OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Jour de classe dans un lycée autogéré http://owni.fr/2012/06/14/jour-de-classe-dans-un-lycee-autogere/ http://owni.fr/2012/06/14/jour-de-classe-dans-un-lycee-autogere/#comments Thu, 14 Jun 2012 09:54:33 +0000 Florian Cornu http://owni.fr/?p=112266

Visiter le lycée autogéré de Paris c’est un peu comme revenir  dans ses souvenirs de  lycéen, où on aurait aimé évoluer dans un lieu où les idées d’émancipation épousent les actes et les réalités du quotidien. Passé un portail de fer rouge, on se retrouve dans un jardin dans lequel les espaces, habilement façonnés par la taille des arbres invitent à se rassembler, à discuter, à s’exprimer.

Ouvert en septembre 1982, le Lycée autogéré de Paris est né grâce à  Jean Lévi. Ce dernier, inspiré par le Lycée expérimental d’Oslo et l’expérience de l’école de Summerhill de Neill, voulait créer un lycée sortant du système  scolaire traditionnel et en rupture avec le conservatisme qu’il reprochait à l’Éducation nationale. Un lycée pour les lycéens géré par les lycéens. Qui fête ses 30 ans cette année.

Diversité

Il ne faut pas croire qu’on a que des élèves ultra politisés, bien sûr il y en a qui le sont, et évidemment à l’extrême gauche, d’autres qui ne le sont pas du tout, certains même qui sont à droite ! Comme on accepte tous ceux qui veulent venir étudier chez nous dans la limite du nombre de places possibles et qui sont considérés comme des « cas sociaux » par les autres établissements, on a une grande mixité sociale et des élèves très différents

C’est d’abord cette richesse qui fait du LAP un lieu rare, qui semble échapper à la sélection et à la compétition inhérente aux structures scolaires traditionnelles. La diversité des élèves, de leurs origines, de leurs expériences, permet de penser l’autogestion concrète.

Escalade

Le lycée autogéré n’est pas un lieu de consommation de savoir procuré du prof à l’élève. Ici, les lycéens qui savent ce qu’ils veulent faire apprennent à formuler et à préciser leurs demandes et cela aboutit à des activités ou à des projets concrets. Ceux qui ne savent pas, nous tentons de les guider et de leur laisser le temps nécessaire à murir leurs envies. Nous ne voulons pas que l’élève soit dans un choix du bac par défaut

Conformément à ce projet, les enseignements liés à la découverte de soi sont variés. Ils passent notamment par la construction de projets. Aussi bien parcourir la route 66 en van pendant trois semaines pour découvrir les États-Unis que partir faire le tour de Corse en randonnée ou monter un club d’escalade.

Si le but demeure la réalisation du projet, c’est dans la construction de ce dernier et dans les étapes pour parvenir à son accomplissement que résident les aspects les plus formateurs. Jérémie, élève en terminale S ayant participé en 2011 à ce projet de route 66 nous fait part de cette expérience:

C’est en construisant le projet que tu grandis. D’abord tu dois rassembler des gens qui sont motivés, tu dois en discuter pour qu’il convienne à tous, puis il y a toute la préparation et la recherche de fond. Lorsqu’on fait un projet au LAP, le lycée participe à hauteur d’un tiers, la famille à un tiers et c’est aux élèves de trouver le dernier tiers. Cela passe par l’organisation d’événements, de petits déjeuners, de soirées, de repas, etc. Finalement on a réussi, on est partis, et c’était le pied. Ce qui est formateur, c’est tout ce qu’on apprend en se confrontant aux problèmes d’organisation qui te barrent la route

Au LAP, un autre levier important de ce processus de connaissance et de découverte de soi passe par les OVNI (objets valorisants non identifiés). Chaque élève, s’il le désire, est invité à approfondir un sujet qui l’intéresse ou le passionne en faisant un dossier dont il doit rendre compte devant un jury de profs.

Les OVNI agissent comme un premier moyen pour les élèves de prendre conscience des sujets et activités qui les intéressent le plus  et de valoriser des connaissances qui ne sont pas directement liés aux enseignements qu’ils reçoivent.

Contraintes

Dans la cour du lycée, il suffit de s’attarder quelques instants pour rencontrer des élèves qui ne vont pas en cours mais passent le plus clair de leur temps dans l’enceinte de l’établissement.

La majorité d’entre eux est consciente de la réputation commune de l’absentéisme et de la flemmardise qu’on y associe souvent. Pourtant, ici, la flemmardise prend aussi tout son sens d’après Paul :

On sait que des gens peuvent dire qu’on ne fout rien et qu’on ne va que dans les cours qui nous intéresse. Mais tu vois, au moins on est là, ensemble, et ce lycée a du coup un statut particulier car c’est notre lieu. On n’a pas envie d’y foutre la merde. Il y a plein d’élèves ici qui ne vont pas en cours mais s’investissent énormément dans la vie du LAP parce qu’ils y trouvent leur compte. Ici, tu ne vas pas en cours juste parce que tu es obligé d’y aller au risque de te taper des heures de colle comme dans une structure traditionnelle. Quand tu vas dans un cours, c’est parce qu’il t’intéresse

Beaucoup soulignent aussi le fait que le lycée appartient réellement aux élèves qui le gèrent avec les enseignants. Il n’y a pas de femmes de ménage au LAP et si personne ne nettoie c’est sale. Si personne ne participe, ça ne fonctionne pas, etc. Dimitri élève en terminale S partage cette vision :

Moi je pense que ce lycée est un très bon moyen de faire une transition même si cela ne convient pas à tout le monde car il faut vraiment apprendre à gérer la liberté. Après, il y a pas mal d’élèves qui glandent un an ou deux parce qu’ils ont d’un coup beaucoup moins de pression, notamment des parents. C’est au contact des différents projets et de la vie collective que certains font le lien entre leurs centres d’intérêt et le monde réel.

Intelligence collective

En cours de maths, l’approche pédagogique est assez surprenante car l’enseignement s’apparente plus à une discussion permanente entre le prof et les différents élèves qu’à une transmission unilatérale du savoir. Au lieu de présenter une règle mathématique puis de la faire comprendre par le biais d’exercices, Pascal, le prof de math part de savoirs déjà acquis pour poser un nouveau problème.

Il questionne chaque élève sur la manière dont ils voudraient le résoudre pour éprouver les solutions de chacun. C’est en amenant les élèves à mettre leurs réflexions en commun et en prenant les meilleures idées que le problème est petit à petit résolu.

Dans la salle, le prof change  souvent de place en s’installant successivement à côté des différents élèves présents au profit  de la suppression du rapport de  hiérarchie, ne serait-ce que visuellement.

Ici, les élèves peuvent s’entraider lorsque l’un d’entre eux est au tableau et pas question d’empêcher les autres de souffler puisque c’est précisément la possibilité de se confronter à la diversité des raisonnements qui fait prendre conscience des failles du sien.

Cette stimulation de l’intelligence collective et de la logique propre à chacun rend le cours beaucoup moins ennuyeux et éprouvant qu’un cours « classique ». Plus besoin de jeu pour faire apprendre une logique puisque la logique elle-même devient ici un jeu. Comme l’explique un lycéen :

Moi j’adore cette pédagogie et c’est un peu con les programmes parce que c’est parfois un obstacle. Comme on est obligés d’aller vite, on peut pas tout le temps faire ce processus de découverte des choses par soi-même et c’est vrai que découvrir comme ça, ça prend du temps. L’autre élément intéressant, c’est qu’ici, en dehors de la terminale où on te prépare au bac, les notes sont l’exception et pas la règle. Bien sûr, n’importe qui peut demander à être noté mais globalement les profs essaient plutôt de donner des commentaires et de t’orienter de façon constructive. Après, tout n’est pas parfait et ça entraine parfois un peu de laxisme de la part de certains profs qui accordent tellement peu d’importance aux notes qu’ils mettent des mois à te rendre une copie !

Organisation

Les structures organisationnelles sont les garantes d’une autre vision de la démocratie. Plus complexe qu’une simple assemblée générale, l’organisation au Lycée autogéré de Paris s’échafaude ainsi autour de différentes instances ayant chacune leur propre rôle sans pour autant être hérmetiques entre elles, bien au contraire. Comme le commente Jérémie:

Tu sais, tout ça résulte de 30 ans d’expérience et ça se sent, c’est vachement construit. Ce que j’aime bien ici, c’est que contrairement à la société dans laquelle on vit, les règles sont évolutives. Au LAP, ce n’est pas parce qu’on a supprimé les relations de hiérarchies et d’autorité qu’on a pas de règles et ce n’est pas parce qu’on a des règles qu’on ne peut pas les remettre en cause, voir les supprimer. L’autre truc qui est marrant, c’est que malgré cette organisation très réfléchie tu te rends comptes qu’à force, la plupart des discussions et des problèmes tu les résous dans les couloirs, c’est ça, la plus grosse instance du lycée!

Outre le fait que le système de vote au LAP repose sur le principe de “une tête une voix” sans distinction de statut, c’est le mode de scrutin qui est intéressant. D’abord, parce que même si les décisions sont votées à la majorité absolue, une large place est accordée au consensus. Surtout si une décision recueille, à titre d’exemple, 51% des suffrages contre 49%. Dans ce cas, comme  l’explique un lycéen, les “lapiens” se posent des questions et essaient de reformuler la proposition au mieux, de manière à avoir une plus large majorité qui adhère.

Cliquez sur l'image pour voir l'infographie

Ensuite, parce que le LAP reconnait trois types de scrutin dans ses votes. D’abord le vote blanc quand aucune proposition ne correspond aux attentes de l’individu, l’abstention quand il n’a pas d’opinion sur le sujet, et le refus de vote quand la personne considère le vote comme illégitime. Comme l’explique une lycéenne:

Si il y a énormément de refus de vote, on se pose des questions, même si dans le principe on devrait se poser la question à partir d’un seul refus dans le sens où c’est un acte fort qui réfute la légitimité même de l’existence du scrutin. Mais bon, il y a toujours un débat sur le vote au préalable. On discute toujours pour savoir si les propositions à voter nous conviennent, ce qui fait que les refus de vote sont relativement peu nombreux. Par contre, ce qui arrive assez régulièrement, c’est qu’un groupe de base entier refuse de voter parce qu’il estime que les propositions ne sont pas assez claires dans leur formulation ce qui peut parfois s’avérer problématique

Enfin, c’est la possibilité pour chaque élève de participer aux différentes structures du lycée qui est intéressante. Si un élève trouve que son idée, son projet ne sont  pas bien représentés au sein de l’organisation du LAP il peut participer à la réunion générale de gestion  ou convoquer une assemblée générale si une discussion collective est  vraiment nécessaire.

Limites

L’autogestion en tant qu’idéal a ses limites. Souvent celles que chaque esprit s’impose. Cette considération vaut aussi pour certains élèves dont les conceptions de l’idéal autogestionnaire diffèrent. Une des critiques les plus courantes attribuées à ce lieu par les lycéens est la diversité des élèves. Non la diversité en tant que valeur qu’aucun lycéen rencontré ne remet en cause, mais plutôt la diversité de conceptions et l’inertie qu’elle impose à l’organisation. Comme le reproche Paul, lycéen de première:

Le problème ici c’est que tout le monde ne rentre pas pour s’investir dans la structure. Moi par exemple, je suis venu ici parce que je milite et que je voulais expérimenter l’autogestion. Mais c’est vraiment loin d’être le cas de tout le monde. Le point positif que j’ai pu observer c’est que certains ne connaissent même pas le concept d’autogestion en arrivant ici mais l’appliquent naturellement. Ils participent aux réunions, sont actifs dans les débats, s’impliquent dans les projets ou les tâches, etc.

À la base de la création du lycée, il s’agissait notamment de préparer le bac autrement, en marge des processus de préparation classiques dispensés en lycée “conventionnel”. Si ce but demeure, une critique souvent adressée au LAP tient dans son faible taux de réussite au bac, qui plafonne à 25% (là où les moins bons lycées parisiens ne descendent guère en deçà des 80%).

Il s’explique par différentes raisons. Contrairement aux autre lycées, le LAP accepte l’inscription de tout individu souhaitant s’investir dans la structure, qu’il soit en échec scolaire, descolarisé depuis quelques années ou issu de filières techniques. Ensuite, parce que comme l’explique l’un des professeurs d’anglais du Lycée de manière volontairement caricaturale:

Sur les 80 terminales, 40 vont en cours et vont réussir, d’autres vont débarquer en terminale sans être passé chez nous pour la seconde et la première et vont souvent avoir quelques difficultés et les autres ne viennent pas. Si on ne prend en compte que ceux qui viennent en cours on a un taux de réussite honorable

Les défis du lycée autogéré de Paris sont multiples. Parvenir à donner la place à chacun de s’exprimer et y accorder de l’importance même s’il est minoritaire, provoquer la participation du plus grand nombre au fonctionnement de la structure sans pour autant avoir à l’imposer par l’autorité ou encore concilier les différentes visions de l’idéal autogestionnaire tout  en respectant ses objectifs pédagogiques.

Autant de problématiques auxquelles le LAP s’efforce de trouver des solutions depuis 30 ans. Avec ses défauts, ses tâtonnements et ses promesses le lycée autogéré a le mérite de s’assumer, d’exister et de demeurer un lieu de déconstruction et d’expérimentations  qui donne envie de croire à cette pensée de Victor Hugo issue des Misérables:

Et rien n’est tel que le rêve pour engendrer l’avenir. Utopie aujourd’hui, chair et os demain

Pour d’avantage d’informations sur le LAP:
Un livre retraçant ce combat de longue date paraitra fin Juin.
Par ailleurs, le lycée fête ses trente ans les vendredi 29, samedi 30 et dimanche 1er juillet 2012
Enfin, en partenariat avec la “Foire à l’autogestion” une soirée débat sur le thème de l’autogestion est organisée le vendredi 22 Juin au LAP

http://fr.wikipedia.org/wiki/Summerhill_School

Photos au mobile par Florian Cornu, édition et infographie par Ophelia Noor pour Owni

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La démocratie inachevée http://owni.fr/2010/02/02/la-democratie-inachevee/ http://owni.fr/2010/02/02/la-democratie-inachevee/#comments Tue, 02 Feb 2010 12:01:24 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=7544

L’idéal démocratique ne s’accomplira que si nous envisageons tous les modes possibles d’organisation de la société, et non seulement le modèle pyramidal qui implique la représentation de type monarchiste. Certains secteurs de la société ont peut-être besoin de pyramidal, d’autres non. Seulement, faudrait-il accepter les autres possibilités ! Nadia vient de me faire repenser à ces questions par ses questions.

Qu’est-ce que l’auto-organisation ?

Un système est auto-organisé quand il n’a pas besoin d’un organe de contrôle central pour fonctionner (structure non pyramidale). J’ai souvent donné l’exemple des oiseaux qui volent en flotte ou des paquets TCP/IP sur le Net. On peut dire la même chose des piétons sur les grands boulevards ou dans les couloirs du métro.

Auto-organisé ne veut pas dire inorganisé, mais que l’organe de contrôle est distribué. Cet organe qui prend en général la forme d’un jeu de règles que respectent les agents, peut apparaître au cours de l’évolution, des règles étant peu à peu sélectionnées parce qu’elles offrent quelques avantages au système.

Nous-mêmes, qui résultons de ce phénomène d’auto-organisation, pouvons imaginer des règles a priori et vérifier si elles mènent à des auto-organisations. Cette approche passe par des simulations. Dans le domaine technique, on s’en tire à peu près, notamment en s’inspirant de la nature. Mais c’est plus difficile pour faire interagir des gens, ce qui implique des expériences à petites échelles avant d’imaginer les généraliser.

Nous ne faisons aujourd’hui que balbutier la politique de l’auto-organisation. On a vu quelques amorces lors des campagnes électorales aux États-Unis. Al-Qaeda est passée maître dans cet art. Quelques entreprises le pratiquent.

Mais il ne faudrait pas oublier qu’une bonne part de notre société est déjà auto-organisée de manière implicite. La plupart des choses que nous faisons durant une journée ne résultent pas d’une consigne émise par un organe de contrôle central. En fait, il est presque plus facile de parler de ce qui n’est pas auto-organisé (la plupart des entreprises, des partis politiques, des gouvernements…) que de ce qui l’est (tout le reste).

J’ai bien sûr mon exemple préféré d’auto-organisation : la circulation routière. L’organe de contrôle est totalement distribué : les signalisations éparpillées sur le territoire donnent des consignes ponctuelles, mais la plupart du temps nous sommes livrés à nous-mêmes. Rien ne nous empêche de jouer aux autotamponneuses sinon quelques règles.

La règle n’a pas toujours pour fonction de réduire la liberté. Elle peut souvent l’accroître.

Il ne faut pas chercher des exemples d’auto-organisation au grand jour. Nous sommes dans une société gouvernée par des pyramides, elles attirent la lumière. Les AMAP sont, par exemple, une façon d’auto-organiser sur le territoire un circuit alimentaire alternatif. L’auto-organisation est par principe souterraine, structurelle, fédératrice. Quand on la voit se manifester au cours d’une campagne électorale, c’est déjà sous une forme pervertie.

Note sur l’autogestion

Quand je parle de l’auto-organisation, on me renvoie souvent à l’autogestion. Pour moi l’autogestion, c’est typiquement la coopérative. Tous les employés possèdent l’outil de production, éventuellement à parts égales. Maintenant une coopérative n’est pas nécessairement auto-organisée. Elle peut adopter une structure pyramidale.

Inversement, un système auto-organisé n’est pas nécessairement égalitaire. La nature est dans une grande mesure auto-organisée et il y existe des puissants et des faibles.

Ainsi Internet, qui repose sur de nombreux mécanismes auto-organisés, n’en est pas pour autant égalitaire (il est même tout sauf égalitaire).

Dans un système auto-organisé, les agents ne sont pas plus libres que dans un système pyramidal. Le fait de ne pas voir clairement l’organe de contrôle ne signifie pas qu’on ne lui obéit pas. Parfois il est même plus facile d’éructer contre un guignol bien visible que contre des forces plus souterraines.

De la démocratie

L’organisation pyramidale ou l’auto-organisation ne sont pas en concurrence dans l’absolu. Simplement, en un âge de complexité croissante, la démocratie doit adopter des organisations capables de gérer la complexité (l’incapacité de gérer la complexité nous ferait verser vers la dictature et vers une gigantesque récession).

L’auto-organisation est alors une méthode à considérer. Elle est démocratique par définition : elle confère le pouvoir au peuple puisqu’il se retrouve distribué entre les individus. Mais chacun d’entre eux ne dispose pas d’un pouvoir équivalent.

L’auto-organisation en elle-même ne garantit ni la liberté, ni l’égalité, ni la fraternité. Pas plus que le système pyramidal d’ailleurs.

Dans la quatrième partie de mon Alternative nomade, je montre que la liberté et la fraternité sont consubstantielles. Plus nous nous lions, plus nous accroissons notre liberté, ce qui est la seule stratégie de survie dans un monde qui se complexifie.

La complexité du monde nous pousse à adopter l’auto-organisation, une auto-organisation qui maximise la liberté et la fraternité (ce qui ne serait pas le cas si la complexité n’était pas extrême). Pour le même prix, nous avons la liberté, la fraternité et la complexité… ou la catastrophe.

Reste l’égalité, l’égalité en droit bien sûr. Je ne pense pas qu’une forme d’organisation puisse intégrer en elle-même cette idée, justement parce que c’est une idée qui a émergé assez tardivement.

Imaginons de fortes inégalités. Certains liens se retrouvent déséquilibrés, des liens de type maître-esclave. Ils réduisent l’intelligence collective, donc présentent un handicap pour l’ensemble de la société. Dans un monde de plus en plus complexe, nous avons tout intérêt à lutter contre les inégalités pour ne pas nous affaiblir globalement. Le troisième pilier de la démocratie est nécessaire dans un environnement complexe.

Manager vs leader

J’ai discuté de cette nuance dans la seconde partie du Cinquième pouvoir. Pour résumer. Le manager connaît la solution. Le leader donne envie de trouver une solution et de la mettre en œuvre.

Alors oui il y aura toujours des leaders, parce que des hommes auront plus d’énergie, plus de stamina, plus de charisme… plus de facilité à créer des liens. L’égalité en droit n’empêche pas la diversité.

Mais il faut se placer dans la perspective des TAZ. Le leader d’une TAZ ne sera pas nécessairement le leader d’une autre. Les circonstances font le leader.

Nous devons mettre en place des structures souples pour que les leaders puissent émerger vite et rentrer dans le rang tout aussi vite. Faire tout le contraire de ce que nous propose la politique actuelle. Où il faut longtemps pour atteindre le sommet, ce qui ne donne aucune envie d’en redescendre.

Pouvons-nous empêcher un leader de s’accrocher ? La complexité sans cesse croissante devrait se charger de faire le ménage. Un leader qui s’accroche, qui n’est plus capable d’accompagner la complexité, devient un frein… il pénalise le système… qui fera émerger un autre leader si nécessaire.

PS : Je ne pense pas avoir dit qu’Internet était une société. Internet est un territoire où une part de notre société se développe. Si notre société a un pied sur un territoire, un pied sur un autre, elle ne peut que boiter. C’est toute la société qui ressent les claudications. C’est une autre façon de décrire le cycle 1/Information 2/Homme 3/société 4/Homme. Transformer l’information, transforme la société.

» Article initialement publié sur Le Peuple des Connecteurs

»Image d’Illustration par PaDumBumPsh sur Flickr

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