OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Nicolas Sarkozy fait l’économie du net http://owni.fr/2012/04/17/nicolas-sarkozy-fait-leconomie-du-net/ http://owni.fr/2012/04/17/nicolas-sarkozy-fait-leconomie-du-net/#comments Tue, 17 Apr 2012 17:32:31 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=106540

Nicolas Sarkozy lors du forum e-G8 à Paris en mai 2011 - (cc) Ophelia Noor pour Owni

Il était temps ! A cinq jours du premier tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy a livré son “projet numérique”. Ou plus exactement, un texte de 37 pages – une somme en regard des autres réponses – adressé en réponse au “Collectif numérique”, groupement de 19 représentants d’industriels du net qui a demandé à l’ensemble des prétendants à l’Élysée de présenter leur vision du secteur. Dans le cas du candidat-président, la réponse s’est donc finalement mutée en e-programme.

Économie

Un choix qui peut expliquer la tonalité résolument économique du projet. Dès les premières lignes, Nicolas Sarkozy annonce d’ailleurs la couleur : Internet est une “question clé” qui “concerne autant notre économie que notre société en général, notre démocratie, notre école et les éléments du vivre-ensemble au XXIème siècle.” La hiérarchie est faite. Et respectée : plus de la moitié du texte se consacre ainsi exclusivement à Internet perçu en tant qu’industrie. Ce n’est qu’à la page 22 qu’apparaît d’autres notions, telles que la “diplomatie connectée”, l’open data, ou bien encore le rôle d’Internet dans l’éducation, la formation ou la santé.

[Dataviz] Digitale Martine vs Télématique Sarkozy

[Dataviz] Digitale Martine vs Télématique Sarkozy

OWNI a décortiqué le programme des deux principaux partis politiques français concernant le numérique. Synthèse sous ...

Pour le candidat de la majorité, l’objectif est de considérer le numérique comme une “industrie à part entière” : fiscalité, implantation à l’étranger, aide aux starts-up, impôts sur les sociétés étrangères implantées en France, création de séminaire, signature de convention… Le but est de partir à “la conquête du monde” avec des “étudiants [qui] se passionnent pour le numérique comme les générations précédentes se sont passionnées pour le chemin de fer, le train, l’avion ou l’aérospatiale, ces industries qui aujourd’hui déplacent toujours les foules au décollage.”

Résultat : les autres volets d’Internet, qui dépassent la seule économie du secteur tout en y étant intimement liées, restent pas ou peu abordés. Pourtant, il y a déjà presque un an, en juin dernier, les responsables numériques de l’UMP avaient élaboré 45 propositions pour Internet [PDF], balayant un champ bien plus vaste que le seul terrain économique. Y étaient abordées la vie privée, la protection du principe de neutralité du réseau, ainsi que l’épineuse question du filtrage du net, pour lequel les représentants de la majorité en charge du dossier envisageait la mise en place d’une procédure unique faisant intervenir “systématiquement” l’autorité judiciaire “hors circonstances exceptionnelles”.

Propriété intellectuelle

Si Nicolas Sarkozy reste silencieux sur ces questions, d’autres en revanche font une apparition remarquée au cœur du projet.

Ainsi la propriété intellectuelle et l’industrie culturelle, que Nicolas Sarkozy rapproche du marché du logiciel, les estimant tout deux victimes du fléau du “piratage”. “Ce sujet majeur devra être traité comme l’est le piratage des autres créations de l’esprit” martèle le candidat.

La loi contre les web terroristes

La loi contre les web terroristes

Le projet de loi sanctionnant la simple lecture de sites Internet appelant au terrorisme devrait être présenté demain en ...

De même pour la sécurité, qui n’a que peu à voir avec des préoccupations purement économiques. Nicolas Sarkozy souhaite mettre “Internet au cœur” de ce sujet, expliquant vouloir réfléchir “aux façons d’utiliser les communications par SMS et réseaux sociaux, plébiscités par les jeunes générations, pour le signalement des violences et délits aux forces de police.”

Au final, l’impression qui ressort de ce projet numérique improvisée – ou prétexte – est un saucissonnage d’Internet qui profite au seul volet industriel et économique. Manque une vision, une approche globale sous-tenant l’ensemble. D’ailleurs, le candidat a beau déclarer que “pas une seule proposition de [son] programme ne concerne pas le numérique”, force est de constater qu’Internet ne figure qu’à la marge dans le texte fondateur. Seules exceptions : le point 13, consacré à la “lutte contre les nouvelles formes de terrorisme”, qui mentionne la pénalisation de la “consultation habituelle de sites Internet faisant l’apologie du terrorisme ou diffusant des techniques terroristes.” ; et le point 17, qui envisage la question de la couverture du territoire en très haut débit.

François Bayrou, Nicolas Dupont-Aignan, Eva Joly et François Hollande ont également répondu à la sollicitation du Collectif numérique. De même, d’autres organismes, comme Candidats.fr de l’Association pour le logiciel libre (April) ont demandé aux présidentiables français de présenter leur perception et leurs propositions pour Internet. Des contributions qu’OWNI ne manquera pas de synthétiser dans une approche comparative des programmes. A suivre, donc.


Photographie par Ophelia Noor pour Owni /-) Nicolas Sarkozy lors du forum e-G8 à Paris en mai 2011

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L’Internet socialiste http://owni.fr/2011/12/02/fleur-pellerin-internet-hollande-presidentielle-2012-hadopi/ http://owni.fr/2011/12/02/fleur-pellerin-internet-hollande-presidentielle-2012-hadopi/#comments Fri, 02 Dec 2011 11:09:07 +0000 Andréa Fradin et Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=88705

C’est à deux pas de la Cour des Comptes, où elle sévit encore, que Fleur Pellerin nous a donné rendez-vous. A 38 ans, la jeune femme vient d’être nommée responsable du pôle “Économie numérique” dans l’équipe de campagne de François Hollande, tout juste constituée. “Il était important pour moi d’y ajouter ’société’, car le numérique n’est pas une branche de l’industrie comme l’agroalimentaire”, précise-t-elle d’emblée.

Sa prise de fonction a fait l’effet d’un micro séisme dans le landernau numérique : inconnue au bataillon Internet, Fleur Pellerin s’est surtout illustrée par l’excellence de son parcours – bac à 16 ans, Sciences Po, ENA – et un passage à la tête du club XXIème siècle, réseau promouvant la diversité. Un “pur produit de la méritocratie française”, plus proche des questions d’égalité des chances ou de fiscalité que des réflexions réticulaires, dont on ne trouve d’ailleurs nulle trace dans le portrait tiré par Libération en avril 2010. Au Parti Socialiste, elle totalise déjà trois campagnes présidentielles. Celle du candidat Hollande inaugure la mise en lumière de cette ancienne conseillère de l’ombre, qui n’est pas du sérail. Une affiliation informelle – elle n’est plus encartée – qui explique son allant et son franc-parler.

Parachutée dans les landes numériques, la jeune femme se donne jusqu’au 15 décembre pour proposer la première version de son programme. A retravailler jusqu’en début d’année. Plus qu’un chantier, un travail de dentellier. A réaliser dare-dare. La néophyte le reconnaît. Comprendre les enjeux, s’acclimater à un milieu sévère, qui s’étonne de voir débarquer une novice à l’approche d’une échéance telle que la présidentielle. L’ampleur de la tâche : c’est ce qui fait courir Fleur Pellerin sur les autoroutes de l’information. Un voyage qui s’annonce turbulent.

Hadopi tabou

En interne, la constitution de l’équipe de campagne n’a pas réglé les bisbilles entre cadres du parti et rivaux d’hier. Si officiellement le rassemblement derrière François Hollande est unanime, la fusion des troupes pose toujours problème. En coulisse, on murmure que “c’est le bordel”. Y compris sur le numérique. Sans confirmer, Fleur Pellerin déclare n’avoir que peu de relations avec Solférino. Si elle affirme qu’elle puisera dans “les travaux du Laboratoire des idées avant de proposer au candidat les axes de son programme numérique”, elle déclarait il y a quelques jours que son programme ne serait pas celui du Parti Socialiste [PDF].

Une indépendance qui visiblement, ne passe pas. En particulier sur le point chaud de la campagne numérique, l’éternel maëlstrom Hadopi. A la suite de notre entretien réalisé dans la matinée du 28 novembre, Fleur Pellerin nous a demandé de retirer toute citation concernant le sort de la Haute autorité. Motif : il ne s’agit que de pistes de travail, et seul François Hollande pourra arbitrer sur la question. Dans une première interview, publiée le 29 novembre, la jeune femme exprimait clairement sa volonté d’abroger l’institution, pour la remplacer par une autre, débarassée du sceau symbolique “Hadopi”. Vertement critiquée par certains observateurs, la position de Fleur Pellerin n’a manifestement pas plu en interne. D’ici le 15 décembre donc, motus et bouche cousue. Sur cet unique point : pour la neutralité, la fiscalité du secteur, l’e-education, l’e-santé, la critique du bilan de cinq ans de sarkozysme, les vannes sont en revanche ouvertes. Il ne s’agit pourtant que d’ébauches de réflexions, qui appelleront, là aussi, une validation du candidat socialiste.

L’Hadopi fait peur. Bête noire de l’UMP comme du PS, elle est le signe de la soumission des partis au bras de fer, féroce, que se livre lobbyistes de la Culture et du numérique pour avoir voix au chapitre 2012. Au lieu de lancer un chantier public, évolutif, entier, l’opposition fait le choix de se murer dans un silence qui ne saurait prévenir des bourdes. Les rétropédalages font tache : celui-ci en est un ; il rappelle les tergiversations maladroites de François Hollande sur ce même point, il y a quelques semaines à peine. Confirmant ainsi que c’est bien le “bordel”.

Côté moyens, la responsable de pôle ne dispose par ailleurs d’aucune ressource. “J’assume ne pas avoir de moyens, j’assume le modèle start-up, le côté artisanal.” D’où l’appel à contributions lancé sur Rue 89 il y a quelques jours : pour l’occasion, pas de plate-forme participative, pas de site, mais une adresse mail : numerique2012@gmail.com. Une initiative qui a fait les gorges chaudes de quelques trublions, notamment sur Twitter.

Ils m’attaquent parce qu’ils s’imaginent que je ne connais pas les codes, mais en 1998, je fréquentais des forums d’opéra US, et les trolls étaient déjà là ! Ils trollaient sur … du Wagner. Les codes étaient identiques.

Quant à l’appel à contributions, elle se félicite “d’avoir déjà obtenu une centaine de mails. Un wiki aurait été un défouloir”, poursuit-elle, “on aurait passé plus de temps à modérer”. Une semaine après l’ouverture de la consultation, elle nous confie avoir “reçu 500 pages de contributions très riches et constructives. Nous allons faire réagir les internautes sur une première synthèse très prochainement”.

“A l’encontre du tout-répressif de Sarko”

Rentrant dans le vif du sujet, Fleur Pellerin expose méthodiquement ses priorités :  “définir un programme de travail et constituer une équipe, afin d’avoir une position argumentée sur un certain nombre de projets urgents”. Son pôle a été décliné en cinq axes : “infrastructures et aménagement du territoire”, “innovation et e-business”, “droits et libertés sur Internet” – dans lequel se range Hadopi, dont nous ne parlerons donc pas -, “développement des services et contenus” et “fiscalité numérique”. “Oui, c’est assez vaste !” conclue-t-elle dans un sourire.

Sur l’économie de l’innovation, elle déplore un “retard” français : “il y a une marge de progrès”, estime la jeune femme. Pour la combler, Fleur Pellerin assure que les réflexions seront menées en fonction du contexte budgétaire contraint.

Concernant la fiscalité des jeunes entreprises innovantes (JEI) ou du commerce en ligne, elle explique que les incitations devront se faire selon “différents scénarios en fonction de l’état dans lequel la droite laissera les finances publiques en mai 2012, et surtout assurer aux entreprises un environnement juridique stable”. “Durant les 100 premiers jours, on devra être réaliste”, concède-t-elle, avant d’ironiser “je suis à la Cour des Comptes, la contrainte budgétaire, je l’ai intégrée !”

Les promesses seront chiffrées et envisageables : “on essaiera de se placer dans la faisabilité financière et juridique.” Une rigueur en grille de lecture des affaires en cours : elle commente la taxe Google, serpent de mer gouvernemental qui cherche à imposer les revenus publicitaires engrangés en France par les géants du web :“Pas contre sur le principe, mais à condition que le dispositif ne se retourne pas in fine contre les seules entreprises françaises ”. “Contrairement à Sarkozy, qui vient encore de le faire avec l’annonce de la création du centre national de la musique, nous ne proposerons pas de mesures sans nous être assurés de leur faisabilité financière et juridique”.

Si elle n’est pas identifiée comme référence dans le milieu, Fleur Pellerin met en avant des réseaux solides autour du numérique. “Je couvre toute la palette : média, opérateurs, think tanks, fédérations et syndicats professionnels, lobbyistes, haut-fonctionnaires” , assure-t-elle. Des connaissances déjà mobilisées à titre bénévole et amical. Le travail est informel : la première réunion s’est tenue chez elle ; même son mari, fiscaliste au Conseil d’Etat, a été mis à contribution. Dans ses cercles, des membres de l’Arcep et de la Caisse des dépôts, “catastrophés par la gestion du très haut débit” ; des entrepreneurs comme Jean-Baptiste Soufron, Nicolas Gaume, président du Syndicat National du jeu vidéo ou Benoît Thieulin ; certains acteurs du monde de la Culture, SPRD et ministère, ou encore Daniel Kaplan, soutien de Martine Aubry pendant la primaire et délégué général de la Fondation pour l’Internet Nouvelle Génération (FING).

On lui demande ce qui différencie son programme de celui de l’UMP. Elle réagit vivement, et critique le bilan de la majorité : “c’est bien joli de montrer ce programme, de dire ‘le meilleur reste à venir’ si rien n’a été fait en 5 ans !” Et déroule sur Nicolas Sarkozy : “il ne s’adresse qu’à des clientèles. Tout le monde y croit mais il n’y a rien derrière”. Sur sa dernière sortie à Avignon, durant laquelle il avait proposé l’établissement d’une “Hadopi 3” pour lutter contre le streaming, elle ironise : “comment on fait ? On met des mouchards chez les gens ? On ferme YouTube ? Sa position est ultra sécuritaire et après ses lieutenants parlent de neutralité des réseaux, ça me fait rire !” Et de conclure : “oui, je suis très énervée !”

On veut aller à l’encontre du tout-répressif de Sarko .

Le principe fait consensus en interne, mais pas sûr que les cadres du parti et de la campagne la suivent sur “les modalités concrètes” . Si à Solférino “tout le monde a pris conscience qu’Internet représentait un levier de croissance et une modification radicale de la société” , “il y a encore de ‘vieux logiciels’ qui traînent au PS” . Et les attentes de la communauté se font pressantes: il ne suffit pas de critiquer le bilan du camp d’en face ; des mesures cadres sont à définir. Or, des arbitrages, pas forcément favorables, seront pris par la direction de campagne. Fleur Pellerin en a conscience, se dit “loyale” , et profite pour le moment de sa “liberté dans la réflexion” . Une autonomie synonyme de “faiblesse” : “cela veut aussi dire que je ne suis pas forcément très soutenue”. Le recadrage de dernière minute, sur Hadopi, est venu le confirmer.


En vente en décembre le livre électronique “e-2012″, chez Owni Editions, une enquête signée Andréa Fradin et Guillaume Ledit sur la campagne numérique de l’UMP et du PS.


Via Flickr : Fame Foundry [cc-bysa] et Geoffrey Dorne [cc-byncsa]

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Où Apple planque ses tunes http://owni.fr/2011/09/16/ou-apple-planque-ses-thunes-luxembourg-itunes/ http://owni.fr/2011/09/16/ou-apple-planque-ses-thunes-luxembourg-itunes/#comments Fri, 16 Sep 2011 09:46:33 +0000 Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=79542 OWNI a rendu visite à une société soucieuse de s’entourer d’une grande discrétion : Apple au Luxembourg. En plein débat sur la dette nationale, les entreprises à l’origine de systèmes d’évasion fiscale à grande échelle font tâche. À l’image donc de celui d’Apple, qui a domicilié au Luxembourg les activités d’iTunes pour l’Europe.

Depuis le 10 juin 2004, sa plateforme pour la vente en ligne de musique et de films est installée dans le Grand-Duché, véritable planque fiscale. Quand le citoyen français achète sur iTunes, il paye donc une TVA luxembourgeoise qui sert à construire les routes et à entretenir les écoles du Grand-Duché, tout petit mais très riche. Pour rendre compte de l’ampleur de la combine, OWNI s’est rendu sur place.

L’évidence dans le silence

Rendez-vous 8, rue Heinrich Heine, à Luxembourg. Pas de plaque sur le mur ni de logo lumineux. Juste une étiquette à peine visible sur la sonnette et la boîte aux lettres. L’immeuble, lui, n’a rien à voir avec l’idée que l’on se fait d’un quartier général d’iTunes.

Petit mais chic, plus ancien que dernier cri, il est planté au milieu de la rue, à deux pas du château d’ArcelorMittal. Un emplacement discret par rapport aux opulents bâtiments occupés par les banques et les grands groupes. Les voisins que nous avons croisés ignorent qu’iTunes a établi ici son repère. Une libraire de l’avenue adjacente en est toute étonnée.

Le plus informé semble être un livreur en pull jaune, habitué à apporter des colis aux entreprises partageant le même immeuble que la firme. iTunes, il connaît bien :

Oui oui, ils sont juste-là, au dernier étage. Mais ça risque d’être compliqué pour vous d’entrer, c’est une vraie banque là-dedans.

Le terme n’est pas exagéré. Les millions d’euros générés par les ventes de produits immatériels dans toute l’Europe transitent là, derrière trois fenêtres où travaillent une quinzaine de personnes tout au plus.

Sur place, les employés d’iTunes avec lesquels nous nous sommes entretenus se montrent gênés. Ils se font petits, esquivent les questions les plus simples.

On n’est qu’un petit bureau vous savez, rien à voir avec Londres. Il faut l’autorisation de notre hiérarchie pour que l’on puisse répondre à vos questions car beaucoup d’éléments sont confidentiels.

Sans l’accord du service de presse londonien ou de la maison mère américaine personne n’est habilité à s’exprimer, selon une employée qui a systématiquement refusé de commenter les bons résultats financiers de l’entreprise au dernier trimestre. Environ 28,57 milliards de dollars dont plusieurs dizaines de millions grâce à iTunes.

Même pas le trognon pour le fisc

L’opacité de sa communication s’explique sans doute parce que l’astucieuse combine luxembourgeoise en fait râler plus d’un en Europe.

Et il y a de quoi. Depuis que le site a décidé en 2004 de déposer ses mallettes dans le Grand-Duché sa compétitivité s’en est trouvé accrue. Le Luxembourg possède la TVA la moins élevée de l’UE (15%). Mais ce taux serait officieusement négocié avec les autorités compétentes à 6%.

Actuellement, en matière d’e-commerce, l’Europe applique la TVA du pays vendeur plutôt que celui du lieu de résidence de l’internaute qui achète. Ainsi, avec les ventes de musiques et les locations de films / séries TV sur son site, Apple (comme plusieurs de ses concurrents) va directement chercher son chèque à la case départ sans que la France et ses homologues européens, eux aussi lésés dans l’affaire, ne perçoivent la moindre TVA. Un système pour le moins immoral mais légal.

La problématique est d’autant plus ennuyeuse que l’Europe est en période de disette économique. Déjà, en octobre 2009, une synthèse d’un rapport de Greenwich Consulting [PDF] rendu au Sénat estimait que 300 millions étaient passés sous le nez du fisc français en 2008.

La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni perdants jusqu’en 2015

Ce dispositif fiscal prendra fin le 1er janvier 2015. Date à laquelle les téléchargements seront progressivement soumis à la TVA du lieu de résidence de l’internaute. Au grand dam des trois poids lourds du e-commerce qui représentaient environ 70% du marché européen en 2008 selon Greenwich Consulting. La disposition qui prévoit que la directive 2008/8/CE règle le problème en 2015 a été adoptée à l’unanimité à « l’issue de discussions difficiles entre les Etats membres » et qu’il n’est par conséquent « pas possible d’envisager une anticipation de sa date d’entrée en vigueur ». D’ici là, beau paradoxe, Apple n’a pas jugé utile d’installer un Apple Store au Luxembourg avant « au moins deux ans » selon les confidences d’un vendeur spécialisé.


A nos lecteurs adeptes (à raison) de Maître Capello : attention, il y a un jeu de mots dans le titre.

Crédits Photo FlickR CC : PaternitéPas d'utilisation commerciale par Finger FoodPaternitéPas de modification par Myrrien ;

Retrouvez l’ensemble du dossier :
Apple coupe le son et Apple à livre ouvert

Illustration de Une par Loguy

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CIR : Bad news from the stars… http://owni.fr/2010/11/11/cir-bad-news-from-the-stars%e2%80%a6/ http://owni.fr/2010/11/11/cir-bad-news-from-the-stars%e2%80%a6/#comments Thu, 11 Nov 2010 07:30:10 +0000 Jean Michel Planche http://owni.fr/?p=35213

Il se trouve que, par le plus grand des hasards, j’étais à trente mètres de l’Assemblée Nationale, hier soir (billet publié le 21 octobre, ndlr), en compagnie de deux députés, alors que le sujet du CIR (Crédit d’impôt recherche) allait être raboté, pardon tranché.

Notre sujet du moment n’était pas celui là, mais j’ai apprécié l’opportunité qui m’était donnée d’être présent dans l’hémicycle, alors que des choses importantes se discutaient en prise directe avec l’avenir de nos sociétés et plus particulièrement, pardonnez mon égoïsme : avec « la mienne ».

L’avenir de nos sociétés ?

Diantre… Vous allez me dire que j’y vais fort.  Exagéré pour une mesure fiscale, non ?
Si l’avenir de nos sociétés est en danger, par une « même pas » disparition de la mesure, c’est peut-être que lesdites sociétés ne sont pas bien préparées et ne se développent pas sur de bons fondamentaux. (cela s’appelle dans le jargon de nos politiques « profiter de l’effet d’aubaine »)

Pour mieux comprendre, revenons à quelques idées simples, vues de ma fenêtre d’entrepreneur « de la chose numérique ». Je ne prétends pas détenir la vérité, être plus « intelligent » que toutes ces personnes qui se sont penchées sur le sujet. Je souhaite juste vous livrer la vision de quelqu’un qui subit depuis de nombreuses années « d’entreprenariat » des coups de frein venant de l’environnement économique, mais parfois aussi, avec surprise, de véritables aides. Je voudrais juste vous faire partager ma vision d’entrepreneur, légèrement concerné par le problème d’entreprendre en France ou plutôt depuis la France.

Avant de démarrer, quelques informations : je dois en être à ma troisième société « d’un peu de tenue » (et cinquième activité) créée en un peu plus de vingt ans. Cela représente quelques centaines d’emplois et beaucoup, beaucoup d’argent payé en impôts, taxes diverses, ISF, plus-values de toutes sortes. Lorsque je dis beaucoup d’argent, je parle de sommes avec sept zéros et en euro. Cela peut paraître modeste pour ceux qui côtoient fréquemment « les grands groupes »… mais à mon échelle je trouve que ce n’est pas si mal. Disant cela, je ne le regrette pas, c’est aussi une fierté d’avoir pu le faire.
Mon objectif n’est pas non plus de râler et me plaindre surtout dans le climat actuel et jeter l’hallali sur des « politiques qui n’y comprennent décidément rien ».

Mais ce n’est pas pour autant que je peux me taire, approuver la conclusion et dire merci.
Si personne ne dit jamais rien, les mêmes causes reproduiront les mêmes effets et jamais les choses ne changeront, car l’histoire bégaye. Vous le savez maintenant, depuis le temps que je l’écris

Juste pour comprendre, commençons par expliquer le CIR. Il s’agit de l’abréviation du Crédit Impôt Recherche, qui n’est pas, à proprement parlé, une mesure nouvelle. (donc ce n’est pas encore de la faute de Sarko… )
Elle date de 1983, améliorée (sic) en 2004, modifiée (sic) en 2008 et à nouveau modifiée en 2010.

Que permet cette mesure ?

Vous le lirez plus précisément sur le site du ministère des finances, mais il faut savoir que pour les petites et moyennes entreprises, du secteur que je connais le mieux (le numérique), elle permet de diminuer de sa base imposable une partie de ses efforts de recherche. Nos « startups » ont une activité généralement fortement consommatrice de ressources humaines. Donc pouvoir déduire de ses impôts (sur les bénéfices), 75% des frais des collaborateurs affectés à la recherche, est ÉVIDEMMENT TRÈS INTÉRESSANT (je passe les détails avec le reste, car pour une PME, c’est à la marge).

Le seul problème est qu’habituellement, une startup… NE FAIT PAS DE BÉNÉFICE et même génère de la perte pendant un certain nombre d’années. En ce qui nous concerne, nous avons lourdement investi (de l’ordre de 14 millions d’euros), pendant de nombreuses années, pour passer le cap de la rentabilité … un peu plus de six ans (six ans !!) après notre création.

En clair… cette mesure est intéressante mais… INUTILE pour de nombreuses sociétés de notre secteur car… elles ne pouvaient pas faire grand-chose de ce « crédit d’impôt ». On avait bien la possibilité de se le faire rembourser sous trois ans, de le mobiliser et de se le faire financer, mais tout cela était compliqué, coûteux et hors de portée de la plupart de nos PME innovantes.
Aussi, le législateur, dans sa grande sagesse a modifié la loi en 2004 et 2008. Comprenant la différence entre les grands groupes, pour qui ces mesures semblaient avoir été écrites et les PME, qui développent une activité « from scratch », le législateur a permis de se voir REMBOURSER une partie de ce crédit d’impôt. Remboursé RAPIDEMENT !

Là… cela devient évidemment beaucoup plus intéressant et FORTEMENT INCITATIF à développer de l’emploi en France et à croire en la maison France. Là cela ne devient plus seulement une mesure d’optimisation fiscale (lire orientation fiscale)… c’est véritablement un outil de pilotage à moyen terme qui donne un signal clair et net… maintenons, développons de l’emploi qualifié, à forte valeur ajoutée en France : « Messieurs les entrepreneurs, aidez-nous, vous aussi à retenir les talents, car il n’y a pas que dans la Silicon Valley ou en Chine qu’ils peuvent s’exprimer. Prenez des risques, voyez à moyen et long terme et ne pensez pas qu’à votre compte de résultat à court terme. »

Quand je dis fortement incitatif… Je dois préciser pour éviter d’avoir des commentaires nous traitant de nantis, que cette mesure ne fait que corriger en partie le problème du coût du travail en France et tente d’éviter des délocalisations catastrophiques de matière grise… et de travail in fine. En effet, dans mon secteur, on ne compte plus les sociétés qui n’ont plus de R&D en France et qui sous-traitent dans les pays de l’Est, en Inde… pour évidement payer moins cher et rester compétitif… voir tout simplement rester en vie…

Une bonne mesure

Le CIR est une bonne mesure pour les entrepreneurs qui jouent le jeu. C’est même une mesure qui permet au pays France, malgré certains handicaps rédhibitoires de retrouver une compétitivité. À la marge, cela permet de tenter d’expliquer à nos investisseurs étrangers que notre choix politique de maintenir « à tout prix » (jeu de mot) une masse salariale importante en France n’est pas qu’anti-économique. En effet, un ingénieur qualifié ici va coûter de l’ordre de quatre à huit fois plus cher qu’ailleurs, à structure d’encadrement identique. En fait indépendemant du coût, la véritable raison est que nous avons ici des gens d’un talent incroyable, qui travaillent beaucoup mieux lorsqu’ils sont à proximité physique de la maison mère et non « déportés »/isolés dans je ne sais quel paradis avec plus ou moins de soleil.

Mais très concrètement, le CIR et le fait d’avoir un REMBOURSEMENT direct, de la part de l’État est une mesure qui outre le fait d’améliorer significativement votre résultat comptable (en ce qui nous concerne, nous passons d’un REX (résultat opérationnel) de 3% à un résultat net comptable de 13% grâce au CIR… améliore de façon très significative votre trésorerie. Je suppose que chacun le sait, la trésorerie est le nerf de la guerre pour (la plupart) les entreprises. En effet, l’un des problèmes des startups est leur BFR (Besoin en Fonds de Roulement). Nos sociétés sont caractérisées par de lourds investissements, une croissance non naturelle du chiffre d’affaires (à deux chiffres, voire trois) et donc… des tensions de trésorerie normales, que nous tendons à compenser par :

  • Un haut de bilan suffisamment musclé… et donc une exposition au risque et à la dilution qui peuvent prendre des proportions inquiétantes pour les entrepreneurs. Quand bien même, les arbres ne montent pas jusqu’au ciel et il n’y a guère qu’aux États-Unis ou en Asie où l’on peut voir des investisseurs qui investissent VRAIMENT dans les entreprises pour les doper… parfois un peu trop d’ailleurs.
  • Un bas de bilan fort… et ici, les principaux acteurs sont… les banques. Les banques doivent alors remettre de l’argent dans le dispositif et je vais peut-être vous apprendre quelque chose, mais ce n’est pas tout à fait naturel (lire facile) pour elles (ça ne l’a jamais été), surtout dans le contexte actuel. Qui plus est pour un public de « startups », dont le profil de risque n’est pas forcément le plus rentable à court terme pour elles. C’est d’ailleurs pour cela que d’autres mesures existent, grâce au concours d’OSEO et du Grand Emprunt… Je ne m’attarde pas, mais MERCI aussi pour cela, car c’est véritablement utile. Espérons que les Cassandre ne crieront pas trop vite au scandale.

Une mesure « rabotée »

La fête est finie, comme semblent le penser certains que j’ai pu entendre à l’Assemblée hier. Face au serrage de ceinture généralisé, face aux abus supposés ou vérifiés, des grands, des petits, des moyens… il a été décidé le rabotage et des modifications de règle du jeu qui ne me semblent pas de la meilleure intelligence et ceci malgré :

Je vous laisse tout découvrir, je ne vais rien commenter, mon billet est déjà trop long. Inutile de renchérir sur l’intérêt économique avéré du CIR, ni pourquoi nous sommes arrivés à une situation où le gouvernement dans son ensemble va à l’encontre de son intime conviction et demande même à un député de retirer ses amendements qui le défend. Député qui l’accepte pour sans doute éviter la honte de voir la majorité unie à l’opposition voter contre une mesure qu’il sent bien comme utile à défaut d’être indispensable.

Je mentionnerais juste la classe et le talent de Madame Lagarde, d’expliquer en séance qu’elle n’aimait pas ce projet (du raboteur, pardon, rapporteur : Monsieur Carrez), mais qu’elle voterait quand même pour.

Est-ce grave ?

Oui… et non, bien sûr. Bien sûr que l’on s’en remettra. Bien sûr que cela ne fait pas plaisir, mais dans le contexte d’austérité, on peut comprendre. On comprend moins quand on voit ce que le gouvernement va dépenser en foutaise… et on peut s’énerver quelque part…

Dans notre cas ce n’est pas FONDAMENTAL, nous n’allons pas mourir. Mais rapidement évaluée, l’incidence sera de quelques emplois (quatre à cinq) que nous ne créerons pas. À l’échelle de toutes les sociétés du numérique, je ne dirais pas du tout la même chose. Tous ces emplois, tout ce potentiel « rentré », cela risque de faire beaucoup d’emplois conditionnés. Conditionnés à une meilleure visibilité, conditionnés à la crainte de voir revenir le rabot et de supprimer progressivement cette mesure.

Ou plutôt de la voir sournoisement transformée au bénéfice de « l’industrie »… qui semble particulièrement bien traitée. Et oui… le rapporteur a eu le bon goût de nous faire passer la pilule en disant que la baisse de 75% à 50% des charges « humaines » de recherche allait largement être compensées par la prise en compte de 75% de l’outil industriel, nécessaire à ces mêmes travaux de recherche. Je vois bien ce dont il parle pour un groupe comme Renault, Sanofi… beaucoup moins bien déjà pour le secteur du numérique qui m’intéresse et dont je fais partie. Heureusement dans notre cas, nous avons besoin de beaucoup de matériel… mais c’est toujours sans commune mesure avec les charges salariales… qui est quand même ce qu’il faut favoriser, sauf erreur de ma part.

Les aigris peuvent être heureux

Ils ont gagné.
À trop expliquer que le CIR était une aberration car pour l’essentiel capté par les grands groupes, tout le monde à trinqué. Je ne parle même pas des irresponsables (je pèse mes mots) qui ont parlé « d’escroquerie aux fonds publics ».  Ne les oublions pas… surtout lorsque ces mêmes personnes viendront dans nos entreprises chercher des débouchés et du travail. Et même à 200% de subvention le jeune doctorant… la pilule a du mal à passer !

J’ai le sentiment désagréable d’être le dindon d’une farce que je n’aime pas. Aurais-je dû tricher, comme les autres, pour en « profiter » au maximum ?

Mais bon sang ! De quoi parle-t-on : de la création d’emplois hautement stratégiques et de la réussite de nombreuses sociétés en France ! Pas de se mettre de l’argent dans la poche et de gonfler artificiellement nos résultats.

Que le système ait été dévoyé par certains, je peux le comprendre, à défaut de l’admettre. De là à tout ramener à « la recherche » et à l’industrie, il y a un monde. Le mot « recherche » sonnait mal hier soir dans l’hémicycle. J’imaginais des gars en blouse blanche, travaillant autour de cyclotrons, focalisés sur la création de valeur et le leadership de la France au niveau international avant 62 ans… Je plaisante pour tenter de retrouver le sourire, car les chercheurs et surtout les physiciens … je les aime.
Le véritable sujet qui aurait dû nous animer tous est celui de CRÉER et MAINTENIR des COMPÉTENCES et des EMPLOIS hautement qualifiés en France qui sinon seront aspirés par… les sociétés nord-américaines bien connues. Sociétés qui déjà ont bien branché leurs tuyaux sur nos centres et nos écoles…

Pourquoi toujours travailler par incrément, mesurette sur mesurette et en finir pas tellement distordre la réalité que l’on se demande si nos députés ont une véritable vision de ce qu’il se passe sur le terrain ?

Très mauvais signal

Je l’ai dit… la clé est la CONFIANCE… et la confiance est fortement émoussée. On l’a dit, les entreprises ont besoin d’un cadre législatif, fiscal suffisamment stable pour pouvoir s’inscrire dans la durée. Nous savons nous adapter, bien sûr… mais les choses sont assez difficiles pour ne pas en rajouter. Qu’il faille faire des économies, j’en conviens… Mais la redistribution des cartes du tertiaire au profit du secondaire est un leurre et une fausse bonne idée, sur laquelle nous reviendrons, j’en suis certain. Encore des occasions manquées, encore des difficultés pour les entrepreneurs français et encore un frein à une croissance qu’il nous faut absolument conquérir, coûte que coûte.

C’est ensuite une erreur de communication, qui vient juste alors que le statut des Jeunes Entreprises Innovantes vient lui aussi d’être raboté.

Messieurs les politiques, vous ne pouvez pas ignorer d’où vient le dynamisme de notre pays. Laure de la Raudière, dans son intervention a rappelé le poids et le rôle du « numérique ». Ne cassez pas une dynamique qui tente de refonctionner après avoir été en crise grave et profonde tous les quatre ans depuis vingt ans !

Le numérique (avec l’artisanat) est l’endroit où il peut s’exprimer le plus de talents, où la croissance peut être la plus rapide car… les barrières à l’entrée sont les plus faibles. Le talent, l’intuition, un bon réseau de relation peuvent suffire parfois à faire des Google, des Amazon… mais aussi des Oléane par le passé, des Free, des Meetic, des vente-privee.com… etc.

Je l’ai dit, on ne peut pas jouer les uns contre les autres. Le sujet n’est pas de vouloir « punir » les grands groupes qui auraient abusé, le secteur des banques et de l’assurance qui auraient capté une part « indue » du dispositif, comme je l’ai entendu. Le sujet est d’avoir une dynamique POSITIVE et de faire travailler le pays ensemble, en développant un savoir faire national, une envie de réussite commune. Je peux rêver, mais ON A TOUT DANS NOTRE PAYS… sauf la volonté de travailler ENSEMBLE pour réussir, qui est la seule clé pour faire quelque chose de grand.

Arrêtons de tout casser, parce que les soutiers dans la cale ont mal aux mains à force de ramer à contre-courant.

Mise à jour :

  • tout d’abord, toute cette affaire permet de mettre à jour la définition du verbe raboter, qui revient sur le devant de la scène : c’est ici
  • ensuite, il n’y a pas que moi qui la trouve fort de café… notre secteur commence à se mobiliser, mais malheureusement trop tard. Il y a quelques semaines, je sentais que cela ne sentait pas bon… intuitivement (n’est-ce pas Laure ?). Mais impossible de faire grand-chose, la messe était déjà dite.
  • et puis surtout… la vidéo, rien que pour vous, des « évènements ». Visionnez et en dix minutes, je pense que vous aurez tout compris, si vous n’avez pas eu le temps de me lire.

Billet initialement publié sur Never give up !

Le Petit Poulailler bitzcelt et stevendepolo

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La leçon d’économie de The Social Network http://owni.fr/2010/11/10/la-lecon-deconomie-de-the-social-network/ http://owni.fr/2010/11/10/la-lecon-deconomie-de-the-social-network/#comments Wed, 10 Nov 2010 19:26:03 +0000 Simon Chignard http://owni.fr/?p=35153 Le film “The Social Network” est une œuvre de fiction sur la naissance du réseau social Facebook. Une œuvre à charge pour le fondateur Mark Zuckerberg, présenté comme un nerd asocial.  Mais le récit des premiers mois du développement de Facebook est aussi une introduction aux principes de base de l’économie du web.

A l’heure où près d’un million de spectateurs se sont rendus dans les salles de cinéma, il est intéressant de comprendre ce que “The Social Network” nous raconte de l’économie du web.

Couverture de Wired, mai 2010

Première leçon : la création naît du remix

Dans l’une des premières scènes du film, l’anti-héros veut se venger de sa petite amie qui vient de le quitter. Il lance en une nuit le site Facemash avec une idée simplissime : deux photographies d’étudiantes sont présentées côte à côte et l’internaute doit voter pour la plus séduisante.

La séquence illustre la manière de procéder du développeur : il parcourt les sites web des campus, il lance des requêtes automatiques, il récupère les photographies… En bref, il applique l’une des toutes premières leçons de l’économie du web : la création naît (aussi) du remix. L’originalité du service repose donc plutôt dans la capacité à mixer plusieurs sources d’information (mash-up) plutôt que sur une création ex-nihilo.

Deuxième leçon : les outils de production sont entre nos mains

Le scénario d’Aaron Sorkin est construit autour de la reconstitution de deux procès. Le premier oppose Zuckerberg à trois étudiants de Harvard qui revendiquent la paternité de l’idée de Facebook, les frères Winklevoss et leur associé. Le second procès est initié par l’ancien colocataire de Zuckerberg, premier associé et directeur administratif et financier (CFO) de Facebook, Eduardo Saverin.

Mis entre de bonnes mains, un bon outil de production peut donner des choses surprenantes

Au moment du lancement du site, le personnage de Zuckerberg sollicite auprès de son colocataire 1000 dollars pour acheter quelques serveurs et faire héberger le site en création. C’est bien la preuve que nous sommes dans le “nouveau monde” : l’investissement nécessaire pour lancer l’affaire est très réduit. Il n’y a pas a proprement parler de barrière à l’entrée capitalistique, pas d’autorisation à demander avant de se lancer.  Les outils de production – en l’occurrence les ordinateurs – sont entre nos mains.

Troisième leçon : timing is everything (de l’idée à l’action)

Face à ceux qui l’accusent d’avoir volé l’idée d’un réseau social sur le campus d’Harvard, le personnage de Zuckerberg répond “je n’ai pas volé votre code”. Toute la complexité de la notion de propriété intellectuelle dans l’économie de l’immatériel est résumée dans cet échange imaginaire. Les uns revendiquent la paternité d’une idée, les autres se prévalent de la réalisation, de l’action.

Hormis les séquences concernant les deux procès, l’action se déroule sur une période très condensée, les premiers mois de la naissance et du développement de Facebook.

Zuckerberg a  déjà visiblement une idée très fine du concept de”first-to-market” et sa philosophie personnelle semble se résumer à “just do it”. On voit son personnage ajouter une fonction au réseau dès qu’il en a l’idée – en l’occurrence l’ajout du statut”marital” parce qu’un de ses amis cherche des informations au sujet d’une fille qu’il a croisé dans un amphi…

Pas d’études quantitatives ou qualitatives, pas de focus group, pas de plan de développement produit défini. Pas de recherche, que du développement. Implémenter au plus vite, tester in vivo, reprendre et re-coder : timing is everything !

Ce que le film illustre, c’est l’importance du “momentum”, du point de basculement.

Quatrième leçon : le modèle économique ne passe pas toujours par la rentabilité (immédiate)

Les personnages de Zuckerberg et de son associé s’opposent rapidement sur le modèle de financement de Facebook. Savarin reste sur la côte Est des Etats-Unis pour convaincre des annonceurs d’acheter de l’espace publicitaire sur le réseau social naissant (et dont la croissance est déjà à l’époque très importante).

Zuckerberg pour sa part ne cherche pas la rentabilité à tous prix. Il cherche d’abord à développer le service et à en assurer la croissance. Facebook est aujourd’hui valorisée 25 milliards de dollars. La société n’est toujours pas cotée en Bourse.

Allégorie de Zuckerberg prenant son envol

Cinquième leçon : le hasard des rencontres

C’est l’une des scènes les plus étonnantes : au moment de l’ouverture de Facebook aux universités au-delà d’Harvard (dont Stanford sur la côte Ouest), le fondateur de Napster, Sean Parker, apprend l’existence de Facebook par l’une de ses conquêtes et se met en relation avec Zuckerberg.

Au moment de la rencontre, le service d’échange P2P Napster a déjà été fermé suite (déjà) aux plaintes des majors de l’industrie du disque.

Le film raconte la rencontre entre celui qui a démocratisé les échanges P2P et celui qui a démocratisé la notion de réseau social : c’est comme si Thomas Edison et Alexander Graham Bell s’étaient rencontrés et avaient fait des affaires ensemble ! (en fait, ils se sont rencontrés).

Les leçons oubliées du film

L’annonce du premier million d’inscrits sur Facebook est l’une des dernières scènes du film. Rien pourtant n’illustre les mécanismes économiques à l’œuvre pour passer de quelques milliers d’inscrits à 500 millions d’internautes. Tout a l’air si simple !

Rien sur les externalités positives (qui renforce les plus forts), ni sur la loi de Metcalfe (qui décrit la valeur d’un réseau), encore moins sur la viralité. La notion de plate-forme, l’un des clés du succès de Facebook, n’est pas abordée dans le récit.

Il y a fort à parier que, parmi le million de spectateurs français à avoir vu le film, il se trouve des apprentis entrepreneurs qui feront le rêve de monter le Facebook de demain.

Au moment où les lumières se rallument dans la salle, qu’auront-ils retenu ? Que pour réussir, il faut “trahir” ses amis, émigrer sur la côte Ouest des Etats-Unis ? Qu’il faut se méfier des avocats d’affaires et des capitaux-risqueurs ?

Retiendront-ils plutôt qu’un tel succès reste encore possible sur l’Internet d’aujourd’hui et que la philosophie de l’action reste toujours d’actualité ?

Comme le résumait Lawrence Lessing à propos de Mark Zuckerberg et de son “invention” : “He made it”, tout simplement.

Illustrations CC FlickR dfarber, Gubatron, Cayusa

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Du 22 à Asnières à Twitter, la France entre dans l’économie 2.0 http://owni.fr/2010/11/10/du-22-a-asnieres-a-twitter-la-france-entre-dans-leconomie-2-0/ http://owni.fr/2010/11/10/du-22-a-asnieres-a-twitter-la-france-entre-dans-leconomie-2-0/#comments Wed, 10 Nov 2010 07:30:40 +0000 Jean-Michel Billaut http://owni.fr/?p=35032 Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis Fernand Raynaud et son célèbre sketch de 1955, sketch qui tournait en dérision le retard français en matière de téléphone.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Ce retard a été rattrapé par Giscard d’Estaing et Gérard Théry, que Giscard avait appelé à la tête de l’administration de la DGT (Direction générale des télécommunications). Laquelle est devenue beaucoup plus tard France Telecom. Retard ? De Gaulle trouvait que le téléphone était inutile pour les Michu, au même titre que l’élite d’aujourd’hui jugeait jusqu’à une date très récente (?) que les enfants Michu n’avaient nul besoin de fibre optique.

Mon beau Minitel, roi des 80's...

La “grosse” informatique est ensuite arrivée dans les années 60, suivie de la micro-informatique à la fin des années 70 et au début des années 1980 (l’Apple II, le PC puis le Mac). Notre belle élite politico-industrielle gauloise de l’époque s’y est essayée avec les déboires que l’on connaît : le Plan Calcul, l’affaire Goupil, le plan informatique pour tous (on a loupé le Mac, Monsieur Fabius, au profit de l’inénarrable TO7…)…

Est arrivé le Minitel et son modèle économique de type étatique (Gérard Théry encore)… Notre État fait fabriquer le terminal, le donne gratuitement. Et met en œuvre le kiosque avec différents paliers de rémunération des fournisseurs de services. Grosse réussite reconnue dans le monde entier… Mais malheureusement, il n’y a que chez nous, en gros, que cela a fonctionné. Et notre modèle franco-français étatique n’a pas tenu devant “l’open tsunami” Internet. Et dire que c’est un Français, Louis Pouzin, qui a inventé le datagramme, base du protocole IP. Mais notre grande élite de l’époque lui a préféré Transpac et son X25 – là aussi on a tout loupé, d’autant plus que l’on mit Transpac à la poubelle il y a quelques mois… Mais laissons cela… pour l’instant (j’oubliais aussi dans ce musée des inepties gauloises, l’affaire de Biarritz et son réseau de vidéocommunication : coût de la prise environ 55.000 euros/abonné alors qu’aujourd’hui on crie au scandale pour le coût de la fibre optique qui serait de l’ordre de 2.000 euros/abonné maximum… )

Mais revenons à notre époque…

Début 2000 : la bulle Internet éclate. Vague à l’âme pendant deux ans pour l’Humanité. Ce qui lui arrive de temps à autre (rappelez-vous les oignons de tulipes..). Et cela repart de plus belle par la suite avec de nouveaux outils toujours sur la base du protocole IP. Et là… une révolution silencieuse démarre, que d’aucuns appellent le 2.0. Pas de défilés dans les rues, pas de blocages de raffineries, pas de casseurs, pas de CRS… à la sauce 1.0…  Une révolution des oeillets en somme.

L’économie numérique se met en marche… Quelques élucubrations dominicales, pêle-mêle…

1/ Petit rappel sur le sens de cette expression 2.0 qui donne des boutons à certains de mes amis très 1.0, et qui tiennent à le rester… Quand un éditeur de logiciels publie un nouveau logiciel, c’est la version 1.0. Les clients y trouvent des bogues, veulent des améliorations… L’éditeur se remet au travail et sort plus tard la version 2.0… Il en est de même avec le web. Avant la bulle on faisait des “web plaquettes”. Après la bulle, de nouveaux outils sont apparus (blog, RSS, réseaux sociaux, plateformes vidéo, SaaS, cloud, etc.). Ce qui a permis à des gens divers et variés, complètement inconnus, de publier du contenu sans barrière élitiste, de communiquer entre eux de façon simple et gratuite, de créer de nouveaux services, etc. Ce qui a fait dire à Tim O’Reilly (un éditeur de livres d’informatique de Californie) que le web était passé en version 2.0. Dernière étape : avec ces nouveaux outils, d’aucuns ont mis en oeuvre de nouvelles plateformes d’intermédiation dans tous les secteurs d’activité économique. Par analogie à l’édition de logiciel, et au web 2.0, on parle maintenant d’immobilier 2.0, de banque 2.0, etc.

L’économie dans son ensemble se met donc au 2.0. Le phénomène en est certes encore dans ses premiers balbutiements… Mais à mon avis rien ne l’arrêtera, d’autant plus que “la fabrication” d’outils 2.0 est loin d’être terminée. Nos digital natives commencent à prendre le relai des papies/mamies 1.0, qui eux, avaient maîtrisé les technologies plus anciennes (le hertzien, l’analogique, le print, les magasins, les agences, etc.). Et donc les usages allant avec. Usages, qui ne sont plus les mêmes avec ces outils 2.0.

2/ J’ai été absent pendant tout le 2ème semestre  2009 (amputation, rééducation, blablabla…). Histoire de m’occuper, j’ai créé les e-billautshows depuis janvier de cette année. Et j’ai interviewé à distance environ deux cents jeunes, et moins jeunes, chefs d’entreprise dans le monde de l’Internet… Et je dois dire que je suis très étonné de ce qui se passe… Je ne pensais pas que cela était possible dans notre pays, toujours très guindé dans le politiquement correct, refusant de voir que le monde autour de lui change à vitesse grand V, refusant de s’adapter, s’arcboutant sur ses avantages acquis au cours de la révolution industrielle (l’économie 1.0 en somme). Mais avec nos e-galopins, je suis confiant dans l’avenir de la France. Difficile de toutefois de tirer une synthèse. Mais on peut s’y essayer…

Trois ou quatre “Google like”

3/ La première chose qui me vient à l’esprit, est que sur le plan de l’économie 2.0 nous n’avons rien à envier à la Silicon Valley ou autres régions. Toutes proportions gardées naturellement… Regardez ou revoyez les vingt derniers e-billautshows par exemple : trois ou quatre entreprises sont de niveau international, capable de créer un “Google like” dans leur domaine, avec des activités worldwide sans bouger de Vannes, de Roubaix, ou de Paris…  Car autre chose tout a fait intéressante : il n’y a pas qu’à Paris qu’il y a des start-ups Internet.. Mais un peu partout sur le territoire (même à Limoges..)… J’estime qu’il y en a aux alentours de 10.000 (estimation au doigt très mouillé de ma part). Et il s’en crée tous les jours… De plus en plus, il faudra y ajouter celles qui vont naître dans les nanotechnologies, la biologie synthétique, les robots (déjà deux ou trois belles entreprises chez nous dans ce domaine), le greentech (déjà pas mal)…

4/ Mais pourquoi donc cela se produit-il maintenant ? La première chose à remarquer est que notre pays bénéfice de très bons accès Internet, à des prix fixes, et plutôt faibles : des prix de grande consommation. Ce qui n’est pas le cas dans beaucoup d’autres contrées. On peut en remercier nos gouvernements qui ont démonopolisé notre opérateur historique (sinon, on en serait encore probablement au modem à 56 kilos, et là, le 2.0 est impossible). On peut aussi remercier Xavier Niel (si, si – merci de noter que je n’ai pas d’actions chez Iliad/Free)… Xavier donc, a imposé le prix fixe – indépendant du volume téléchargé – et le concept de box. Ce qui fait que les concurrents ont dû s’adapter… Cela étant je n’aurais pas démonopolisé FT comme cela a été fait… De même pour les box (discussions rudes avec Xavier sur ce point…).

5/ Un bon réseau de télécommunications cuivre, certes … Et surtout des jeunes qui en veulent et qui ont trouvé dans ces nouvelles e-activités une raison de travailler… et de “prendre leur pied”. Et qui préfèrent se lancer dans l’e-entreprenariat plutôt que de viser l’ENA ou autres bidules du même genre. Ces jeunes ont les “tripes sur la table”, et ne me donnent pas trop l’impression de se préoccuper de leur retraite à venir…

Des e-galopins qui en veulent

6/ Est-ce facile pour eux de créer leur entreprise en France ? La plupart me disent non, ce n’est pas facile. La France n’est pas un pays de forte conviction entrepreneuriale, la culture du risque y est peu répandue (certaines familles de notables préfèrent que leurs gamins fassent l’ENA et deviennent fonctionnaires). Sur dix startups, deux ou trois seulement vivront bien… Certaines mettront la clé sous la porte, et comme le failli en France est banni de la belle société gauloise, alors qu’ailleurs, c’est l’inverse… Trouver des financements est aussi une galère. Il y a du mieux certes dans les aides publiques, mais pour le privé : “Les gens qui ont de l’argent et qui sont généralement âgés peuvent investir. Mais ils ne comprennent pas toujours ce que l’on veut faire.” D’où certains s’expatrient… Et ceux qui restent, ont deux fois plus de peine…

7/ Mais que font-ils dans leurs startups ? On peut là aussi se risquer à un classement… On en retrouve un peu dans le hardware (Noomeo), un peu dans la tripaille Internet (Cedexis, Witbe…), dans l’organisation des réseaux de télécommunications (il semble qu’il y en aura de plus en plus comme Céleste, Direct Télécom, etc). Mais c’est surtout dans le domaine des services 2.0 entendus au sens large qu’un les trouve. En fait, ils s’ingénient à reconfigurer les chaînes de valeur de l’intermédiation traditionnelle.
Dans le monde 1.0 en effet, une nuée d’intermédiaires font l’adéquation de l’offre à la demande de n’importe quoi, en utilisant les technologies traditionnelles. Ce qui fait que les marchés sont opaques pour le consommateur. L’IP avec les outils du 2.0 permet de les rendre plus transparents, et moins chers. Je pense ainsi faire une économie de 200 euros pour changer le train de pneus de ma billautmobile en les achetant sur l’Internet et en les faisant livrer chez mon garagiste pour le montage. Dans le 1.0, mon garage traditionnel me propose quatre pneus à 600 euros (et encore c’est en promotion !). Sans le montage. Sur Allopneus et autres : 400 euros, sans le montage. Le passage du 1.0 au 2.0 me fait donc gagner 200 €.  Sans compter que ce 2.0 permet de créer de nouveaux services qu’on ne pouvait faire avant.

8/Les papies/mamies 1.0 de notre belle élite les raillent, et en rigolent. Ils pensent que tout cela ne concerne que les étudiants boutonneux : “il faut bien que jeunesse se passe” et autres phrases toutes faites que j’ai entendues… Et il me revient en mémoire une phrase du mahatma Gandhi : first they ignore you, then they laugh at you, then they fight you, then you win…” J’ai en effet l’impression qu’il y a deux France… La France 1.0 toujours prédominante avec ses médias traditionnels, ses élus 1.0 qui sont à la traîne par rapport à leurs électeurs des générations plus jeunes, nos deux partis politiques qui se chipotent un peu partout et se montrent à la télé 1.0, nos syndicalistes qui défilent dans les rues, etc.

Et la France 2.0 qui elle, travaille probablement plus de huit heures par jour… Mouvement souterrain qui va miner les structures 1.0 à terme.  J’estime que l’Internet aujourd’hui doit réaliser quelque chose comme 4.0 % du PIB français… (contre un peu plus de 7% en Angleterre)… J’aurais l’occasion de revenir sur ce point.

Les réseaux sociaux à en croire cette vidéo vont changer complétement la donne, sans attendre probablement que les papies/mamies 1.0 partent chez Dieu le père…

Bref la France se bouge… en silence, sans cris et sans fureur… Une révolution des e-œillets…

Hardis les p’tits gars…

Billet initialement publié sur le blog de Jean-Michel Billaut sous le titre “Du 22 à Asnières à Twitter, la France entre dans l’économie 2.0… sans bruits, sans cris et sans fureur”

Image CC Flickr alles-schlumpf, yesyesnono et Biappi

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http://owni.fr/2010/11/10/du-22-a-asnieres-a-twitter-la-france-entre-dans-leconomie-2-0/feed/ 3
Economie, culture et modernité http://owni.fr/2010/01/07/economie-culture-et-modernite/ http://owni.fr/2010/01/07/economie-culture-et-modernite/#comments Thu, 07 Jan 2010 09:12:56 +0000 Nugues http://owni.fr/?p=6758 des livres

Voici le texte d’une pétition initiée par Antoine Gallimard. Pétition qui a pour objectif d’obtenir une TVA à 5,5% sur les ebooks

Guillaume Husson du SLF, précise : « Concrètement, le prix unique dépend de la France. La TVA réduite de l’accord de 27 pays européens. Difficile d’attendre que le second soit validé pour obtenir et mettre en place le premier. Puisque, seule, l’autorité française peut légiférer sur un prix unique, il serait bon que cela se fasse. »  Source  : Actualitté.com.

Texte de la Pétition
Une des clés de l’émergence rapide de l’offre légale est le prix de vente du livre numérique. Sauf à vouloir casser le marché par des effets de dumping (ce qui conduirait à terme à détériorer gravement la diversité éditoriale), les éditeurs ne peuvent actuellement répercuter les économies permises par la diffusion numérique sur ce prix. La cause en est simple : la supériorité de la TVA applicable sur les publications numériques par rapport à celle, réduite, dont bénéficient les publications sur support physique.

Dans le même temps où les États membres et la Commission européenne incitent les acteurs culturels privés à faire preuve de dynamisme en matière commerciale sur le numérique, la force publique maintient un système discriminatoire entravant de fait le développement d’un marché émergent et extraordinairement bénéfique pour la vitalité et la diversité culturelle. De telles pratiques ne nuisent pas seulement à la diffusion de la création et de la connaissance auprès de tous les publics : l’assiette sur laquelle la rémunération proportionnelle des auteurs est calculée est elle-même gravement diminuée. C’est donc à la création que les États s’en prennent directement. Cette attitude paradoxale, incitative dans les discours et limitative dans les faits, est intolérable.

Quelle anomalie de raisonnement peut justifier un tel grand écart ? C’est au droit fiscal que nous la devons, qui considère qu’une publication, dès qu’elle est est téléchargée ou consultée en ligne, s’apparente stricto sensu à une prestation de service fournie par voie électronique et non à un bien de consommation culturel. Partant, le livre numérique ainsi « accédé » ne pourrait faire l’objet d’une même taxation : la nature de l’échange en serait ainsi modifiée non par l’objet même de la transaction (l’œuvre, telle qu’en elle-même) mais par les modalités opératoires de celle-ci (le téléchargement, la consultation en ligne). Une telle approche n’est pas soutenable au regard de l’intérêt général qui, lui, préconise de favoriser la circulation et l’accès des œuvres de l’esprit !

Bien sûr les aspects économiques de l’affaire sont importants. Mais on sent bien derrière tout cela, les complexités engendrées par le croisement des pouvoirs et des souverainetés, multipliées par les nouveaux modes de diffusion qui vont aller en se développant et bousculer le paysage éditorial. Plus largement c’est l’accès à la culture, à l’art au savoir qui est l’enjeu d’une tension de plus en plus vive entre des acteurs traditionnelles et les nouvelles formes de diffusion. On n’a pas fini d’en parler !

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L’édition française contre le péril numérique… http://owni.fr/2009/11/02/ledition-francaise-contre-le-peril-numerique/ http://owni.fr/2009/11/02/ledition-francaise-contre-le-peril-numerique/#comments Mon, 02 Nov 2009 01:25:41 +0000 Pierre-Alexandre Xavier http://owni.fr/?p=5077 La fin de semaine étant rarement un moment de folle activité pour l’information régionale, Le Monde en profite pour sortir un volant d’opinions au titre accrocheur : le livre survivra-t-il à Internet ? Son casting est impressionnant : Arnaud Nourry [patron de Hachette Livre], Antoine Gallimard [héritier émérite et P-D.G. du groupe du même nom], Bruno Racine [patron de la BNF], Arash Derambarsh [Directeur de dépt. au Cherche-Midi], Rémy Toulouse [Directeur des éditions Les prairies ordinaires] qui font suite à Roger Chartier qui les a précédés de quelques jours.
L’édition française et les principaux représentants du livre sont là, en ordre de bataille, chacun avec ses arguments, pour lancer un bombardement massif contre Google et le péril numérique. Il y a cependant quelques absences notables comme celle de Editis, qui ne manque certainement pas de portes-paroles, ou celle de La Martinière, en procès avec le géant américain…

BNF sideDevant une telle mobilisation et une concentration inhabituelle, on serait en droit d’attendre du grand spectacle, un authentique blockbuster ! On espère des projets d’envergure, des partenariats inédits, des actions au niveau international et la forge d’un nouveau discours du livre. Et c’est ce que nous vend le titre, tel une bande annonce hollywoodienne : têtes d’affiches, pitch percutant, promesse de divertissement, succès assuré…
Mais voilà, comme beaucoup de productions cinématographiques d’outre-Atlantique, tout est dans le titre et rien n’est dans le film. Bien que la situation de l’édition française ne ressemble pas à la situation de l’édition musique et vidéo d’il y a cinq ans, la communication et les réflexes sont les mêmes. Les quelques points clés sont courus d’avance :
— l’édition ne se laissera pas spolier par l’ennemi étranger,
— les éditeurs sont les gardiens des droits des auteurs, les cerbères du patrimoine,
— le livre résistera au « tsunami » numérique,
— la garde meurt mais ne se rend pas…

Si Bruno Racine tempère les passions en bon énarque et que Rémy Toulouse relativise l’impact réel sur les petits éditeurs, le reste de la troupe mène une campagne napoléonienne. Faisant preuve d’une imagination très limitée, d’un discours convenu et d’une argumentation faible, voire fébrile, malgré des effets de manche, les « grands » de l’édition française peinent à démontrer des axes clairs et d’éventuelles actions solidaires. Tout le monde est d’accord pour désigner l’ennemi, mais personne ne propose de terrain commun, ni de politique conjointe.

Personne, sauf Hachette, qui fort de sa mainmise sur la distribution papier, n’hésite pas à ouvrir la porte de sa tour d’ivoire à qui voudra bien en passer le seuil. Arnaud Nourry n’y va pas par quatre chemins et écrit : « Habitués à tort à se méfier d’Hachette, mes confrères sauront-ils percevoir le danger que les bouleversements en cours font peser sur toute la profession ? Ma porte leur est grande ouverte. » Si l’intelligence se mesure à l’aune du chiffre d’affaire, évidemment les confrères de Hachette Livres sont particulièrement bêtes. Mais sa stratégie ne se limite pas à la politique de la main tendue, comme si sa position dominante ne pouvait être remise en question.
Arnaud Nourry va plus loin, faisant la liste des dangers qui menacent : la guerre des prix, la concurrence déloyale de Google (qui méprise le droit d’auteur) et d’Amazon (qui emprisonne les lecteurs dans son Kindle), le diktat de la politique de distribution… Hachette ne craint pas ce péril numérique car il est le leader français du stockage et de la commercialisation des livres numériques. Et qui plus est, Hachette n’est plus un groupe français mais international, un acteur majeur du marché américain. Il ne craint personne depuis qu’il a, à l’instar de Google, signé son propre accord avec Lightning source, filiale du géant Ingram, leader incontesté de la distribution américaine et grand rival de Amazon sur le livre.

Le discours de la grande braderie est le même chez Gallimard, qui convoque aussi bien les antiques que les classiques pour défendre l’honneur et l’intégrité des œuvres. Car chez Gallimard, les œuvres ont connaît. Et elles n’ont rien à craindre de Twitter et autres médias sociaux pour illettrés : « Sans craindre que les cent quarante caractères imposés par Twitter ne viennent inhiber le lecteur d’une “Pléiade” de 2 500 000 signes, on peut s’interroger sur les conséquences de l’absence d’une véritable pratique de l’écriture, sur la disparition des correspondances et du temps de lecture qui leur est consacré. » nous dit-il. Ça fera plaisir à Thierry Crouzet et c’est occulter les résultats les plus récents qui démontrent que les possesseurs de Kindle achètent (et lisent) plus de livres que les lecteurs conventionnels.
En tous cas, pas question de pactiser avec le diable (Google) ou avec la pieuvre verte (Hachette) : « Ces temps-ci, on reproche aux éditeurs d’arriver dans le désordre, en multipliant le nombre de plates-formes de distribution. Mais on se trompe de cible : il s’agit, au contraire, d’une précaution élémentaire, légitimée par un siècle et demi de pratiques éditoriales. L’alternative, en matière de distribution, est salutaire, même au plan national. » déclare Antoine Gallimard, qui comme son homologue n’en est pas un paradoxe près. C’est ainsi que l’auguste maison compte, avec ces alliés (Flammarion et La Martinière/Seuil), combattre elle aussi le péril numérique. Ici ce ne sont pas les millions qui seront décisifs mais la volonté.

tour_belemArash Derambarsh, directeur du département politique et personnalités publiques au Cherche Midi, fait sobrement l’état des lieux. Mais en tentant de se faire le médiateur diplomate entre les positions conservatrices des uns et l’inévitable virage numérique, il ne fait qu’amplifier le décalage qui existe entre les deux mondes : celui du papier et celui des réseaux numériques. A mesure qu’il avance dans son propos, Arash Derambarsh nous dit d’une manière presque naïve que la mutation est inéluctable, qu’il faut s’y préparer, et qu’une offre légale payante est la seule issue. C’est l’aveu de l’impuissance de l’industrie toute entière.

En seulement cinq papiers et une tribune offerte par Le Monde, la pensée unique et obsessionnelle de l’édition française (et même européenne) apparaît clairement : c’est à l’Etat d’intervenir et de mettre en coupe réglée toutes ces hordes barbares débarquées depuis l’autre rive de l’océan. Ce réflexe de déresponsabilisation du secteur privé devient une mode aussi coûteuse qu’intolérable. Quand les banques jouent aux apprentis sorciers dans la finance, c’est l’Etat qui trinque et les contribuables qui payent. Quand les majors de la musique détruisent leur réseau de détaillants avec des politiques sanguinaires et cannibales, et au moment de l’addition, c’est à l’Etat de bricoler des lois liberticides pour sauver leur business. Cette fois, ce sont les groupes d’édition (et dans la foulée les titres de presse) qui n’ont rien anticiper de ce qui se déroulait devant leurs nez, et c’est à l’Etat de trouver des solutions. C’est ahurissant de voir des groupes financiers de taille respectable démontrer leur incapacité totale et faire peser sur la collectivité (c’est-à-dire leurs clients !) le poids de leur incompétence.

Remy Toulouse donne une piste de travail : « …cela passe aujourd’hui sans aucun doute par la défense du livre papier, ainsi que par une vigilance critique renouvelée face à une industrie du livre dont les dysfonctionnements sont légion. » N’est-ce pas à ce niveau que l’Etat devrait intervenir et édicter des règles ? Il s’agit alors d’imposer à la grande distribution des contraintes dures sur la vente des livres. Il s’agit aussi d’appliquer les principes de base de la concurrence dans la distribution du livre et protéger les libraires de la mainmise des uns et des procédés de requins des autres. Enfin il s’agit d’instituer de nouvelles dispositions pour le droit des auteurs et de redonner à ces derniers le pouvoir de bénéficier pleinement et de contrôler les œuvres qu’ils et elles ont produites. Mais tout porte à croire que ce n’est pas de ce genre de dispositions dont veulent les groupes d’édition français.

Récemment, Mark Coker, pionnier de l’édition numérique, se fendait d’un billet dans le Huffington post portant un titre évocateur : Do Authors Still Need Publishers? [Les auteurs ont-ils encore besoin des éditeurs ?]. Il y expliquait par le menu pourquoi les “publishers” (qui n’ont pas d’équivalent en France tant l’éditeur et le diffuseur sont enchaînés l’un à l’autre) devaient passer d’une culture d’entreprise tournée vers les actionnaires et les marchés à une culture d’entreprise tournée vers les auteurs et les lecteurs, sous peine de disparaître purement et simplement de l’équation. Il n’est pas le seul à penser ainsi, loin de là. Mais apparemment, cette pensée là ne parvient pas à pénétrer les bureaux feutrés de nombre de groupes d’édition européens. Le réveil sera difficile et la chute promet d’être vertigineuse.

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Le lecteur s’impose : de l’avenir pour l’édition numérique… [2] http://owni.fr/2009/10/06/le-lecteur-simpose-de-lavenir-pour-ledition-numerique-2/ http://owni.fr/2009/10/06/le-lecteur-simpose-de-lavenir-pour-ledition-numerique-2/#comments Mon, 05 Oct 2009 22:35:01 +0000 Pierre-Alexandre Xavier http://owni.fr/?p=4250 Ce billet est le deuxième d’une série consacrée aux transformations des métiers du livre. Ce deuxième volet s’intéresse à la montée en puissance du lecteur et au déclin du comptable.

La diffusion massive des outils de communauté(s), ou social media, transforme la nature des rapports que nous entretenons avec l’information et avec le savoir. D’une société de la connaissance relativement verticale, nous passons à une société de l’information très horizontale. D’une méthode de transmission et de diffusion décidée par un centre, nous passons à des méthodes de transmission et de diffusion multiples élaborées par le chevauchement de ces mêmes méthodes et par les usages qu’en font les utilisateurs. Cette transition a parfaitement été identifiée et intégrée par une firme comme Google qui joue sur ces leviers multiples permettant aux utilisateurs de faire triompher leurs désirs.

ecritoiresDans ce nouveau paysage de la dissémination et de l’échange des informations, la place centrale détenue hier par l’économie est très fortement restreinte, mais sans pour autant disparaître. Elle devient progressivement invisible et n’occupe plus la place déterminante de base comme le prouvent l’émergence de projets d’envergure mondiale dont le modèle de rentabilité économique reste encore à déterminer. Certains projets passent même l’essentiel de leurs temps de vie dans cet état de work in progress opérationnel, de version Beta perpétuelle, pour finalement devenir la propriété d’une compagnie ou d’une autre qui dépense sans compter pour ce qu’elle pense être la poule aux œufs d’or. Parmi les cas d’école : MySpace, dont le succès a été énorme, puis son rachat par Rupert Murdoch et puis son déclin rapide face à la montée en puissance d’un autre projet d’envergure : Facebook. L’économie ne règne pas sur le monde numérique, ou du moins pas comme elle le voudrait, comme dans le temps, de manière impériale et univoque.

Tous ces outils de mises en relation entre les individus, qui secondaient hier le téléphone et qui le supplante désormais totalement,
représentent une menace bien réelle pour les groupes financiers qui fondent leur économie sur la propriété culturelle. La fluidité et l’horizontalité des relations qu’ils imposent minent et contreviennent à toutes les règles verticales et hiérarchiques imposées par les méthodes traditionnelles d’exploitation des œuvres culturelles. Cela a été fulgurant et évident pour la musique. C’est également vrai pour le cinéma et la photographie. Pour des arts plus adaptés à une interaction dans l’espace comme la peinture, la sculpture, les spectacles vivants, la danse, le théâtre… les outils communautaires, et plus généralement le Web, offrent une porte d’entrée par cooptations, par relations, par affinités et parfois même par un travail pédagogique de proximité entre les connaisseurs et les curieux. Si la télévision et le divertissement restent les sujets de prédilection dans les échanges sociaux, les arts n’en sont pas absents, loin de là et sont aussi un signe de reconnaissance entre individus d’une même tribu.

Pour la musique, le cinéma et la photographie, les technologies de l’information ont également permis un partage total des ressources,
sans aucune limite physique de support ou d’espace. Cette capacité de partage a été complètement diabolisée par les détenteurs de droits qui l’ont immédiatement assimilée à du vol, à du piratage, tout en admettant qu’il pouvait y avoir des similitudes avec le prêt et l’échange qui préexistaient dans le monde de la distribution traditionnelle d’œuvres culturelles. Dans ces conditions quand est-il du livre ? Ce dernier est-il condamné à devenir également un objet immatériel qui pourra être disséminé dans le flux incessant des échanges numériques qui saturent le Réseau ? La réponse est évidente et il n’est pas besoin de s’interroger sur le support de lecture final pour formuler une conclusion. Le livre numérique sera lui aussi et de manière massive l’objet d’échanges, de partages et donc de piratages. Il l’est déjà aux Etats-unis où les ouvrages techniques et universitaires sont disponibles de manière systématique en version électronique peu de temps après leur parution papier, si ce n’est avant la sortie de cette dernière.

On peut polémiquer encore longtemps sur la nature du support final de lecture du livre numérique.
Ces querelles rejoindront celles des inconditionnels de la photographie argentique contre les adeptes des appareils numériques, ou bien des cinéastes de pellicule contre les utilisateurs de caméras numériques, etc. Ces débats parfois intéressants mais souvent stériles renvoient à des différents encore plus anciens sur d’autres innovations de l’histoire. Que ce soit sur papier (par impression à la demande, impression privée) ou sur un appareil électronique (ordinateur, tablette, netbook, lecteur électronique), cela ne changera rien à la volatilité acquise des livres numériques.

Ce qui change également et de manière radicale, c’est la place de chacun dans le dispositif du livre.
La chaîne de fabrication traditionnelle fortement Taylorisée (découpée en segments performants et les plus rentables possibles) a donné, et donne encore, une place très importante à l’économie et à ses experts. Mais l’irruption des technologies de l’information, un moment apprivoisée par l’industrie du livre, va débarquer les contrôleurs de gestion et les comptables pour rendre la place aux lecteurs. Ce phénomène gagne de l’ampleur à mesure que ces mêmes lecteurs s’engouffrent allègrement dans la brèche créée par les « médias sociaux ». Affranchi de l’engeance du plan média et des canaux traditionnels de diffusion et de partage de l’information, le lecteur tisse ses propres relations avec les œuvres qui lui sont présentées tantôt par affinité, recommandation, ou bouche à oreille électronique. Il/elle tisse également ses propres liens avec d’autres lecteurs dont il/elle partage les goûts et les lectures.

Demain, au cœur de l’économie numérique du livre, le lecteur s’impose comme le pivot de l’ensemble du secteur de l’édition.
Il se manifeste sous la forme de trois « avatars » :
— l’éditeur,
— l’auteur,
— le libraire.
Ces trois types de lecteurs seront les grands vainqueurs de la métamorphose numérique du livre. Dans un paysage technologique permettant la publication à des coûts marginaux et en offrant une personnalisation accrue, les lecteurs disposent de tous les outils nécessaires pour numériser l’œuvre, la conditionner, la diffuser en mode libre ou restreint, lui faire de la publicité localisée, massive ou confidentielle, l’intégrer dans un univers créatif et imaginaire, ou dans un univers technique et référencé. Le lecteur devient roi, et l’univers du livre lui est rendu dans toute sa dimension littéraire.

Mais résistons un instant à l’idéalisme technophile de cette approche visionnaire et revenons à des contingences plus immédiates.
On pourrait croire que les trois formes sont trois fonctions que le lecteur peut occuper tour à tour et devenir ainsi homme-orchestre du livre. Mais c’est oublier que ces formes ne sont pas que des rôles, elles sont aussi des passions et par extension des métiers. Il est probable que nous verrons dans l’économie numérique du livre apparaître des prodiges capables à la fois de produire une littérature de qualité, éditer par goût et avec intelligence la littérature des autres et ajouter à cela une grande capacité à organiser la vente numérique et/ou physique des ouvrages auprès du plus grand nombre. Ces prodiges seront fort heureusement rares. Mais il sera moins rare de rencontrer des auteurs-éditeurs ou des éditeur-libraires, ou même des auteurs-libraires. Pour rester pragmatique disons que l’édition est une affaire de collaboration(s). Car ce qui relient les trois facettes du lecteur, c’est la capacité imaginative et c’est aussi là dessus que s’articule le sens de toute entreprise. Se pose alors la question des moyens dont disposent les lecteurs pour construire cette économie nouvelle ?

Les équipements d’impression à la demande existent et sont développés depuis plus de dix ans par les plus grandes enseignes de la reprographie.
Nombre de prestataires d’impression proposent depuis plusieurs années déjà des services à des tarifs très compétitifs des impressions en petits tirages, voire en tirages uniques. Le Web 2.0 offre une panoplie d’outils intégrés (CMS) pouvant servir aussi bien de plate-forme de vente, de site de divulgation, de blog(s) et/ou de vitrine. Et les médias sociaux ouvrent des possibilités incontestées pour générer du bruit, des effets d’annonce, des communications virales et toutes sortes d’initiatives qu’il est déjà impossible de les consigner toutes. C’est à ces possibilités que s’attaquent aujourd’hui les lecteurs, c’est-à-dire une foule d’éditeurs indépendants, de libraires atypiques, d’auteurs visionnaires et d’excentriques en tous genres… Et les groupes financiers ne seront pas absents de cette recomposition à condition de calibrer autrement leur offre à la fois dans sa nature et dans sa complémentarité avec le travail des lecteurs.

Cette révolution n’ira pas sans résistances. Nous connaissons déjà celle des détenteurs de droits.
J’en ai parlé dans le premier billet de cette série. Et d’autres résistances sont à prévoir. Elles viendront à la fois de la nature conservatrice des institutions publiques en charge de valoriser et de défendre le patrimoine culturel. Elles viendront également des sociétés et syndicats civils ayant pour mission d’agréger les composantes professionnelles du secteur qui ne pourront que se cristalliser sur les méthodes traditionnelles et sur les codes en vigueur.
En même temps qu’ils devront s’approprier les outils et les espaces de travail, les lecteurs devront également convertir les institutions et les associations professionnelles. Par cette conversion à l’économie numérique du livre, il sera possible d’envisager une transformation des dispositifs de subventions, des mécanismes d’aide et des conventions de conservation et  de dépôt. Le plus difficile sera naturellement un chantier âpre concernant les droits de propriété intellectuelle.

Le processus que je décris ici n’est pas de l’ordre de la prospective. Il est déjà à l’œuvre partout. Les réactions françaises tant de la part des maisons d’édition que des institutions sont la preuve manifeste que la transformation a débuté. Mais pour l’instant, la mutation se fait un peu dans la douleur et le bébé a bien l’air de se présenter assez mal. Rien n’est perdu et les agitations et manœuvres guerrières des mastodontes de l’informatique et du Réseau ne peuvent absolument rien contre la barrière naturelle de tous les patrimoines culturels : celle de la langue. Il y a donc encore du temps pour mettre en place les articulations nécessaires à une révolution en douceur et profitable pour tous.

Le livre est une affaire de lecteur(s).
Pendant une courte période (moins d’un siècle), les marchands ont crû pouvoir s’approprier le livre comme objet d’une économie de masse. Les avantages notables et bénéfiques ont été de permettre une éducation et une information de masse. Mais les effets pervers ont été nombreux et indésirables. Avec l’explosion numérique, le livre cesse de nouveau d’être une affaire de comptables et de commerçants pour redevenir une affaire de lecteur(s). Il n’y a rien à déplorer dans ces mutations successives. Elles apportent toutes leur lot de bénéfices. Il faut en revanche, le moment venu, les accepter sans se crisper, ni tenter de s’enchaîner au passé. Comme lors d’un deuil, il faudra lâcher prise et tourner la page.


N.B. : Dans ce billet, j’ai employé très (trop) souvent le masculin pour désigner le lecteur et ses avatars. Cela n’est pas la marque d’un caractère sexiste, mais la triste réalité d’une langue et d’une culture. Je reconnais volontiers le rôle majeur des femmes dans l’univers du livre, dans toutes les formes de la lectrice et dans toutes les langues que j’ai la chance de comprendre. Je compte sur leur bienveillance et leur indulgence.

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