OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’enfant terrible du DIY http://owni.fr/2012/04/19/lenfant-terrible-du-diy/ http://owni.fr/2012/04/19/lenfant-terrible-du-diy/#comments Thu, 19 Apr 2012 10:26:29 +0000 Anaïs Richardin http://owni.fr/?p=106456

Décidément le bricolage de grand-papa est devenu aussi sexy que le surf, surtout s’il est rebaptisé DIY (Do It Yourself, fais-le toi-même.) En témoigne Caine Monroy, ce jeune Américain de neuf ans devenu une star grâce à ses créations du dimanche filmées dans des vidéos qui ont fait le tour du web.

Passionné de jeux et ingénieux bricoleur, Caine a créé une salle de jeux d’arcade dans le magasin de son père, vendeur en pièces détachées automobile. Utilisant de vieux cartons à la manière de Michel Gondry dans La Science des rêves, ainsi que des jouets dont il ne voulait plus, cet as de la débrouillardise a lancé son petit business l’été dernier.

L’histoire de ce petit garçon peu ordinaire est somme toute banale et pourtant cela a fonctionné. Pourquoi ? Le sujet de la vidéo n’est pas sujet à discussion et ne provoque aucune prise de position. Partager cette vidéo n’est pas une action impliquante pour l’internaute et cela lui donne même le sentiment de participer en partie à l’histoire qui se crée. Une histoire que l’on prend plaisir à se transmettre d’ami en ami comme l’explique Camille Alloing, auteur du blog CaddE-Réputation et spécialiste e-réputation :

Une vidéo qui fonctionne est une vidéo qui raconte une histoire. Une histoire que l’on puisse transmettre à d’autres. C’est d’ailleurs la démarche du réalisateur, il n’écrit pas l’histoire il ne fait que la transmettre.

Mais la vidéo ne s’est pas effectuée avec la même fluidité partout dans le monde. En effet, si ce petit film a fait des émules aux États-Unis, il est passé sous le radar des Français, notamment des journalistes. Une différence de réception dont les causes sont très certainement culturelles, analyse Camille Alloing :

C’est la figure américaine du self-made man, en l’occurrence self-made child qui doit résonner aux États-Unis en terme de culture et de conscience collective .

Une notion de self-made man qui n’est pas profondément ancrée dans la culture française. Pourtant c’est à la sueur de son seul front que Caine a tout mis en œuvre pour faire de son business en carton une véritable petite affaire professionnelle : t-shirt “staff” au nom de son enseigne “Caine’s arcade”, sac en papier étiquetés à la main, tickets de jeu patiemment découpés et collés.

Malheureusement pour lui, le quartier de Los Angeles dans lequel est situé le magasin de son père est une zone industrielle qui n’attire pas les foules. Enfin, qui n’attirait pas les foules jusqu’à ce que Nirvan Mullick, réalisateur, y passe chercher une pièce pour réparer sa vieille Toyota. Intrigué par l’ingéniosité du jeune garçon, il décide de tester cette salle de jeux faite de bric et de broc. Dans la vidéo, il raconte leur rencontre :

Je lui ai demandé combien cela coûtait pour jouer. Pour un dollar, vous avez quatre parties mais pour deux dollars vous avez un fun pass, qui vous permet de jouer 500 fois. J’ai pris le fun pass.

Ce premier –et unique- client était aussi celui qui allait conduire Caine au succès. Impressionné par sa débrouillardise, il décide d’offrir au petit garçon ce qui lui manque : des clients. Nirvan Mullick, stratège digital pour une agence de communication a su mobiliser ses compétences en la matière pour faire connaître Caine’s arcade. Il crée ainsi une page Facebook, un compte Twitter, ainsi qu’un site web. Avec le concours du père de Caine, il organise une flashmob, réunissant en secret une centaine de personnes dans la petite échoppe de Mission road.

Pour Caine ce sera “le plus beau jour de sa vie” et pour Nirvan, l’objet d’un petit film qui retrace cette rencontre et la création de Caine’s arcade. La vidéo de onze minutes, créée pour être visionnée aux DIY days de l’université de Californie UCLA sera ensuite postée sur YouTube et Viméo le 9 avril. Avec plus de deux millions de visiteurs, le succès n’est pas à la hauteur de la vidéo KONY 2012, l’autre démonstration de viralité de l’année qui a attiré 43 millions de visiteurs en seulement deux jours. Mais l’histoire ne s’arrête pas à un joli film qui a fait le tour de la toile.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Souhaitant profiter du buzz pour donner un vrai coup de pouce à Caine, Nirvan Mullick a créé une Fondation pour récolter des fonds et payer les frais universitaires du jeune garçon, généralement très élevés de ce coté de l’Atlantique, ainsi que pour venir en aide à d’autres enfants. Avec un objectif initial de 25 000 dollars, il a finalement récolté 60 000 dollars en une journée. Six jours après le lancement de l’opération, Nirvan vient de remettre à Caine un énorme chèque en carton, que l’on n’espère pas en bois, d’un montant de 152 000 dollars. De quoi permettre à ce petit génie de faire de grandes études qui le mèneront peut-être à devenir milliardaire dans 30 ans comme le présent le magazine économique américain Forbes.

Le DIY tel que l’a utilisé Caine pour créer de ses mains ce dont il avait envie est un mouvement de plus en plus répandu, d’autant plus durant ces périodes où le pouvoir d’achat est en berne. La débrouillardise en est une des clés et ce petit garçon en a motivé plus d’un à faire de même. Le hashtag #teamcaine sur Twitter a ainsi été créé pour ses supporters mais aussi pour que d’autres enfants créatifs puissent partager leurs créations.

À l’heure où l’on parle de plus en plus des bénéfices des jeux vidéo pour affuter certaines capacités comme la réactivité, de nombreux commentaires saluent justement le fait qu’aucun outil numérique n’est ici en jeu. Comme les enfants s’amusaient avec un morceau de bois et une chambre à air au début du siècle, Caine a su créer lui-même son jeu, laissant de côté les écrans et mettant à profit son temps libre pour inventer toujours plus de nouvelles machines à rêve.


Captures d’écrans de la video Caine’s Arcade et via l’album Facebook Caine’s Arcade Flashmob

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Loisir: bricolage (numérique) http://owni.fr/2011/07/27/loisir-bricolage-numerique/ http://owni.fr/2011/07/27/loisir-bricolage-numerique/#comments Wed, 27 Jul 2011 06:27:55 +0000 Hubert Guillaud http://owni.fr/?p=74609 La technologie est sensée nous rendre la vie plus facile, mais les pires frustrations de nos contemporains sont dues aux nouvelles technologies qui peuplent nos maisons, estime Philip Ely, doctorant au Centre de recherche sur le monde numérique de l’université du Surrey. Pour affirmer cela le chercheur a étudié, à la manière d’un ethnographe, comment les gens vivent leurs relations aux technologies domestiques qui nous entourent, comment ils configurent et reconfigurent leurs pratiques à l’aune du fonctionnement des objets sociotechniques qu’ils utilisent.

Pour évoquer cette écologie technologico-domestique de nos pratiques, Philip Ely parle de “bricolage numérique” (Do It Yourself digital), explique le Guardian. Il a étudié (avec David Frohlich et Nicola Green) pendant 18 mois 19 habitations afin de regarder comment les utilisateurs gèrent leur matériel technologique domestique : par l’utilisation, la non-utilisation voir l’exclusion des technologies. Quelles innovations banales accomplissons-nous pour que nos outils technologiques se conforment à nos pratiques, à nos usages ? Comment passons-nous d’un usage de la vidéo grâce à un espace de stockage mobile, à un non-usage quand on perd le câble qui permet de relier son disque dur amovible à l’écran qui nous permettait de les regarder ? Comment nos pratiques d’écoutes de la chaîne-hifi diminue à mesure que nos musiques deviennent numériques ou comment les gens compensent-ils en continuant à graver des disques jusqu’à ce que le logiciel qu’ils utilisaient pour le faire évolue et rende un temps impossible ces gravures ?

Philip Ely s’est intéressé aux problèmes que rencontrent les Britanniques en déballant et installant leurs derniers gadgets technologiques. En ethnographe, il a notamment enregistré leurs expériences numériques lors de l’arrivée d’un nouveau matériel.

L’étude s’intéresse à trois points : comment les gens utilisent maintiennent et réparent leurs dispositifs de divertissement à domicile ? Quelle est l’écologie informationnelle de la maison ? Quelles valeurs individuelles et d’identité portent-elles ?

Philip Ely a pris des photos, fait dessiner des plans pour situer les technologies dans la maison, créer des cartes sociales pour identifier qui intervenait sur ces gadgets (techniciens extérieurs, amis…), puis a regardé comment ces appareils avaient bougé quelques mois plus tard, qui avait aidé à les maintenir et les mettre à jour…

Quand le bricolage numérique remplace le bricolage

Le bricolage numérique pour Philip Ely concerne la manière dont nous configurons ou reconfigurons notre environnement technologique domestique. Comment remplace-t-on, installe-t-on, déménage-t-on, câble-t-on, met-on à jour, interconnecte-t-on nos équipements technos dans la maison ? Comment relie-t-on nos enregistreurs DVD, nos ordinateurs portables, nos consoles de jeux, nos lecteurs de musique portables, nos téléphones et nos plateformes sans fil, nos chaînes hifi? Quels bricolages nous faut-il accomplir pour écouter notre musique sur plusieurs terminaux, pour voir un film sur le support de notre choix au moment où on le souhaite ? Ce petit quotidien qui nous fait transférer des fichiers, utiliser une succession de logiciels pour arriver à faire ce que l’on souhaite faire – ou qui nous fait abandonner face à la complexité – est pour lui révélateur de nos pratiques et des limites des outils que nous tentons d’utiliser.

Le bricolage, rappelle-t-il, a toujours été une activité pour ajouter de la signification personnelle à nos environnements domestiques liés bien souvent à des changements de vie, de revenus, de statuts. C’est une manière de “réévaluer nos environnements domestiques et les objets matériels qui le peuple”. Depuis quelques années, les nouvelles technologies viennent au premier plan de nos occupations domestiques. D’ailleurs, Les études du cabinet Mintel suggèrent que ces dernières années, en Angleterre, le bricolage traditionnel a reculé en faveur de loisirs “moins actifs” comme regarder la télévision ou accéder à l’internet. Ce qui est pour Philip Ely un facteur d’intérêt supplémentaire : observer comment le bricolage traditionnel est remplacé par d’autres formes de bricolages, liés à la connectivité domestique, à l’organisation des loisirs familiaux. Et bien sûr, comprendre comment les nouveaux objets s’intègrent aux plus anciens.

Cette étude du bricolage numérique suppose d’observer comment s’organisent les systèmes, les artefacts informationnels et l’organisation qui les entoure. Mais plus que les artefacts, ce qui a intéressé Philip Ely ce sont plutôt les utilisateurs et leurs rôles dans cet agencement de maîtrise autour de l’utilisation des technos domestiques.

Philip Ely a ainsi observé des gens qui avaient bricolé des installations numériques chez eux et a suivi l’évolution de ces bricolages, comme cette personne qui a bricolé une table basse équipée d’un projecteur, permettant de le masquer pour que sa table basse puisse être utilisée autrement… Que se passe-t-il quand il y a un changement dans la configuration de la maison, un déménagement ou autre ? Qu’advient-il des objets conçus ? Comment sont-ils réinventés ou réagencés dans un nouvel environnement – ou abandonnés ? Les changements de vie notamment (séparation, déménagement), aggravés par les bouleversements émotionnels qu’ils impliquent, représentent autant de défi pour les installations techniques, qu’il faut reconfigurer, reconnecter, recâbler… ou oublier.

A l’intérieur du foyer, constate Philip Ely, le bricolage numérique révèle un monde peu fluide, où anciens et nouveaux objets technologiques, valeurs personnelles, compétences individuelles, connaissances, ressources financières, réseaux sociaux, formes d’entraide (humaine et numérique) et circonstances de la vie jouent tous un rôle. Même les non-utilisateurs (voisins, famille, amis…) jouent bien souvent un rôle dans la configuration et la reconfiguration matérielle.

Philip Ely a bien sûr constaté que les ressources financières avaient un rôle évident dans l’appropriation et le choix des technologies. Quand les ressources financières sont limitées, les utilisateurs tendent à devenir innovants en réutilisant du matériel ancien par exemple. Mais le capital social joue également un rôle, notamment via le matériel qu’on récupère ou qu’on utilise.

L’une des personnes avait ainsi hérité d’un amplificateur qu’elle n’utilisait pas, mais dont elle n’arrivait pas pour autant à se séparer. La même personne avait également hérité du câblage de sa maison, avec des prises de télé qui n’étaient pas situées à des endroits adaptés par rapport à la configuration qu’elle avait donnée à son habitat. Ainsi qu’un d’un réseau audio domestique qu’elle hésitait à récupérer avant de déménager (parce que cela nécessitait de récupérer les câbles installés dans les murs ou sous le plancher sans qu’il soit certain qu’elle saurait les installer dans un autre environnement). Dans la maison, on hérite d’objets et d’infrastructures dont nous sommes dépendants. Mais le capital social correspond également aux réseaux sociaux et connaissances qui nous aident à la sélection, l’installation, la réparation et la reconfiguration des technologies domestiques.

Le petit détail frustrant

L’une des principales observations de Philip Ely a été de montrer que c’est souvent les gadgets électroniques les moins importants qui sont les plus frustrants.

J’ai montré que des objets comme les câbles USB, l’infrastructure internet et même les portes, les murs ou les divans étaient les objets qui, le plus souvent, empêchaient le plus le partage de musique ou d’images au sein du foyer et ce même pendant des mois.

Les dispositifs individuels deviennent redondants souvent pour des motifs très triviaux, comme de perdre un câble. Ce qui montre bien que les fabricants oublient souvent combien la maison peut-être un endroit désordonné et contingent. Et ce d’autant que l’utilisateur final ne travaille plus seulement avec un simple ordinateur, comme c’était le cas il y a 20 ans, mais avec toute un ensemble d’appareils informatiques.

Au palmarès des récriminations des utilisateurs, Philip Ely pointe ainsi iTunes, le logiciel musical d’Apple. “Il n’est pas centré sur les gens, mais sur les recettes qu’il génère”, explique-t-il. Les gens voudraient qu’il se connecte à tous les périphériques de la maison simplement, qu’il gère la musique, les vidéos, les images sans mise à jour constante ni authentifications permanentes. “S’il y avait un système de micropaiement chaque fois que les utilisateurs se plaignent d’iTunes parce qu’il ne fonctionne pas correctement ou parce qu’il est trop lent, je serais millionnaire”, plaisante-t-il.

Les recherches d’Ely contredisent également l’opinion commune qui pense que les technologies isolent. Beaucoup de ménages communiquent sur les forums en ligne à la recherche d’entraide pour faire fonctionner leur matériel.

Les utilisateurs s’appuient sur d’autres utilisateurs pour obtenir le soutien technique dont ils ont besoin. Et ce pas seulement en ligne, mais également via des relations en face à face. Aucun des ménages sur lesquels j’ai enquêté n’a résolu ses problèmes uniquement en ligne. Les maisons sont devenues plus ouvertes non pas à cause de l’intrusion des médias en ligne dans nos vies privées, mais parce que les gens ont besoin de travailler via des réseaux sociaux élargis pour les aider à résoudre des problèmes du quotidien liés aux technologies.

Tout comme dans le bricolage classique, les gens partagent des astuces, des solutions… Ils aiment s’entraider et s’entraider face aux technologies domestiques est à la fois enrichissant et socialisant.

Dans les ménages avec enfants, Ely a constaté beaucoup d’entraide intergénérationnelle : les parents enseignent aux enfants comment télécharger les photos de l’appareil photo, les enfants enseignent aux parents comment télécharger des applications ou de la musique… Dans tous les cas étudiés, Philip Ely a constaté une différence de genre : les hommes se voient plutôt confier les tâches de construction de matériel, alors que les femmes ont plutôt tendance à se concentrer sur le logiciel. Le bricolage numérique révèle la division entre les sexes, entre les parents et les enfants, les frères et les soeurs…

Quand je parle aux gens de mes recherches, ils commencent souvent par me raconter comment ils ont installé leur nouvelle télévision numérique ou la conversation qu’ils ont eue avec un service d’assistance téléphonique en Inde. Cela semble cathartique pour eux, et ils s’attendent à ce que j’ai des réponses à leurs problèmes. Mais cela révèle surtout combien ces questions de bricolage numérique nous concernent tous.


Article initialement publié sur InternetActu sous le titre “Comment bricolons-nous le numérique” ?

Crédits photo: Flickr CC Iain Browne, retro travelerBarnaby_S, dnnya17

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