétés, qui démontrent une nouvelle fois (mais était-ce bien nécessaire ?) combien l’Hadopi est et se sait isolée.

Quoi de neuf docteur ?

Quoi de neuf alors pour ce bilan d’activité ? Pas grand chose, si ce n’est une déclaration de la Haute autorité sur son intention d’abandonner certaines de ses missions, pourtant confiées par le législateur. Ainsi, sur l’étude des moyens de sécurisation, Marie-François Marais a déclaré :

Le Collège de l’Hadopi a estimé que les problématiques liées à la sécurisation de la ligne dépassaient largement le champ de l’autorité et les moyens mis à disposition par le législateur.

Ajoutant par ailleurs que “d’autres autorités” avaient la possibilité de se consacrer à cette mission. Impossible en revanche de savoir celles que la présidente de l’Hadopi avait en tête : interrogée par Marc Rees de PCINpact sur la question, elle a refusé d’apporter davantage de précisions.

La même attitude prévaut sur l’expertise sur le filtrage du Net demandée à l’autorité. Sur ce point, Marie-Françoise Marais a déclaré que l’Hadopi n’avait pas été tenue au courant des chantiers ouverts par ailleurs sur la question, malgré ses demandes répétées. Et d’enfoncer le clou en déclarant :

Nous n’avons pas les moyens coercitifs de faire respecter notre demande d’information. Par ailleurs, est-ce bien le rôle de l’Hadopi ? Bien d’autres structures ont toute la compétence pour faire ce suivi.

Le rapport d’activité va plus loin en posant une alternative radicale :

Pour cette raison, la Haute Autorité estime que soit la loi devrait prévoir que ces expérimentations soient en toute rigueur obligatoirement portées à sa connaissance, soit cette mission devrait être abandonnée.

Mission Lescure impossible

Mission Lescure impossible

La guerre serait-elle déjà déclenchée ? A peine installée, la mission Lescure, qui planche sur l'avenir de la culture ...

Après l’Arcep qui trolle le CSA dans le projet de rapprochement voulu par le gouvernement, c’est donc au tour de l’Hadopi de jouer les agitateurs public pour garder sa place. Sauf qu’à l’inverse du régulateur des télécoms, l’autorité de la culture en ligne a désormais l’habitude d’enfiler ce costume de troll. Sans que cela semble vraiment faire de l’effet. Et sans qu’on sache à quelle sauce l’Hadopi pourra bien être mangée.

Après sa mise en bière, sa résurrection ou son évolution, Pierre Lescure aurait évoqué ce matin devant le Club parlementaire du numérique son éventuel rapprochement avec… la Cnil. La fusion est décidément de saison, même si on a du mal à comprendre où veut en venir ici l’ancien patron de Canal+. En attendant, les Hadopiens froncent les sourcils. Et leur présidente de répondre à Owni, mi-guerrière, mi-impuissante : “laissons Pierre Lescure faire son travail.”


Illustration Hadopi par Geoffrey Dorne pour Jaffiche.fr [CC-byncsa] via flickr

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Et PAF YouTube ! http://owni.fr/2012/10/09/et-si-cetait-ca-la-tele-connectee/ http://owni.fr/2012/10/09/et-si-cetait-ca-la-tele-connectee/#comments Tue, 09 Oct 2012 14:18:03 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=121982 Owni est allé à leur rencontre pour savoir si c'était ça, la télé connectée.]]>

Dur dur d’être une chaîne de télé en France. Outre la course au renouvellement (et à la sainte audience) perpétuelle, voilà le PAF qui se fait méchamment boulotter par des outsiders. Hier, c’était double lame : premiers pas de D8, feu Direct 8, doté d’un gros budget de 120 millions d’euros annuels, mais aussi lancement, plus discret et sans Roselyne Bachelot certes, de 13 chaînes thématiques françaises sur YouTube. Doctissimo, le groupe AuFeminin (dont le site Marmiton) ou encore l’agence Capa : beaucoup d’acteurs du web mais aussi quelques producteurs de contenus qui s’improvisent chaînes de télévision. Mais sur Internet.

A l’heure où les Cassandre, Pierre Lescure et ministre de la Culture en tête, redoutent une arrivée dévastatrice d’écrans connectés pourtant bien présents dans nos salons depuis le début du Net, ne serait-ce pas plutôt l’arrivée des e-trublions sur le territoire de la télé à papa qui incarne cette “télé connectée” qui fait trembler politiques, institutions et antennes ?

Pas un big deal

“YouTube nous permet de faire quelque chose qu’on attend depuis longtemps”, explique Claire Leproust, chargée des développements numériques chez Capa. Le lancement sur le web de programmes via des acteurs du web. Pour le moment, ce n’est pas un big deal qui va nous rapporter grand chose, mais plus un pari sur l’avenir.” TF1, M6 et compagnie n’ont donc selon elle aucun souci à se faire :

C’est une toute petite chaîne ! On n’est pas D8 !

Programmes courts, décalés, sans direct et gratuits, Capa, comme les autres acteurs qui ont suivi YouTube dans l’aventure, ne cherchent pas à se muter en antenne traditionnelle, en reproduisant les formats vus sur le PAF. Mais ne visent pas moins une qualité et un façon de travailler certifiée “comme à la télé”.

“On a la volonté d’apprendre ce qu’est la production vidéo, explique Valérie Brouchoud, présidente de Doctissimo, l’un des plus gros acteurs du web français. On essaie d’obtenir une qualité télé, vous verrez. Je suis très contente de ce qu’on a fait !” Bye-bye passion mohair et autres exotismes du genre qui ont fait le succès du site Doctissimo et de ses incontournables forums ?

Forcément, le ton web et le ton télé ne sont pas les mêmes. On fera quelque chose à mi-chemin, en essayant de garder une proximité très forte avec les internautes, en les recevant dans nos émissions. Après, sur les forums, c’est de la libre expression… Ici, on drivera les émissions…

Sans un regard de Google, ajoute par ailleurs la présidente de Doctissimo : “on reste complètement indépendant sur l’ensemble de nos programmes !” Des programmes répartis entre magazines santé, grossesse, du coaching mais aussi de la fiction, et accessibles dès le 15 octobre prochain. Ils seront produits en interne et au sein de deux boîtes de production.

Un modèle également suivi par Capa, dont l’activité historique est précisément… la réalisation et la production de séries et de magazines pour le compte de chaînes de télévision au sens classique du terme. La société de production devient donc à son tour éditeur de programmes. Ce qui fait rire Claire Leproust :

Oui, on se glisse dans la peau d’une chaîne !

Début de l’histoire

Pour autant, hors de question pour Capa d’abandonner son cœur de métier : l’extension sur le Net ne vient pas rivaliser avec la relation entretenue depuis des années avec les antennes. “On se dit que ce n’est pas demain la veille que l’édition d’une chaîne YouTube sera le Graal, poursuit Claire Leproust. On s’y met parce qu’il faut voir qu’une audience est en train de se constituer sur Internet, avec un comportement qui n’a rien à voir avec celui de l’audiovisuel.” Même son de cloche chez Doctissimo :

J’adorerais devenir une chaîne de télé, mais il est trop tôt pour le dire ! On n’en est pas là. On en est au tout début de l’histoire.

Mais de l’histoire de quoi précisément ? Si les acteurs du web se défendent pour l’instant de vouloir concurrencer le PAF historique, leur démarche s’inscrit bien dans un renouvellement de ce paysage. Chez Doctissimo, sa présidente explique “négocier avec certains acteurs comme Orange pour être présent dans leur box.” Ainsi qu’avec des “équipementiers”. Comprenez par là, “Philips ou LG, afin d’être dans leurs téléviseurs”.

Révélations sur la télévision connectée

Révélations sur la télévision connectée

Fondateur de Gandi et auteur des Confessions d'un voleur, Laurent Chemla publie sur Owni sa deuxième ...

La stratégie de ces nouveaux diffuseurs semble s’inscrire dans l’émergence tant redoutée de la télévision connectée. Ce que reconnaît d’ailleurs Valérie Brouchoud, qui affirme qu’elle “ne voulait pas avoir un train de retard” dans ce domaine. L’enjeu de ce cataclysme audiovisuel annoncé serait donc moins dans la commercialisation et l’adoption d’écran de TV branché au réseau, qui comme l’explique très bien notre chroniqueur Laurent Chemla, trône dans nos salons depuis un bail, mais bien plus l’adoption des acteurs du web et de leurs contenus dans nos écrans. Téléviseurs stricto sensu, poste d’ordinateur, téléphone, tablette entre autres spécimens du bestiaire consacré.

Côté YouTube, on se garde bien aussi d’évoquer une compétition directe avec les antennes françaises. “C’est plus une démarche complémentaire que concurrentielle”, confiait ce matin Christophe Muller, directeur des partenariats YouTube Europe du Sud, de l’Est et Moyen-Orient à Owni. “Ces nouvelles chaînes sont des chaînes thématiques telles qu’il en existe déjà beaucoup sur YouTube. Il n’y a pas de programmes linéaires ou live…” Une grille et du direct, des caractéristiques spécifiques aux chaînes du PAF.

Difficile néanmoins de savoir ce que ces dernières en pensent. Contacté à plusieurs reprises, M6 a précisé ne pas souhaiter s’exprimer sur la question. Et du côté de TF1, on reste tout aussi mutique. Google assure quant à lui discuter avec toutes les chaînes. Même si “le marché français est peut-être plus difficile que les autres”, concède Christophe Muller.

Exception culturelle Googlienne

Ce qui est sûr c’est que la plate-forme vidéo du géant américain passe la vitesse supérieure. Certes, comme le rappelle son représentant, cela fait un bail que YouTube permet à ses utilisateurs la création d’espaces thématiques. “Nous avions déjà un embryon de chaîne sur YouTube”, rappelle d’ailleurs la présidente de Doctissimo. Des chaînes telles que BFM TV ou Direct 8 travaillent également déjà avec YouTube, précise de son côté Christophe Muller, qui concède néanmoins : “pas toutes, certes…”

Ce qui change aujourd’hui, c’est la volonté du géant de Mountain View de contribuer à la création. YouTube participe en effet au financement des chaînes en leur offrant une avance sur les recettes publicitaires. On avance une fourchette comprise en 10 000 et 100 000 euros par chaîne. Impossible néanmoins de connaître le détail des versements, qui fait partie des clauses du contrat : Capa et Doctissimo n’ont pas voulu en dire plus, même si ce dernier confirme se situer quelque part dans cet intervalle. Une fois l’avance remboursée, ces mêmes gains seront distribués entre YouTube et les chaînes, selon le système de répartition mis en place à l’internationale par la plate-forme.

Le secret démasqué de Gangnam Style

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Un système qui n’est pas sans rappeler celui, historique, du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) : l’avance sur recettes, remboursée par les résultats d’exploitation des films soutenus par le Centre. “Vous n’êtes pas la première à me le dire, sourit Christophe Muller. Après, pour être parfaitement honnête avec vous, cette initiative est partie des États-Unis, donc il est difficile de dire que c’est une copie du système du CNC. Tout est parti d’une question : ‘Que peut-on faire, en tant que YouTube, pour stimuler la création ?’”

Une volonté qui vaut pour le monde entier. Lancée il y a près d’un an aux États-Unis, la création de chaînes sur YouTube touche aujourd’hui l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. Et ce n’est pas fini : “nous voulons nous étendre à d’autres pays en 2013″, confirme Christophe Muller. Après la France, voici venue l’ère de l’exception culturelle Googlienne.


Photo par XRayDeltaone (CC-BY-SA)

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