OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Disparition de l’écologie chez les Verts http://owni.fr/2012/01/17/disparition-de-lecologie-chez-les-verts/ http://owni.fr/2012/01/17/disparition-de-lecologie-chez-les-verts/#comments Tue, 17 Jan 2012 16:08:04 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=94264

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Pas une seule fois Eva Joly n’a prononcé les mots “écologie”, ”environnement”” ou ”nature” durant ses vœux aux Français diffusés en vidéo le 30 décembre dernier. Mal placée dans les sondages, la candidate d’Europe écologie-Les Verts multiplie depuis son investiture les apparitions liées à la justice, à l’éthique ou à la société civile. Laissant ainsi de côté, à part pour une visite sur les lieux du naufrage du TK  Bremen, la thématique structurante de son parti.

Passés à la loupe de l’analyse sémantique, les discours révèlent un écart de plus en plus grand : sur le terrain de la conversion écologique de la société, Eva Joly lambine derrière Jean-Luc Mélenchon.

De la société écologique à la justice salvatrice

A l’aune de son discours d’investiture, la gagnante de la primaire écolo partait pourtant sur un arsenal de mots unificateurs dans le plus pur esprit de la coalition écolo : après la France (évoquée 19 fois), les mots les plus présents dans son adresse aux militants le 29 juillet étaient à égalité (avec six occurrences) “écologiste” et ”Français” (ceux qu’elles se destinaient à unir) et ”pouvoir””, ”écologie” et ”mouvement”. L’“économie” restait un cran en deçà dans les priorités. Et les difficultés liées à la crise presque absentes du discours.

Face caméra, l’hiver venu, seule sur son canapé, Eva Joly a livré des vœux d’un tout ordre ton. Très brève (333 mots contre 1 298 mots pour l’investiture), la prise de parole débute sur une phrase qui résume le nouvel angle de campagne de la candidate : la résolution de la crise par la justice.

Il est important de faire comprendre que nous ne devons pas faire porter le poids de cette crise sur les plus vulnérables d’entre nous. L’austérité n’est pas une fatalité, d’autres choix politiques sont possibles.

Si la ”France” domine le propos avec huit mentions (comme c’est presque toujours le cas, de la gauche à la droite, en temps de campagne nationale), la ”justice” (six occurrences) y précède le ”citoyens” (x4), suivi par la ”solidarité” (x3)… ”L’Europe” est présentée comme la solution, ”un projet magnifique de paix”, qui ici est le seul vraiment développé. La ”planète”, esseulée en fin d’allocution, est seulement évoquée comme un projet de lieu ”vivable”. Les solutions écologiques à la crise, elles, ont disparu.

Le triptyque “social-égal-écolo” de Mélenchon

À l’inverse, le candidat du Front de Gauche a renforcé son propos écologique entre son discours d’ouverture de campagne (sur la place Stalingrad à Paris, le 29 juin 2011) et ses vœux aux Français. De trois occurrences, il passe à quatre mais, surtout, il développe en paragraphes entiers un des piliers de son programme : la ”planification écologique”. Dans la bouche de l’ex-PS, l’écologie n’est pas au premier rang mais souvent intégrée à un triptyque de réforme sociale, légale et écologique. Au même contexte d’austérité que celui des vœux d’Eva Joly, la réponse de Jean-Luc Mélenchon intègre directement l’option écolo :

Nous ne sommes d’aucune façon adhérents aux politiques d’austérité. Nous en sommes tout le contraire ! Nous croyons, nous, que c’est par la relance de l’activité que nous provoquerons la bifurcation écologique, la réindustrialisation, l’amélioration du quotidien auxquelles chacun d’entre nous aspire légitimement. Le pays a beaucoup travaillé, le pays est très riche, comment se fait-il qu’il y ait autant de pauvres ?

Le lien justice-égalité de la candidate d’Europe Ecologie-Les Verts est ici remplacé par une mise en rapport des facteurs économiques-écologiques-sociaux. ”L’esprit” de cette réforme est pourtant proche dans les mots de celui d’Eva Joly : les ”citoyens” sont omniprésents (cités 9 fois dans les vœux), ”l’élection” maintes fois évoquée comme le moment charnière… Malgré ces similitudes, l’orientation générale des projets reste conforme aux étiquettes : ”écologiste” apparaît six fois dans l’investiture de Joly, pour seulement quatre occurrences pour le mot ”gauche”, lequel se retrouve à sept reprises dans le discours de Stalingrad de Mélenchon.

L’écologie, un truc pour les journalistes ?

Avec l’organisation de sa “nuit pour l’égalité” et ses récentes propositions sur de nouveaux jours de congés destinés aux juifs et aux musulmans, la parole de la candidate d’Europe Ecologie-Les Verts s’affirme comme celle d’une ancienne magistrate plutôt que de porte-parole d’une réforme écologique de la société. En marge des grands discours, pourtant, une allocution récente d’Eva Joly remettait les questions environnementales et sanitaires au premier plan : celle destinée aux journalistes pour la nouvelle année !

Permettez-moi encore, à ce propos, de vous demander d’être le relais d’un message personnel aux Françaises et aux Français !

Je souhaite aux Françaises et aux Français, cette année, de prendre en main leur destin et celui de leurs enfants et petits-enfants, en votant, le 22 avril prochain, pour un triple changement : un changement de Président, un changement de perspective et un changement de République.

À toutes celles et tous ceux qui, depuis des années maintenant, agissent quotidiennement pour une planète vivable, pour une démocratie vivante , et une société plus juste je veux dire solennellement : « Ensemble, changeons la donne en 2012 ! Vous pouvez compter sur moi. Moi, j’ai besoin de vous .

S’en suivent des évocations des suites du Grenelle de l’environnement, du risque de la surpêche, de l’exploitation irraisonnée des ressources naturelles… Des termes qu’Eva Joly, même lors de son élévation au rang de candidate, n’avait qu’effleuré tout au plus, pointant d’une phrase ”la pêche industrielle”, ne faisant pas une référence explicite au Grenelle.

Un discours plus écolo mais surtout plus politique : peu habituée aux critiques directes, la candidate évoque dans ses vœux à la presse François Hollande, François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon (sur la question des désistements) et accuse de ”défaite” Nicolas Sarkozy. Un discours calibré rempli de mots clefs pour les journalistes avides de citations.


Collecte des discours et traitement des données Claire Berthelemy et Grégoire Normand.
Illustration : Marion Boucharlat
Photo CC par Nathaniel via Flickr

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Le verbe en campagne http://owni.fr/2011/12/15/le-verbe-en-campagne/ http://owni.fr/2011/12/15/le-verbe-en-campagne/#comments Thu, 15 Dec 2011 12:55:31 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=90672

Les gens veulent que leur histoire leur ressemble ou au moins qu’elle ressemble à leurs rêves.

Charles de Gaulle cité dans le discours de François Hollande.

La foule réunie autour de François Hollande scande “François, président” et régulièrement le martèlera pendant plus d’une heure. Nous sommes le 22 octobre dernier, soir de la convention d’investiture de l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste. François Hollande s’inspire du discours qui lui a été écrit, use sans abuser de digressions, d’ajout de verbiage et d’envolées lyriques. Le verbe lent, la phrase courte, il harangue les militants. Décryptage d’un long discours.

De la data

Dans les pronoms utilisés par François Hollande, trois dominent : je, il et nous.

Mais utilisés différemment au cours du discours, on perçoit plutôt une alternance du je et du nous. Quand le candidat à la présidentielle n’utilise pas le je, il s’exprime à la première personne du pluriel. L’utilisation des pronoms, corrélée avec le temps, donne l’infographie suivante et met en évidence une alternance.
Dans le graphique, le violet correspond aux “moments” du discours où le je et le nous sont prononcés tous les deux, l’un plus que l’autre selon les moments. Par exemple, dans le cas le plus à droite en fin de discours, on peut entendre François Hollande prononcer 3 nous et 8 je.

Concernant les références (thématiques) employées dans son discours d’investiture, globalement, il reste très neutre et fidèle à sa volonté de faire de “l’éducation [sa] priorité”. Tel un ovni, le champs du rêve apparait neuf fois. Le rêve français – moqué à droite – est toujours en phase de réenchantement.

Il n’existe pas de réelles différences, significatives, entre les références ou notions utilisées et les substantifs. Reviennent à des positions quasi identiques France, français, gauche, jeunesse, croissance, président. Le candidat de la gauche déchirée par les primaires socialistes est là où on l’attend.

Lors de notre précédent article sur l’analyse sémantique des discours, ceux des candidats de la présidentielle de 2007, Ségolène Royal, candidate du parti socialiste, usait de la même manière que Nicolas Sarkozy de l’alliance des verbes vouloir et pouvoir. Cinq ans plus tard, François Hollande a mis de côté l’idéal méritocratique à tendance droite “quand on veut on peut”, pour laisser plus de place à l’agir avec les verbes “faire” et “venir”, les auxiliaires être et avoir mis de côté. Et l’ouverture sociale chère à la gauche est présente aussi, “permettre”, “proposer” et “donner” comme trois valeurs du socialisme.

À la découpe

Un peu moins de 6 000 mots pour à la fois remercier militants et élus, parler au “peuple français”, tacler la droite et Nicolas Sarkozy et présenter ses principes et ses engagements. Son discours mélange les références : mai 68, les Indignés d’aujourd’hui, les grandes figures de la gauche. Et en s’adressant au peuple français, il ratisse large :

J’ai entendu la plainte des ouvriers, brisés par l’injustice de décisions qui les frappent motivées par le seul profit. Des employés, qui expriment, parfois dans la honte, leur souffrance au travail, celle des agriculteurs qui travaillent sans compter leurs heures pour des revenus de misère, celle des entrepreneurs qui se découragent faute de pouvoir accéder au crédit, celle des jeunes qui ne sont pas reconnus dans leurs droits, celle des retraités qui craignent, après les avoir conquis, de les perdre. Celle des créateurs qui se sentent négligés. Bref, la plainte de tous ceux pour lesquels nous luttons, nous les socialistes.

Son discours est découpé en quatre parties inégales. Commençant par s’adresser au peuple français, il enchaine avec sa propre histoire et raconte la Corrèze et ses mandats. La transition qu’il utilise pour amener le sujet Président actuel, Nicolas Sarkozy, et la droite, passe… par la crise en Europe ou comment sauter d’un point de vue micro à une explication macro : l’Europe en berne est gouvernée par une droite “au pouvoir dans 21 pays sur 27″, Merkel et Sarkozy à la barre des accusés. L’avant-dernière étape de son discours est consacrée à un focus sur la France et la “prétention” du président sortant et son impuissance à régler la crise. Centré sur un seul homme.

Accablant Nicolas Sarkozy – de façon plutôt courte comparée au reste de son discours -, noyant son mandant sous les dettes chiffrées, la perte de confiance, les niches fiscales et les “promesses bafouées”, il change soudain de ton et de registre. Il accuse pour mieux exhorter et confier l’espoir qu’il a dans “une France d’aujourd’hui” et dans les Français qui la composent. Cette partie du discours, la plus longue, pendant qu’il expose ses différents “principes” et “pactes” (vérité, volonté, démocratie, éducation, etc.), laisse malgré tout en filigrane, une comparaison avec le constat – amer compte tenu du ton utilisé – qu’il fait du mandat de la droite de ces cinq dernières années. Et avec l’Europe, la France et la gauche pour clôturer son discours, le clap de fin “propose” et “donne rendez-vous”.

Pour celles et ceux qui seraient tentés, la vidéo :

Discours de François Hollande à la convention… par PartiSocialiste


Illustrations Marion Boucharlat et Geoffrey Dorne
Article réalisé avec l’aide de Birdie Sarominque pour la partie statistique.

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La voix obligée de l’Elysée http://owni.fr/2011/11/18/sarkozy-11-novembre-discours-presidentielle-2012/ http://owni.fr/2011/11/18/sarkozy-11-novembre-discours-presidentielle-2012/#comments Fri, 18 Nov 2011 15:19:25 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=87512 Dans les jours qui ont précédé le 11 novembre, de nombreux maires ont reçu de leur préfecture l’ordre de lire un discours préparé par l’Elysée. Une première pour René Balme, maire de Grigny (en banlieue de Lyon) qui se plaint de cette confusion des genres au service du discours présidentiel. Le 9 novembre, les maires du Rhône ont ainsi reçu une lettre de leur préfet, Jean-François Carrenço, donnant les règles du jeu de ces nouvelles cérémonies :

J’ai l’honneur de vous faire parvenir, sous ce pli, le message du président de la République, qui devra être lu lors de la cérémonie commémorative du 11 novembre que vous organiserez dans votre commune. J’attire votre attention sur la signification nouvelle qui est désormais conférée aux cérémonies du 11 novembre.

Discours complets

Pour qu’aucun doute ne soit permis, le courrier du préfet est accompagné du discours présidentiel, paraphé de bleu par Nicolas Sarkozy (en intégralité au bas de cet article). Il s’agit du texte par lequel le chef de l’État présente et justifie la réforme qu’il veut mener à bien sur les cérémonies du 11 novembre : ouvrir les hommages non plus seulement aux morts de la Grande Guerre mais aussi aux soldats français tombés dans les autres conflits, passés ou présents comme en Afghanistan. Pour le maire PCF de Grigny (Rhône), sur la forme, cet ordre donné aux élus est sans précédent :

Depuis que je suis au conseil municipal, en 1983, je n’ai jamais reçu ce type de courrier. Le préfet n’a pas à donner d’ordre aux élus : nous tirons notre légitimité du suffrage universel quand le préfet est nommé par le président de la République en tant que représentant de l’État. Sauf que dans ce cas, il représente plus Nicolas Sarkozy que la collectivité. Il est scandaleux qu’une telle note nous parvienne sans même avoir fait l’objet d’un examen par des représentants élus, comme les Parlementaires.

Contacté par OWNI, le secrétariat du maire de Lyon confirme avoir reçu le même courrier de l’hôtel du département, précisant recevoir habituellement des éléments de langages de l’Élysée “mais pas des discours complets”. Les services de la préfecture admettent l’envoi du message mais pointe l’Élysée pour plus d’explications :

Il a été demandé au préfet de lire ce texte et de le mettre en ligne sur le site de la préfecture du Rhône, ce qui a été fait. Pour ce qui est des demandes formulées aux municipalités, nous vous renvoyons vers l’Élysée.

Bien qu’identifié par la presse locale comme proche de Nicolas Sarkozy, Jean-François Carrenço ne semble pas avoir fait preuve de zèle quant à la directive présidentielle. Ailleurs, des témoignages identiques nous sont parvenus. Des maires d’Ardèche et d’Île-de-France se seraient plaint de la récitation imposée par l’Elysée.


Photo de Amar Abd Rabbo [cc-by-nc-sa] via Flickr

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Le sens caché des discours http://owni.fr/2011/11/08/politique-sarkozy-elysee-presidentielle/ http://owni.fr/2011/11/08/politique-sarkozy-elysee-presidentielle/#comments Tue, 08 Nov 2011 07:35:26 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=84843 L’utilisation de logiciels d’analyse lexicale sur les discoursdes candidats à la présidentielle de 2007 met en évidence quelques surprises. Car l’analyse mathématique de leur langue, de leur parole au jour le jour, montre qu’ils abordent souvent des sujets éloignés des thématiques auxquelles leur personnalité publique est associée. À la veille de l’échéance de 2012, ce retour sur expérience devrait nous inviter à écouter avec distance les discours de la prochaine présidentielle.

Un peu comme si les règles du marketing politique gouvernant l’écriture des discours se trouvaient mises à nu. Confirmant l’impression que ces interventions – largement mises en scène dans les meetings – ne consistent pas à approfondir les thèmes que les candidats sont supposés incarner. Mais davantage, par de savants dosages, à séduire des électeurs qui ne se seraient jamais reconnus dans tel ou tel candidat.

Une gauche plus à droite

En traitant les discours avec un logiciel de text mining – technique statistique permettant d’automatiser le traitement de gros volumes de contenus texte, en isolant les tendances et les sujets évoqués par les candidats – trois des candidats à la présidentielle 2007 se détachent des autres. L’infographie ci-dessous (cliquez pour voir en grand format) répertorie visuellement les thématiques principales des orateurs. À l’image de leurs convictions, les discours sont plutôt représentatifs de leur vision politique du pays, à quelques exceptions près.

Pour Nicolas Sarkozy, les thématiques du travail, de l’école, des moyens, des enfants, de la République et de la morale sont majoritaires. Fidèle à sa vision du “travailler plus pour gagner plus” et de son idée d’une République méritocratique, son long discours aura eu tendance à noyer l’auditeur dans des valeurs républicaines, chères à l’hyper-président.

Malgré tout, le candidat du slogan “ensemble tout devient possible” est en lien avec celui qui s’est auto-proclamé candidat des maires de France, Gérard Schivardi. Notamment sur les questions concernant l’Europe et Maastricht et sur l’importance de l’école, et un peu plus à l’écart, l’importance des parents, de la démocratie et des droits. Schivardi se démarque par ailleurs sur le thème de l’égalité et… des amis. Contrairement à Jean-Marie Le Pen, opposé à Nicolas Sarkozy, dont les principales problématiques tournent autour de la nation, du peuple, de la victoire (notamment celle de Valmy cité quinze fois) et des Français.

Plus étonnant, la sécurité – ou l’insécurité – est une occurrence qui se retrouve souvent dans la bouche des candidats de l’extrêmegauche (Marie-Georges Buffet, José Bové et Olivier Besancenot). Et que Ségolène Royal utilise une dizaine de fois. La gauche abandonne ainsi certains de ses thèmes et intervient sur le sujet phare de l’ancien ministre de l’Intérieur.
Autre surprise de ce text-mining : en associant au sein de ce groupe “à gauche” différents mots, ressort “Ensemble tout devient possible” le slogan de l’UMP.

Diversité quantitative

Avec Tropes, autre logiciel d’analyse sémantique, le style du discours peut être défini et permet d’aborder le point de vue qualitatif de leur prose respective. D’abord le style diffère selon qui prononce son discours. Ensuite la répartition quantitative des noms, verbes et adjectifs n’est pas la même. La majorité des candidats de cette présidentielle-là a adopté un style argumentatif, défini par le logiciel, comme étant celui qui discute, compare ou critique. Les candidats étant majoritairement opposés à la droite en place, les critiques et la discussion sont la suite logique de leur argumentation.

Quand la narration prime dans le discours de Dominique Voynet, José Bové adopte lui un style descriptif et reste dans la position de constat. Quant à Nicolas Sarkozy, en position de force, il est le seul à user d’un discours énonciatif, soit “qui établit un rapport d’influence ou révèle un point de vue”.
Correspondant finalement à ce qu’il est possible d’observer en règle générale chez ces candidats ou au sein de leur parti.

Deux catégories de candidats se distinguent concernant l’utilisation des pronoms. Si Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Le Pen et Ségolène Royal ont un langage plutôt centré sur le “Je” (à relativiser pour le cas de Ségolène Royal et Jean-Marie Le Pen qui couplent le Je et le Nous mais qui figurent tout de même juste derrière Nicolas Sarkozy), les autres sont plus modestes. Les premiers usant et abusant de la première personne du singulier. Je, donc.

Et ceux qui ont l’esprit d’équipe (José Bové, Dominique Voynet et François Bayrou) et s’expriment surtout avec la première personne du pluriel (Nous).

À noter que Dominique Voynet et José Bové n’utilisent que très peu la première personne du singulier.

Dans la catégorie nombre de mots : la palme d’or du candidat le plus prolixe est attribuée à l’actuel Président de la République, qui le 14 janvier 2007, Porte de Versailles, a tenu en haleine son auditoire avec 8 233 mots. Suivi de très loin par Ségolène Royal et son discours, prononcé trois jours après, qui comptabilise 4 045 mots. Soit la moitié. Sur la dernière marche du podium monte Jean-Marie Le Pen, qui le 20 septembre 2006 au moulin de Valmy, abreuve ses auditeurs de 3781 mots.

Viennent ensuite Gérard Schivardi, Dominique Voynet et François Bayrou avec respectivement 3 423, 2 289 et 1 812 mots. Quant à Olivier Besancenot et José Bové, leurs deux courts discours tiennent en 1 586 et 1 390 mots. Ou un cinquième et un sixième du discours de Nicolas Sarkozy.

Quand on veut, on peut

En triant le nombre de verbes par leur fréquence, être et avoir reviennent le plus souvent. Ensuite pour Olivier Besancenot et Gérard Schivardi, falloir et avoir remportent tous les suffrages. José Bové reste en marge avec être, vouloir et devoir dans son trio de tête.

Mais ce qui correspond le plus à ce que les candidats représentaient il y a cinq ans tient souvent en un seul verbe, le plus emblématique du personnage. Aussi, si le charismatique Jean-Marie Le Pen utilise sensiblement les mêmes verbes que ses concurrents de l’époque, son trait de caractère qui le différencie est incarné par… le verbe incarner.

De la même manière, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et Olivier Besancenot (Gérard Schivardi également) ont en commun la notion du vouloir/pouvoir, à rapprocher de la maxime “quand on veut on peut” et d’un idéal méritocratique. Le trio José Bové, Dominique Voynet et François Bayrou sont plutôt dans le “faire” que le falloir.

Le mot de la fin

Dans certains discours, à l’exception de ceux José Bové, Ségolène Royal et François Bayrou, le seul nom propre est prononcé est… Nicolas Sarkozy. Un indice pour déterminer quel sera le prochain Président de la République : chercher dans les discours de candidature de la présidentielle 2012 qui est cité le plus par chaque candidat.


Données qualitatives traitées par Birdie Sarominque avec le logiciel DTMVic5.2 développé par Ludovic Lebart, ancien directeur de recherche au CNRS. Pour la méthodologie, le tri des données a été effectué en sélectionnant les occurrences supérieures à 7 pour chaque mot.

Infographie réalisée par Marion Boucharlat.

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Naomi Klein occupe Wall street http://owni.fr/2011/10/24/naomi-klein-occupe-wallstreet-occupywallstreet-new-york/ http://owni.fr/2011/10/24/naomi-klein-occupe-wallstreet-occupywallstreet-new-york/#comments Mon, 24 Oct 2011 06:29:35 +0000 Agnès Rousseaux (Bastamag) http://owni.fr/?p=84289

Naomi Klein, journaliste canadienne et auteur de La Stratégie du choc, était invitée à s’exprimer par le mouvement Occupy Wall Street, à New York. Selon elle, ce mouvement va durer, car le combat contre le système économique « injuste et hors de contrôle » prendra des années. Objectif : renverser la situation en montrant que les ressources financières existent, qui permettraient de construire une autre société.

J’ai été honorée d’être invitée à parler [le 29 septembre] devant les manifestants d’Occupons Wall Street. La sonorisation ayant été (honteusement) interdite, tout ce que je disais devait être répété par des centaines de personnes, pour que tous entendent (un système de « microphone humain »). Ce que j’ai dit sur la place de la Liberté a donc été très court. Voici la version longue de ce discours [publiée initialement en anglais dans Occupy Wall Street Journal].

Je vous aime.

Et je ne dis pas cela pour que des centaines d’entre vous me répondent en criant « je vous aime ». Même si c’est évidemment un des avantages de ce système de « microphone humain ». Dites aux autres ce que vous voudriez qu’ils vous redisent, encore plus fort.

Hier, un des orateurs du rassemblement syndical a déclaré : « Nous nous sommes trouvés. » Ce sentiment saisit bien la beauté de ce qui se crée ici. Un espace largement ouvert – et une idée si grande qu’elle ne peut être contenue dans aucun endroit – pour tous ceux qui veulent un monde meilleur. Nous en sommes tellement reconnaissants.

S’il y a une chose que je sais, c’est que les 1 % [les plus riches] aiment les crises. Quand les gens sont paniqués et désespérés, que personne ne semble savoir ce qu’il faut faire, c’est le moment idéal pour eux pour faire passer leur liste de vœux, avec leurs politiques pro-entreprises : privatiser l’éducation et la Sécurité sociale, mettre en pièces les services publics, se débarrasser des dernières mesures contraignantes pour les entreprises. Au cœur de la crise, c’est ce qui se passe partout dans le monde.

Et une seule chose peut bloquer cette stratégie. Une grande chose heureusement : les 99 %. Ces 99 % qui descendent dans les rues, de Madison à Madrid, en disant : « Non, nous ne paierons pas pour votre crise. »

Naissance d’un slogan et choix d’une cible

Ce slogan est né en Italie en 2008. Il a ricoché en Grèce, en France, en Irlande, pour finalement faire son chemin jusqu’à l’endroit même où la crise a commencé.

« Pourquoi protestent-ils ? » demandent à la télévision les experts déroutés. Pendant ce temps, le reste du monde demande : « Pourquoi avez-vous mis autant de temps ? », « On se demandait quand vous alliez vous manifester ». Et la plupart disent : « Bienvenus ! »

Beaucoup de gens ont établi un parallèle entre Occupy Wall Street et les manifestations « antimondialisation » qui avaient attiré l’attention à Seattle en 1999. C’était la dernière fois qu’un mouvement mondial, dirigé par des jeunes, décentralisé, menait une action visant directement le pouvoir des entreprises. Et je suis fière d’avoir participé à ce que nous appelions alors « le mouvement des mouvements ».

Mais il y a aussi de grandes différences. Nous avions notamment choisi pour cibles des sommets internationaux : l’Organisation mondiale du commerce, le FMI, le G8. Ces sommets sont par nature éphémères, ils ne durent qu’une semaine. Ce qui nous rendait nous aussi éphémères. On apparaissait, on faisait la une des journaux, et puis on disparaissait. Et dans la frénésie d’hyperpatriotisme et de militarisme qui a suivi l’attaque du 11 Septembre, il a été facile de nous balayer complètement, au moins en Amérique du Nord.

Occupy Wall Street, au contraire, s’est choisi une cible fixe. Vous n’avez fixé aucune date limite à votre présence ici. Cela est sage. C’est seulement en restant sur place que des racines peuvent pousser. C’est crucial. C’est un fait de l’ère de l’information : beaucoup trop de mouvements apparaissent comme de belles fleurs et meurent rapidement. Parce qu’ils n’ont pas de racines. Et qu’ils n’ont pas de plan à long terme sur comment se maintenir. Quand les tempêtes arrivent, ils sont emportés.

Être un mouvement horizontal et profondément démocratique est formidable. Et ces principes sont compatibles avec le dur labeur de construction de structures et d’institutions suffisamment robustes pour traverser les tempêtes à venir. Je crois vraiment que c’est ce qui va se passer ici.

Autre chose que ce mouvement fait bien : vous vous êtes engagés à être non-violents. Vous avez refusé de donner aux médias ces images de fenêtres cassées ou de batailles de rue qu’ils attendent si désespérément. Et cette prodigieuse discipline de votre côté implique que c’est la brutalité scandaleuse et injustifiée de la police que l’histoire retiendra. Une brutalité que nous n’avons pas constatée la nuit dernière seulement. Pendant ce temps, le soutien au mouvement grandit de plus en plus. Plus de sagesse.

Mais la principale différence, c’est qu’en 1999 nous prenions le capitalisme au sommet d’un boom économique frénétique. Le chômage était bas, les portefeuilles d’actions enflaient. Les médias étaient fascinés par l’argent facile. À l’époque, on parlait de start-up, pas de fermetures d’entreprises.

Nous avons montré que la dérégulation derrière ce délire a eu un coût. Elle a été préjudiciable aux normes du travail. Elle a été préjudiciable aux normes environnementales. Les entreprises devenaient plus puissantes que les gouvernements, ce qui a été dommageable pour nos démocraties. Mais, pour être honnête avec vous, pendant ces temps de prospérité, attaquer un système économique fondé sur la cupidité a été difficile à faire admettre, au moins dans les pays riches.

Dix ans plus tard, il semble qu’il n’y ait plus de pays riches. Juste un tas de gens riches. Des gens qui se sont enrichis en pillant les biens publics et en épuisant les ressources naturelles dans le monde.

Le fait est qu’aujourd’hui chacun peut voir que le système est profondément injuste et hors de contrôle. La cupidité effrénée a saccagé l’économie mondiale. Et elle saccage aussi la Terre. Nous pillons nos océans, polluons notre eau avec la fracturation hydraulique et le forage en eaux profondes, nous nous tournons vers les sources d’énergie les plus sales de la planète, comme les sables bitumineux en Alberta. Et l’atmosphère ne peut absorber la quantité de carbone que nous émettons, créant un dangereux réchauffement. La nouvelle norme, ce sont les catastrophes en série. Économiques et écologiques.

Tels sont les faits sur le terrain. Ils sont si flagrants, si évidents, qu’il est beaucoup plus facile qu’en 1999 de toucher les gens, et de construire un mouvement rapidement.

“To-do” de l’époque

Nous savons tous, ou du moins nous sentons, que le monde est à l’envers : nous agissons comme s’il n’y avait pas de limites à ce qui, en réalité, n’est pas renouvelable – les combustibles fossiles et l’espace atmosphérique pour absorber leurs émissions. Et nous agissons comme s’il y avait des limites strictes et inflexibles à ce qui, en réalité, est abondant – les ressources financières pour construire la société dont nous avons besoin.

La tâche de notre époque est de renverser cette situation et de contester cette pénurie artificielle. D’insister sur le fait que nous pouvons nous permettre de construire une société décente et ouverte, tout en respectant les limites réelles de la Terre.

Le changement climatique signifie que nous devons le faire avant une date butoir. Cette fois, notre mouvement ne peut se laisser distraire, diviser, épuiser ou emporter par les événements. Cette fois, nous devons réussir. Et je ne parle pas de réguler les banques et d’augmenter les taxes pour les riches, même si c’est important.

Je parle de changer les valeurs sous-jacentes qui régissent notre société. Il est difficile de résumer cela en une seule revendication, compréhensible par les médias. Et il est difficile également de déterminer comment le faire. Mais le fait que ce soit difficile ne le rend pas moins urgent.

C’est ce qui se passe sur cette place, il me semble. Dans la façon dont vous vous nourrissez ou vous réchauffez les uns les autres, partageant librement les informations et fournissant des soins de santé, des cours de méditation et des formations à « l’empowerment ». La pancarte que je préfère ici, c’est : « Je me soucie de vous. » Dans une culture qui forme les gens à éviter le regard de l’autre et à dire : « Laissez-les mourir », c’est une déclaration profondément radicale.

Quelques réflexions finales. Dans cette grande lutte, voici quelques choses qui ne comptent pas :

- Comment nous nous habillons,
- Que nous serrions nos poings ou faisions des signes de paix,
- Que l’on puisse faire tenir nos rêves d’un monde meilleur dans une phrase-choc pour les médias.

Et voici quelques petites choses qui comptent vraiment :
- Notre courage,
- Notre sens moral,
- Comment nous nous traitons les uns les autres.

Nous avons mené un combat contre les forces économiques et politiques les plus puissantes de la planète. C’est effrayant. Et tandis que ce mouvement grandit sans cesse, cela deviendra plus effrayant encore. Soyez toujours conscients qu’il y a aura la tentation de se tourner vers des cibles plus petites – comme, disons, la personne assise à côté de vous pendant ce rassemblement. Après tout, c’est une bataille qui est plus facile à gagner.

Ne cédons pas à la tentation. Je ne dis pas de ne pas vous faire mutuellement des reproches. Mais cette fois, traitons-nous les uns les autres comme si on prévoyait de travailler ensemble, côte à côte dans les batailles, pour de nombreuses années à venir. Parce que la tâche qui nous attend n’en demandera pas moins.

Considérons ce beau mouvement comme s’il était la chose la plus importante au monde. Parce qu’il l’est. Vraiment.

Naomi Klein, le 6 octobre 2011


Discours publié dans Occupied Wall Street Journal. A lire : le blog de Naomi Klein (en anglais).

Traduction : Agnès Rousseaux / Basta !

Illustrations et Photos via Flickr par *Eddie [cc-by-nc-nd] ; Devon Shaw [cc-by-nc-sa] ; Daniel Oliverio [cc-by-nc-nd]

Publié initialement sur Bastamag sous le titre Naomi Klein : « Le mouvement Occupons Wall Street est actuellement la chose la plus importante au monde »

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Discours d’investiture de la cinquième : essai de text mining http://owni.fr/2011/07/24/discours-dinvestiture-de-la-ve-essai-de-text-mining/ http://owni.fr/2011/07/24/discours-dinvestiture-de-la-ve-essai-de-text-mining/#comments Sun, 24 Jul 2011 12:42:16 +0000 Marie Coussin http://owni.fr/?p=74552 Billet initialement publié sur le datablog d’OWNI

Pour ce test, j’ai choisi les discours prononcés par les présidents de la Vème République lors de leur (première) investiture afin de pouvoir comparer des textes énoncés dans un même contexte.
Ils sont tous accessibles et exportables en PDF (faut pas trop en demander non plus…) sur le site de l’Elysée.
Pour lire le détail des textes :
Discours de Charles De Gaulle, 8 janvier 1959
Discours de Georges Pompidou, 20 juin 1969
Discours de Valéry Giscard d’Estaing, 27 mai 1974
Discours de François Mitterand, 21 mai 1981
Discours de Jacques Chirac, 17 mai 1995
Discours de Nicolas Sarkozy, 16 mai 2007

De Gaulle et Sarkozy, les plus bavards

Premier élément à comparer : la longueur des discours, dont la différence saute aux yeux une fois le nombre de mots extrait grâce au logiciel de traitement de texte.

Qui parle le plus, et de quoi ?

Pour rentrer un peu plus dans le détail des textes, j’ai essayé OpenCalais qui crée des metadonnées sur les noms d’entités, faits et évènements repérés dans un texte.
Dans ce cas précis de discours d’investiture, et avec sa version démo, OpenCalais n’apportait pas vraiment de valeur ajoutée : les lieux, personnes et institutions citées dans un discours d’investiture sont un peu toujours les mêmes.
Voilà ce qu’OpenCalais extrait pour le discours du Général De Gaulle :


J’ai ensuite testé le logiciel Tropes, pingué par notre collègue data Guénaël Pépin (@Reguen sur Twitter).

Fonctionnant en deux versions, anglaise et française, il offre quelques fonctionnalités d’analyses assez fines des discours : style d’énonciation, scénario de construction, verbes/adjectifs/substantifs les plus prononcés, etc.
Tropes permet aussi d’extraire des graphs (mais ils sont loin d’être esthétiquement exploitables) et surtout de faire facilement des recherches sur certains termes.
Pour donner une idée, quelques éléments d’analyse sémantique produits par Tropes :

J’ai utilisé Tropes pour isoler le nombre de mots prononcés par chacun sur trois champs lexicaux forcément utilisés par les orateurs :
– l’utilisation de la première personne ;
– la référence à la France et aux Français ;
– la référence à la République.

Ces données sont à mettre en relation avec la longueur respective de chaque discours (graphique n°1), visualisé de manière différente grâce aux widgets de Google Chart…

Les discours dans les nuages

Dernier outil utilisé, afin d’avoir une vue d’ensemble du ton du discours, ManyEyes et son générateur de nuages de mots.
Si elle ne peut clairement pas être considérée comme une analyse scientifique précise, cette technique permet d’associer visualisation esthétique, rapidité d’exécution et éléments d’analyse.
Pour plus de lisibilité, j’ai limité le nombre de mots à 80 et ai enlevé les mots non porteurs de sens dans cette situation (“qu’il”, “ceux”, “le”, “la”, etc.)
Général De Gaulle :

Georges Pompidou :

Valéry Giscard d’Estaing :

François Mitterand :

Jacques Chirac :

Nicolas Sarkzoy

Ces visualisations permettent de mettre en valeur certaines caractéristiques :
- chaque Président a un ou plusieurs thèmes qui ressortent de leur discours : “communauté” pour De Gaulle, “République” pour Pompidou, “changement” pour VGE, “tous” et “Français” pour Mitterand, “plus” pour Chirac et enfin “exigence” pour Nicolas Sarkozy.
- le discours de De Gaulle rappelle clairement le contexte historique dans lequel il a été prononcé : il y parle de “Dieu” et fait référence à “l’Afrique”, aux “africains” et la “Libération”.
Même effet pour Georges Pompidou : les références à “De Gaulle”, au “Général” sont très présentes, tout comme le champ lexical de la responsabilité et du sérieux “confiance”, “autorité”, “institutions”, “dépositaire”, “gravité”, “charge”, “devoir”.
- le discours de Giscard d’Estaing apparaît plus centré sur l’humain “femmes”, “jeunes”, “hommes” et les réformes qu’il entend mener “nouvelle”, “politique”, “conduirai”, “associera”, “droits”, “suffrages”.
- Avec des termes comme “peuple”, “communauté”, “majorité” mais aussi “monde”, “pouvoirs” “haute”, “ambition”, “véritable”, ‘millions” la narration de François Mitterand est davantage axé vers une vision de la France, de sa place dans le monde. On note également la référence à “Jaurès”.
- Le discours de Jacques Chirac met l’accent sur la “Nation”, la “République” et le champ lexical de la volonté : “ferai”, “changement”, “charge”, “victoire”, “commence”, “contre“.
- Enfin, celui de Nicolas Sarkzoy utilise beaucoup d’adverbes “toujours”, “jamais”, “aussi” et est marqué par la notion “d’exigence”, de vouloir “veut”.
Conclusion : sur des discours prononcés dans une situation similaire et relativement contrainte (parler de la Nation, de la République, des perspectives, etc.), ces outils simples de dataviz et d’analyse sémantique permettent de mettre en lumière des spécificités liées à chaque personnalité politique.

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VENDREDI C’EST GRAPHISM S02E26! http://owni.fr/2011/07/15/vendredi-c%e2%80%99est-graphism-s02e26/ http://owni.fr/2011/07/15/vendredi-c%e2%80%99est-graphism-s02e26/#comments Fri, 15 Jul 2011 06:35:33 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=73811

Hello à toutes et tous, vous allez bien ? ;-)

Ici Geoffrey en “direct-live” du Nord de la France où j’ai trouvé un coin de connexion (de l’ADSL en 56k) pour vous préparer votre petit vingt-sixième numéro de Vendredi c’est Graphism ! Cette semaine, j’ai choisi de vous présenter le dernier travail du F.A.T. qui perce nos disques durs, on fera également un petit tour du côté du talentueux dessinateur Lars Martinson mais également par mon projet de recherche en design Neen. On enchaînera avec un projet qui peut vous donner la couleur de tout et de n’importe quoi ou encore cette veste réalisée avec des diodes et qui vous permettra de diffuser des vidéos tout en vous balladant dans la rue. On terminera sur un bon petit WTF qui va vous générer du discours artistique sur commande… ;-)

Bon vendredi et… bon Graphism !

Geoffrey

Allez on commence la semaine avec le tout dernier projet du F.A.T. (Free Art & Technology) par Randy Sarafan. Intitulé “Media Artist Contingency Plan”, ce projet est là pour protéger vos données au cas où le gouvernement n’approuve pas votre travail open source ou les données que vous hébergez. Ou peut-être, êtes-vous tout simplement un fauteur de troubles? Toute manière, quand Big Brother vient frapper à votre porte pour récupérer votre ordinateur, vous avez besoin d’un plan de secours.

Heureusement, cet “autocollant informatif” vous guidera vers la plus rapide méthode pour causer de sérieux dommages sur votre disque dur portable à ce moment. L’idée est donc de localiser la position de votre disque dur (en général en bas à gauche) et d’indiquer… où mettre le coup de perceuse au bon moment !

source

On continue avec cette introduction au dernier tome de la série graphique de Lars Martinson intitulée “Tonoharu”. Ce roman graphique raconte l’histoire d’un professeur d’anglais américain, qui vit dans la campagne japonaise : c’est drôle, décalé et surtout semi-autobiographique. Lars Martinson nous raconte l’expérience de Daniel Wells, expatrié au Japon comme assistant scolaire linguistique, dans une petite ville de province. Voici donc deux petites vidéos qui présentent son travail :-)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

Le site incontournable de la semaine est un système créé pour trouver la couleur de quelque chose. Peut importe ce que vous cherchez, vous en trouverez la couleur, son ambiance colorée, son imaginaire visuel en quelque sorte. Le site s’appelle “The Color Of” et fonctionne en interrogeant et agrégeant des données d’images provenant de Flickr. Il s’agit donc d’un projet plutôt subtil qui tente de répondre à une question potentiellement complexe et abstraite de façon objective… tout en utilisant des algorithmes simples sur des données provenant de la perception humaine et du référencement des photos.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le sitesource

Je profite également de ce “Vendredi c’est Graphism” pour vous présenter le site de mon projet de recherche à l’EnsadLab, un projet intitulé Neen pour Non-verbal Emotional Experience of Notification. En effet – je ne vous refais pas toute l’histoire après mon article, après les workshops, après les prototypes, après les études et les synthèses ainsi que le récent colloque donné  à l’EnsadLab à Paris – j’ai eu la chance de présenter Neen pendant le Lift à Marseille ainsi que sur l’émission Place de la Toile sur France Culture icon wink Neen   avancement de mon projet de recherche à lEnsadLab

Petit rappel de Neen en deux mots :

« Neen pour “non-verbal emotional experience of notification” est développé par Geoffrey Dorne au sein du laboratoire de recherche IDN (Identité Numérique Mobile) sous la tutelle de Rémy Bourganel & Étienne Mineur à l’EnsadLab de Paris. Neen est un projet qui étudie la notification au travers de la communication phatique, émotionnelle et non-verbale. Visant à introduire la fluidité, l’humeur et la politesse, il revisite la présence numérique, la communication non verbale, ainsi que les messages ou les notifications d’appels grâce à des design probes. »

Je suis donc en train de travailler rapidement sur un site léger et très simple pour regrouper les études et les synthèses de mon projet. Le site est sur http://neen.fr

neen Neen   avancement de mon projet de recherche à lEnsadLab

source

Toujours cette semaine, j’ai été ravi de découvrir cette veste-écran assez incroyable et très graphique ! Créé par Dave Forbes, ce manteau est pour l’instant une blouse de laboratoire équipée de panneaux LED, capables de lire de la vidéo et des images à partir d’un iPod ou un lecteur DVD portable. Construit pour être portée au festival « Burning Man » (si vous ne savez pas ce qu’est ce festival, allez jeter un oeil sur Wikipedia), l’appareil est alimenté par une batterie 12V qui offre une autonomie d’environ une heure. Un projet complètement dingue mais… il faut en général commencer par là pour faire progresser certaines technologies, non ?

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

Pour finir sur une note d’humour et de WTF, je vous propose de découvrir le site « Arty Bollocks Generator », (je vous épargne la traduction) un site qui vous sera extrêmement utile  si vous avez à rédiger votre « démarche artistique ». Oui, pour James Ross, l’auteur de ce générateur en ligne, la démarche artiste est souvent un peu de « blabla » pour faire bonne figure. Alors, pour vous éviter cette tâche, James a créé de quoi générer votre propre « bla bla » gratuitement. D’ailleurs, vous pouvez même générer celui d’autres artistes. Pratique donc pour des demandes de financement, des expositions, des curriculum vitae, des sites web, etc.

Quelques extraits traduits :

  • « Mon travail explore la relation entre les sexualités émergentes et l’éthique du skateboard. »
  • « Avec des influences aussi diverses que Kierkegaard et Frida Kahlo, de nouvelles synergies sont fabriquées à partir de la relation entre tradition et modernité. »
  • « Mon travail explore la relation entre le discours postmoderne et des expériences multimédia. »
  • « Depuis que je suis un enfant, j’ai été fasciné par la nature éphémère de l’esprit. »
  • « Ce qui commence comme le triomphe devient vite corrompu dans une tragédie de la luxure, laissant seulement un sentiment de nihilisme et de l’inévitabilité d’une nouvelle synthèse. »

artybollokcs Générez votre blabla artistique grâce à Arty Bollocks Generator !

le générateur | source

Alors pour notre petit mot de la fin, je reçois de plus en plus d’e-mails et de tweets pour m’envoyer vos actus, vos news ou parfois même vos projets et ainsi, je tenais à vous remercier !  Si vous voulez encore un peu de lecture, je vous invite à  lire mon petit résumé du LIFT 2011 à Marseille, à découvrir ce nouveau magazine intitulé KMagazine, et vous faire un petit topo sur comment choisir une typo :)

À la semaine prochaine pour de nouvelles aventures !

Geoffrey

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Hillary Clinton et la liberté d’Internet (civilisé) http://owni.fr/2011/02/17/hillary-clinton-et-la-liberte-dinternet-civilise/ http://owni.fr/2011/02/17/hillary-clinton-et-la-liberte-dinternet-civilise/#comments Thu, 17 Feb 2011 10:00:36 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=47056 “Internet Freedom? There’s no app for that!” Le deuxième discours d’Hillary Clinton sur la liberté d’Internet, prononcé mardi à Washington, pourrait se résumer à cette aimable saillie à destination de tous les Steve Jobs de l’activisme en ligne. Un an après avoir posé la première pierre du “21st Century Statecraft” (le terme fourre-tout inventé par des spin doctors pour définir une diplomatie connectée), la Secrétaire d’Etat américaine a remis le couvert, en choisissant avec soin la séquence médiatique la plus propice.

Début 2010, son allocution était intervenue juste après l’incident entre Google et la Chine. Cette fois-ci, Clinton a patiemment attendu l’issue – positive – des révoltes tunisienne et égyptienne pour s’exprimer. Plus intéressant encore, elle a commencé son discours par une allusion à l’extinction momentanée d’Internet par le régime de Moubarak, avec un sens aigu du storytelling: “Quelques minutes après minuit, le 28 janvier, l’Internet a disparu en Egypte”.

Très rapidement, elle a cité l’exemple iranien et convoqué la figure de Neda, cette jeune fille tuée pendant les manifestations consécutives à la réelection de Mahmoud Ahmadinejad, propulsée martyre de la “révolution verte” et visage de la contestation contre le régime des mollahs. Après avoir loué le pouvoir émancipateur du web et sa prégnance dans les soulèvements populaires aux quatre coins du monde il y a quelques mois, la tête de pont de la diplomatie américaine a tenu à replacer les événements arabes dans leur contexte:

Ce qui s’est passé en Egypte et en Iran [...] relève d’un schéma plus vaste que le seul Internet. Dans chacun de ces cas, les peuples ont manifesté parce qu’ils ressentaient de la frustration vis-à-vis de leur situation politique et économique. Ils se sont levés, ont marché, ont chanté, les autorités les ont traqués, bloqués, détenus. Internet n’a rien fait de tout cela. Les individus l’ont fait.

Sans remettre en cause le rôle de Facebook après les émeutes de Sidi Bouzid ou l’importance d’un canal “dégradé” dans une Egypte coupée du monde, ce constat peut sonner comme une lapalissade. Pourtant, il est tout sauf anodin. Dans l’après-Moubarak immédiat, Google et Facebook ont adopté une posture similaire, prenant soin de ne pas trop accentuer leur rôle dans des mouvements qui les dépassent très largement. Ainsi, la compagnie de Mark Zuckerberg a pris d’infinies précautions langagières pour ménager son implantation récente dans d’autres pays de la région. Après avoir opté pour le soft power systémique (voir l’image ci-dessous), Clinton a clairement changé de braquet, privilégiant “les gens”.

Le discours d'Hillary Clinton en 2010...

... et en 2011

Trois axes… et WikiLeaks

Les élans lyriques et autres voeux pieux évacués (“la liberté de s’assembler s’applique aussi dans le cyberespace”), Hillary Clinton a évoqué les trois défis que doit relever l’administration américaine, les “règles fondamentales qu’elle doit mettre au point pour se prémunir contre les méfaits”. En évoquant l’équilibre à trouver sur chaque aspect, elle a énuméré trois grands axes de réflexion, les deux premiers s’interpénetrant d’une façon relativement inquiétante:

  • Liberté et sécurité. “Sans sécurité, la liberté est fragile. Sans liberté, la sécurité oppresse les individus”, a-t-elle d’abord déclaré, avant d’évoquer les “méfaits” cités plus hauts, la pédopornographie, le trafic d’êtres humains, le terrorisme et… le piratage informatique, qu’elle amalgame grossièrement avec le hacking (un peu comme si une loi contre les étrangers en situation irrégulière s’appliquait à tous les étrangers).
  • Transparence et confidentialité. D’emblée, Clinton a dénoncé le faux débat autour de WikiLeaks, en insistant sur le fait que “toute cette histoire a commencé par un vol, comme on déroberait des documents dans une mallette”. En prenant soin d’escamoter la prépondérance du cloud-computing dans le monde post-11-Septembre, la Secrétaire d’Etat a indirectement rangé l’initiative de Julian Assange (et plus important, l’idée qui se cache derrière) dans la catégorie des menaces à la sécurité nationale.
  • Liberté d’expression et tolérance. Après avoir raconté la visite des camps d’Auschwitz et de Dachau par des imams révisionnistes, Hillary Clinton a lourdement insisté sur la nécessité de multiplier les moyens d’expression, dévoilant par la même occasion une enveloppe de 25 millions de dollars à destination à des programmes conçus pour contourner la censure des régimes autoritaires. Rappelons à toutes fins utiles que de tels projets ont déjà montré leurs limites, le précédent Haystack ayant frôlé de peu la catastrophe.

“Faites ce que je dis, pas ce que je fais”

Plus que jamais, la juxtaposition de tous ces désidératas montre l’étendue de la schizophrénie du gouvernement américain, dont le message sur le numérique est plus que jamais le suivant: “Faites ce que je dis, surtout pas ce que je fais”. En parlant de WikiLeaks, Clinton a tenu à rappeler que le Département d’Etat n’avait pas vivement critiqué le site “parce qu’il fait partie d’Internet”. Elle s’est bien gardée de mentionner une réalité trop souvent ignorée: si l’organisation d’Assange avait décidé de démanteler les dictatures en révélant leurs petits secrets, elle aurait été soutenue par le même Département d’Etat. Et aurait probablement goûté aux millions de dollars promis par l’administration aux prosélytes du web libre. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter Clinton chanter les louanges d’un “avocat vietnamien qui dénoncerait la corruption”. Celle des autres.

Mais il y a encore plus éloquent. Pendant que la Secrétaire d’Etat délivrait son discours, le Broadcasting Board of Governors (BBG) se réunissait pour discuter de cette “nouvelle ère digitale”. Agence “indépendante” chargée de coordonner le service public de Washington à l’international, le BBG administre par exemple Radio Free Europe ou Voice of America, ces samizdat distribués mis en place pendant la Deuxième Guerre Mondiale et remaniés pendant la Guerre Froide pour promouvoir la démocratie dans le bloc soviétique.

Dans son compte-rendu, le Broadcasting Board of Governors ne fait aucun mystère: les événements qui secouent les pays arabes “démontrent le pouvoir des médias sociaux”. Un animateur de la version en farsi de Radio Free Europe va même plus loin: “Sans Facebook, rien n’est possible aujourd’hui”. Placés sous l’autorité directe du Département d’Etat, ces instruments diplomatiques sont-ils en train de s’autonomiser, et de s’éloigner du discours officiel? Alors que les conseillers technophiles de Barack Obama s’écharpent pour faire émerger un consensus, tandis qu’Hillary Clinton cherche un équilibre précaire entre la carotte et le bâton, l’émergence d’une conscience numérique en Tunisie, en Egypte, en Iran, au Bahreïn, pourrait vite changer la donne.

Surveillance au nom de la realpolitik

Tandis que le Département d’Etat présente un “Internet ouvert” comme le Saint Graal d’une nouvelle civilisation en réseau, des entreprises 100% américaines profitent des marges d’un nouveau marché, celui de la surveillance. Pour ne pas céder de terrain à la concurrence étrangère, nombreuses sont celles – grosses et petites – qui décident de se plier aux normes locales pour préserver la paix des ménages. Narus, une petite boîte californienne, a vendu des solutions à l’Egypte pour renifler le trafic; Cisco, le géant de l’informatique, 7,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires, présente des PowerPoint à ses employés pour leur expliquer le fonctionnement de la censure chinoise et comment s’impliquer dans le processus; et de l’autre côté du Great Firewall construit par Beijing, Google filtre toujours ses contenus au nom de la realpolitik.

Cerné par ses contradictions, le cyber-plan Marshall américain si critiqué par certains activistes pourrait faire long feu. Il y a quelques mois, le blogueur tunisien Sami Ben Gharbia tirait au bazooka sur la politique du State Department, en pointant du doigt les incohérences de l’administration:

Si les États-Unis et d’autres gouvernements occidentaux veulent soutenir la liberté sur Internet, ils devraient commencer par interdire l’exportation de produits de censure et d’autres logiciels de filtrage vers nos pays. Après tout, la plupart des outils utilisés pour museler notre liberté d’expression en ligne et pour suivre nos activités sur Internet sont conçus et vendus par des entreprises américaines et occidentales. Nos chers amis et défenseurs de la liberté d’expression américains devraient mettre plus de pression sur leur gouvernement pour mettre un terme à l’exportation de ce type d’outils à nos régimes au lieu de faire pression pour recevoir plus d’argent pour aider à construire (encore) un autre outil de contournement ou pour aider les dissidents à renverser leurs régimes.

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Crédits photo: Wordle, Flickr CC roberthuffstutter, roberthuffstutter

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4chan, retour sur un mythe d’Internet http://owni.fr/2010/06/03/4chan-retour-sur-un-mythe-dinternet/ http://owni.fr/2010/06/03/4chan-retour-sur-un-mythe-dinternet/#comments Thu, 03 Jun 2010 10:35:17 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=17412 Cliquer ici pour voir la vidéo.

Qui est donc ce petit nerd maigrichon, presque trop petit pour la scène du TED ?

C’est Christopher Poole, aka “Moot”, fondateur du forum américain 4Chan. Il a longtemps été discret, n’accordant les interviews qu’au compte goutte (lire celle du NYTimes de mars dernier). Et pourtant: il est probablement un de ceux qui ont le plus compté sur Internet ces dernières années.

Il faut dire que le site qu’il a fondé en 2003 est une sorte de mythe. Un forum gigantesque, alimenté en permanence par des millions d’utilisateurs, le plus souvent anonymes, devenu en quelques années un des plus importants pourvoyeurs de LOL et de mèmes, s’affirmant comme un des avatars les plus prolifiques de ce que beaucoup appellent la culture internet.

Sept ans après sa création, avec plus de 8 millions de visiteurs et 600 millions de pages vues par mois, 4chan est devenu un mastodonte, un des plus grands sites internet du monde, avec une puissance de frappe qui force le respect. Christopher Poole revient ainsi pendant sur son discours sur les quelques faits de gloire du forum : la création des LOLcats, du rickroll ou de Pedobear, devenus des items culturels emblématiques du net.

Mais l’influence de cette bande de geeks s’étend plus loin. Lorsque le magazine Times fait appel au vote des internautes pour désigner la personne la plus influente de l’année 2008, les utilisateurs de 4Chan s’emparent de la question et submergent le site de votes en faveur de Moot… jusqu’à parvenir à lui faire remporter la compétition (devant Barack Obama, le Dalai Lama ou Vladimir Poutine…) ! Plus fort encore : les utilisateurs du forum ont voté de manière à ce que lus de hauts en bas, les premières lettres des noms figurant dans le classement forment le mot “Marble cake is also the game” !

“Moot” le rappelle dans son discours, 4chan s’est aussi fait un des hérauts de la lutte contre l’église de Scientologie, et a également réussi à démasquer, depuis une vidéo Youtube et en utilisant les réseaux sociaux, un internaute qui avait posté une vidéo de lui en train de maltraiter son chat.

Ce discours sur les apports et le mode de fonctionnement de 4chan pose évidemment la question de la vie privée sur Internet. En effet, sur le site, l’anonymat règne en maître et c’est probablement ce qui permet à ses utilisateurs de contribuer avec autant d’intensité (et souvent, il faut le dire, de vacuité) à l’activité du site. Normal que les récentes évolutions du web, vers un partage toujours plus large de nos données personnelles, aient tendance à désoler Poole: “4chan est un endroit ouvert, où les conversations ne sont pas filtrées. Actuellement, nous nous dirigeons vers plus de réseaux sociaux, où on dévoile son identité, où il y a moins de vie privée. Je pense que l’on perd quelque chose de précieux“.

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Crédit Photo CC Flickr : Redmaxwell.

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Danah Boyd: la “privacy” n’est pas morte http://owni.fr/2010/03/15/danah-boyd-la-privacy-nest-pas-morte/ http://owni.fr/2010/03/15/danah-boyd-la-privacy-nest-pas-morte/#comments Mon, 15 Mar 2010 18:58:32 +0000 danah boyd (trad. Alexandre Léchenet) http://owni.fr/?p=10127 danah boy (pas de capitale, à sa demande) s’est exprimée dans le cadre du festival FXSW au Texas sur la vie privée, un des thèmes que la spécialiste des médias sociaux étudie dans le cadre de ses recherches. Un discours en réaction à des déclarations récentes de pontes du web annonçant la fin de la “privacy”.


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danah boyd est une sociologue qui explore, depuis plusieurs années, la façon dont les gens s’approprient les médias sociaux, qu’il s’agisse des adolescents américains sur MySpace, de tout un chacun sur Facebook, ou de l’élite geek sur Twitter. C’est aussi une excellente oratrice, très incisive, et c’était un réel plaisir de l’entendre prononcer la conférence plénière d’ouverture du festival.

La conférence portait sur la « privacy », qu’on peut traduire imparfaitement par droit à la vie privée ; autrement dit, la capacité des individus à contrôler quels aspects de leur vie sont rendus publics, et à quel public. Le discours de danah boyd s’inscrivait en réaction directe à plusieurs déclarations récentes de caciques de l’Internet annonçant la fin de la privacy : Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, l’a déclarée « morte » il y a quelques mois, tandis que le PDG de Google, Eric Schmidt, avait soupçonné les gens qui s’inquiètent pour la privacy « d’avoir quelque chose à cacher ».

Contre cette tendance, la sociologue a affirmé que les gens n’ont à aucun moment renoncé à contrôler l’information personnelle qu’ils rendent publique, et que l’affirmation contraire est le reflet d’une croyance limitée à une petite élite sociale et technologique.

C’est cette croyance qui a conduit Google au désastre du lancement de Google Buzz : en construisant un réseau social public par défaut au sein de l’univers le plus privé qui soit (le mail), Google s’est heurté violemment au souci des individus de contrôler le passage de l’information des réseaux amicaux aux réseaux publics. C’est cette même croyance qui a poussé Facebook à rendre publique par défaut tout l’information de ses utilisateurs il y a quelque mois, avant de se rétracter en partie. Que cette croyance repose sur de l’ignorance ou le mépris des soucis réels des individus ordinaires ne change guère les données du problème.

Bien sûr, dans les couloirs de la conférence comme sur twitter, les festivaliers n’ont pas manqué de soupçonner que l’embauche récente de la sociologue par Microsoft Research contribue à la virulence vis-à-vis de Google et Facebook. La démonstration n’en reste pas moins intéressante.

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danah boyd a commencé par rappeler que, dans la vraie vie (IRL), la privacy est l’objet d’apprentissages et de négociations toujours imparfaites. On apprend à faire plus ou moins confiance aux individus quant à la rétention de l’information qu’ils ont sur nous ; et on apprend à faire plus ou moins confiance aux endroits dans lesquels on se trouve. Par exemple, si dans un café j’entends le récit très intime de mes voisins de table, la norme sociale veut que je me comporte comme si je ne l’avais pas entendu, et que je ne fasse aucun usage de cette information.

Ces normes sont toujours en partie floues, renégociées selon les situations ; elles n’en sont pas moins cruciales au bon déroulement de notre vie sociale. Le contrôle de la diffusion de notre information personnelle repose donc, IRL, sur des suppositions raisonnables quant à la confiance que l’on peut accorder aux gens et aux lieux.

Il n’y a aucune raison de croire que ces enjeux soient différents en ligne. Les gens ordinaires interviewés par la sociologue n’ont pas abandonné l’idée de contrôler la publicité de leur information. Bien sûr, ils sont prêts à publier beaucoup de choses en ligne, parce que c’est justement le ressort du web social : on se montre pour susciter des rencontres.

Mais cela ne signifie pas qu’on accepte par extension de tout montrer à tout le monde : un statut facebook s’adresse à mes amis Facebook, aux personnes avec lesquelles j’interagis régulièrement. Les adolescents qui s’exposent souhaitent se montrer à leurs pairs, pas aux gens qui ont du pouvoir sur eux (parents, enseignants, recruteurs, etc.).

La plupart du temps, lorsque le fruit de cette exposition (photos, blagues, opinions à l’emporte-pièce…) se trouvent être public, et accessible notamment aux moteurs de recherche, c’est par ignorance des règles de fonctionnement des sites et de leur évolution. d. boyd a ainsi demandé à des dizaines d’utilisateurs ordinaires ce qu’ils pensaient être leurs paramètres de privacy sur Facebook, avant de vérifier les paramètres effectivement activés : « le taux de recoupement est de 0% ».

Quelle importance finalement, du moins pour tous les gens qui n’ont « rien à cacher » ? D’une part, bien sûr, l’exposition d’une conversation privée à un public large peut générer des drames liés à la pression de l’attention publique. Mais surtout, danah boyd rappelle que l’espace public de nos sociétés occidentales n’est pas, du moins pas encore, parfaitement égalitaire et démocratique.

Lorsque les individus blancs, mâles, surdiplômés et ultra-compétents technologiquement, qui constituaient la majorité de l’auditoire, s’expriment dans l’espace public, ils estiment avec raison ne prendre aucun risque pour leur vie privée ou professionnelle.

Mais l’espace public, même numérique, n’est pas si accueillant pour tout le monde : danah boyd remarque que lorsque plusieurs sujets liés à la culture noire-américaine apparaissent dans les « trending topics » de twitter, les réactions de rejet fleurissent. Et plus généralement, de très nombreux professionnels sont trop dépendants de leurs clients et employeurs pour qu’on les contraigne à afficher leurs conversations en ligne ; il n’est sans doute pas souhaitable que les opinions politiques et religieuses des enseignants soient accessibles facilement aux parents d’élèves. La publicité sur les réseaux sociaux n’est pas nécessairement un outil de démocratisation de l’espace public, et peut très bien opérer dans le sens contraire.

En guise d’adresse finale aux décideurs et créateurs de technologies sociales présentes dans la salle, Danah Boyd a rappelé qu’il n’existe pas de solution miracle : le problème n’est pas d’inventer le bon algorithme. Il faut plutôt chercher des outils permettant de rendre autant que possible le contrôle aux utilisateurs, outils qui seront, comme dans la vraie vie, forcément imparfaits.

> Article initialement publié sur Frenchxsw

> Illustration par Michael Francis McCarthy et par alancleaver_2000 sur Flickr

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