OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Google : chêne ou roseau? http://owni.fr/2012/12/13/google-chene-ou-roseau/ http://owni.fr/2012/12/13/google-chene-ou-roseau/#comments Thu, 13 Dec 2012 14:15:50 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=127342

“La presse peut faire plier Google. Les journaux belges viennent d’en apporter la preuve.” Ces deux petites phrases, extraites d’un article du Monde publié hier, ont suffi à mettre en branle le panzer de Mountain View. Billet de blog publié tard dans la soirée, conference call improvisée dans la matinée, équipe de com’ sur les dents : Google a déployé un véritable plan Vigipirate pour contrer les informations du journal du soir. Objectif : décorreller à tout prix l’accord trouvé du côté du plat pays avec les négociations toujours en cours par chez nous.

Google se paie la presse

Google se paie la presse

C'est la guerre ! Face au projet de loi de certains éditeurs de presse qui souhaitent faire payer Google dès qu'il ...

Google chez les Belges

Intitulé “Droit d’auteur : Google indemnise la presse belge”, l’article à l’origine du branle-bas de combat révèle le contenu d’un “accord secret [...] conclu, vendredi 7 décembre, entre les éditeurs francophones de quotidiens (les groupes Rossel, La Libre Belgique, L’Avenir), la Société de droits d’auteurs des journalistes (SAJ) et Google.” Ces derniers sont empêtrés depuis six ans dans une procédure judiciaire : Copiepresse, un représentant des éditeurs de presse belges, a attaqué en 2006 le géant américain pour violation du droit d’auteur sur son service Google News. Condamné en appel en 2011, Google avait fini par privilégier la voie de la négociation.

Et à en croire Le Monde, c’est lui qui sort grand perdant du deal enfin trouvé :

Le géant américain va verser une indemnisation conséquente, qui représente selon une source “entre 2 % et 3 % du chiffre d’affaires” de la presse belge francophone, soit près de 5 millions d’euros. Les journalistes devraient toucher une part de ce pactole par la SAJ.

Un “précédent qui pourrait faire boule de neige dans d’autres pays européens, à l’heure où les éditeurs français, allemands et italiens souhaitent faire payer au moteur de recherche un “droit voisin” au droit d’auteur”, poursuit le journaliste, en référence aux négociations houleuses en cours dans les pays voisins. Pourtant, ce même article conclut sur le fait que cet accord ne “semble” pas régler “la question des droits pour les années qui viennent”.

Lex Google pour les nuls

Lex Google pour les nuls

Si les éditeurs de presse français n'ont pas encore déclaré officiellement la guerre à Google, le manège y ressemble. ...

Or les revendications actuelles de certains titres, comme l’association des éditeurs de presse d’information politique et générale (IPG) en France, portent précisément sur la mise en place à l’avenir d’une contribution sonnante et trébuchante de la part de Google, au motif que le géant du web gonfle ses revenus publicitaires sur le dos de la presse. Et non, comme c’est le cas en Belgique, sur un conflit ouvert sur l’atteinte aux droits d’auteur de la presse dont Google pourrait être à l’origine. Alors même que selon des juristes, les titres français pourraient tout à fait se lancer dans ce genre de combat. Mais la bataille, en France, est différente.

Il n’en fallait pas plus pour Google pour contre-attaquer. “L’accord ne prévoit pas le paiement de redevances aux éditeurs et aux auteurs belges pour l’inclusion de leurs contenus dans nos services” martèle depuis hier son service de communication, appuyé dans sa tache par des représentants des éditeurs de presse outre-Quiévrains. De quoi calmer les ardeurs éventuelles des confrères français.

“La question d’un droit voisin n’a pas été abordée”, expliquait ce matin Francois le Hodey, président des Journaux francophones belges, qui dément avec Google les informations du Monde :

Nous n’avons jamais parlé [d'une rémunération en] pourcentage par rapport à un chiffre d’affaire.

Et de préciser :

L’accord couvre principalement les frais engagés par les éditeurs [...] mais aussi des partenariats commerciaux qui profitent à tout le monde.

Concrètement, cette alliance prend plusieurs formes : Google s’engage à acheter des espaces publicitaires aux titres de presse pour promouvoir ses produits, à les aider à optimiser leurs revenus publicitaires via Adsense et Adexchange ou à être plus facilement accessibles sur mobile.

Le tour de Gaule de Google

“Ca fait longtemps que Google est dans le coaching, le mentoring et l’accompagnement des médias”, commente Google, qui s’est dit prêt à déployer un accompagnement similaire aux autres titres de presse belges qui le souhaitent. En clair, Google est d’accord pour les coups de pouce, mais refuse toujours de donner une grosse enveloppe à la presse. “On ne paye pas pour un contenu qu’on n’héberge pas, c’est ce qu’à dit Eric Schmidt”. Une information que semble avoir bien intégrée les éditeurs de presse belges après six ans de combat. Ce matin, François le Hodey concédait ainsi au détour d’une phrase :

Il est inutile d’espérer un accord avec Google sur un concept de rémunération des contenus.

Une ligne que ne partagent pas les éditeurs de presse bien de chez nous, invités à la table des négociations. Selon nos informations, l’IPG serait encore bien décidée à aller gratter directement le trésor de Google plutôt que de les écouter prodiguer des conseils. “Amputer (un peu) ses bénéfices”, comme l’écrivait Laurent Joffrin, l’un des porteurs du texte de l’IPG. De vieux réflexes bien chevillés au corps de certains éditeurs de presse, habitués à être alimentés par un système de subventions.

Foutage de Google

Foutage de Google

Pas de surprise dans la lettre de mission du médiateur dans l’affaire Lex Google, envoyée aujourd'hui : elle confirme que ...

Contactés, Nathalie Collin, président de l’association en question, comme Denis Bouchez, son directeur, ne souhaitent faire aucun commentaire au cours de la médiation voulue par le gouvernement et entamée fin novembre. Les trois parties ont commencé à discuter, la dernière réunion datant du 11 décembre dernier.

Reste à savoir qui lâchera en premier. De son côté, l’IPG peut compter sur le soutien du gouvernement, qui menaçait il y a quelques semaines : soit la médiation aboutit, soit c’est une loi contraignant le géant du web à payer. Quant à Google France, la boîte ne lâche rien et prévient : “nous avons bien plus à gagner en travaillant ensemble qu’en se disputant.” Un message explicite, adressé aux “éditeurs du monde entier”.

Suivez mon regard.


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Le nucléaire en grève http://owni.fr/2011/11/07/le-nucleaire-debraye/ http://owni.fr/2011/11/07/le-nucleaire-debraye/#comments Mon, 07 Nov 2011 16:23:46 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=86070 Selon des informations obtenues par OWNI, demain matin, entre 11 heures et midi et entre 13 et 14 heures, les salariés d’Areva FBFC à Dessel en Belgique, effectueront un débrayage de deux heures au moins pour protester contre les fermetures et les licenciements prévus par les dirigeants du groupe Areva.

L’annonce de la fermeture de leur site, employant 152 personnes, avait fait grand bruit le 25 octobre dernier et déclenché une avalanche de communiqués contradictoires des syndicats. Selon ces derniers le groupe voudrait se séparer de 3 000 salariés sur 41 000 restants (ils étaient 79 000 fin 2009).

À en croire le groupe et le gouvernement, il s’agit de restaurer sa capacité de produire de la monnaie sonnante et trébuchante pour combler le gouffre financier que représente l’EPR finlandais d’Olkiluoto. À commencer par réduire les coûts d’exploitation et la masse salariale du groupe.

La direction du groupe dément la suppression des postes, mais il n’en reste pas moins un doute sérieux quant au reclassement des 152 salariés de la filiale. Et les sites dont l’activité est la même qu’à Dessel : Pierrelatte et Romans en France mais aussi Lingen en Allemagne seraient directement menacés par cette fermeture.

La fermeture de l’usine de Dessel répond à cette nécessité de gagner quelques euros. Pourtant selonune étude du cabinet de conseil Secafi qu’OWNI a consulté, et remise à l’entreprise, la branche combustible d’Areva a surtout subi :

la tension de la relation avec EDF en vue des re-négociations de volumes [de combustibles, NDLR] concernant 2013/2017 : volonté supposée de l’opérateur de réduire la part de marché d’Areva.

Areva n’aurait pas besoin de fermer le site mais de renégocier ses contrats avec EDF. Question de rentabilité à moyen terme à résoudre en négociant mieux. Mais en plus des relations tendues, l’étude montre qu’en 2010, “les volumes EDF ont été inférieurs à l’engagement contractuel.”

Si Dessel ferme, c’est avant tout parce que le site a pour principal client EDF. L’usine Melox reprend en interne son activité d’assemblage du combustible MOX dans le courant de l’année 2013. Et contrairement aux deux autres spécialistes de l’assemblage de combustibles – Romans et Lingen – Dessel n’a pas d’autre client que le royaume d’Henri Proglio.

Pire encore :

Avec une capacité industrielle qui se révèlerait limitée sur Romans [...], les trois sites [NDLR : Romans, Dessel et Lingen] seraient nécessaires pour passer l’année 2015.”

Et l’étude de conclure qu’aucune décision de restructuration ne devrait être prise avant la fin de l’année 2012. Pourtant Luc Oursel n’est pas engagé dans cette voie-là. Après la création de la filiale mines – qui permettrait l’entrée du Qatar au capital -, la démission subite du PDG allemand Ulrich Gräber qu’il justifie officiellement par son âge et la vente récente de la filiale Canberra fabriquant des appareils de radioprotection entre autres les confettis du groupe et les salariés sont en passe d’être répandus et/ou vendus un peu partout.

Alors que la dernière grande réunion du groupe a eu lieu fin octobre, le plan d’action stratégique doit être rendu le 12 décembre prochain. Mais déjà, selon des informations internes, l’avenir ne parait pas radieux pour les salariés : le départ de Jean-Cyril Spinetta du conseil de surveillance se confirme, les mines et leur baisse de valeur plombent les finances, des nouveaux retards sur OL3 sont à attendre, la filialisation des mines permettraient l’ouverture du capital au fonds Qatar et … à un fonds chinois et, surtout, le Koweit serait inquiet de la baisse de valeur des actions du groupe et menacerait de retirer ses parts.


Illustrations Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales nitot

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La Belgique filtre ses pirates http://owni.fr/2011/10/13/la-belgique-filtre-ses-pirates/ http://owni.fr/2011/10/13/la-belgique-filtre-ses-pirates/#comments Thu, 13 Oct 2011 11:15:49 +0000 Quentin Noirfalisse http://owni.fr/?p=83099

Lundi dernier, en Belgique, la cour d’appel d’Anvers rendait une décision controversée dans le cadre de l’affaire opposant la Belgian Anti-Piracy Federation (BAF) qui regroupe de nombreux ayants droit, aux deux principaux fournisseurs d’accès belges, Belgacom et Telenet. Le juge leur a ordonné de bloquer l’accès au célèbre site The Pirate Bay – un portail dédié au partage de la musique et des films. Mettant ainsi en place un filtrage au niveau du nom de domaine. Au total, il s’agit de onze adresses ciblées, avec un délai de deux semaines pour les fournisseurs d’accès pour appliquer la décision de justice. Si les deux fournisseurs d’accès internet belges (FAI) n’obtempèrent pas, des amendes sont prévues.

À première vue, il s’agissait donc d’une victoire pour la BAF. D’autant plus qu’en juillet 2010, le tribunal de commerce d’Anvers avait rejeté son action en référé exigeant que les mêmes Belgacom et Telenet bloquent The Pirate Bay. Selon le tribunal, il était surprenant de la part de la BAF de demander une action en urgence alors que The Pirate Bay existait depuis huit ans déjà. Suite à ce refus, la BAF avait réclamé, dans un communiqué de presse, une intervention du gouvernement afin « de faire respecter la loi, aussi sur Internet ».

Dès le lendemain de la décision de justice, The Pirate Bay s’est fendu d’une note ironique sur son blog.

Aujourd’hui, nous avons appris que nous étions bloqués. Encore ! Bâillement. Quand arrêteront-ils – nous grandissons sans cesse en dépit (ou peut-être à cause) de tous leurs efforts. Donc, si vous vivez en Belgique (ou travaillez au Parlement européen, d’où nous avons des milliers de visites chaque jour), vous devriez changer votre DNS afin de contourner le blocage.

En quelques heures, le net proposait ainsi plusieurs solutions pour changer ses paramètres DNS afin d’accéder au site. Quelques jours plus tard, The Pirate Bay décidait, en plus et tout simplement, d’ouvrir un nouveau nom de domaine en Belgique : depiraatbaai.be vers lequel on est désormais redirigé lorsqu’on consulte www.thepiratebay.org à partir de la Belgique. Selon l’un des responsables de The Pirate Bay, « les noms de domaines belges sont un peu onéreux mais nous devons nous implanter là-bas», ajoutant que le verdict de la justice était « inconsistant ».

Une inconsistance qui est également soulignée par l’Association de protection des droits des internautes (la NURPA). Geek Politics a demandé à André Loconte, étudiant en ingénierie et porte-parole de l’association, d’étayer la position de la NURPA.

Pourquoi la NURPA est-elle contre la décision de la Cour d’appel d’Anvers ? Vous avez notamment relevé qu’elle pourrait aller à l’encontre de l’échange de contenus sous licences libres et creative commons via The Pirate Bay.

André Loconte : L’accès aux contenus sous licences libres et creatives commons constitue effectivement un des aspects du problème de la censure mais c’est au niveau de l’accès à l’information qu’il faut se placer. Le filtrage pour le filtrage, ou plutôt la censure pour la censure, au delà d’être inefficace, car les méthodes de contournement simples foisonnent, nous conduisent vers une politique de société dangereuse à différents niveaux.

Je le disais, il est simple de contourner quelque méthode de filtrage que ce soit (cf. notre réponse à la consultation de la Commission européenne sur les jeux en ligne[pdf, en]). Pas uniquement parce que les internautes font preuve d’ingéniosité mais parce que le réseau Internet a été développé pour offrir la plus grande résilience possible [en]. En terme de réseau, la résilience se traduit par la capacité de celui-ci à s’adapter naturellement à tout comportement anormal – la censure est une anormalité d’un point de vue technique – afin de remplir sa fonction (transmettre des octets d’un point A à un point B).

Internet est un réseau différent de ceux que nous avons connu à l’époque des téléphone en Bakélite ou que nous connaissons avec la télévision. Alors, la seule capacité du téléphone était d’interrompre la ligne un certain nombre de fois, dans un certain intervalle de temps. Ces interruptions étaient interprétées par le centrale qui mettait en relation l’interlocuteur adéquat. Le téléphone était un simple interrupteur. L’intelligence (la capacité à traiter l’information) était au cœur du réseau.

Internet a changé les règles du jeu. Désormais, chaque ordinateur est capable d’interpréter les informations qu’il reçoit et de les traiter. Cette caractéristique lui confère une capacité sans précédent puisqu’il lui est désormais possible de créer son propre réseau, son réseau parallèle ou « sa » parcelle d’Internet. Internet est un réseau a-centré. Les  fournisseurs d’accès à internet sont les « tuyaux » qui relient les individus entre eux afin que ceux-ci communiquent et échangent en interprétant eux-même les informations qu’ils reçoivent. L’intelligence est en périphérie du réseau.

Exactement comme le facteur, les fournisseurs d’accès à Internet acheminent les paquets sans se soucier de leur contenu. Insérer des mécanismes de censure au cœur du réseau (chez les fournisseurs d’accès à Internet) revient à enlever à l’internaute, au citoyen, cette faculté naturelle de traiter lui-même l’information.

Quels sont les risques posés par le blocage de The Pirate Bay ?

A.L : Premièrement, la surenchère. L’exemple tout proche de la France démontre que le « filtrage » n’est qu’une première étape vers des systèmes de surveillance  toujours plus intrusifs tels que le DPI (Deep Packet Inspection) souhaité par la HADOPI pour être en mesure d’espionner le trafic. En temps normal, les fournisseurs d’accès à internet (FAI) sont aveugles vis-à-vis des paquets que leurs tuyaux transportent, ils savent d’où ils viennent et où ils vont. Ils n’ont pas besoin de plus pour que l’échange se déroule dans de bonnes conditions.

La technique de DPI consiste à ouvrir chacun des paquets qui transitent pour déterminer si leur contenu est licite ou non. Dans le cas où le contenu du paquet est jugé illicite, le FAI le détruit et la communication est interrompue . En d’autres termes, un programme informatique, une machine, prend la place du juge pour déterminer la licéité ou non d’un contenu. Fantasme ? Malheureusement non. Ce sont des dispositifs semblables – vendus par des entreprises européennes – qui étaient/sont en place dans des pays tels que la Tunisie, l’Égypte, la Syrie, etc.

Les moyens techniques existent et les industries du divertissement poussent à leur usage pour une raison simple : à force de réprimer, bloquer, censurer les échanges P2P (de pair à pair), les internautes se tournent vers des modes de téléchargement nettement moins respectueux du réseau (direct download) et qui échappent aux dispositifs de censure mis en place jusqu’à présent.

Il me semble important d’expliciter cette nature « respectueuse » des échanges sur le réseau. Le P2P consiste à mettre en relation des individus qui possèdent un catalogue de contenus selon notamment le critère de la proximité : si votre voisin ou une personne à l’autre bout du monde possède un fichier que vous souhaiteriez copier, il est plus probable que la vitesse d’échange soit plus optimale depuis l’ordinateur de votre voisin que depuis celui de cette autre personne. Le P2P repose par ailleurs sur la répartition des échanges : un fichier sera rarement copié entièrement depuis une source unique.

Le direct download consiste quant à lui à se connecter à un point central et à télécharger, depuis ce point unique, l’entièreté du fichier. Ceci signifie notamment que plutôt que de favoriser les échanges nationaux (dont le coût est nul pour les FAI locaux), les échanges sont localisés et si la source du téléchargement venait à disparaître ou si le système l’hébergeant venait à subir une défaillance, plus personne ne pourrait accéder à la ressource. Le direct download recrée virtuellement de la rareté pour un objet – une œuvre dématérialisée – qui est par nature dans le paradigme de l’économie d’abondance.

À tout ceci s’ajoutent les enjeux économiques afférents : lorsque des personnes partagent des fichiers via P2P, il convient de qualifier l’action de non-lucrative ou n’ayant pas de but commercial, aucun des deux pairs ne sort financièrement enrichi de ce partage. Lorsqu’il s’agit de MegaUpload et autres RapidShare, la problématique est tout autre : l’utilisateur paie un abonnement à ces services et est soumis à de la publicité qui génère des revenus. On se trouve ici dans le cadre d’une transaction commerciale puisque l’un des intervenants retire un bénéfice patrimonial.

L’autre risque est que cette décision ne légitime des actions semblables par d’autres secteurs industriels. Imaginez demain les vendeurs d’albums photos qui s’indigneraient du préjudice que représentent les services en ligne tels que Flickr ou Facebook ; les vendeurs de cahiers de notes feraient également valoir leurs intérêts face aux plates-formes de blog ; les opérateurs de services téléphoniques se révolteraient de la perte colossale que représentent les outils gratuits de communication que sont Skype et Messenger. Ce dernier exemple n’est peut-être pas si fantaisiste.

Permettre la censure pour un motif économique, c’est permettre la censure à n’importe quel prétexte. C’est museler l’innovation et retirer aux citoyens leurs droits de communiquer, d’échanger librement et de s’informer.

En opérant un blocage au niveau des DNS, la justice semble ne pas avoir pris en compte la facilité de contourner une telle mesure. Comment expliquez-vous cela  ?

A.L : Il serait naïf de croire que la cour d’appel d’Anvers et la BAF ignorent l’inefficacité de la mesure requise. Dans les conclusions que nous publiions mardi dernier, il est clairement fait mention que la cour a évalué la possibilité d’imposer un blocage par IP mais y a renoncé en faisant valoir l’argument légitime de la proportionnalité qui, d’après la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est défini comme suit :

(art. 52, 1) [...] des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

Cependant, puisque de nombreuses ressources sous licences libres sont impactées par cette décision imposant du blocage DNS et puisque le préjudice invoqué par la BAF n’est pas démontré, la décision rendue ne respecte pas ce principe de « proportionnalité ».

On peut imaginer que c’est en prévision des critiques portant sur les dommages collatéraux (nettement plus importants) lorsqu’il s’agit du blocage par IP que la cour à favorisé le blocage DNS. Mais il est assurément question de compréhension dans ce cas. Enfin, d’incompréhension plus précisément. La décision ordonne en effet que les domaines suivants soient bloqués :

1. www.thepiratebay.org,

2. www.thepiratebay.net,

3. www.thepiratebay.com,

4. www.thepiratebay.nu,

5. www.thepiratebay.se,

6. www.piratebay.org,

7. www.piratebay.net,

8. www.piratebay.se,

9. www.piratebay.no,

10. www.jimkeyzer.se.en

11. www.ripthepiratebay.com

D’après le « Domain Name System », dans le cas du premier élément de la liste, le « .org » est un domaine, « thepiratebay.org » en est un autre, et « www.thepiratebay.org » un troisième. Si l’on interprète de manière stricte la décision de la cour, seules les versions des adresses comprenant le sous-domaine « www » devraient être bloquées, pas « thepiratebay.org » ou « poire.thepiratebay.org ». Cette mesure n’a pas de sens face aux spécifications du DNS ou lorsqu’elle est confrontée aux usages communs si le but est effectivement de rendre ce site (du moins en apparence) inaccessible.

Assiste-t-on, avec cette technique de filtrage via les FAI, à un phénomène nouveau en Belgique ?

A.L : Le filtrage en Belgique n’est pas neuf, c’est le motif qui le justifie (la protection des droits de propriété intellectuelle) qui l’est. A cet égard, je citerai les conclusions de M. Cruz Villalón, avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne qui, dans le cas Scarlet vs SABAM, indiquait :

«une mesure qui ordonne à un fournisseur d’accès à Internet la mise en place d’un système de filtrage et de blocage des communications électroniques aux fins de protéger les droits de propriété intellectuelle porte en principe atteinte aux droits fondamentaux. »

Je rappellerai que notre justice repose sur la démonstration de l’existence d’un préjudice. Dans le cas des infractions aux droits de propriété intellectuelle lors du partage de fichier sans but commercial, cet hypothétique préjudice n’est toujours pas démontré.

Billet initialement publié sur Geek Politics sous le titre « Blocage de The Pirate Bay : “Le filtrage pour le filtrage : une politique de société dangereuse” »

Illustrations et photos via Flickr par Martin Gommel [cc-by-nc-nd] et jb_Graphics (The Pirate Bay)

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Le plat pays sous les cyberattaques http://owni.fr/2011/09/08/belgique-et-pays-bas-cibles-ideales-des-cyberattaques/ http://owni.fr/2011/09/08/belgique-et-pays-bas-cibles-ideales-des-cyberattaques/#comments Thu, 08 Sep 2011 11:45:20 +0000 Marco Bertolini http://owni.fr/?p=78570 La sécurité des sites gouvernementaux est-elle garantie ? Alors que de plus en plus de données personnelles sont stockées sur les serveurs des autorités nationales, au moment où les formalités administratives en ligne sont toujours plus nombreuses, toutes les mesures pour les protéger efficacement ont-elles été prises ?

Les exemples belges et néerlandais font craindre le pire: DigiNotar, la société qui certifiait les sites officiels des autorités des Pays-Bas a été piratée par un hacker iranien. Et le « Comité R » (la commission du Sénat chargée de la surveillance des services belges de sécurité) vient de remettre un rapport dont la conclusion a fait l’effet d’une bombe: la Belgique constitue la cible idéale pour les attaques informatiques !

Les sites officiels n’auraient subi aucun dommage. Pour l’instant, les autorités travaillent à leur sécurisation avec une nouvelle entreprise. Mais pendant quelques heures, les sites publics (gouvernementaux, mais aussi municipaux) seront inutilisables. En réalité, la mise à niveau de la sécurisation prendra plusieurs jours.

Le eGov hollandais : exemplaire mais fragile

De quoi ébranler la confiance des citoyens dans la sécurité informatique. Qu’en est-il de la fiabilité des moyens de paiement en ligne ou la protection de leurs données privées quand « DigiB », le certificat personnel qui atteste de l’identité des internautes, ne vaut plus rien?

Il faut dire que les Pays-Bas ont poussé l’informatisation de leurs services à un point rarement vu ailleurs: déclaration fiscale, extrait de naissance, documents officiels en tous genres peuvent s’obtenir via Internet… Dans les affaires, les factures papier tendent à disparaître. Quant au chèque bancaire, si courant dans les transactions françaises, il a tout simplement disparu des banques hollandaises depuis 15 ans. Les écoles primaires remettent certains devoirs aux écoliers sur clé USB…

Cela s’explique sans doute par le très haut degré d’équipement des foyers néerlandais : les derniers chiffres (2009) évoquent un taux d’équipement de 90 % des ménages tandis que 82 % d’entre eux surfent régulièrement. C’est, avec l’Islande, le taux le plus élevé d’Europe. Par comparaison, la France, en 2009, comptait 63 % de foyers équipés…

Le nombre de détenteurs de tablette numériques a doublé dans les 6 premiers mois de cette année et ce sont pas moins de 8 % des Néerlandais qui disposent de ce type d’équipement au mois d’août 2011

L’action des pirates iraniens ne visaient pas directement les sites internet des autorités néerlandaise. Il s’agit d’une nouvelle forme de piratage qui a fait une récente apparition et qui est beaucoup plus subtile.

Comment savoir si le site sur lequel vous surfez actuellement est bien celui que vous croyez? Qui garantit que le site bancaire auquel vous venez de vous connecter est bien le vôtre? Que vous n’êtes pas occupé à donner vos numéros de compte, votre nom d’utilisateur et votre mot de passe à un faussaire?

Détournement de certificats

Très tôt lors de la naissance du réseau des réseaux, la question s’est posée. Et l’une des solutions trouvées est celles des « certificats »: ceux-ci, émis par quelques société hautement spécialisées, garantissent à l’internaute la validité d’un site. Ils sont en quelque sorte la « carte d’identité » d’un site Internet. C’est une opération dite « transparente ».

C’est votre navigateur – Explorer, Chrome, Firefox, Safari, Opera, etc. – qui vérifie le certificat avant de vous donner accès à un site. S’il n’y a pas de certificat ou si les données du certificats ne sont pas fiables, votre navigateur vous avertit par un message : cette connexion n’est pas fiable. « This connection is untrusted », dans la langue de Shakespeare.

Si le certificat est un faux, vous n’avez plus aucune garantie de sécurité. Comme une fausse carte d’identité. Ce monsieur qui vous montre une carte d’inspecteur des finances est en fait un fraudeur qui veut avoir accès à vos données bancaires. Ce site qui ressemble trait pour trait à celui de votre banque est l’œuvre d’un hacker…

Dans un premier temps, l’identification de la provenance du pirate, l’Iran, a fait croire à une attaque du gouvernement. Ce dernier est devenu un acteur actif autant que la cible d’attaques du type « cyberguerre » : les Américains et les Israéliens ont tenté de saboter le programme de développement nucléaire iranien à l’aide d’un virus particulièrement sophistiqué, le Stuxnet.

L’Iran a également attaqué diverses cibles européennes ou américaines. Et notamment, une société américaine émettrice de certificats : Comodo. Cette entreprise a perdu tout crédit en étant attaquée deux fois cette année. Une première fois en mars et une seconde, à la fin du mois d’août. Les spécialistes sont formels : l’attaque est d’origine iranienne.

Dans le cas de l’attaque du mois d’août, ce sont des certificats de services Google qui ont été attaqués. Les opposants iraniens craignent le pire. Le gouvernement a donc pu avoir accès à leurs courriels et ils peuvent s’attendre à des représailles. On sait que l’Iran est particulièrement dur à l’égard des blogueurs, comme Hossein Derakshan, dit Hoder, condamné à 19 ans et demi de prison pour « entente avec des gouvernement hostiles à la République Islamique, diffusion de propagande anti-islamique et anti-révolutionnaire, blasphème et exploitation et gestion de sites pornographiques ».

L’attaque de DigiNotar a été signée. Le hacker a laissé des messages en anglais. Il se présente comme le ComodoHacker. Autrement dit, celui qui a piraté l’entreprise Comodo…

Vengeance contre les bataillons hollandais de Srebreanica

Il se décrit comme un « jeune homme de 21 ans » avec les « compétences de 1 000 pirates, l’expérience de 1 000 programmeurs ».

Est-ce vrai ? Ou s’agit-il d’une « personna » – une fausse personnalité Internet – empruntée par le gouvernement iranien ? En tout cas, l’égo surdimensionné, l’envie de publicité tout en gardant l’anonymat, le besoin de prouver ses compétences hors-pair, tout cela cadre avec la personnalité du hacker de base…

Vrai ou pas, le pirate insiste lourdement sur le fait qu’il a agi seul et qu’il n’a rien à voir avec les autorités de Téhéran:

Je suis une personne seule, n’essayez pas ENCORE de me faire passer pour une ARMEE iranienne. Si quelqu’un a utilisé les certificats que j’ai créés, je ne suis pas celui qui doit fournir une explication.

Il se vante également d’avoir piraté d’autres entreprises de certification – GlobalSign, StartCom – ainsi que WinVerifyTrust de Microsoft…
Quelles sont donc les motivations de ce pirate ? En-dehors de l’énorme besoin de reconnaissance qui éclate à chaque phrase de ses messages ou presque, le hacker déclare :

Le gouvernement néerlandais paie pour ce qu’il a fait à Srebrenica, il y a 16 ans. Vous n’avez plus de e-government, hein ? Vous êtes retourné à l’âge du papier et des photocopieuses et des signatures manuelles et des sceaux ? Oh, excusez-moi ! Mais avez-vous jamais pensé à Srebrenica ? 8.000 morts [d'un côté, contre] 30 ? Impardonnable ! Jamais ! J’entends que le gouvernement néerlandais est en train de rassembler des documents et se prépare à déposer plainte contre l’Iran, vraiment ? Honte sur vous, les gars ! Avez-vous été jugé pour Srebrenica ? Qui devrait déposer plainte pour Srebrénica ? Vous deviez payer: voilà les conséquences de Srebrenica, sachez le ! Ceci est la conséquence du combat de votre parlement contre l’Islam et les Musulmans.

Pourquoi Srebrenica ? Srebrenica est la ville où 8 000 musulmans bosniaques ont été massacrés en juillet 1995, en pleine guerre yougoslave. La population musulmane de Bosnie était alors sous la protection des forces de l’ONU. En l’occurrence, les Dutchbats ou bataillons néerlandais, accusés depuis par les familles des victimes d’être responsables du massacre. Ou en tout cas, d’avoir laissé l’armée serbe d’avoir massacré des civils – hommes, femmes et enfants – sans avoir réagi.

Voilà qui déplace le débat néerlandais à propos de l’islam sur un nouveau champ de bataille, celui de la cyber-guerre…

Le ministre Donner a annoncé qu’une enquête était en cours et que les certificats sont restaurés par d’autres entreprises. Getronics, une filiale de la société de Télécoms néerlandaise, engrange des dizaines de clients depuis trois jours, parait-il: Le malheur des uns…

La Belgique « cible idéale » selon un rapport sénatorial

Et en Belgique, qu’en est-il de la sécurité informatique ? La situation n’est guère plus enviable. Le Comité R (Comité Permanent de Contrôle des Services de Renseignement et de Sécurité) est une commission spéciale du Sénat belge. Comme son nom l’indique, sa première mission et de contrôler le travail des services de renseignement et de sécurité, mais aussi de se livrer à un travail d’analyse et de prospective en la matière.

C’est dans ce cadre, que le Sénat lui avait confié, en 2007, une « enquête sur la manière dont les services belges de renseignement envisagent la nécessité de protéger les systèmes d’information contre des interceptions et cyberattaques d’origine étrangère ».

Malgré son titre interminable, le rapport consiste en 5 pages claires, concises et lisibles pour le commun des mortels. Mais ses conclusions sont alarmantes:

La Belgique constitue une cible idéale pour les attaques informatiques.

Ce qui est mis en cause, ce n’est pas l’absence de services consacrés à la protection informatique. Ce qui pose problème, c’est au contraire la multiplicité des services en charge de cette matière et leur manque de coordination. Pas moins de 6 institutions ont dans leur missions la protection de données ou de systèmes informatiques :

Le résultat de cette dispersion est évident: plus personne n’a donc une vue d’ensemble de la situation ! Et les auteurs du rapport précisent:

L’absence d’une politique fédérale globale en matière de sécurité de l’information (et de réelle autorité en la matière) entraîne une très grande vulnérabilité du pays en cas d’agression sur ses systèmes et réseaux vitaux d’information.

Ils ne laissent planer aucun doute sur la gravité de la menace:

Les menaces qui pèsent sur ces systèmes d’information sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité et aux intérêts fondamentaux de l’Etat.

Mise en garde globale

Mais le pire est à venir: l’Autorité Nationale de Sécurité est l’organisme qui serait le mieux placé pour assurer cette coordination. Or, le rapport précise que « les moyens techniques mis à [sa] disposition sont nettement insuffisants ».

Le rapport pointe aussi du doigt l’importance des certificats et recommande la création d’une instance nationale de certification afin de ne plus dépendre de l’étranger. Mais le cas hollandais démontre malheureusement, que cela ne constitue pas une garantie de sécurité…

Les auteurs recommandent « la plus grande prudence dans le choix des équipements techniques sécurisés » ainsi que dans celui « des fournisseurs de ce matériel ».

Enfin, le rapport insiste sur la nécessité de protéger les sites des ministères autres que celui de la Défense ou « ceux d’infrastructures critiques pour le fonctionnement du pays ». Autrement dit, ils sont pour l’instant exposés aux menaces les plus diverses. Et il recommande de confier cette mission à la Sûreté de l’Etat (VSSE).

Le mot de la fin appartient sans doute à l’association Bits of Freedom, une organisation de défense des données privées des citoyens qui considère que l’attaque de DigiNotar, devrait constituer « un ‘wake-up call [un coup de smeonce] pour les autorités du monde entier ».

Alors que la sécurité informatique reste une prérogative nationale jalousement gardée, l’attaque des certificats publics néerlandais tout comme le rapport belge incitent à se demander si les Etats sont vraiment prêts à faire face à une des dimensions les plus subtiles et pourtant les plus dangereuses de la guerre post-moderne : la cyberguerre ? La réponse, pour ces deux pays au moins, est clairement: Non !

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Article initialement publié sur MyEurop sous le titre Belgique et Pays-Bas : la cyberguerre a commencé !

FlickR ;  PaternitéPartage selon les Conditions Initiales Christopher Schirner ; PaternitéPas de modification Gianni Dominici ; Paternité FaceMePLS; PaternitéPartage selon les Conditions Initialesromainguy ;

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http://owni.fr/2011/09/08/belgique-et-pays-bas-cibles-ideales-des-cyberattaques/feed/ 9
Copiepresse vs Google: de l’index au majeur http://owni.fr/2011/07/18/copiepresse-vs-google-de-l%e2%80%99index-au-majeur/ http://owni.fr/2011/07/18/copiepresse-vs-google-de-l%e2%80%99index-au-majeur/#comments Mon, 18 Jul 2011 15:24:35 +0000 Damien Van Achter http://owni.fr/?p=73959 Ce billet a été initialement écrit sur Google+. Afin d’ouvrir la discussion à ceux qui ne sont pas encore présents sur cette plate-forme (et d’en conserver une trace, #justincase), je le retranscrits ici avec ses commentaires, dont la qualité est vraiment assez remarquable. N’hésitez pas à poursuivre la discussion ci-dessous. (Tx @ Damien Spleeters pour la suggestion)

Le conflit entre Google et les éditeurs belges francophones, représentés par Copiepresse, a connu vendredi une nouvelle péripétie avec la désindexation des sites de ces médias du moteur de recherche. Ce comportement (qui ne fait qu’appliquer – avec une dose certaine de cynisme – le jugement prononcé en défaveur de Google et dont Copiepresse espère toujours qu’il fera jurisprudence) renforce un bras de fer économique, technique et même, à mes yeux, philosophique, entamé en 2006.

Pour vous rafraichir la cache (mwouarf !…désolé), voici une série de 20 articles que j’avais publiés à l’époque où je couvrais le procès, notamment pour le compte de l’agence Belga. Étonnant de voir qu’en 5 ans, les arguments sont toujours les mêmes…. et que le schmilblick n’a in fine pas avancé d’un iota.

[MàJ - lundi, 18h15 : Une solution vient d'être trouvée entre Copiepresse et Google qui va réindexer les sites de presse.]

Commentaires

Pascal Alberty - J’ai beau entendre des arguments dans tous les sens, j’ai toujours la même petite phrase qui me revient dans la tête “le beurre, l’argent du beurre … et les miches de la crémière”. Je sais, c’est réducteur, mais le scénario de ce qui s’est passé aujourd’hui n’a-t-il pas été écrit par CopiePresse elle même ?

François Schreuer - Ce qui est étonnant, c’est que Google ait attendu aussi longtemps avant de prendre cette décision qui a le mérite de placer les éditeurs devant leurs contradictions. Parce que, personnellement, je ne vois guère de différence entre Google News et un moteur de recherche quand on sait un peu s’en servir…

Pascal Alberty – @François Schreuer pour une explication (un peu technique il est vrai) voir la vidéo de Philippe Laloux. En gros, l’explication de Google provient du fait du changement de son algorithme qui lie beaucoup plus le fonctionnement de Google News à Google Search. De ce fait, retirer du contenu de Google News (ordonné par le jugement) provoque le retrait de Google Search. “Comme par hasard” dirait les responsable de CopiePresse.

Cédric Motte – Ah ben voilà, un historique intéressant ! Tout lu. Et je n’ai pas de réponse ;o) mais on se rejoint sur la question de fond quasi philosophique, développé sur le post de Christophe Lefevre tout à l’heure : en tant qu’éditeur, je dois avoir la possibilité de demander à Google de retirer un contenu que j’ai publié. Dans l’absolu, c’est aussi débile que Coca qui souhaite se retirer de Carrefour. Mais c’est un droit, me semble-t-il, quand le distributeur est identifié et gagne de l’argent grâce à ce que je produis, de décider de ne plus lui donner accès à mes produits. Et si Google était en opt-in sur Google News et son cache, il est fort probable que les éditeurs eussent agi différemment !

Protocole de désindexation

Benoît Marchal - Mais ce droit tous les éditeurs l’ont ! Il y a même un protocole Internet qui est défini pour communiquer ce droit. Le fond de l’affaire c’est que les éditeurs ne veulent pas mettre en œuvre les normes techniques définies sur Internet. Et un juge leur a donné raison, mais on est dans un pays où quand un type se fait braquer on lui répond qu’il devait acheter une voiture moins voyante…

François Schreuer - @Pascal, oui, j’ai lu ça quelque part. Cela dit, les contraintes techniques servent souvent à masquer des choix politiques.

Pascal Alberty – @Cédric Motte : c’est possible pour un éditeur de ne pas faire indexer tel ou tel contenu ! Mais c’est aussi le but de l’éditeur d’avoir beaucoup de contenu indexé pour générer du trafic à partir des recherches naturelles… (d’ailleurs ces mêmes éditeurs ne se privent pas de faire du contenu pour faire du contenu dans ce but unique, même au détriment de la pertinence du contenu et de l’intérêt des lecteurs) : “le beurre et l’argent du beurre”… Même si je reconnais qu’il y a des droits d’auteur et tout le toutim, c’est délicat de dire d’un côté “on ne veut pas que Google se fasse de l’argent en stockant nos articles dans Google News” et de l’autre côté “on veut bien quand même que Google nous amène du trafic comme ça nos annonceurs seront contents”. A nouveau, je suis un peu réducteur, mais c’est tout de même un peu le nœud du problème.

Cédric Motte - [Je ne parlerais pas forcément de Google News, parce que c'est effectivement un autre problème - il ne s'agit que de citation dans Google News, là où l'on parle de copy paste pour le cache.] Pour le cache, donc, merci de vos précisions, je sais qu’il y a tout ce qu’il faut techniquement pour bloquer l’indexation, notamment pour ne pas apparaitre dans le cache.

@Benoît Marchal, l’exemple que tu donnes sur la voiture va justement dans le sens de copiepresse, il me semble. J’ai le droit de publier ce que je veux, et un jour je peux avoir une belle voiture, un autre une voiture pourrave, mais dans tous les cas c’est moi qui dois etre en position de décider, pas les éventuels mecs qui vont te piquer ce qui est en ta possession.

@Pascal Alberty je ne suis pas sûr de voir en quoi c’est délicat. Ce qui me gêne dans l’histoire, c’est que la réutilisation du contenu est très bien gérée en ligne par la notion de licence CC. Il s’agit alors d’un choix déclaratif et non d’une contrainte technique imposée par l’un des acteurs de mon circuit de distribution. Google me fait penser aux ouvriers du livre en France, tiens ! Un peu gamins, voulant imposer leurs règles… L’ensemble des textes, photos et vidéos que je pousse en ligne sont en licence CC, donc je n’ai pas de problème de fond sur le partage de contenu :-) !

Plus loin, et plus largement, il y a peut être quelque chose de gênant dans tout cela. En intervenant à ce point à la main sur l’index, Google devient éditeur de contenu . S’ils s’étaient contentés de ne suivre que la décision de justice, alors pas de souci, ils restent dans leur rôle d’hébergeur. Non ? Désolé c’est alambiqué comme réponse.

fabrice massin – J’en profite donc pour rappeler à tous que ces mêmes éditeurs ont aussi entamé une action en justice pour que le service public arrête de faire des sites internet (en fait on devrait juste plus faire de textes ni mettre de photos… plus de site quoi), arrête d’être présent sur FB, sur Twitter, arrête les newsletters… Bref disparaisse du web pour leur laisser la place.

Benoît Marchal – Sur l’affaire Copiepresse tu n’as pas l’air bien au fait du fond. Les faits sont les suivants : depuis plus de 15 ans il existe un moyen technique très simple pour demander non seulement à Google mais à tous les moteurs de ne pas indexer un site ou de ne pas citer un extrait du site dans les résultats. Un webmestre bourré le met en place en 15 minutes (c’est ce qu’explique Pascal Alberty). Il est essentiel de comprendre deux choses :

  1. Ca répond parfaitement à ce droit fondamental sur lequel nous sommes d’accord et que Google n’a jamais violé : c’est à l’éditeur de choisir ce qui sera repris dans l’index
  2. La communauté Internet a élaboré un protocole c’est à dire un mode de travail commun. Il est évident que dans une communauté si on ne respecte pas quelques règles communes c’est invivable (en droit on parle d’us et de coutume).

Fondamentalement le procès gagné par Copiepresse, c’est que la presse belge obtient le droit de ne pas respecter le protocole Internet. C’est donc la presse belge qui dit à l’ensemble de la communauté Internet du monde entier “nous on veut pas travailler avec vous.” J’aurais envie de dire qu’ils restent sur le papier et qu’ils ferment leurs sites…

Déconnexion (de la réalité)

Francois Lamotte - On avait un épisode de PodCafé à l’association des journalistes professionnels sur ce sujet là : je n’ai pas mes archives sous la main mais je pense qu’on avait abordé ce qui s’est passé ce vendredi. Quand on relit les déclarations des différents intervenants des “victimes” de ce vendredi (Philippe Laloux, M Boribond, …), cela confirme ce que Benoît Marchal dit : ce conglomérat vit sur sa planète. Ils imaginent qu’ils sont sur une île perdue dans l’océan. Ils ont toujours une mentalité de broadcasteurs qui fondamentalement méprise son environnement (ses lecteurs etc). Mais la réalité est un écosystème avec différents modes d’interactions entre les ensembles. Reprenons l’image des vases communiquants, ce qui passe d’un coté revient d’un autre.

Ils minimisent l’impact du trafic “gratuit” offert par Google (le trafic organique venant de Google). Mais 30 à 40% de visiteurs gratuitement obtenus, cela représente 30 à 40% du chiffre d’affaire publicitaire réalisés par ces journaux. Voir plus si ces segments de visiteurs passent en moyenne plus de temps sur leurs site. Franchement si j’ai un “partenaire” qui est responsable au minimum du tiers de mes revenus, je le traiterai autrement que de simple “voleur”.

Les chiffres du CIM nous montreront rapidement s’ils veulent entendre raison… Parions que dans quelques semaines un accord sera obtenu et que certains acteurs mangeront leur chapeau, leur chemise et leurs arguties jusqu’ici défendues.

Christophe Lefevre - Assez d’accord avec Benoit Marchal. On ne peut pas imposer à Google de suivre les règles de la presse sans accepter de suivre celle du web. Et Google n’est pas un service à la carte, c’est comme si je un journaliste m’interviewait et que je lui répondais que je veux choisir l’emplacement de l’article sur le journal, que je veux qu’ils oublient mon nom après publication… Chacun son métier et à chacun ses intérêts ! La semaine prochaine, je dois travailler sur une solution pour indexer des articles qui ne se publient pas encore dans Google News : ben oui, chez RTL.be, on aime bien Google !

Erwann Gaucher - Au moment où de plus en plus d’éditeurs affirment vouloir les faire plier, Google a voulu faire un exemple avec les sites belges. Cela prouve que, pour le moment, ce n’est pas via la loi que l’on peut faire plier Google, mais en les battant sur le terrain de l’innovation. Ce qui n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour les entreprises médias ayant déserté ce terrain pendant de longues années…

Cédric Motte - Attention, suis en mode troll ce matin ;-). En suivant votre logique de raisonnement sur facebook, par exemple, vous n’avez donc rien contre le fait que les photos de vos enfants ou de votre femme/copine soient réutilisées pour des pubs ?

@Christophe Lefevre À la différence que ta réponse en interview dans un journal, c’est de “l’opt in”. Tu choisis de répondre, ou pas, à un journaliste.

@Francois Lamotte Google a bâti son business sur sa capacité à crawler les pages web et à les rendre accessibles. Il a utilisé le principe même du web pour ça, il fournit un service de qualité, il en a tout à fait le droit. Mais il a profité de nouvelles capacités techniques qui passent au dessus de la notion de propriété (et c’est le vol comme disait Proudhon :-)). Je sais, “c’est comme ça”. Mais si, techniquement, je construis une clé qui me permets de rentrer chez vous pour piquer vos ordinateurs, les revendre, tout en créditant l’acte de vente “Ordinateur trouvé au 32 de la rue de Flandres”, comment réagiriez-vous ? Est-ce à vous de mettre un autre verrou ? Pour finir, un billet rédigé sur mon blog en 2006, afin de vous montrer que je ne suis pas totalement étranger à la problématique !

Francois Lamotte – @Cedric Motte pour les photos sur Facebook, il y a différentes options pour limiter l’usage du contenu. A-t-on déjà vu des images “privées” ré-utilisées par Facebook pour en faire des publicités ? L’analogie avec la clé pour rentrer chez les gens est plutôt mal trouvée (mode troll)… Google passe là où les portes sont grandes ouvertes. A priori si tu laisses les portes et les fenêtres grandes ouvertes de ta maison, de tes bureaux, de ton musée, de ta bibliothèque municipale et personne à l’entrée pour contrôler qui entre et qui sort : personne ne sera étonné à ce qu’on vienne te “voler” tes objets. Dans notre société, il y a des techniques et des conventions utilisées pour les espaces qu’on souhaite protéger : des portes, des serrures, des volets métalliques… Des éditeurs qui laissent les portes grandes ouvertes (en feignant de croire qu’il n’y aucun moyen de se protéger) et en reprochant aux “voleurs” de venir se servir, c’est un peu grotesque, mesquin et malhonnête.

Vision limitée du droit d’auteur

Alexandre Dulaunoy - En 2006, Alain Berenboom estimait des “pseudo” pertes pour les quotidiens francophones, et Copiepresse (la SCCRL) suivait l’avis des juristes pour une procédure légale. Le monde Internet savait que c’était une grosse bêtise juridique mais Copiepresse et la JFB (SCRL Les Journaux Francophones Belges) croyaient ses juristes ayant une vision limitée du droit d’auteur (dans ce cas, on devrait plutôt parler du droit d’éditeur…). Nous sommes en 2011, tout le monde est perdant dans ce cas sauf les juristes “pro” droit d’éditeur qui essayent de pousser pour une judiciarisation de la société de l’information. La solution n’est pas juridique…

Jacopo GIOLA – Qui sont les avocats de CopiePresse ?

Alexandre Dulaunoy - Alain Berenboom était un des experts commandés pour l’évaluation des pertes. Mais l’avocat de Copiepresse est Bernard Magrez. On peut même lire dans sa bio :

Il a reçu, à Londres, le “Global MIP Award 2008 (Best Europe case)” de la revue “Managing Intellectual Property” pour le procès mené par COPIEPRESSE contre GOOGLE Inc.

Tout le monde perd sauf les juristes…

Christophe Lefevre - Un des problèmes, c’est que la plainte date de 2006 et que la situation a changé aujourd’hui. Je veux bien croire qu’en 2006, Google News était considèré comme un probable concurrent. Aujourd’hui, c’est un module du moteur de recherche. Il aurait été plus intelligent de réanalyser la situation, mais ça aurait été trop difficile pour CopiePresse d’avouer qu’ils se sont tromper. Pour moi, c’est une histoire de sous, d’ignorance ET de fièreté mal placée !

Jacopo GIOLA – D’accord avec tous, mais le fond reste… Il n’y a pas partage des revenus (même symbolique) de la part de Google pour des contenus qu’il n’a pas produit. Par exemple Google Maps ne “pompe” pas les adresses des rues mais les achète à TeleAtlas… C’est en ce sens que Google aurait pu faire un geste… aurait ;-)

Francois Lamotte – @Jacopo GIOLA Franchement je ne te suis pas là dessus pour le “geste à faire” et alors pour le trafic “gratuit” que Google envoie (30 à 40% du trafic des journaux) ces derniers pourraient faire aussi un geste pour Google. 30% de ton chiffre d’affaire qui vient d’un partenaire cela peut avoir une importance qu’on sait mesurer facilement. Sans tenir compte du fait que le flux des ces médias est du copié/collé d’agences de presse à 95%. Ce contenu est déjà amorti en amont dans sa logique de création.

Cédric Motte – @Christophe Lefevre fierté mal placée, peut être, mais il n’empêche que cela soulève de vraies questions. La réponse de Google est claire, en tout cas : votre contenu ne vous appartient pas.

@Francois Lamotte tu es un peu dur avec les sites des journaux. La proportion de dépêches à tendance à se réduire – ou est sur le point de l’être. Mais surtout, je ne suis pas ton raisonnement. Les sites des journaux existaient avant Google – ie celui du Soir dont la première capture par archive.org remonte à décembre 1996, quand Google est né en 1998. Google a basé son business sur une commodité, celle de faciliter l’accession aux pages web non éditées par lui. Ce n’est pas Google qui a apporté de la valeur au web en premier, c’est le web qui a apporté de la valeur à Google.

Jacopo GIOLA - exact Cedric, et au début Google ne proposait que le lien direct sans résumé ! Juste pour garder les proportions :

Astreintes journalière menacées : 25.000 €
Reserves en cash ou équivalent de GGL: 36 BLN $

Francois Lamotte – @Cédric Motte “C’est le web qui a apporté de la valeur à Google”… Je m’excuse mais c’est l’inverse. Si Google détient une position dominante au niveau de la recherche, c’est bien qu’il a innové sur la façon de classer l’information. Et sa valeur ajoutée est là. On peut contester les logiques de classement (mais c’est une autre discussion). Si ce n’était pas le cas, nous aurions 3 à 5 services de recherches qui se partageraient ce marché là. Et pourtant les montants colossaux investis par Bing et les startups du secteurs ont du mal à progresser. Tu peux avoir autant de sites plus anciens que Google, cela ne change rien : si tu reposes sur un modèle publicitaire et que tu n’as pas de trafic, tu n’existes pas ou moins facilement. Et Google te propose deux services de bases : un service de trafic payant par ses régies publicitaires, et un service gratuit par ses classements de résultats (sous différentes formes).

J’aimerais bien comprendre pourquoi les journaux veulent bien être présents sur les résultats de recherches et pas dans les news alors que la mécanique de classements, d’extraits etc est la même (et si les fonctionnalités sont adaptées sur le thème de l’actualité pour Google News). Google exploite aussi ses résultats pour sa régie publicitaire. Sauf si je me trompe, Google ne récupère pas les contenus pour le transformer : par exemple faire un seul article sur une actualité en extrayant des contenus séparés (illustration, photo, vidéos…) mit en page autour d’un résumé textuel ? A l’instar de DJ ou de sampleurs, il extrait le titre et quelques 160 caractères pour présenter un article. On reste dans l’ordre de la citation. Je ne suis pas un défenseur de Google à tout prix, je trouve juste que dans cette histoire CopiePresse se met le doigt dans l’oeil au mépris des avantages qu’il en tire déjà et de pratiques d’un écosystème comme Benoît Marchal l’expliquait très bien.

Jacopo GIOLA – @Francois Lamotte Le problème avec les news c’est que si Google publie ça:

PM’s Murdoch press links defended
BBC News – ‎8 minutes ago‎
Foreign Secretary William Hague has defended David Cameron, saying he was “not embarrassed” by the extent of the PM’s dealings with News International.

Moi, je n’ai plus besoin d’aller à la source. Mais si je publie ça :

PM’s Murdoch press links defended
BBC News – ‎8 minutes ago‎

Je suis “obligé” d’y aller… Alors, que chaque titre définisse, lui, ce qu’il veut donner à Google pour que Google crée son agrégateur.

Les choix de l’éditeur

Benoît Marchal – @Jacopo GIOLA le problème n’a jamais été la quantité d’information partagée, indexée ou affichée dans le résultat de la recherche. Avant le procès, après le procès, chaque site web (y compris donc ceux de la presse belge) a toujours été libre de définir très précisément ce qu’il permettait d’afficher dans l’index. De même que Google a toujours été libre de choisir ce qu’il indexait dans ce qu’on lui proposait. Il est essentiel de comprendre que ça n’a jamais été ça l’objet du procès. Google ne décide pas s’il affiche un résumé ou s’il envoie à la source. C’est l’éditeur qui avait et a toujours tout pouvoir là-dessus et le jugement n’a rien changé à ça.

Mais comme Internet, ne se résume pas aux seuls titres de presse belge, la solution pour établir ce que Google (et les autres moteurs) affichent fait l’objet d’un protocole… Protocole c’est le terme technique pour “règles de vie en commun.” La seule chose que Copypresse a demandé dans ce procès, c’est de pouvoir ne pas respecter les règles de vie en commun. Donc, en fait, ce qu’ils ont voulu obtenir c’est la création d’un Internet à deux vitesses. D’une part les sites de la presse belge et d’autre part le reste de l’Internet. Les deux obtiennent le même résultat mais la presse belge le demande autrement.

C’est très grave parce que c’est une atteinte à la neutralité d’Internet : si je suis assez riche pour me payer un procès, je peux demander mon protocole à moi. Si je ne suis pas assez riche pour ça, j’utilise le protocole commun. Non seulement c’est grave mais en plus c’est stupide. C’est stupide parce que déterminer ce qui s’affichait dans les résultats de recherche a toujours été sous le contrôle exclusif de l’éditeur (je me répète mais c’est important). Leur problème n’a donc jamais été devant la justice puisque le problème, le vrai problème c’est la monétisation. Le billet de Cédric Motte (voir son commentaire) est d’ailleurs instructif et contrairement au jugement, contrairement à l’opposition en cours, ce billet pose les vraies questions. Ce conflit juridique n’est qu’une distraction qui nous éloigne du vrai problème, qui nous éloigne donc d’une solution et qui, comme Christophe Lefevre le notait, ne sert qu’à enrichir les avocats.

Damien Van Achter – Très intéressant ce que tu dis Benoit, notamment à propos de la neutralité. Philippe Laloux disait exactement l’inverse !

Alexandre DulaunoyL’article du Soir ne fait plus référence à l’acte du tribunal et aux analyses de leur juriste faites en 2007. Dans l’acte de cessation, il est clairement indiqué “cache” et Google” dans l’acte rendu par le tribunal de première instance de Bruxelles N° 2006/9099/A :

Condamnons la défenderesse à retirer de tous ses sites (Google News et « cache » Google sous quelque dénomination que ce soit), tous les articles, photographies et représentations graphiques des éditeurs belges de presse quotidienne francophone et germanophone représentés.

Le cache est une partie intégrante de l’indexer puisque les pages sont indexées à partir de ce contenu. De plus, les avocats “pro Copiepresse” considéraient même que le droit de reproduction n’était pas autorisé pour faire l’indexation. Le Soir devrait râler sur ses avocats et sur Copiepresse et non sur Google… qui applique simplement les demandes de 2006-2007.

Jacopo GIOLA – @Benoit Marchal je retrouve dans les “papiers de Damien Van Achter :

Google ne s’est pas le moins du monde séparé de son cache. Ce sont les journaux qui ont juste accepté d’utiliser le tag “noarchive”… La différence est de taille, surtout quand Mme Boribon nous “vend” ça comme LE mérite de cet accord. Ca ne manque pas de piquant quand on reprend l’argumentaire de Copiepresse développé jusqu’ici et qui, en gros, disait “il n’est pas normal que nous devions nous protéger du vol de Google en taguant nos articles”.

C’est donc bien un problème de gestion des contenus et aussi, de monétisation car comment justifier une monétisation si on a pas “le contrôle de ses contenus” ?

Benoît Marchal – @Jacopo GIOLA : on est tout à fait d’accord. Cette accord démontrait par l’absurde que les éditeurs belges ont toujours eu le contrôle sur la gestion de leur contenu, qu’il n’y avait nul besoin de procès pour l’affirmer et qu’il n’y avait là nulle victoire pour la presse belge. Comme tu le rappelles, les termes de l’accord (survenu quand la presse a mesuré le coût de la désindexation qu’elle avait obtenue en justice) se résumait à ce que la presse belge utilise le protocole Internet accessible à tous depuis toujours (protocole accessible à tous donc neutre). Damien Van Achter avait à l’époque bien fait son travail de recherche.

Xavier Lambert - Le pire c’est que sans Google on va avoir un mal de chien s retrouver certaines de nos pages…

Christophe Lefevre – @Xavier Lambert C’est drôle, je me posais la question, les moteurs de recherches natifs aux sites sont souvent catastrophiques :-). La presse de façon générale est géniale : elle refuse de rétribuer Apple pour la vente d’abonnements sur sa plateforme iOS comme tout le monde, elle veut interdire la RTBF de faire du web, elle voudrait des règles d’indexations spécifiques ! Moi je pense que la presse devrait s’associer aux majors de la musique pour faire un procès à Dieu qui n’a pas fait le monde exactement comme ça les arrange ! Oui, les temps changent, c’est pas de bol !

Ce qui m’ennuie, c’est que la presse qui s’est mise dans cette situation risque de revenir en arrière, peut-être pas tous les journaux, mais certains ont trop besoin de Google. Je les vois mal faire un procès à Google pour désindexation abusive (quoique) mais plutôt faire un accord à l’amiable, ce qui pourrait que renforcer le géant américain et décrédibiliser la presse belge. Le gagnant dans cette histoire, c’est Google, certainement.

Les producteurs de contenu oubliés

Mehmet Koksal - On parle toujours des intérêts de Google contre les éditeurs mais tout le monde semble ignorer le travail des producteurs de contenu (aka “journalistes”) qui sont les véritables spoliés dans cette affaire, non ?

François Schreuer - Spoliés par qui ? Par la bêtise de leurs employeurs ? Sans doute, oui…

Xavier Lambert - Google facilite l’accès aux contenus produits par les journalistes. La question de la monétisation et donc de la rétribution vient après il me semble. C’est d’ailleurs le délicat exercice des sites qui veulent passer à un accès payant, tout en continuant à être indexés.

Mehmet Koksal – @François Schreuer Que les choses soient bien claires : Google n’est ni plus ni moins qu’une vulgaire société cherchant d’abord à maximiser ses profits (comme toutes les autres Facebook, Twitter et consorts), il convient de la traiter comme telle et non comme une organisation humanitaire œuvrant sur base des principes démocratiques régissant une communauté (Internet). Google ne doit pas nécessairement changer d’algorithme ou de modèle, il peut faire quelque chose de plus simple : payer ou créer une plateforme soutenant financièrement le travail des producteurs de contenu qui alimentent son modèle économique. C’était à mon avis le sens de la démarche judiciaire de Copiepresse et de la SAJ en assignant en justice ce géant américain. Maintenant il semble que ce soit le retour des flammes et la guerre des tranchées entre les deux camps. Je n’ai non plus aucune sympathie pour ces patrons de presse belge qui font signer des contrats de travail où le travailleur cède gratuitement tous ses droits d’auteur et de reproduction à vie et sur tous les supports. Ils font en interne avec leur propre personnel ce qu’ils reprochent à Google de faire. C’est ça qui est quand même positif dans les mesures de rétorsion utilisées par Google à l’égard des titres et qui rappelle aux patrons ce vieil adage : ne faites pas aux autres ce que vous n’aimeriez pas qu’on vous fasse.

Damien Van Achter – @Mehmet Koksal “vulgaire société” ? c’est très péjoratif comme qualificatif. Sauf si “vulgaire” =”commun”. Mais tu as raison. Journalistiquement, il faut traiter les big company du web comme on traite les big pharma ou les big de l’agro-alimentaire. Et je te rejoins tout à fait aussi sur la détestable habitude qu’ont les patrons de presse (et médias en général, sans distinction) à considérer leurs forces vives comme du bétail, payé au lance-pierre avec des contrats ultra-précaires. On ne peut produire de la qualité (et revendiquer d’être traité comme tel) si l’on procède en interne comme à l’abattoir et au canon à dépêches. Le conflit auquel nous assistons est vraiment à la croisée de tous les chemins et montre bien les limites de chacune des parties. Et +1 sur ta conclusion (qui est pile-poil pour un dimanche :-))

fabrice massin - Pour ce qui me concerne, il me semble que cette attitude de conflit des éditeurs envers tous les concurrents ou supposés l’être n’est pas saine, le web belge a tout intérêt à s’auto-stimuler positivement en développant des nouveaux contenus et services en tentant de faire preuve d’innovation avec pour seules finalités de servir la communauté de tous les internautes. Sommes-nous si forts qu’il soit nécessaire de perdre son temps, son argent et ses ressources pour devoir se défendre/s’attaquer les uns contre les autres ? Et bientot on va aussi attaquer Facebook et puis Twitter etc. ? Tous ces puissants acteurs du web doivent bien évidemment faire des profits c’est vrai, mais ils contribuent aussi au développement d’autres activités web et aussi à relier entres elles des millions de personnes dans notre pays.

Comme certains l’ont fait justement remarquer, aucun média n’est correctement référencé dans Google à moins d’avoir fait les développements techniques nécéssaires et ce, pour tous les services de Google. Alors pourquoi cracher dans la soupe ? Ok, l’argent est une bonne raison pour certains. Rien de repréhensible mais quand on envoie des missiles il ne faut pas s’étonner de ramasser une bombe en retour ! Quels sites de médias peuvent se permettre de vouloir se passer de ces acteurs quand on sait que dans les 5 ans, plus de 50 à 75% du trafic passera par ces acteurs ? Evidemment certains pensent qu’ils sont indispensables et que tous les moyens sont légitimes pour obtenir de l’argent et donc pour entraver ceux qui ne pensent pas comme eux… So be it, nous ne sommes plus au siècle des Lumières, mais je pensais à la citation de JJRousseau “l’homme nait naturellement bon, c’est la société qui le corrompt…. je paraphaserais :

Le web est né naturellement bon, ce sont certains acteurs qui tentent de le corrompre et de le foutre en l’air

Et ça, c’est pas démocratique.


Article initialement publié sur Blogging The News
Crédits photo FlickR CC : by-nc-sa ekaï / by-nc-nd keso / by-sa manfrys / by Giles Douglas / by Michperu

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http://owni.fr/2011/07/18/copiepresse-vs-google-de-l%e2%80%99index-au-majeur/feed/ 5
Le « dégagisme » se manifeste http://owni.fr/2011/07/04/le-%c2%ab-degagisme-%c2%bb-se-manifeste/ http://owni.fr/2011/07/04/le-%c2%ab-degagisme-%c2%bb-se-manifeste/#comments Mon, 04 Jul 2011 06:10:42 +0000 Damien Spleeters http://owni.fr/?p=72492 Quel rapport entre le « Ben Ali, dégage ! », ce slogan qui a fait le tour du monde, et Laurent d’Ursel, cet artiste belge entré dans l’art par derrière comme un courant d’air contemporain et dont les créations s’appellent, logiquement, des loeuvrettes ? Réponse : le « dégagisme ».

Pour vous donner une idée du bonhomme : il s’est fait tatouer le premier article de la Constitution belge sur les fesses, en y corrigeant les fautes de français.

Après bien des péripéties, en 2005, d’Ursel lance le collectif Manifestement pour faire de la manifestation une forme d’art contemporain, avec ses règles très précises : il faut des flics, une autorisation, un slogan et des concepts. Il faut que ça soit un peu chiant, comme toute manif.

Si j’ai rendez-vous avec d’Ursel à la Loeuvrette Factory, c’est pour qu’il me montre, « en primeur mondiale », comment le collectif prépare la parution d’un Manifeste du dégagisme. Un -isme d’inspiration tunisienne qui ne serait ni anarchie, ni révolution, mais plutôt une solution de génie, un savant mélange pamphlétaire que d’Ursel tente d’expliquer avec une ironie et une mauvaise foi bien assumées.

Bon, Laurent, est-ce que tu peux m’expliquer comment est né le dégagisme ?

Nous sommes à la fin du mois de janvier 2011, le collectif Manifestement est en train de fêter l’achèvement de sa dernière manifestation en date qui avait pour slogan « Tous unis contre la démocratie ». On était en plein dans les événements en Tunisie et comme la terre entière on était tous un peu émoustillés par ça. Et puis ma femme, la salope, sort le mot « dégagisme » et on se
regarde tous et on se dit putain ça y est on y va. J’ai l’habitude de dire que quand j’ai la bouche pleine, elle parle à ma place. Mais ça m’humilie qu’elle ait sorti le mot avant moi.

Okay, mais c’est quoi finalement le dégagisme ?

L’intuition est toute simple : ça serait la première fois que des mouvements d’une telle ampleur réclament le vide de pouvoir sans solution de remplacement. Le fait de parler de démocratie, ça n’est venu qu’après. D’abord c’était « Ben Ali dégage », et après : le vide – ce fameux vide qui nous fait bander terriblement. Le siège du président ou du dirigeant est là, mais il est vide. Et après, concrètement, la vie continue. Et donc, logiquement, après le dégagement (dont le dégagisme est la philosophie), il y a une forme de proto-démocratie marquée par la vigilance – pour ne pas se faire couillonner une nouvelle fois – où le proto-démocrate est revenu de toutes les illusions. C’est une forme de maturité, le proto-démocrate sait que ça ne marche pas, que la démocratie a plein de défauts, qu’elle génère des catastrophes, voire des carnages. Et fort de ça, il continue dans ce système, mais en se méfiant de tout, et c’est ça la clé. La proto-démocratie vient après la version romantique de la démocratie-post-babacool-on-est-tous-frères à la Tahrir.

Le fait de ne pas remettre quelqu’un sur le siège du pouvoir, c’est l’anarchisme et c’est du n’importe quoi. Il y aura forcément tôt ou tard quelqu’un sur le siège mais avant il y a ce grand vide – et c’est ça le coup de génie des dégagistes – c’est d’avoir osé ce vide. On enlève Ben Ali, on enlève Moubarak, on enlève Sarko sans dire ce qu’on va mettre après. On va d’abord contempler ce vide. Et c’est pour ça que, de manière très significative, la première action que font les dégagistes c’est une nouvelle constitution. Et ça prend beaucoup de temps. Ce sont des élections pour des assemblées constituantes. J’ai encore entendu une klette sur France Culture ce matin qui disait « oui ça prend du temps, ils tardent à passer aux élections » ce qui est d’une bêtise totale. D’un point de vue dégagiste, on ne prendra jamais trop son temps pour méditer, mûrir et se demander par quoi on veut remplacer celui qu’on a dégagé.

Bien sûr, le dégagisme a ses problèmes, il ne garantit pas que celui qu’on met à la place du dégagé soit meilleur. Mais je suis tellement enthousiasmé par le dégagisme parce que c’est la preuve d’une très grande maturité. Qu’est-ce qu’il y a derrière tout ça : l’absence de cette foi naïve, infantile, puérile et à la con qui fait dire qu’on a la solution et qu’on est prêt à mourir pour l’avancer. Il y a aussi une espèce d’anthropologie du pouvoir, toute simple, qui renoue avec le début de la démocratie : les premiers à être dégagés, ce sont ceux qui sont sur le siège depuis trop longtemps, tout simplement.

Le dégagisme c’est juste une nouvelle révolution alors ?

Le révolutionnaire, c’est celui qui entend supplanter le détenteur du pouvoir. Le dégagiste, c’est celui qui entend déloger le détenteur du pouvoir. Les démocrates sont tous des révolutionnaires, et il n’y a rien de moins dégagiste que des élections, qu’un programme qu’on remplace ou qu’on reconduit. Il faut le vide pour le dégagisme. Le point cardinal, c’est qu’on dégage celui qui est au pouvoir. Ce qu’il y a après on ne sait pas, c’est le vide. À l’horizon : la proto-démocratie. Dans le Manifeste, on va devoir comparer dégagisme et révolution, ça va être un bel exercice de mauvaise foi.

[Tout enthousiasmé, d'Ursel me montre ce qu'il appelle « une première historique » : dans le tableau excel qui recense les mouvements artistiques, leurs manifestes et leurs credos, une colonne vide est laissée après celle du dégagisme]

C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité que l’avant-garde, consciente d’elle-même, est assez critique et relativiste pour savoir qu’il y en aura une autre après. Tous les grands mouvements, dans l’histoire de la pensée, ont eu le sentiment d’être les derniers, d’avoir tout dit. Nous avons cette extrême sagesse de dire qu’en 2011 ça sera le dégagisme, mais peut-être qu’en 2025 il y aura un autre truc. C’est très important. Nous en sommes très fiers.

C’est l’idée de génie, parce que ça pense l’action politique d’une manière totalement différente. On ne doit plus s’emmerder à dire en quoi on a quelque chose de mieux. Maintenant c’est clair, le ras-le-bol est un concept politique. Le « dégage » a ses lettres de noblesse. Ça change tout. C’est beaucoup plus cool. Avant il fallait faire tout un programme. Aujourd’hui plus du tout : tu peux
t’improviser dégagiste du jour au lendemain

Et finalement, est-ce qu’il va falloir qu’on s’immole tous comme Mohamed Bouazizi pour être dégagiste ?

Ouais alors on a réfléchi sur l’immolation aussi, c’est fondamental. On s’est dit putain est-ce qu’il faudrait tous s’immoler, quoi ? Comme le couillon qui a fait ça sur le parking à France Télécom l’autre jour. Mais, en fait, étymologiquement, ça vient de farine, mettre dans la farine, rouler dans la farine. Donc on pourrait se fariner. On est rassuré : on peut être dégagiste sans bidon d’essence.

Manifeste du dégagisme, révolutionnaires d’hier et d’aujourd’hui : dégageons !
Collectif Manifestement
maelstrÖm réEvolution
Sortie fin juin

Publié aussi sur Vice

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Scission de la Belgique : l’UE contre attaque ! http://owni.fr/2011/01/25/scission-de-la-belgique-lue-contre-attaque/ http://owni.fr/2011/01/25/scission-de-la-belgique-lue-contre-attaque/#comments Tue, 25 Jan 2011 15:32:13 +0000 LBLT http://owni.fr/?p=37809
L’UE a tout intérêt à favoriser des initiatives permettant d’anticiper les problèmes complexes qu’une séparation poserait. Toutefois, il serait improductif et surtout traumatisant pour les Belges de voir des partenaires européens de longue date s’ingérer dans leurs affaires intérieures. Certains axes de suggestion peuvent être privilégiés par l’UE afin de pérenniser la stabilité et la paix en Europe, et ce, quel que soit l’avenir de la Belgique. Ils sont présentés ci-dessous .

La ratification par la Belgique de la Convention de Vienne sur la succession d’États en matière de traités de l’ONU de 1978 serait une première étape importante. Elle éviterait d’accentuer la crise en cas de scission soudaine. Cette convention règlerait de facto un certain nombre de problèmes complexes de succession d’ordres juridique et économique, rassurant la communauté internationale et l’UE. L’UE pourrait avoir un rôle important à jouer dans cette étape au vu de la crise économique en cours affaiblissant l’euro et la crédibilité européenne.

Créer une unité culturelle pour réinventer une « âme belge » meurtrie

Endettée à plus de 90% de son PIB, la Belgique pourrait faire des réformes structurelles. Elle en est toutefois privée en raison d’un gouvernement sans majorité depuis près de 2 ans, situation propice à une augmentation de la dette post-crise et à l’affaiblissement de l’euro. Les partenaires européens ont donc tout intérêt à intensifier leur lobbying auprès des politiques belges afin qu’ils trouvent rapidement une solution à ce statu quo politique nuisant aux finances belges et pouvant affaiblir de nouveau l’euro.

En contrepartie des efforts institutionnels ci-dessus consentis par la Belgique, l’Union européenne pourrait s’engager à participer au financement d’un grand événement culturel dans différentes villes de Belgique, à rayonnement Européen et international inspiré des « villes capitales européennes de la culture ». Cet événement serait pour les Belges l’occasion de présenter leur pays, leurs cultures et leur histoire au monde entier.

Aussi, cela leur permettrait de revenir sur leur passé, présent et futur autrement que par des sondages d’opinion et les médias. Cet événement permettrait au peuple belge de se décider en pleine âme et conscience sur son futur. Si séparation il y avait, l’avantage serait de présenter les deux nouveaux pays à la communauté internationale toute entière. Dans les deux cas, l’Europe a tout intérêt à appuyer et participer à cet événement à caractère exceptionnel et unique sur tout le territoire belge.

De plus, des retombées économiques importantes sont à prévoir dans tout le pays si l’on en juge par ce qu’il s’est passé à « Lille, capitale Européenne de la culture » (1€ public dépensé à rapporté 10€ de retombées économiques locales).

Eviter la partition par l’éducation

Le risque « d’effet domino » et de contagions à d’autres régions européennes étant réel, il est important de renforcer les échanges régionaux dans les régions considérées comme sensibles en termes de demande de plus d’autonomie ou d’indépendance.

Afin de pallier le manque de connaissance de la culture de l’autre, souvent responsable d’un repli sur soi et ses valeurs, le public scolaire est particulièrement visé puisque ces enfants sont les adultes de demain. Afin de faire prendre conscience de ce qui nous uni dans nos différences, le respect des valeurs de la culture de l’autre, de sa langue et l’enseignement d’une forme de culture Européenne pourraient être promus à l’échelle nationale et européenne. Cela permettrait de favoriser une plus grande ouverture d’esprit de la population dont l’Europe a tant besoin pour poursuivre sa construction dans l’Union plutôt que la division.

La région de Bruxelles cristallisant les désaccords, une solution de compromis entre Wallons et Flamands pourrait être un facteur de réussite d’une éventuelle séparation. Quel compromis trouver cependant ? Au vu du contexte international et institutionnel de Bruxelles-Capitale, une idée déjà proposée serait d’en faire une ville internationale à statut unique. Les 18 autres communes périphériques pourraient demander leur rattachement à la Wallonie ou la Flandre par référendum local.

La scission belge : une chance pour la construction européenne !

Une autre idée consiste à aller plus loin et de saisir cette opportunité afin de sceller la construction de l’Europe dans le marbre. En clair, faire de ce que tous considèrent comme une menace pour la construction Européenne une véritable force. Comment ? Décembre 2009 a vu l’émergence d’un Président du Conseil européen avec une nouveau traité. Puisque siègent à Bruxelles le Président du Conseil européen depuis cette date, la Commission, les députés Européens pour plus de 60% de leur temps et de nombreux services européens associés, faire de Bruxelles-capitale LA Capitale de l’Europe serait une idée très forte pour la construction européenne. Son statut serait du type cité État dont le caractère serait unique à l’échelle européenne et internationale.

De plus, quel bel exemple pour le futur que de sceller dans le marbre la construction européenne avec un territoire commun à tous les Européens, territoire donné par Flamands et Wallons ?

En définitive, une éventuelle séparation de la Belgique pourrait s’avérer être une chance pour la construction européenne, si tant est que son peuple soit d’accord pour mettre ce petit bout de territoire en commun avec tous les autres Européens.

Finalement, Flamands et Wallons auraient-il l’avenir de l’Europe entre leurs mains ?

Article initialement publié sur Le Taurillon sous le titre : Quel rôle pour l’UE en cas de scission de la Belgique 2/2.

Photo FlickR CC – RockCohen ; James Cridland ; Kwatoko.

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Politics fiction: qui s’occupera des deux (ou trois) Belgique ? http://owni.fr/2011/01/17/politics-fiction-qui-s%e2%80%99occupera-des-deux-ou-trois-belgique-partition-wallonie-bruxelles/ http://owni.fr/2011/01/17/politics-fiction-qui-s%e2%80%99occupera-des-deux-ou-trois-belgique-partition-wallonie-bruxelles/#comments Mon, 17 Jan 2011 13:35:21 +0000 LBLT http://owni.fr/?p=37650

Beaucoup s’accordent à dire aujourd’hui que la probable scission de la Belgique serait une catastrophe et un échec de la construction européenne. Certes, après le « non » français et hollandais à la constitution de Lisbonne, la volonté des peuples européens de poursuivre l’aventure de leurs gouvernants, vieille de près de 60 ans, était fortement remise en cause. Le colosse aux pieds d’argile a vibré mais reste bien ancré et s’est consolidé fin 2009 avec un nouveau traité donnant plus de droit au Parlement et instituant un Président de l’UE. Aujourd’hui, de nouveaux éléments menacent le devenir de la construction européenne.

A l’heure de la globalisation et de cette « super Union » qui lie les pays dans un marché commun à grande échelle, nous prenons peu à peu conscience que les régionalismes s’exacerbent au niveau local, menaçant le postulat de base de la construction européenne : faire la paix en Europe et compter sur le fait que l’on est plus fort ensemble. Le cas belge en est la parfaite illustration : deux peuples se déchirent et ne semblent avoir aujourd’hui en commun que leur Roi.

La scission d’un Etat membre, une hypothèse absente des traités

Le Belgique se trouve aujourd’hui dans une situation paradoxale. Pays fondateur des Communautés européennes, venant tout juste de conclure la présidence tournante de l’Union, il perturbe la construction européenne par les menaces de scission des Flamands et Wallons. Il est d’ailleurs particulièrement symbolique qu’une éventuelle scission d’un pays européen se déroule justement dans celui où se trouvent les institutions européennes, symboles de paix et de construction d’un avenir commun.

Il y a quelque chose de paradoxal : d’un côté on veut construire la paix en unissant les peuples via des institutions communes donnant des droits nouveaux aux citoyens européens. De l’autre, à l’échelle locale, on s’aperçoit que les nationalismes s’exacerbent, et que l’on ne souhaite plus partager un héritage avec son voisin pour des raisons linguistiques, culturelles et/ou économiques. La solidarité européenne ne vaut peut-être plus à l’échelle locale.

Alors que les Allemands se sont réunifiés il y a 20 ans, les Flamands souhaitent aujourd’hui se séparer des Wallons.
Deux nouveaux pays provenant de la scission d’un autre seraient-ils automatiquement intégrés à l’Union Européenne ou bien faut-il revoter leur adhésion via un accord de l’ensemble des autres partenaires Européen ? Que disent les traités européens sur le sujet ? Question complexe que les traités ne prennent pas en compte.

Aussi, en cas de scission, que deviendrait l’héritage de la Belgique ? Comment flamands et wallons se partageraient-ils le patrimoine commun…et les dettes ?

Ce genre de problèmes juridiques est normalement géré via la Convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de traités, rapport « onusien » de 1978 et entré en vigueur en 1996. Ce document règle la succession des Etats. Or, la Belgique n’a pas signé ce traité. L’héritage de la séparation risquerait d’être aussi douloureux sinon plus que la séparation elle-même. En cas de divorce, la situation pourrait s’apparenter à un couple qui n’arrive pas à se séparer dans un premier temps, puis, lorsqu’il se décide enfin à officialiser cette séparation, continue de se déchirer pour régler la séparation des biens. Il serait donc urgent d’y réfléchir au plus vite afin d’éviter une situation politique et juridique complexe et inédite.

La Wallonie française : bon deal diplomatique pour Paris mais gros poids économique
Certains disent déjà que la Wallonie demanderait son rattachement à la France. Il est bien difficile de prédire la réaction d’une Wallonie indépendante comme d’un gouvernement français futur sur le sujet. Toutefois, en termes d’intérêts stratégiques et politiques, quelques données peuvent être introduites. Au premier abord, il pourrait être intéressant pour un pays comme la France de voir sa sphère d’influence politique, géographique et économique s’agrandir face à l’Allemagne disposant de 20 millions d’habitants supplémentaires.

Cela signifierait aussi une influence plus grande au sein des institutions européennes via un nombre de députés et diplomates plus important notamment. Toutefois, en termes économiques, le bas blesse. La Wallonie est connue pour son manque d’industrialisation, son chômage (15,4 % en aout 2010 alors que la Flandre est proche de 7 %) et son endettement (entre 4 et 11 milliards d’euros selon les chiffres, la Flandre ayant presque épuré la sienne). Quel gouvernement français aurait intérêt à rajouter un poids supplémentaire aux déficits déjà abyssaux alors que la crise économique hypothèque l’avenir de toute une population ?

De plus, revendiquer la Wallonie éveillerait probablement l’opposition de l’Allemagne dont ce n’est pas l’intérêt premier. La France deviendrait en effet plus influente.

Bruxelles, région capitale des convoitises

La région de Bruxelles, territoire principalement francophone immergée en Flandre, fait l’objet d’appétit commun des flamands et wallons (francophones), et pour cause. Avec 19 communes et environ 1 millions d’habitants (soit 10 % de la population), la ville de Bruxelles, capitale de la Flandre, reste un symbole en raison de son dynamisme économique – il s’agit de la 3ème région la plus riche d’Europe – et de sa connotation internationale très forte.

En effet, plus de 120 grandes institutions internationales y ont leur siège : l’OTAN avec 4.000 personnes, Eurocontrol (2.000 personnes), l’Organisation de l’Unité Africaine, l’Organisation Mondiale des Douanes, l’Assemblée des Régions d’Europe), la Fondation Européenne pour le Management par la Qualité, etc. ou une représentation : l’ONU, avec l’UNESCO, l’UNHCR, l’UNICEF, le PNUD ; l’OMS, le BIT, la Banque Mondiale, la Conseil de l’Europe, l’Organisation Internationale pour les Migrations.

Ce sont au final environ 120 organisations internationales gouvernementales, 1.400 organisations internationales non gouvernementales, 186 ambassades et de nombreuses délégations et représentations diplomatiques au sein d’autres institutions comptant près de 5.000 diplomates et faisant de Bruxelles-Capitale la première place diplomatique au monde. Près de 30% des habitants sont étrangers, et 47% d’origine étrangère. Parmi ces derniers, 55% sont européens (170.000 personnes dont près de 50.000 français qui constituent le groupe le plus important).

C’est également la ville au monde où les lobbies industriels seraient les plus présents après Washington : entre 15.000 et 20.000 personnes dont 5.000 au Parlement Européen. Près de 70% d’entre eux servent les intérêts des entreprises, 20% ceux des régions, villes et institutions internationales et 10% ceux des ONG déversant chaque année près de 750 milliards d’euros dans le monde.

La rue de la Loi, à Bruxelles : à gauche, le siège du Conseil européen, et à droite, le siège de la Commission européenne.

Bruxelles est aussi une place financière importante puisqu’elle est quatrième au niveau européen où près de 16.000 colloques d’affaires se tiennent chaque année, classant la ville à la 3ème place mondiale. Enfin, c’est le siège de la Commission européenne et du Conseil de l’Union. Le Parlement européen où siègent les représentants de tous les peuples européens s’y réunit trois semaines sur quatre. Au total à Bruxelles, près de 30% de l’espace de bureaux disponibles est occupé par des acteurs européens, dont la moitié par les institutions européennes et les organes consultatifs associés.
La présence des institutions européennes engendre près de 13% du PNB et des emplois directs et indirects de Bruxelles-capitale avec près de 30.000 fonctionnaires de la Commission, 3.000 fonctionnaires de Parlement auxquels s’ajoutent 3.000 assistants parlementaires embauchés par 785 députés, 3.500 personnes pour le Conseil de l’Union Européenne et près de 1.500 pour le Comité des Régions et le Comité Economique et Social Européen. Soit au total plus de 40.000 emplois directs. Aussi, jusqu’à 2.000 journalistes sont accrédités au sein des institutions.

Au vu de ce contexte économique, institutionnel et international aux enjeux stratégiques très importants, il est clair que Bruxelles et sa région demeurent un problème supplémentaire et de taille en vue de la séparation car elle cristallise les divergences des Flamands et Wallons.

Le Roi et le peuple, les deux grands perdants

Dans le cas d’une scission, que deviendrait le Roi, peut-être un des derniers dénominateurs communs des Wallons et Flamands ? Celui qui porte par le bout des doigts la stabilité de la Belgique depuis de nombreux mois pourrait bien être le grand perdant d’une scission belge. Les monarchies sont de véritables vecteurs de stabilité d’un pays et de son peuple car elles représentent le référent vers lequel le peuple peut s’adresser et avoir confiance en dernier recours.

Le Roi est donc vecteur de stabilité et de paix et sur le long terme – même si ses pouvoirs sont d’ordre symbolique, ce que ne possède pas un système Républicain qui connait des changements politiques sans « référent suprême » durable. La scission belge aurait certainement pour conséquence a minimal’affaiblissement du système monarchique tout entier, voir l’éviction totale du Roi des Belges. Sa chute représenterait un message fort à toutes les monarchies de la planète, et il est difficile de présumer des effets qu’aurait un tel événement à court ou long terme. Quoi qu’il en soit, le système monarchique en ressortirait affaibli.

Quoi qu’il arrive, la population serait la première concernée par une scission. Source de craintes et de peurs pour le futur, une scission trop rapide et donc traumatisante pourrait avoir des conséquences terribles pour le peuple et la stabilité régionale et Européenne.

Toutefois, même s’il faut laisser la possibilité aux peuples de décider de leur autodétermination et de construire leur propre histoire, ils ne peuvent ignorer leurs voisins souvent inquiets des risques associés à une telle séparation. En tant que peuple fondateur de l’Union européenne, les Belges doivent aussi être attentifs aux craintes de leurs partenaires européens vis-à-vis de leur stabilité nationale (qu’en diraient les Catalans, Basques, Corses ou autres régionalismes européens et internationaux ?) et également de la construction européenne. Il est de leur responsabilité de rassurer la communauté européenne et internationale en créant, en amont, des conditions de séparation pacifique au cas où la séparation deviendrait réalité.


Billet initialement publié sur Le Taurillon sous le titre Quel rôle pour l’UE en cas de scission de la Belgique ? 1/2.

Pour creuser le sujet, découvrez l’application OWNI.fr La crise belge par les datas : démographie, économie et autres critères selon les schémas de partition (deux Etats, Bruxelles indépendante ou ralliée, etc.).

FlickR CC Fr Leslie Sachs ; Anton Raath ; Kristof van Landshoot ; Bruno Desclee.

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Gouvernement belge: ||les chiens aboient, la caravane… http://owni.fr/2010/09/09/belgique-gouvernement-les-chiens-aboient-la-caravane%e2%80%a6/ http://owni.fr/2010/09/09/belgique-gouvernement-les-chiens-aboient-la-caravane%e2%80%a6/#comments Thu, 09 Sep 2010 18:06:05 +0000 Charles Bricman http://owni.fr/?p=27592 Article initialement publié le 19 août 2010 sur On a des choses à se dire

La lecture de la presse, ce matin, m’a laissé perplexe, comme souvent.

Pour les francophones (Le Soir et La Libre, je n’ai pas les moyens de les acheter tous !), c’est entendu : ce pauvre monsieur Di Rupo a fort à faire avec cet excité de Bart De Wever, qui veut tout casser, faire disparaître la Belgique, le roi, la reine et le p’tit prince, et puis encore s’en aller avec la caisse. Mais soit : notre bon roi va prendre un peu de temps pour le sermonner, lui et tous les autres zievereirs, après quoi don Elio refera un tour de table et essaiera une dernière fois de convaincre ce zot qui n’en a jamais assez.

En néerlandais (De Standaard), c’est assez différent. C’est très différent. C’est même une tout autre histoire. Sur le coup, elle me parait plus crédible.

Au début de celle-ci, peu de temps après les élections, Elio et Bart se seraient mis d’accord entre eux sur la façon d’y arriver. En gros:  (i) on scinde BHV sans (trop) de chichis, Bart n’a pas de marge de manœuvre là-dessus ; (ii) les Flamands acceptent de refinancer Bruxelles qui en a bien besoin ; (iii) Bart oublie le confédéralisme pur et dur (au moins pour cette législature) et on ne touche pas à la loi de financement des régions et communautés, mais (iv) Elio fait accepter un transfert massif de compétences, ce qui permet d’arriver à un modèle de responsabilisation des entités fédérées, mises en possession de tous les leviers de commande (en ce compris financiers) de ces compétences.

Mais là, c’est l’embardée. Di Rupo n’est pas seul, dans le camp francophone. Ou si l’on préfère, il se retrouve très seul. Isolé. Ecartelé entre les deux camps – c’est la position de base de tout Premier ministre, obligé de se faire accepter par « les autres » sans se faire lâcher par « ses amis » – le préformateur cuisine du cosmétique à la belge.

Les transferts de compétences et de moyens budgétaires sont massifs. 15,8 milliards. Mais les leviers de décision restent entre les mains de la fédération. On ne transfère pas les politiques, seulement les sous qui doivent être dépensés pour exécuter ces politiques. Il n’y a guère d’avancée sur ce qui était l’autre point essentiel pour les Flamands : la « responsabilisation » des entités fédérées.

Les propositions du préformateur sont insuffisantes aux yeux des Flamands. Ils constatent même qu’à ce rythme, on va tuer l’État fédéral, à qui il ne restera plus qu’une trentaine de milliards pour couvrir les dépenses qui restent à sa charge. Dont 13 déjà pour le seul service de la dette. Dont les pensions qui, en raison du vieillissement de la population, vont inévitablement augmenter dans les années qui viennent.

[NDLR] “A qui profite le budget fédéral?”

“Le niveau fédéral conserve une importance pour l’armée et la justice, mais aussi pour les pensions et la sécurité sociale. Dans ces deux domaines, la Wallonie pèse lourdement sur le budget du royaume. Les pensionnés du secteur public sont plus nombreux (en proportion de la population) en Wallonie, malgré des ressources fiscales par habitant 11% inférieures!

Les dépenses de santé risquent également de plomber un possible budget wallon, puisque les indicateurs sont systématiquement verts au nord et rouges au sud. En proportion, les Wallons comptent 30% d’obèses et 40% de fumeurs en plus, et ils sont 2 fois plus nombreux à ne pas pouvoir se rendre chez le médecin faute d’argent.”

Ce n’est pas le nombre et l’importance des matières transférées qui leur paraît insuffisant. C’est leur manque de consistance qui, en sus, conduit à un désastre budgétaire.

De Wever dit alors que dans ces conditions, il va falloir revoir en profondeur la loi de financement. La « grande porte » pour parvenir à la responsabilisation des entités fédérées, d’ailleurs jugée nécessaire par les économistes du Sud comme du Nord. Le CD&V et Groen! sont d’accord. Et même le SP.A. Et là, Di Rupo se fâche. Tout rouge. De Wever a un malaise – et c’est Joëlle Milquet qui l’aide à retourner à sa voiture, il faut lire ça dans le Standaard, pour l’anecdote.

Di Rupo et De Wever se revoient. On saura sans doute ce qu’ils se sont dit dans quelques jours, semaines ou mois, quand la poussière sera retombée et la prescription acquise. Le préformateur va chez le roi. Qui siffle un temps mort de 48 heures, le temps de faire passer les Sept au confessionnal.

Et puis Di Rupo reprendra ses efforts. Rasséréné ? Reposé ? Convaincu ? Le communiqué du Palais annonce que le préformateur poursuivra sa mission dès samedi. Le roi le charge d’approfondir, à la fois (i) l’autonomie et la responsabilisation des entités fédérées pour leurs nouvelles attributions (voir la mise à jour ci-dessous) et (ii) le financement dans la durée de l’État fédéral.

Les chiens aboient. La caravane passe. Il faut qu’elle passe, admettent-ils tous. Cette caravane, c’est comme un vélo : si elle s’arrête, tout le monde se casse la gueule.

Le reste ? Les couleurs pour le moins contrastées des récits et analyses des uns et des autres ? C’est de la com’. Celle des partis.

[Màj 19 Août 18:40] J’ai rajouté après coup le passage en italique gras qui précise, et ce n’est probablement pas innocent, que la responsabilisation des entités fédérées doit être approfondie pour leurs nouvelles attributions. C’est l’analyse d’Ivan De Vadder (VRT) qui m’y a fait penser et elle me paraît pertinente : le roi renvoie ainsi les deux camps dos à dos. Aux Flamands, et principalement à la N-VA, il concède que le paquet peut être jugé « insuffisant » sur le plan de la responsabilisation des entités fédérées, mais il ajoute aussitôt, pour rassurer les francophones, que ce n’est pas une raison pour remettre en cause toute la loi de financement de 1988.

Le roi se rallie ainsi à la formule « plombiers », c’est-à-dire à une couche supplémentaire de réformes, au lieu d’une « reconstruction » du système. Je ne le lui reproche évidemment pas car il n’y est pour rien: le communiqué du Palais n’est que signé par Albert II, il est écrit par d’autres. Di Rupo certainement – c’est la lecture de De Vadder qui y voit un ultimatum de sa part -, et peut-être De Wever. L’enjeu pouvant être alors de forcer l’appareil de la N-VA – où il y a de plus fondamentalistes que De Wever – à prendre position. Tout cela fait beaucoup de grain à moudre pour ceux qui se pencheront sur l’histoire de cette négociation historique. Il n’en reste pas moins que ce qui va sortir de ce psychodrame, si quelque chose en sort, ce sera vraisemblablement – et une fois de plus – un chameau avec une tête d’éléphant et une queue de cheval, selon la jolie formule que j’ai lue quelque part ce matin…

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http://owni.fr/2010/09/09/belgique-gouvernement-les-chiens-aboient-la-caravane%e2%80%a6/feed/ 5
La crise belge par les data http://owni.fr/2010/09/09/la-crise-belge-par-les-data/ http://owni.fr/2010/09/09/la-crise-belge-par-les-data/#comments Thu, 09 Sep 2010 18:05:35 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=27127 « Préparons-nous à la fin de la Belgique ! » C’est en substance ce qu’on déclaré les leaders francophones ces derniers jours, un refrain que les Flamands entonnent depuis déjà quelques décennies. Faut-il couper la Belgique parce que ces entités constituent des nations différentes, ou bien faut-il se préparer à construire de toutes pièces de nouvelles identités pour remplacer la belge ?

Laissons parler les données. Nous avons mis en place une application permettant de comparer les chiffres relatifs aux trois régions belges (Flandre, Wallonie et Bruxelles-capitale) sur certains thèmes.

Sur certains aspects, on constate de fortes disparités. L’impôt fédéral payé par habitant, par exemple, est 25% supérieur en Flandres par rapport à la Wallonie. Résultat, la solidarité nationale peut apparaître à sens unique, les Flamands payant 1,2 milliards d’euros transférés sous forme de ‘rééquilibrage’ aux francophones.

Et pourquoi les Wallons payent-ils moins d’impôts ? Parce qu’ils travaillent moins! Le taux d’activité (ceux au travail + ceux cherchant un emploi) est de près de 10 points supérieur en Flandre. On comprend mieux ainsi ce sur quoi repose le ressentiment des Flamands.

Pas la peine de stigmatiser les Flamands en les traitant de « populistes égoïstes » pour autant, comme on peut le lire dans les colonnes du Monde. Leurs revendications font échos à des problèmes réels, pour lesquels ils considèrent que les solutions proposées ne suffisent pas. On ne peut pas en dire autant de la frénésie anti-gitans qui sévit en France, où des politiques, soutenus par une bonne partie de la population, s’en prennent à un groupe pour des motifs totalement farfelus et dénués de réalité statistique (« ils ont des trop grosses voitures ! »)

Les Belges ne se marient pas non plus entre eux. Moins de 0,5% des mariages belges concernent des relations entre résidents flamands et wallons. (Cette statistique a été compilée en fonction des lieux de résidence, pas de naissance, si bien qu’un Flamand vivant en Wallonie puis s’y mariant à une Wallonne n’est pas comptabilisé). Cela reste environ 6 fois moins que le nombre de mariages conclus entre un Belge et un étranger ! Pour donner un élément de comparaison, cela correspond plutôt au taux de mariages entre Français et Britanniques (source INSEE).

In Potjevleesch we trust

Malgré ces écarts flagrants, les Belges restent soudés autour de valeurs… belges. Loin d’être anodins, les habitudes de consommation sont étrangement similaires. Si vous regardez l’onglet “consommation” de l’appli, vous verrez que les différences entre Flandre et Wallonie ne divergent jamais de plus de 10%.

Si l’on s’intéresse à la charcuterie, par exemple, on constate que l’on dépense sans compter des deux côtés de la frontière linguistique : 475€ en Flandre et 468€ en Wallonie par an et par ménage. Bruxelles, avec tous ses étrangers eurocrates qui ne comprennent rien au filet américain, au filet d’Anvers ou aux pâtés queue de charrue, ne dépense qu’un maigre 300€, tout comme les Français (357€ selon l’INSEE [XLS]).

Et Bruxelles ?

En plus d’être la plus importante des capitales de l’Union Européenne, Bruxelles est à la fois la capitale de la région flamande et la principale ville francophone. Véritable nœud gordien des relations entre communautés linguistiques, la ville semble être au cœur des revendications des uns et des supplications des autres.

L’application permet de choisir où vous souhaitez voir Bruxelles : indépendante, wallonne ou flamande. On constate qu’en dehors du tourisme, où Bruxelles et la Flandre concentrent la majeure partie des nuitées, et du nombre d’étrangers, faire varier l’appartenance de la ville vers l’une ou l’autre région n’influence que peu les équilibres.

On pourrait penser que cet état de fait tient à la relative pauvreté de la ville. Son centre, loin d’exulter de richesses comme à Trafalgar Square ou à la Concorde, fait plutôt penser à une ville post-socialiste ayant raté sa reconversion. Comparée à Anvers, principale ville de Flandre, Bruxelles n’attire pas l’oeil. Plus pauvre relativement au nombre d’habitants, c’est à se demander pourquoi son statut importe tant aux deux camps.

La raison tient au découpage anachronique des frontières administratives. Tout comme il est inconcevable de limiter Paris à ce qu’on trouve à l’intérieur du périphérique, la région Bruxelles-Capitale souffre d’atrophie sur ses 160 km² (à peine 50% de plus que Paris intra-muros). Prise dans son ensemble, la métropole bruxelloise retrouve l’étoffe d’une ville d’importance mondiale, produisant le quart de la richesse belge.

Le problème de la ville tient à son corset flamand : l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), situé en Flandre, accueille l’expansion territoriale de la capitale et concentre en particulier ses plus gros contribuables qui, à la manière d’une ville américaine, délaissent le centre. Bruxelles se trouve ainsi à cheval entre la Flandre et la région Bruxelles-Capitale, ce qui ne facilite pas la division du pays et explique pourquoi la scission de BHV monopolise depuis plus de 3 ans la vie politique du pays.

Notre dossier, qui accompagne cette application, est constitué de trois articles de blogueurs belges qui nous plongent dans l’actualité de leur pays. Qui n’en est plus un ?

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