OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le code, c’est chic, c’est fric http://owni.fr/2012/06/21/le-code-cest-chic-cest-fric/ http://owni.fr/2012/06/21/le-code-cest-chic-cest-fric/#comments Thu, 21 Jun 2012 10:06:42 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=114047

code, code, code, pendant le hackathon de voxe.org - (cc) Ophelia Noor pour Owni

10 millions de dollars : moins d’un an après son lancement en août 2011, Codeacademy vient d’effectuer une belle levée de fond. Ce site d’apprentissage interactif de la programmation avait déjà réuni 2,5 millions de dollars lors du précédent tour de table en novembre dernier.

Parmi les investisseurs successifs, on trouve quelques noms sexy dans le petit monde des start-ups des nouvelles technologies : Union Square Ventures, qui a mis de l’argent entre autres dans Foursquare, Tumblr ou bien encore Twitter ; Index Ventures, qui compte dans son portefeuille Skype, SoundCloud, MySQL, etc ; Kleiner Perkins, qui a mis des billes dans Spotify, Klout, Zynga… ;  Richard Branson, le fondateur de Virgin.

Un tableau de chasse à l’image de l’engouement que suscite l’apprentissage du code, en particulier aux États-Unis. Le “programmer ou être programmé” de l’écrivain américain Douglas Rushkoff semble avoir fait tilt dans plus d’une tête. La courbe de croissance de Codeacademy est affolante, à tel point qu’elle se définit maintenant comme “une entreprise mondiale” ayant atteint le saint Graal de la scalability , l’extensibilité en bon français : des centaines de milliers d’utilisateurs, 50% de leur audience hors des États-Unis, 400 cours, le tout assuré par neuf employés. Et ce n’est que le début donc.

Facile.

Storytelling

En bons adeptes du storytelling, les deux (très) jeunes fondateurs Zach Simms et Ryan Bubinski expliquent avoir fondé Codeacademy pour pallier un manque en matière d’éducation :

J’enseignais moi-même la programmation et j’étais extrêmement frustré de ce que je trouvais dans les livres, les vidéos et partout ailleurs en ligne. Dans le même temps, Ryan avait déjà enseigné à des centaines d’étudiants alors que nous étions à Columbia et que nous cherchions comment enseigner à des millions en plus. [...]

Mary Meeker de Kleiner Perkins a visité nos bureaux [au début de l'année]  et a décrit un panorama des quelques industries qui avaient besoin d’être secouées, l’éducation figurait en tête. [...] Nous avons passé beaucoup de temps à parler à Saul et Mary, et Mike Abbott chez Kleiner du futur de l’éducation, de la programmation et de nos forces de travail.

Il est vrai que l’école a du mal à prendre en charge cette partie et les appels à ce qu’elle intègre l’enseignement du code dans les programmes sont récurrents : Eric Schmidt, le président exécutif de Google, a ainsi taclé la Grande-Bretagne, le pays qui a inventé l’ordinateur, pour avoir “gaspillé son fantastique héritage en informatique”.

Si des initiatives similaires existent, comme CodeSchool, O’Reilly ou WebMaker et les Summer Code Party de la fondation Mozilla, aucune ne revendique un succès aussi fort. Mathieu Nebra, qui a fondé à treize ans en 1999 le Site du zéro, un alter ego français à succès, puis une société autour, émet des hypothèses :

Ils ont été très médiatisés, pourquoi ? Je ne sais pas… C’est un concept ancien, qu’ils ont réussi à simplifier et à rendre sexy.

Sexy et gratuit, ce qui aide. Si sexy que le maire de New York Michael Bloomberg a twitté qu’il allait s’y mettre aussi cet hiver, assurant au passage un beau coup de publicité gratuite :

Le #codeyear du tweet est une référence à l’opération lancée en janvier par la jeune entreprise, qui alimente ainsi son propre succès. Dans sa veine éditoriale, Code Year délivre un discours démystifiant sur le code, que certains imaginent comme un monde mystérieux et ésotérique et élitiste (un discours entretenus par certains programmeurs jaloux de leur pré-carré :)

Code Year est un cours introductif pour quiconque souhaite apprendre à programmer. Code Year commence avec les fondamentaux et enseigne les concepts à travers des cas concrets.

make($) sinon end(game)

Il y a juste un truc qui cloche, comme le souligne Mathieu Nebra :

Le montant de la levée de fonds ne m’étonne pas, aux États-Unis, il faut toujours rajouter un zéro. Mais la boite n’a aucune source de revenus. Ils pourront valoriser la base de leurs utilisateurs pour en faire une CVthèque ou faire payer les fonctionnalités. Mais leur communauté risque de ne pas être stable, comme elle s’est construite sur une hype.

Levée de fonds, succès foudroyant, jeunes fondateurs, buzz, Codeacademy a des parfums de micro-bulle. Si elle dispose d’un petit matelas de billets qui lui permet d’envisager le court terme sereinement , l’équation à long terme est inévitable : make($) sinon end(game) // just a copy/paste from myspace’s source.


Photo par Ophelia Noor pour Owni pendant la session hackathon d’applications organisée par l’association Voxe.org pour la présidentielle 2012

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Bulles et couleurs de l’espace http://owni.fr/2011/03/26/bulles-et-couleurs-de-l-espace/ http://owni.fr/2011/03/26/bulles-et-couleurs-de-l-espace/#comments Sat, 26 Mar 2011 09:00:12 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=53228

Il y a plus de choses dans le ciel et la terre, Horatio, qu’il est rêvé dans votre philosophie.

Je n’avais jamais commencé d’article par une citation de Shakespeare (Hamlet, Acte I, Scene V). Voilà qui est fait. La raison, la voici :

Photo : T. A. Rector/University of Alaska Anchorage, H. Schweiker/WIYN and NOAO/AURA/NSF

Vous admirez la “Nébuleuse Bulle de Savon” (PN G75.5+1.7 pour les intimes) découverte il y a trois ans par Dave Jurasevich à l’observatoire du Mont Wilson et indépendamment par Keith B Quattrocchi et Mel Helm, des astronomes amateurs bien équipés.

Cette bulle parfaitement sphérique de 5 années lumières de diamètre a été expulsée il y a 22 000 ans d’une étoile de la constellation du Cygne qui a eu un hoquet nucléaire. Lorsqu’une étoile épuise son hydrogène et s’étouffe dans l’hélium qu’elle a produit, elle s’éteint brièvement, s’effondre en se comprimant et se réchauffant. Si elle est assez lourde pour que la fusion de l’hélium s’amorce, elle se rallume. Une fois l’hélium fusionné en carbone et oxygène, elle s’éteint à nouveau. Si l’étoile est très massive, elle peut encore enchainer plusieurs cycles de plus en plus rapides et terminer son existence dans une spectaculaire supernova, mais beaucoup d’étoiles deviennent des naines blanches après la fusion de l’hélium, éjectant leurs couches externes dans l’espace, formant des nébuleuses (dite “planétaires” pour des raisons historiques). Mais il est très rare qu’elles aient une forme aussi parfaitement sphérique (sur 1500, je crois qu’il n’y en a qu’une seule autre : Abell 39)

Comment colore-t-on les photo d’astronomie?

Parlons maintenant des jolies couleurs bleu-orange de la photo. En fait elles n’existent pas. La photo originale de Dave Jurasevich est celle-ci:

Elle a été obtenue avec un temps de pose d’une demi-heure. On comprend pourquoi cette nébuleuse n’a pas été détectée plus tôt : elle est extrêmement peu lumineuse. Et on n’y distingue pas la moindre couleur pour la simple raison que les capteurs CCD sont par nature “noir et blanc”, ou plutôt détectent la lumière de toutes les couleurs . Nos appareils photo utilisent des “filtres de Bayer” qui colorient un pixel sur 4 en rouge, un autre en bleu, et les deux restants en vert parce que notre œil est plus sensible dans le vert, mais les couleurs du ciel nocturne sont bien différentes de celles de nos photos de vacances, donc il serait dommage d’atténuer la faible lumière céleste en la filtrant par des couleurs terrestres.

Les “couleurs” des astres chauds sont formées de raies spectrales typiques des éléments qui les composent, ce qui permet d’ailleurs de déterminer leur composition par spectroscopie. Par conséquent, les “bonnes” couleurs à filtrer en photographie astronomique sont celles des raies d’émission des atomes que l’on suppose être présents dans l’objet observé. L’hydrogène, élément de très loin le plus abondant dans les étoiles est un bon candidat, et en particulier sa raie H-α, qui correspond à un rouge vif. Pour notre nébuleuse, la raie de l’Oxygène III, dans le vert, s’est révélée un bon choix pour mettre en évidence la “bulle de savon”.

Les clichés pris successivement avec un filtre pour H-α et un filtre O-III sont différents, mais toujours en noir et blanc. Il faut bien comprendre qu’ils ne représentent qu’une toute petite partie de la lumière reçue, dans deux “couleurs” judicieusement choisies pour obtenir un contraste maximum parce que les “vraies couleurs” sont pratiquement indiscernables à l’œil.

L’équipe du télescope Mayall à Kitt Peak a choisi de combiner les clichés en attribuant une couleur orange à H-α et bleue à O-III pour faire plus joli, alors que Keith B Quattrocchi et Mel Helm ont choisi des couleurs violettes et vertes, ajoutant même un troisième filtre pour le Soufre-II.

De plus ils sont plus explicites sur la technique utilisée: ils ont pris au total 21 clichés de 20 minutes d’exposition, soit 7 heures pour chacun des 3 filtres. Les clichés ont été superposés avec CCD Stack, et MaxIm DL, puis un peu PhotoShopés quand même.

Voilà, votre nouveau fond d’écran astronomique est disponible en deux couleurs, et vous savez pourquoi.

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>> Article initialement publié sur le Blog de Dr Goulu, un blog du C@fé des sciences

>> Illustration FlickR CC-by-nc Rusty Mayhew

Retrouvez tous nos articles de la Une astronomie sur OWNI (Image de Une CC Elsa Secco)

- “L’astronomie amateur, la science populaire n’est pas qu’un loisir!

- “Sous deux soleils exactement

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Quand la crédulité des économistes fait des bulles http://owni.fr/2010/11/24/quand-la-credulite-des-economistes-fait-des-bulles/ http://owni.fr/2010/11/24/quand-la-credulite-des-economistes-fait-des-bulles/#comments Wed, 24 Nov 2010 12:43:13 +0000 Stéphane Bortzmeyer http://owni.fr/?p=36829 Vous vous souvenez de la grande bulle de l’Internet en 1999-2001, lorsque des prédictions délirantes amenaient des milliers d’investisseurs à injecter plein d’argent dans le réseau que tous les costards-cravate sérieux méprisaient seulement quelques années auparavant ? Dans un article très détaillé et très érudit, « Bubbles, gullibility, and other challenges for economics, psychology, sociology, and information sciences », Andrew Odlyzko revient sur cette bulle, sur celles qui l’ont précédé et celles qui l’ont suivie.

Des business plans qui prévoyaient plus d’usagers du web que d’habitants sur Terre

Odlyzko étudie surtout trois bulles, celle des chemins de fer britanniques vers 1845, celle de l’Internet en 1999-2000, et celle des subprimes qui s’est écroulée en 2008. À chaque fois, on retrouve les mêmes ingrédients notamment une formidable crédulité et une incapacité, chez des gens qui ont tous fait Harvard ou Polytechnique, à faire des maths élémentaires, par exemple des calculs d’intérêts composés (certaines prévisions faites pendant la bulle de l’Internet menaient en peu de temps à ce qu’il y ait davantage d’utilisateurs de l’Internet que d’habitants sur Terre). Ainsi, le mathématicien John Paulos, l’auteur de Innumeracy: Mathematical Illiteracy and its Consequences a lui même perdu beaucoup d’argent dans la bulle de l’Internet, pourtant basée sur des mathématiques ridicules.

L’auteur en déduit qu’on peut même tenter de définir un « indice de crédulité », dont la mesure permettrait d’indiquer qu’on se trouve dans une bulle et qu’il faut donc se méfier. D’autant plus que les personnes précisément chargées de veiller et de donner l’alarme sont les premières à lever les bras avec fatalisme et à dire que les bulles sont indétectables.

L’article cite de nombreuses déclarations d’Alan Greenspan en ce sens ; quoique responsable de la surveillance monétaire, il affirme qu’on ne peut pas détecter les bulles mais n’en a pas pour autant déduit qu’il ne servait à rien et qu’il serait honnête de démissionner. Les journalistes n’ont pas fait mieux et tous reprenaient avec zéro sens critique les communiqués triomphants sur la croissance miraculeuse de l’Internet.

Des pubs “pro bulle” en contradiction avec la documentation officielle !

Odlyzko reprend donc tous les calculs, toutes les affirmations avancées pendant la bulle. Ce n’est pas facile car bien des rapports ultra-optimistes de l’époque ont complètement disparu des sites Web des entreprises concernées. Ainsi, UUNET présentait publiquement, pour encourager les investisseurs, des chiffres (par exemple sur la capacité de son épine dorsale) qui étaient en contradiction avec ses propres documents officiels enregistrés à la SEC. UUnet mentait sur ses capacités antérieures, pour que l’augmentation soit plus spectaculaire.

Cette partie d’analyse a posteriori de la propagande pro-bulle est certainement la plus intéressante de l’article. Il faut la garder en mémoire à chaque fois qu’on voit un Monsieur sérieux faire des prévisions appuyées sur du PowerPoint. Avec le recul, c’est consternant d’imbécillité, le terme « crédulité » parait bien indulgent, puisque tout le monde pouvait vérifier les documents SEC et refaire les calculs (qui étaient trivialement faux). Et pourtant, non seulement cela a eu lieu, mais cela a recommencé quelques années après avec les subprimes. D’autres embrouilles étaient utilisées pour tromper les investisseurs (victimes très consentantes, puisque la vérification aurait été facile), comme de confondre la capacité du réseau et le trafic effectif.

Les escroqueries comme celle de WorldCom ou d’Enron ne sont pas une nouveauté. Vu l’absence totale de sens critique avec lequel sont accueillies les bulles, on peut même se demander, et c’est ce que fait Odlyzko, s’il n’y a pas une raison plus profonde à la crédulité. Par exemple, les empereurs romains, pour tenir le peuple, lui fournissaient « du pain et des jeux ». Aujourd’hui, peu de gens dans les pays riches ont faim et les jeux sont peut-être devenus plus importants que le pain. Les bulles ne sont-elles pas simplement un spectacle ?

Ou bien ont-elle une utilité réelle, par exemple pour convaincre les investisseurs de faire des dépenses lourdes et qui ne rapporteront rien ? Ainsi, la bulle des chemins de fer britanniques vers 1845 a ruiné des investisseurs crédules comme les sœurs Brontë, Charles Darwin ou comme le pédant économiste John Stuart Mill (qui, comme tous les économistes, pontifiait dans le vide sur les beautés du capitalisme, mais ne savait pas reconnaître une bulle) mais elle a aussi permis à la Grande-Bretagne d’avoir un formidable réseau ferré sur lequel son économie a pu s’appuyer. Finalement, les bulles servent peut-être à quelque chose ?

Article publié initialement sur le blog de Stéphane Bortzmeyer sous le titre Des bulles et de la crédulité et également repris sur OWNIpolitics

Photos : FlickR CC WoodleyWonderworks ; Mike Licht ; Kenneth Moore.

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Internet, subprimes… quand la crédulité des économistes fait des bulles http://owni.fr/2010/11/23/internet-subprimes-quand-la-credulite-des-economistes-fait-des-bulles-speculation-bourse-enron/ http://owni.fr/2010/11/23/internet-subprimes-quand-la-credulite-des-economistes-fait-des-bulles-speculation-bourse-enron/#comments Tue, 23 Nov 2010 10:29:01 +0000 Stéphane Bortzmeyer http://owni.fr/?p=37245 Vous vous souvenez de la grande bulle de l’Internet en 1999-2001, lorsque des prédictions délirantes amenaient des milliers d’investisseurs à injecter plein d’argent dans le réseau que tous les costards-cravate sérieux méprisaient seulement quelques années auparavant ? Dans un article très détaillé et très érudit, « Bubbles, gullibility, and other challenges for economics, psychology, sociology, and information sciences », Andrew Odlyzko revient sur cette bulle, sur celles qui l’ont précédé et celles qui l’ont suivie.

Des business plans qui prévoyaient plus d’usagers du web que d’habitants sur Terre

Odlyzko étudie surtout trois bulles, celle des chemins de fer britanniques vers 1845, celle de l’Internet en 1999-2000, et celle des subprimes qui s’est écroulée en 2008. À chaque fois, on retrouve les mêmes ingrédients notamment une formidable crédulité et une incapacité, chez des gens qui ont tous fait Harvard ou Polytechnique, à faire des maths élémentaires, par exemple des calculs d’intérêts composés (certaines prévisions faites pendant la bulle de l’Internet menaient en peu de temps à ce qu’il y ait davantage d’utilisateurs de l’Internet que d’habitants sur Terre). Ainsi, le mathématicien John Paulos, l’auteur de Innumeracy: Mathematical Illiteracy and its Consequences a lui même perdu beaucoup d’argent dans la bulle de l’Internet, pourtant basée sur des mathématiques ridicules.

L’auteur en déduit qu’on peut même tenter de définir un « indice de crédulité », dont la mesure permettrait d’indiquer qu’on se trouve dans une bulle et qu’il faut donc se méfier. D’autant plus que les personnes précisément chargées de veiller et de donner l’alarme sont les premières à lever les bras avec fatalisme et à dire que les bulles sont indétectables.

L’article cite de nombreuses déclarations d’Alan Greenspan en ce sens ; quoique responsable de la surveillance monétaire, il affirme qu’on ne peut pas détecter les bulles mais n’en a pas pour autant déduit qu’il ne servait à rien et qu’il serait honnête de démissionner. Les journalistes n’ont pas fait mieux et tous reprenaient avec zéro sens critique les communiqués triomphants sur la croissance miraculeuse de l’Internet.

Des pubs “pro bulle” en contradiction avec la documentation officielle !

Odlyzko reprend donc tous les calculs, toutes les affirmations avancées pendant la bulle. Ce n’est pas facile car bien des rapports ultra-optimistes de l’époque ont complètement disparu des sites Web des entreprises concernées. Ainsi, UUNET présentait publiquement, pour encourager les investisseurs, des chiffres (par exemple sur la capacité de son épine dorsale) qui étaient en contradiction avec ses propres documents officiels enregistrés à la SEC. UUnet mentait sur ses capacités antérieures, pour que l’augmentation soit plus spectaculaire.

Cette partie d’analyse a posteriori de la propagande pro-bulle est certainement la plus intéressante de l’article. Il faut la garder en mémoire à chaque fois qu’on voit un Monsieur sérieux faire des prévisions appuyées sur du PowerPoint. Avec le recul, c’est consternant d’imbécillité, le terme « crédulité » parait bien indulgent, puisque tout le monde pouvait vérifier les documents SEC et refaire les calculs (qui étaient trivialement faux). Et pourtant, non seulement cela a eu lieu, mais cela a recommencé quelques années après avec les subprimes. D’autres embrouilles étaient utilisées pour tromper les investisseurs (victimes très consentantes, puisque la vérification aurait été facile), comme de confondre la capacité du réseau et le trafic effectif.

Les escroqueries comme celle de WorldCom ou d’Enron ne sont pas une nouveauté. Vu l’absence totale de sens critique avec lequel sont accueillies les bulles, on peut même se demander, et c’est ce que fait Odlyzko, s’il n’y a pas une raison plus profonde à la crédulité. Par exemple, les empereurs romains, pour tenir le peuple, lui fournissaient « du pain et des jeux ». Aujourd’hui, peu de gens dans les pays riches ont faim et les jeux sont peut-être devenus plus importants que le pain. Les bulles ne sont-elles pas simplement un spectacle ?

Ou bien ont-elle une utilité réelle, par exemple pour convaincre les investisseurs de faire des dépenses lourdes et qui ne rapporteront rien ? Ainsi, la bulle des chemins de fer britanniques vers 1845 a ruiné des investisseurs crédules comme les sœurs Brontë, Charles Darwin ou comme le pédant économiste John Stuart Mill (qui, comme tous les économistes, pontifiait dans le vide sur les beautés du capitalisme, mais ne savait pas reconnaître une bulle) mais elle a aussi permis à la Grande-Bretagne d’avoir un formidable réseau ferré sur lequel son économie a pu s’appuyer. Finalement, les bulles servent peut-être à quelque chose ?

Article publié initialement sur le blog de Stéphane Bortzmeyer sous le titre Des bulles et de la crédulité.

Photos : FlickR CC WoodleyWonderworks ; Mike Licht ; Kenneth Moore.

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