OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 115 collaborateurs s’envolent de la Sarkozie http://owni.fr/2012/05/04/115-collaborateurs-senvolent-de-la-sarkozie/ http://owni.fr/2012/05/04/115-collaborateurs-senvolent-de-la-sarkozie/#comments Fri, 04 May 2012 18:58:44 +0000 Claire Berthelemy et Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=108823 OWNI a compilé ces mouvements de personnels très politiques en une image globale. Ils sont tous là.]]>

On connaîtra le nom du prochain Président dans quelques heures mais certains ont pris les devants. Et depuis plusieurs semaines. Dès le mois de janvier, un discret mouvement de valises et cartons a agité les cabinets ministériels et l’Élysée. Directeurs, directeurs adjoints et conseillers des ministres, ils ont quitté leur ministre ou le chef de l’État pour des postes… plus stables.

OWNI vous propose une visualisation complète de ces promotions des collaborateurs des ministres, depuis leur cabinet de départ jusqu’à leur nouvel emploi. Manière de mesurer l’ampleur des mouvements pré-élection présidentielle.

Data-départs

Au total, ce sont 115 conseillers qui prennent la poudre d’escampette vers des ambassades, des préfectures, dans l’enseignement ou l’administration, entre autres. Sur les 550 collaborateurs que comptent les différentes instances gouvernementales. Étonnamment, peu d’entre eux se sont tournés vers le privé : 16 proches des ministres ont été nommés chez Orange (le directeur adjoint du cabinet de Valérie Pécresse), Safran, la BNP (un conseiller de Valérie Pécresse aussi) – ou encore le MEDEF, le Conseil national des entreprises de coiffure et Valéo (un des conseillers d’Éric Besson). Voire la plume de Gérard Longuet à la rédaction en chef de lafranceforte.fr (là c’est du provisoire).

Hormis les départs ministère par ministère, dont le détail est disponible dans le tableau suivant (nous y avons précisé tous les détails nominatifs et administratifs), OWNI a également visualisé l’accélération de la fuite des collaborateurs. Où l’on apprend que le nombre de départs a été multiplié par quatre entre le mois de janvier et le mois d’avril – date à laquelle le comptage des départs s’arrête.

Cliquez sur l'infographie pour la voir en grand

La palme d’or du cabinet le plus démembré est attribuée au Premier ministre, avec 23 départs en quatre mois. Les collaborateurs de François Fillon ont choisi le privé (pour cinq d’entre eux) plutôt que l’administration. Les 13 autres se répartissent les préfectures, ambassades, établissements publics, mais aussi les Grands corps d’Etat ou l’enseignement et la Justice. Arrive en deuxième position le ministère des Affaires étrangères et européennes et ses 13 départs. Le Quai d’Orsay cumule à la fois un fort taux de départs et un taux maximum de départs dans une seule direction : les ambassades. On notera aussi l’annonce du dernier départ d’avril : Véronique Gomez, fille de Michel Mercier et conseillère parlementaire de son père à la Justice pour la Caisse des Dépôts et Consignations.

La majorité des mouvements se font en faveur de l’administration, au sein d’un même ministère, dans un ministère différent ou encore dans l’un des nombreux services déconcentrés de l’État. On enregistre ainsi 37 départs de ministères vers l’administration. L’autre grand mouvement des collaborateurs se fait vers le corps diplomatique, au service des ambassades avec 19 départs – dont les fameux 13 du ministère des Affaires étrangères. Ensuite 11 acteurs publics quittent les cabinets pour un établissement public et une dizaine s’engagent en préfecture.

Les bonnes volontés quittant le pouvoir étatique pour l’enseignement ou la justice sont moins nombreux avec respectivement 8 et 6 départs entre janvier et avril. Les rangs sont clairement clairsemés à l’appel des collaborateurs abandonnant leur ministre pour les grands corps de l’État et l’Elysée (une seule arrivée : le directeur adjoint du cabinet de Claude Guéant). Le seul ministère n’ayant enregistré aucun départ entre le 1er janvier et le 30 avril 2012 est celui des Sports, sous la direction de David Douillet.

La fabrique de l’info

Pour agréger les données, nous avons récupéré les annonces des différentes nominations sur le site Acteurs publics , que nous avons ensuite agencées dans plusieurs tableaux.
À noter que le ministère de l’Écologie a été rattaché à Matignon depuis le départ de Nathalie Kosciusko-Morizet, devenue porte-parole de la campagne du président-candidat. Nous avons cependant décidé de séparer les départs depuis ce ministère de ceux de Matignon pour des raisons de lisibilité.


Au design, Loguy Batonboys, à l’édition Ophelia Noor, à la rédaction Claire Berthelemy et Pierre Leibovici /-)

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(P)resident evil http://owni.fr/2012/04/25/president-evil/ http://owni.fr/2012/04/25/president-evil/#comments Wed, 25 Apr 2012 15:40:07 +0000 Anaïs Richardin http://owni.fr/?p=107737

Première série de publicités politiques pour Barack Obama dans un des 18 jeux de l'entreprise de jeux vidéo Electronic Arts

Le ludique se révèle utile en politique. Des équipes de campagne ont tenté l’expérience à l’occasion de l’élection présidentielle 2012. Au menu : s’emparer du web et dynamiser la campagne en appliquant les mécanismes du jeu vidéo (principe de gamification) aux sites internet des candidats en lice.

Jeu politique 1.0

Si le jeu vidéo et la politique entretiennent des relations depuis bien longtemps, l’aspect politique n’était jusqu’à présent qu’un  élément  de contexte. Prendre Mario Kart et remplacer Mario par Obama, voilà à quoi cela se résumait jusqu’à ces dernières années.
En 2004, la donne change et le jeu politique connait ses premières heures de gloire. Ce sont les États-Unis qui injectent les premiers une dose de ludique dans une campagne présidentielle. Howard Dean, alors candidat à l’investiture démocrate fait figure de pionnier en utilisant The Howard Dean game for Iowa. Ce jeu vidéo, créé par les chercheurs Ian Bogost et Gonzalo Frasca visait à montrer aux sympathisants de Dean la marche à suivre pour augmenter sa popularité et le faire connaitre. Les utilisateurs doivent accomplir des missions comme distribuer des tracts, ou relayer une information pour avancer dans le jeu. C’est certainement la première leçon de viralité : les joueurs pouvaient contacter leurs amis par email ou messages instantanés afin de les rallier à leur cause.

Première série de publicités politiques pour Barack Obama dans un des 18 jeux de l'entreprise de jeux vidéo Electronic Arts

Ensuite Barack Obama, lors de sa campagne en 2008, a su voir l’intérêt du jeu vidéo  face à un concurrent de 72 ans -John McCain- qui en avait une vision archaïque. Les équipes de Mc Cain se sont en effet contentés de réaliser Pork invaders, une énième parodie de basse facture de Space Invaders, opposant des cochons à des vaisseaux, points de crédibilité : 0.
Barack Obama a lui utilisé les jeux vidéo  comme aucun candidat ne l’avait fait, créant la première publicité politique en ligne. En partenariat avec EA Games, des encarts publicitaires à son effigie ont été insérés dans 18 jeux vidéo de la marque. Diffusées dans dix États parmi les plus influents, ces publicités furent un bon moyen d’attirer l’attention des jeunes sur la campagne. Application digitale d’un vieil adage, si vous ne venez pas à la politique, la politique viendra à vous.

En France, lors de cette présidentielle 2012, les équipes de campagne des candidats ont commencé -tout doucement-, à s’intéresser au phénomène.

Le newsgame

Réalisé à l’occasion des primaires du Parti Socialiste, le newsgame Primaires à gauche, fruit d’ un partenariat entre lemonde.fr, l’École Supérieure de Journalisme de Lille et l’entreprise KTM Advances, permet aux joueurs de se mettre dans la peau du candidat de leur choix, de Ségolène Royic à François Holov en passant par Martine Aubraïe. Le but ? Remporter l’élection en organisant des débats. Par le prisme du jeu, l’utilisateur se familiarise avec les idées fortes de chaque candidat sans s’en rendre compte. Le joueur peut passer d’un personnage à l’autre en élaborant une stratégie pour chacun d’eux et ainsi découvrir les différences entre les candidats au sein d’un même parti.

Premier newsgame réalisé par le Parti Socialiste français à l'occasion des Primaires en octobre 2011

Ce premier newsgame politique français permet de mieux comprendre le jeu politique sans jamais tomber dans le militantisme qui a “été mis à l’as” selon Olivier Mauco, chercheur,  directeur de la création de médias ludiques chez Antidox et créateur du site Games in society. À travers l’engagement du joueur dans des joutes verbales avec des ennemis politiques, le joueur cerne mieux la dynamique d’une campagne et peut agir directement pour faire augmenter les intentions de vote à son égard.

Cette approche innovante de la politique semble être un bon moyen pour toucher une cible jeune dont seulement 52% des 18-24 ans se disent intéressés par la politique comme le montre ce sondage IPSOS de 2011.

La gamification à l’usage des politiques

Selon une étude de l’institut GFK publiée le 4 février 2011 pour le Syndicat national du jeu vidéo, la France compte 28 millions de joueurs réguliers, soit 65% des Français ayant une activité en ligne sur internet et plus de 40% de la population. Un vivier d’électeurs donc.

Des statistiques certainement intégrées par les équipes de François Bayrou et d’autres candidats qui ont décidé de faire entrer le jeu vidéo, et plus particulièrement ses mécaniques en campagne. Ce qui ne leur a pas porté chance…

Développé avec les agences Spyrit et Big Youth l’espace “volontaires” du site du candidat utilise les principes de la gamification pour inciter les internautes à réaliser des missions pour faire connaître le parti et son programme. Régulièrement, les utilisateurs ou “Volontaires” reçoivent leur mission par mail. Distribuer des tracts de campagne ou envoyer un mail à ses contacts permet ainsi de gagner des points –des décibels-, convertibles en badges. À travers ces mécaniques, les équipes de campagne espéraient générer le plus de bruit possible autour du candidat grâce aux joueurs.

Pur Matthieu Lamarre, responsable de la web campagne de François Bayrou,  cette initiative a été bénéfique :

Grâce à ce système la fréquentation était plus régulière, et cela a permis de toucher tous les publics.

Cet ” outil d’impulsion ” a permis de capter l’attention  de 20 000 personnes. Ce chiffre peut paraitre bien faible face au traffic généré par un autre clin d’oeil à la culture geek visible sur le site de François Bayrou. En utilisant le code Konami, les internautes peuvent faire apparaître une petite vidéo 8-bit, dans le plus pur esprit du rétro-gaming sur le site pourtant sobre du candidat évincé. Une vidéo ultra pixellisée et une vague d’écho médiatique plus tard et le site enregistrait 250 000 visiteurs uniques. Un succès pour le site d’un parti politique, qui en réutilisant les codes geeks et avec un brin d’autodérison  a réussi à générer plus de traffic que la plateforme ludifiée, pourtant conçue pour capter l’attention des internautes.

Outils des Volontaires du site de campagne de François Bayrou (Cliquez sur l'image pour la voir dans son intégralité)

Une plateforme sur laquelle les mécaniques du jeu ont été utilisées pour encourager les internautes à être le relai du parti, mais qui n’a en rien vocation à inciter une personne à voter pour le parti, comme nous l’indique Matthieu Lamarre :

Nous voulions attirer l’attention des internautes et la convertir en attention sur les programmes, puis sur le candidat. Ce n’est pas grâce à un jeu que l’on va pousser quelqu’un à voter Modem s’il n’en avait pas envie, enfin je l’espère.

Si le site reprend en apparence tous les mécanismes de la gamification, il se révèle n’être à l’usage, qu’une certaine application de ” pointification ” (simple attribution de points ou de badges). En effet, le joueur peut auto-valider sa mission, ce qui ne crée pas réellement d’engagement ni de situation ludique puisqu’il suffit de cliquer sur “valider” pour obtenir des points, quand bien même la réalisation de la mission serait passée à la trappe. Le fait qu’il y ait des badges mais pas de gratification est une volonté des concepteurs du site qui ne voulaient pas d’un classement des participants, même si les 3 joueurs les plus assidus sont placés en bonne position sur la page d’accueil. La plateforme n’a, au final, rien de bien ludique, ce qui n’encourage pas les volontaires les moins impliqués dans la campagne à continuer l’aventure. De nombreuses failles repérées par Kiwiigames lors du lancement de cet espace dédié, et soulignées par Olivier Mauco :

Ils ont surfé sur le fait que la gamification soit à la mode, avec un joli design graphique, mais il n’y a aucune mécanique d’engagement. On utilise le jeu vidéo pour se faire mousser mais on évite d’en faire. C’est un moyen d’avoir une exposition médiatique.

Le site de François Hollande, au final, propose les mêmes outils de campagne à l’usage des internautes sympathisants, les badges en moins. Si les équipes de François Bayrou ne sont pas allées assez loin dans leur démarche, les équipes de Jean-Luc Mélenchon ont créé une application qui repose sur la géolocalisation et sur des petits jeux ludiques.

"Place au peuple", application mobile du Front de gauche destinée aux sympathisants

Disponible sur smartphones, l’application du Front de gauche visait elle aussi à se servir des utilisateurs, baptisés “révolu-nautes” comme d’une caisse de résonance, les incitant à être le relai du parti avec des défis, des points, et des dispositifs plus engageants que ceux du site bayrou.fr. Au programme aussi, des petits jeux comme ” les grandes rues de la Fortune ” ou encore le “chamboule-tout” des personnalités influentes du Fonds Monétaire International et de la Banque Centrale Européenne.

Nombreux sont les jeux, à l’image de ceux créés par le Front de gauche, qui visent à dénoncer une situation ou à se moquer d’une personnalité politique tout en restant drôle et léger. Un moyen de surfer sur la vague comme l’explique Olivier Mauco :

Les jeux vidéo ne sont pas vraiment réalisés à des fins partisanes. En jouant sur la culture geek, le pixel art et toutes ces choses-là et on essaye d’attirer la sympathie.

Ainsi, le Parti Socialiste s’est servi de la tendance du moment pour moquer le quinquennat de Nicolas avec des vidéos « Mot-à-mot ».

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Diffusées sur leur chaine Dailymotion, les vidéos détournent des éléments de la culture geek comme ici à J-16 où ils revisitent des titres de jeu vidéo connus de tous pour faire passer leur message sur le président sortant : « president evil » « nico tendu » « wii-fisc » « tax-man » « world of warcash » « Dega » s’enchaînent pour finir sur un « Game over ». Le nombre de vues n’est pas exceptionnel, un peu plus de 16 000.

Certains ont décidé de faire plus ludique encore pour dénoncer ou se moquer d’un homme politique. Que ce soit le Sarkothon, La France forte ou encore la Vache folle de José Bové de nombreux petits jeux réalisés par des amateurs pour se défouler sur des personnalités politiques.

Sans conséquences pour Olivier Mauco :

Ca renforce les positions, ce ne sont pas ces jeux qui vont faire évoluer les positions. Il ne va pas y avoir de changement puisqu’il n’y a pas de discours derrière.

S’il n’y a pas de discours idéologique et qu’ils ne visent qu’à se moquer gentiment, certains jeux comme La France forte permettent aussi de s’informer sur un sujet, ici Nicolas Sarkozy et ses écarts. Le jeu est à charge puisque l’utilisateur se trouve dans la peau du président sortant et doit gifler ses ennemis (un journaliste, un statisticien, Eva Joly) et préserver ses amis (le colonel Kadhafi, Liliane Bettencourt etc.) mais le choix des personnages est justifié par de petites vidéos qui prennent sur le vif un tacle, ou une petite phrase assassine du président-sortant.

Un des nombreux jeu qui prend pour cible Nicolas Sarkozy

La culture du ludique fait peu à peu son nid en France. Les États-Unis, eux viennent de faire passer la gamification politique dans la cour des grands. La chaine MTV, chère aux coeurs des jeunes adultes américains vient en effet d’annoncer le lancement d’une vaste campagne d’incitation au vote à destination des jeunes. En partenariat avec la Fondation Knight, qui subventionne l’opération à hauteur de 250 000 dollars, MTV organise le “Fantasy election 12“. Inspiré des jeux vidéo de fantasy sports, les joueurs doivent monter une équipe et gagnent des points lorsqu’ils vont voter ou lorsqu’ils assistent à des meetings politiques en utilisant l’outil de géolocalisation de l’application. Lancé cet été, ce jeu vise à mobiliser les 45 millions de jeunes américains qui sont susceptibles de voter aux différentes élections de l’année. Avec de nombreux lots à gagner, de véritables incitations à jouer le jeu du devoir civique, cette initiative de MTV pourraient bien devenir un cas d’école de la gamification.

[Mise à jour du  26 avril 2012 ] suite à la précision de Florent Maurin, co-créateur de Primaires à Gauche sur l’absence de filiation entre le jeu et le Parti Socialiste, qui n’est pas intervenu dans son élaboration.

Captures d’écran des différents sites de campagne des candidats.

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http://owni.fr/2012/04/25/president-evil/feed/ 14
Les politiques dans le viseur http://owni.fr/2012/04/22/les-politiques-dans-le-viseur/ http://owni.fr/2012/04/22/les-politiques-dans-le-viseur/#comments Sun, 22 Apr 2012 08:35:02 +0000 Anaïs Richardin http://owni.fr/?p=107139

Wilfrid Estève, directeur de la formation photojournalisme de l'EMI-CFD présentate le webdoc "60 secondes pour un quinquennat" et le projet 21 voix pour 2012. À La Cantine, Paris le 19 Avril 2012. © Milan Szypura

Jeudi soir, à la Cantine avait lieu une rencontre-débat sur la représentation du politique dans les médias.

Objectif électeurs #3

Objectif électeurs #3

21 voix pour 2012, ce sont 21 portraits d'électeurs par des photojournalistes, autour des thèmes de la campagne. Des champs ...

Après une première partie au cours de laquelle les photojournalistes de 21 voix pour 2012 ont présenté leur excellent projet pluri-média, les invités Mathieu Polak, André Gunthert, Ophelia Noor, Mathieu Sapin, Alain Soldeville et Arnaud Brunet ont échangé à l’occasion d’un débat organisé par Ziad Maalouf de l’Atelier des Médias.

Tous se sont accordés à dire que les partis politiques ont une mainmise sur les images de presse, notamment en organisant l’agencement des salles de meeting, dans lesquelles les photographes n’ont d’autres possibilités que de se serrer sur l’estrade d’un carré presse situé à 30 m de la scène, produisant ainsi une image conforme aux souhaits des partis.

André Gunthert, chercheur à Culture visuelle, regrette ce contrôle de l’image de plus en plus prégnant :

L’une des nouveautés de la campagne, c’est qu’il y a un contrôle beaucoup plus important de l’image par les partis. Ça donne une image qui n’est que spectacle, c’est un dispositif, une image construite par avance qui est comme une fiction.

La frontière serait donc parfois floue entre le factuel et le fictionnel.

Mathieu Polak, iconographe pour Le Monde et André Gunthert, chercheur en sciences sociales sur l'image et le lange à l'EHESS - © Jacob Khrist

Outre les problèmes de neutralité de l’information et de liberté du journaliste que cette mise en scène soulève, il y a aussi un problème de doublon de l’information entre le texte et une image trop construite, ce qu’explique Mathieu Polak, iconographe au journal Le Monde :

Lorsqu’elle [l’image,NDLR] montre le candidat à la tribune avec une foule devant et un drapeau français. C’est une image qui bégaye avec le texte.

Ce storytelling est imposé aux photographes, sauf si ceux-ci bataillent pour aller se poster à un autre endroit que celui qui leur est réservé. Ce dont témoigne Mathieu Polak :

Si on veut avoir une image différente des autres à un meeting politique, c’est une heure et demie d’intense bataille . Ou alors il faut grenouiller, escroquer.

Arnaud Brunet, photojournaliste indépendant/NEUS - © Jacob Khrist

Si les photographes désirent fournir une photo qui donne une autre information, qui raconte une histoire telle qu’ils la voient et non telle qu’on leur propose, ils doivent donc esquiver les services de sécurité, parlementer ou bien se faufiler en douce. Une méthode éprouvée par Arnaud Brunet, photographe et cofondateur de Neus Photos, qui cherche à diversifier ses prises de vue et utilise un matériel radicalement différent de celui de ses collègues :

Les contraintes qu’on nous a imposées m’ont obligé à prendre des points de vue différents, j’ai utilisé le panoramique, l’argentique, le noir et blanc. Avec un petit appareil, je suis discret, je passe partout.

Ziad Maalouf de l'Atelier des médias RFI animait le débat de la soirée 21 voix pour 2012 - © Jacob Khrist

Une liberté d’action qui lui permet de sortir des chemins tout tracés par les services de communication et de capturer le hors champ, parfois plus porteur de sens que l’image consensuelle que tous les médias publient :

Le fait d’ouvrir le champ, de cadrer en panoramique m’a permis de détourner les images, mais si on recadre, on obtient l’image officielle.

Mathieu Sapin, illustrateur et auteur du blog Journal d’une campagne, avoue que la discrétion est un atout pour avoir accès à des zones habituellement hors de portée. Comme il est dessinateur, il explique être certainement perçu comme une menace moindre qu’un journaliste armé d’un gros objectif :

Faire de la BD crée un certain capital sympathie, ce qui fait qu’on a accès à beaucoup de choses.

Comme la war room de Solférino le soir des primaires socialistes, par exemple.

Mathieu Sapin, dessinateur de BD politiques et auteur du blog Journal d'une campagne sur Libération.fr - © Jacob Khrist

Si Mathieu Sapin est indépendant et choisit lui-même ce qu’il décide de publier, ce n’est pas le cas des photojournalistes qui soumettent leur travail à une rédaction, ce qui ajoute un filtre supplémentaire à la création de l’image. Mathieu Polak a ainsi rappelé qu’il était nécessaire de prendre en compte l’existence du filtre éditorial.

Serrage de mains - © Mathieu Sapin

Le simple fait de choisir une photo pour la publier participe à la construction du sens de l’image. André Gunthert, chercheur à Culture visuelle l’a suivi sur ce point :

Le filtre éditorial change aussi la photo, le média est une strate intermédiaire invisible. Le fait de mettre en Une une photo, de la recadrer, c’est la mettre en valeur par rapport à un certain dispositif, celui de la Une de Libération, avec un joli titre.

Arnaud Brunet a ensuite soulevé l’importance de la légende dans le sens que donne un média à une image. Il a pris l’exemple d’une photographie de Nicolas Sarkozy, prise à la sortie d’un meeting, au moment où il saluait ses militants. Sur cette photo, on voit le président monter dans une voiture, bras droit tendu. Un bras droit que nous interprétons tous à l’aune de notre culture commune comme un salut nazi. Cette photographie s’inscrit dans une généalogie de l’image à laquelle on ne peut échapper.

Nicolas Sarkozy - Au revoir aux militants - Deplacement a Tour le 10 avril 2007 - © Arnaud Brunet /NEUS - cliquez sur la photo pour la voir en grand format

C’est à cette étape que la légende est importante. La photo étant relativement équivoque, il est important de la remettre dans son contexte. Arnaud Brunet a donc vendu cette photo en obligeant les médias qui souhaitaient la diffuser à y apposer la légende qu’il avait choisie « Nicolas Sarkozy dit au revoir à ses militants. »

Partant du constat que les médias participent activement à la construction du sens d’une image, Alain Soldeville, photographe,  a présenté son projet Parti Pris :

Il est très difficile de couvrir une campagne électorale, j’ai préféré faire ça depuis mon téléviseur et faire un travail sur la campagne vue par les médias. Je me suis interrogé sur la manière dont les médias montraient les politiques à la télévision. Je voulais montrer la syntaxe des images télévisuelles.

Partis pris Nicolas Sarkozy, invité de l'émission "Des paroles et des actes" sur France 2 le 5 mars 2012. © Alain Soldeville/Picture Tank

Alain Soldeville ne s’y est pas trompé en se postant derrière sa télévision,  car la campagne ne s’est pas jouée en ligne, contrairement aux attentes. Pour André Gunthert, le fait que la télévision ait été le pivot du traitement médiatique justifie l’agacement des citoyens qui, selon lui se traduirait par l’abstention au moment de se rendre au urnes :

La campagne a été maitrisée par la TV et tout s’est passé sur ce média. Les médias doivent être attentifs aux messages d’abstention des citoyens qui s’adressent aux élites. C’est peut-être aussi une critique de la manière dont cette campagne a été retranscrite par les médias. Les seules choses intéressantes que j’ai vues venaient des blogs, des réseaux sociaux, d’internet et des mèmes.

Ophelia Noor, iconographe @Owni.fr et Alain Soldeville (à droite) photographe indépendant membre de Picture Tank / à l'écran, photographie de François Bayrou par Arnaud Brunet pendant la campagne présidentielle de 2007 - © Jacob Khrist

Ophelia Noor d’OWNI a, elle aussi, fait ce constat de l’impact modéré d’internet lors de cette campagne,

alors même que son pouvoir de détournement peut être très puissant et viral. Ce qui s’est passé lors de la publication de la timeline Facebook de Sarkozy ou de son affiche de campagne la France Forte.

Le “mème” Sarkozy sur Facebook

Le “mème” Sarkozy sur Facebook

Nicolas Sarkozy réécrit sa vie sur Facebook. Un pur moment de communication, qui tombe à pic pour l’annonce, ...

Mais internet ne fonctionne pas de la même manière que la télé. Alors que les spectateurs se trouvent passifs devant un flot d’informations et d’images semblables, internet leur permet d’être actifs.

Sur le web, médias et internautes interagissent et l’information ne vient plus seulement d’en haut (top-down). Ophelia Noor explique comment les papiers d’Owni sont illustrés :

Sur les sujets politiques, nous optons pour l’illustration maison, ou un mélange de photo et de graphisme. A plusieurs reprises, nous avons puisé aussi dans les mèmes et détournements d’images sur Internet pour illustrer nos sujets.

Couvertures politiques d'Owni.fr en 2011 : graphisme, mèmes, détournements et montages photo (cc) Loguy, Marion Boucharlat, Elsa Secco pour Owni - Cliquez sur l'image pour la voir en grand format.

André Gunthert a repris l’exemple du visuel de campagne du président sortant « La France forte », dont les détournements ont fleuri :

Les mèmes sont la manifestation d’un mouvement bottom-up [qui part des citoyens, NDLR] encouragé par les nouvelles technologies. La campagne officielle est polluée par les mèmes, elle est perdue dans la masse du détournement. Le public reprend la parole dans une campagne qui ne nous a pas beaucoup écoutés.

Pour Arnaud Brunet, l’information en continu et l’usage de Twitter ont changé la manière de travailler des photojournalistes. Pour Mathieu Polak, ils induisent surtout un autre rapport à l’information :

Plus il y a d’images en continu, plus des images arrêtées et bien mises en page prennent de la valeur.

Soirée débat "les politiques dans l'oeil du viseur" et présentation et projection autour du webdoc "60 secondes pour un quinquennat" et le projet 21 voix pour 2012. À La Cantine, Paris le 19 Avril 2012. © Milan Szypura

Si Internet n’a pas eu l’impact escompté, il reste néanmoins l’espace privilégié des citoyens pour communiquer des contenus amusants, qui permettent de souffler dans ce flot continu d’informations et d’images similaires. 

Sarkozy détourné de son image

Sarkozy détourné de son image

Sitôt publiée, l'affiche de campagne de Nicolas Sarkozy a été détournée. André Gunthert, chercheur sur l'image et le ...

Mais qu’en sera-t-il de cet espace dans quelques années ? Prendra-t-il une place plus importante à la prochaine élection présidentielle ?

C’est ce qu’ Ophelia Noor espère :

J’attends de voir Internet prendre une place plus importante en 2017. Cette année les politiques se sont désintéressés du numérique qui n’était pas un sujet prioritaire.

André Gunthert a pour sa part fait remarquer que

dans deux ou trois ans on se souviendra des images détournées et non pas de la campagne officielle.

Arnaud Brunet a quant à lui regretté que la photo dérive de plus en plus vers la photographie people, se demandant si l’étau des communicants ne cesserait de se resserrer :

Les photojournalistes vont-ils devenir des paparazzis obligés de se cacher dans les buissons pour avoir une photo de Hollande ?

Une dérive qui empêche les photojournalistes d’exercer correctement leur métier. Ce que ne souhaite pas Mathieu Polak qui a émis le vœux de voir “se multiplier les demandes de portfolios avec des photojournalistes qui font un travail au long cours“.


© Photographies de la soirée par Milan Szypura et Jacob Khrist
© Photographies,  illustrations et détournements par Arnaud Brunet/NEUS, Mathieu Sapin , Alain Soldeville/Picture Tank et les interouèbes /-)

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http://owni.fr/2012/04/22/les-politiques-dans-le-viseur/feed/ 3
[ITW] Un lobbyiste numérisé en campagne http://owni.fr/2011/10/05/itw-un-lobbyiste-numerise-en-campagne-ps-thieulin/ http://owni.fr/2011/10/05/itw-un-lobbyiste-numerise-en-campagne-ps-thieulin/#comments Wed, 05 Oct 2011 13:50:59 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=82158

Fondateur dela Netscouade, une agence de communication et d’influence sur Internet, Benoît Thieulin devrait jouer un rôle important dans les opérations de lobbying du PS sur Internet pendant la présidentielle. En 2007, il coordonnait la campagne web de Ségolène Royal. Et jusqu’au mois de juin 2011 il pilotait la communication de la campagne pour la primaire d’Arnaud Montebourg. Analyses et confidences sur les évolutions numériques des dernières années et leurs implications pour les candidats à la présidentielle de 2012.

Dans les différents partis, on entend dire qu’une campagne électorale ne se gagne pas sur le web. Qu’en pensez-vous ?

On pourrait sortir du sujet pour lui trouver une illustration plus forte. Il y a beaucoup de journalistes qui ont basculé de la “techno-méfiance” à la “techno-béatitude” à l’occasion du printemps arabe. En disant en particulier qu’il fallait bien reconnaître que cette fois-ci, la révolution a eu lieu sur Internet. Je pense qu’il faut préciser les choses. Une révolution, ça se fait dans la rue.

Et Internet a joué un rôle absolument clé, à mon avis à deux points de vue : d’une part le façonnement des esprits, donc au fond un travail culturel qui a probablement armé dans les têtes les révolutions arabes, et d’autre part ce que certains appellent la synchronisation. Le problème que l’on rencontre à ce moment là est de savoir comment faire pour descendre massivement dans la rue. Et là, Internet joue un rôle clé. Tous les outils des médias sociaux permettent de pouvoir programmer une mobilisation sur le terrain de manière extrêmement efficace et rapide. Les révolutions arabes ont-elles eu lieu sur Internet ? La réponse est clairement non. Est-ce qu’elle n’auraient pas eu lieu sans Internet ? La réponse est probablement oui.

En terme d’outils, également ?

Internet ne se joue pas sur Internet. La grande nouveauté de la campagne d’Obama, et probablement aussi ce que nous montre l’exemple des pays arabes, c’est qu’Internet aujourd’hui est autant un outil d’information qu’un outil d’organisation et de mobilisation dans le monde physique. Ce serait un contresens d’imaginer que l’organisation et la mobilisation, parce qu’elles se font sur Internet, ont pour objectif Internet. Obama utilise Internet pour envoyer un million de personnes frapper à des portes ou passer des coups de téléphone. Les révolutions arabes utilisent Internet pour organiser leurs manifestations dans la rue. Internet ne sert plus uniquement à organiser un terrain sur Internet, c’est une plateforme d’organisation et de projection sur d’autres terrains.

Il faut arrêter d’imaginer que les mondes sont cantonnés. Aujourd’hui, je ne dirai plus qu’Internet est un nouvel espace social, mais plutôt qu’Internet est imbriqué, entrelacé dans notre vie sociale.

“Internet ne veut plus dire grand chose”

C’est la différence avec 2007 ?

Pas vraiment, puisqu’en 2007, tout cela était en germe. Je pense qu’en fait, Internet ne veut plus dire grand chose. Je parlerai plutôt de “monde numérique”. La question est plutôt de savoir si on peut se passer du numérique et de ses problématiques dans une campagne. La réponse est clairement non. Ensuite, ce même numérique s’instille dans toutes les autres dimensions d’une campagne. On est donc obligé d’en tenir compte. Il y a quatre ou cinq ans, Internet était un sujet quasi-en soi. Aujourd’hui, Internet lui-même ne veut plus dire grand chose, et les questions tournent beaucoup plus autour des interactions numériques, de l’information digitale.

Vous pensez que c’est un sujet qui doit être pensé comme transversal, notamment par les états-majors des partis? Le PS par exemple n’a plus de secrétaire national chargé du numérique…

Qu’il n’y ait plus de secrétaire national au numérique n’est pas forcément un mal. Je suis en accord avec l’idée d’un numérique touchant tous les secteurs. Pourtant il semble judicieux de faire du cas par cas pour juger de son utilité. Aujourd’hui, l’imbrication entre le numérique et le physique est totale, et ça n’a pas grand sens de vouloir séparer les sujets. Les argumentaires sont pensés, conçus et diffusés en grande partie sur Internet. Ce n’est pas un sujet numérique en soi. En revanche, la fluidification de ces échanges ou la manière avec laquelle ils peuvent être conçus grâce au numérique impactent la campagne.

Par exemple, on ne peut pas faire plus physique qu’un meeting. Et pourtant, pour faire venir du monde, pour lier ensuite la relation avec ceux qui vont y aller ou la réflexion sur les sujets qui devront être abordés par le politique, on a besoin du numérique. Ce qu’a montré Obama et qui était très fort, c’est qu’aujourd’hui il faut unifier la chaîne de commandement. Il n’y a plus de campagne Internet d’un côté et de campagne physique de l’autre. On n’a pas pu le faire en 2007, parce qu’il était trop tôt.

C’est ce qui semble se dessiner pour 2012 ?

J’espère que ce sera le cas pour 2012 ! Il ne doit plus y avoir de déconnexion. La prise de conscience du fait que le numérique s’est emparé de tous les sujets et qu’il est nécessaire semble être effective

Au niveau de l’UMP et du PS en tous cas, des outils sont mis en place, via la géolocalisation par exemple. L’échec des Créateurs de possibles, notamment, peut-il s’analyser par une absence de prise en compte des questions numériques?

Bien sûr. Il est évident que le PS et l’UMP ont senti qu’il y avait quelque chose à faire, en comprenant vaguement qu’Obama avait innové dans sa campagne, notamment sur Internet. Gauche comme droite ont envoyé des gens là-bas. J’ai moi-même fait partie de la mission Obama pour la gauche. Et tous ont voulu en tirer quelque chose. Il se trouve qu’il y a eu une différence majeure dans les deux analyses.

D’un côté, il y a eu compréhension qu’en fait, la grande nouveauté de la campagne d’Obama n’avait pas été dans l’action sur le terrain numérique (Internet comme support du débat d’idée) mais qu’au contraire, la nouveauté se situait sur des questions d’organisation logistique et de mobilisation, qui se faisaient à partir d’Internet, mais pour aller à la conquête de terrains physiques.

Au début de la conception de la Coopol , quand on avait des échanges par média interposés avec le camp d’en face, la question qui émergeait était : “est-ce qu’Internet doit servir comme plate-forme de débats ou est-ce qu’au fond la question n’est pas plus basique, plus concrète, plus logistique et opérationnelle?”. Un parti doit mettre à disposition des outils pour favoriser l’organisation interne d’une campagne.

Pour moi, un parti politique a deux fonctions essentielles : être un système qui fait émerger des élites politiques et ensuite, organiser logistiquement la conquête du pouvoir. Sur ce point, Internet peut jouer un rôle absolument essentiel. La CooPol, ce n’est jamais qu’essayer de traduire dans un environnement français cette logique d’organisation et de mobilisation. Ce sont des outils très simples. On est parti du community organiser en se disant que l’équivalent au PS était le secrétaire de section, et on s’est demandé ce dont concrètement il avait besoin. Les bonnes idées sur Internet ne sont pas forcément hyper-complexes. Twitter ça tient en 140 caractères et c’est un outil d’échange d’informations et de partage. Le mec a eu une idée géniale, mais ce n’est pas une grammaire complexe. Beaucoup d’innovations technologiques sont en réalité des innovations d’usage et des innovations sociales. Elles ne sont pas hyper-compliquées. La CooPol, cela sert à organiser des réunions, des listes de diffusion ou un tractage…

Et ça fonctionne, le parti le promeut?

Oui, ça fonctionne pas trop mal et le parti le promeut. Par rapport à la sociologie du PS, là où les secrétaires de section sont plutôt jeunes et plutôt geeks, ça marche bien. Évidemment, cela fonctionne mieux dans les zones urbaines que dans les zones rurales, mais globalement ça marche pas trop mal. On ne révolutionne pas complètement le parti mais cela pose les jalons d’une organisation nouvelle.

Ce qui est aussi intéressant c’est que l’UMP, au lancement de la CooPol, a eu cette phrase terrible : “ils sont en train de faire un intranet pour apparatchiks”. C’est marrant, parce que cette phrase se voulait méchante mais que sans s’en rendre compte, le parti majoritaire mettait le doigt sur ce qui allait faire le succès de la CooPol : c’est un outil assez basique, mais c’est ça qui marche.

“La grosse nouveauté de 2012, c’est une forme de re-médiation”

Dans cette campagne, il y a aussi une évolution concernant ce que certains appellent “l’infowar”, ou guerre de l’information. Les choses ont évolué dans ce secteur depuis 2007, et il semblerait que les partis aient pris conscience de cette nouveauté, notamment par l’utilisation des réseaux sociaux.

Cela amène à parler du deuxième effet, peut-être le plus novateur, et au moins aussi important que la mobilisation et l’organisation logistique pour les appareils : Internet est devenu l’espace essentiel du débat public.

Beaucoup plus que la télévision, mais pas opposé à celle-ci. Internet vient souvent en complément de la télévision. La télévision reste un élément-clé du débat public, notamment pour fixer l’agenda politique. Si Nicolas Sarkozy va au journal de 20 heures pour parler de sécurité, tout le monde parlera de sécurité. Vous aurez beau dire sur Internet que vous voulez parler de l’inefficacité des caméras de surveillance, on parlera de sécurité. En revanche, ce débat public a moins lieu à la télé, pour une raison très simple: les gens ont envie de participer.

Et quand vous regardez un débat à la télévision, vous le faites par procuration, vous ne débattez pas, et ce n’est pas envoyer trois SMS qui change quelque chose. De plus en plus, quand vous regardez le journal ou un talk-show politique, ça déclenche, pour une partie encore minoritaire des spectateurs, de la discussion ou de la recherche d’information sur Internet.

Le centre de gravité du débat public s’est déplacé des anciens médias vers les nouveaux. Et dans les nouveaux, il y a des règles qui elles aussi ont évolué depuis quatre ou cinq ans. A cette époque, il n’y avait pas 25 millions de Français sur Facebook, mais une élite de blogueurs surinformés qui adoraient aller à la source de l’information, sur les sites des partis politiques notamment. Je pense que ce qu’on a vécu en 2006-2007, cela a été une forme de désintermédiation qui s’est poursuivie mais qui a été beaucoup au bénéfice des blogueurs et des politiques. En gros, ils discutaient directement ensemble sur Internet. Je pense que cette parenthèse se referme globalement. La blogosphère ne disparaît pas mais redevient ce qu’elle est au fond: un domaine d’expertise très intéressant. En revanche, la forme qui venait concurrencer les journalistes et éditorialistes a fortement baissé. Et les 25 millions de Français sur Facebook y discutent tous les jours ou sur d’autres médias sociaux, de politique. Ils en discutent peu et ne vont pas avoir le temps ni l’envie de décortiquer un discours entier de François Hollande ou de Nicolas Sarkozy. En revanche, ils vont discuter. Et comment ? A partir d’informations qu’ils vont trouver sur Internet et plutôt dans des formats enrichis.

C’est la grosse nouveauté de 2012 : il y a une forme de re-médiation. Les internautes ont besoin de nouvelle médiation numérique, et ces nouvelles médiations vont s’incarner dans des contenus enrichis, ce n’est pas pour rien que j’en parle à OWNI.

“Les journalistes sont en train de revenir au centre du débat public”

Ça veut dire qu’un acteur traditionnel largement régénéré par Internet émerge avec une fonction clarifiée. Je pense que les journalistes sont en train de revenir au centre du débat public. Ils le sont surtout sur Internet, avec de nouveaux types de moyens et de nouvelles missions : il s’agit moins du monopole de la production d’information que du décryptage et de l’analyse, sur des formats pédagogiques. Par exemple une infographie qui me compare les programmes fiscaux de Sarkozy et de Hollande me rendra beaucoup plus service qu’un billet gigantesque d’un blogueur fiscaliste. Cette différence résume probablement la différence qu’il y aura entre 2007 et 2012.

2007 c’était l’heure de gloire de la blogosphère, les partis politiques discutaient avec une élite surinformée que sont les blogueurs. Aujourd’hui, on vit une forme de re-médiation, et le débat public se fait sur Internet, mais avec de nouveaux types de journalistes, plus décrypteurs et plus pédagogues.

Effectivement, ce qui se prépare dans certaines rédactions tourne autour de ces questions. En revanche, il y a de sujets qui peuvent émerger des réseaux sociaux, qui ne sont pas à l’agenda mais qui peuvent être repris par les partis politiques. La perméabilité entre médias dits “traditionnels” et médias en ligne est accrue par rapport à 2007. On parlait de transversalité des sujets liés au numérique et de non-prise en compte du sujet numérique en tant que tel. Il semble qu’il y ait une différence fondamentale entre le PS et l’UMP sur ces questions, le parti majoritaire se positionne sur le fait qu’il fasse du fond, notamment par la mise en avant de leur secrétaire nationale au numérique Laure de la Raudière. Est-ce que cet argument vous paraît important ?

Ce qu’il est important de préciser, c’est qu’il vaudrait mieux séparer définitivement les questions de communication et de campagne des sujets strictement numériques. Je suis payé pour savoir qu’une campagne se passe en particulier sur Internet, et je pense qu’on peut en dire des tas de choses intéressantes, mais je pense que ça n’a rien à voir avec l’injection du numérique dans toutes les politiques publiques. Déjà la première chose c’est que les partis politiques devraient les séparer absolument. Je pense que cette confusion, entre sujet d’un côté et objet de l’autre, est très mauvaise.

Peut-être de manière plus fondamentale encore que sur Internet comme outil de campagne, la différence entre le PS et l’UMP est plus grande sur le fond des sujets. Je crains que pour l’UMP le bilan en matière numérique soit mauvais. Je ne pense pas que l’administration électronique ait fait d’énormes progrès. Les opendata restent encore balbutiantes et c’est probablement un sujet qu’on a toujours vu comme rapide à faire alors qu’il s’agit de problèmes structurels, notamment sur la manière de produire des données. Même aux États-Unis c’est une fausse promesse depuis le début, et on sait très bien qu’il faudra dix ou quinze ans pour que les administrations commencent à produire du digital.

Et sur le reste?

En terme de pédagogie et d’innovation, le bilan du sarkozysme numérique est globalement très faible, alors qu’il s’agit pourtant d’un boulevard de croissance et d’un levier de transformation du monde qui est énorme. Le seul bilan en fait, c’est Hadopi.

“Hadopi n’est pas l’alpha et l’oméga du débat sur le numérique”

Il semble quand même que Nicolas Sarkozy a compris qu’Internet était important en termes économiques, notamment avec la séquence de l’e-G8 puis du CNN ?

Le fait que l’on se mette à parler de numérique à l’eG8 a plutôt été une bonne chose. Je ne vais pas dire le contraire: j’y suis allé et j’ai trouvé ça plutôt pas mal. En revanche, j’aimerais qu’on me dise quels ont été les vrais soutiens, les grands projets emblématiques dans ces domaines, parce que je peine à les voir. J’ai fait partie de ceux qui gueulaient et qui ont été assez intraitables vis à vis de mes amis au PS, et avec d’ailleurs moins de sévérité pour Europe Écologie, dont je continue de penser qu’ils sont quand même plus innovants sur ces sujets-là, culturellement plus en phase, ça paraît assez évident.

Mais il faut reconnaître que depuis deux trois ans, probablement sur Hadopi d’ailleurs, qui a été la pierre angulaire de ce basculement, la gauche social-démocrate a vraiment pris la mesure du changement culturel dans lequel on est avec la révolution numérique, et elle a pris des décisions. Si vous regardez ce qu’a fait Christian Paul depuis deux ans, que ce soit sur la neutralité du net ou sur Hadopi, on peut dire que le PS a énormément progressé sur ces questions. Et je le dis avec d’autant plus de franchise et de sincérité que ce n’était pas forcément le cas avant. Je me réjouis donc de ce changement, qui je pense a irrigué tout le monde.

Globalement le PS a vraiment opéré un tournant sur le sujet numérique, et ça va se voir dans la campagne, c’est évident.

Ça commence à se voir déjà, notamment avec les propositions de Martine Aubry, avec la fameuse taxe sur les FAI. Ce qu’on peut envisager à ce sujet, c’est que l’UMP, qui a mis la focale sur l’économique et parle aux industriels du net, joue de cette impression de rupture entre les PS et l’économie.

C’est un sujet assez protéiforme, cette taxe sur les FAI, parce que cela fait référence à plein d’autres débats. Si on se met à penser à des taxes, ou autres, c’est parce qu’on doit gérer la dette, et qu’il y a un problème de financement des politiques publiques. C’est aussi le résultat d’une prise de conscience européenne qu’il existe un dumping fiscal, et qu’il y a un certain nombre d’entreprises qui, en s’implantant dans tel ou tel État membre, arrivent à contourner la fiscalité nationale. En particulier dans le secteur numérique, il y a beaucoup de multinationales américaines qui bénéficient de TVA ou d’impôts sur les sociétés plus faibles. C’est cette question là qui est importante, pas forcément la réponse. Je ne suis pas sûr d’être très favorable aux taxes d’une manière générale, je préfère l’impôt. En tous cas, il ne me semble pas voir dans ce débat une gauche qui comprendrait moins ces sujets là que la droite.

Ce n’était pas mon propos, mais il semble que pour un certain nombre de propositions, le décalage entre le PS et les entrepreneurs du numérique pourrait à un moment ou à un autre poser problème.

Vous savez, Hadopi a montré que le décalage entre tout le secteur des entreprises innovantes et l’UMP était assez important. Free était autant contre Hadopi que la petite boîte du coin qui fait de l’opendata. Les juristes et les économistes étaient contre. Hadopi constitue le boulet numérique de ce mandat.

D’ailleurs en ce moment, on assiste à un changement de communication de la part de l’Hadopi, notamment en se positionnant comme la seule autorité indépendante qui pourrait s’emparer des sujets numériques après 2012.

Changement de communication, oui. Mais la loi n’a pas été changée. C’est probablement une manière de sortir par le haut du gouffre Hadopi, et c’est plutôt malin. A un moment donné de toute façon, il faut bien passer à autre chose. Hadopi n’est pas l’alpha et l’oméga du débat sur le numérique, mais par contre ça reste à leur bilan, et ça montre qu’il n’y a pas si longtemps, il y avait une grande incompréhension de la part du gouvernement sur ces questions. Pour une fois, le PS s’est retrouvé du bon côté, les débats sur la loi Davdsi avaient été plus compliqués.

On entend aussi que l’UMP serait plus pragmatique.

Dans le champ que je connais bien, qui est celui de l’innovation numérique, je n’ai pas vu de Small Business Act à la française, j’ai vu plutôt un statut de jeune entreprise innovante battu en brèche, le crédit impôt recherche qui continue d’être bouffé par les grandes entreprises. Soyons pragmatiques justement : je ne suis pas sûr que la France ait pris tout le tournant de ce qu’est aujourd’hui l’innovation.

Et c’est dommage, parce que la société française est probablement l’une des plus connectées au monde, qu’elle est hyperdynamique sur ces sujets, notamment la jeunesse qui est hyperactive sur les médias sociaux. On n’a pas à rougir de ça en France, notamment par rapport aux États-Unis, où je vais souvent : il n’y a aucun décalage d’usage. Il faut aussi reconnaître que le dynamisme du marché de la connexion Internet a joué favorablement. L’île de France et Paris reste un cluster quasiment sans aucun équivalent en Europe continentale. Ça devrait être l’objet d’une attention particulière pour promouvoir tout ça, pragmatiquement justement.

J’espère que les deux camps s’y mettront, parce que c’est une chance. Et que pour l’instant cette chance, on ne peut pas dire qu’elle ait été favorisée.


Photos via Flickr, La Netscouade [cc-by]
Illustration de Loguy pour Owni /-)

A lire également: le portrait de Benoît Thieulin chez Silicon Maniacs.

Merci à Abeline Majorel pour sa relecture attentive.

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http://owni.fr/2011/10/05/itw-un-lobbyiste-numerise-en-campagne-ps-thieulin/feed/ 6
Les médias en ligne à l’âge de raison http://owni.fr/2011/09/05/pure-players-rentree-mediapart-rue89-atlantico-slate/ http://owni.fr/2011/09/05/pure-players-rentree-mediapart-rue89-atlantico-slate/#comments Mon, 05 Sep 2011 17:00:43 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=78138 2012, scénario catastrophe pour les sites d’information en ligne non adossés à un titre papier, appelés pure players ? Ce n’est pas ce qui se profile à l’orée de la saison médiatique 2011-2012. Et l’arrivée de petits nouveaux – d’une version française du Huffington Post à un site hybride 100% Lagardère – semble confirmer qu’il y a encore de la place pour l’information en ligne.

Pour la présidentielle, les anciens capitalisent sur leurs acquis

Continuité, développement et innovation : tels sont les maîtres mots employés par les acteurs de l’information en ligne pour qualifier la saison qui s’annonce. Saison marquée par trois ou quatre élections présidentielles (France, Etats-Unis, Russie et Chine), comme le souligne Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr. Pour autant, pas question de modifier en profondeur les équipes et d’innover sauvagement pour couvrir les élections, françaises ou pas, contrairement à ce qui se prépare dans les rédactions dites “traditionnelles”.

En dehors de Rue89, dont la nouvelle maquette sortira courant octobre 2011, pas de grands changements à l’horizon pour l’information sur Internet. Développée par Upian , cette nouvelle mouture respecte “les valeurs de Rue89 tant graphiquement qu’éditorialement, pour en faire un site puissant et statutaire, pensé tant pour les éditeurs et les journalistes que pour les contributeurs” selon Alexandre Brachet, directeur de l’agence. Pascal Riché, rédacteur en chef, n’hésite pas quant à lui à la qualifier de “petite révolution”. Reste que dans le traitement de l’information, Rue89, que Claude Perdriel veut voir comme un laboratoire du Nouvel Observateur suite au rapprochement entre les deux médias, ne va pas modifier ses habitudes en profondeur.

La manne financière du patron du Nouvel Obs était notamment censée permettre le développement d’un pôle “datajournalisme“, aujourd’hui au point mort. La plateforme souhaite néanmoins renforcer sa présence sur les terminaux mobiles, comme nous le confie Laurent Mauriac, directeur général. Une première application Ipad, “Rue89 avec les doigts”, sortie fin mai, avait été proposée gratuitement comme numéro test. La deuxième sera payante et verra le jour d’ici la fin du mois de septembre.

Rue89 développe également une déclinaison Sports, “encore balbutiante”, selon Pascal Riché. Le premier des pure players français (tant en âge qu’en consultations) étoffera peut-être son effectif pour la période électorale, mais compte s’appuyer sur ses fondamentaux :

On va rester très participatif, non pas top-down mais plutôt bottom-up, avec le format “face aux riverains” notamment, et en insistant sur le fact-checking.

Le positionnement plus magazine du petit frère frenchy de Slate.com lui permet de prendre le temps, comme le souligne Johan Hufnagel : “On refuse le buzz, on ne fait pas de papier facile et à charge. On reste sur de l’analyse et du commentaire, contrairement à certains sites communautaires. C’est donc plus long, mais on pense que c’est plus sain.” Malgré une équipe restreinte composée de trois rédacteurs, d’un chef d’édition et d’un rédacteur en chef, l’objectif est de répondre présent pour ces élections.

Le constat est établi par l’ensemble de nos interlocuteurs : pour innover, il faut de l’argent. Et le nerf de la guerre fait défaut, quel que soit le modèle économique.

Slate.fr continue son développement sans accélération incontrôlée. Johan Hufnagel tient à nous préciser que le sombre tableau financier dépeint par le journaliste média de l’Express Emmanuel Paquette ne correspond pas à la réalité.

L’investissement réalisé pour lancer la déclinaison Afrique du site, savamment intitulée Slate Afrique, aurait grevé les comptes. Selon le rédacteur en chef et actionnaire du site : “On est toujours sur nos objectifs, liés à un plan de financement sur 5 ans. L’équilibre doit être atteint en 2012.” Pas d’investissements mirifiques à l’horizon, donc, mais un “travail de fond sur la plateforme. L’idée est de booster le SEO , mais nous n’avons pas prévu de refonte de la maquette, en dehors d’améliorations à la marge de l’ergonomie.”

Mediapart et ses 26 journalistes ne sont pas en reste. Pour François Bonnet, directeur éditorial du site :

Il faut qu’on ait un regard critique sur ce qu’on a fait en tant que journalistes sur les dernières campagnes présidentielles. En 1995 il y a eu la bulle Balladur, en 2002 personne n’a vu la montée du FN et en 2007, on a laissé de côté la question du couple Hollande-Royal. Il ne faut pas une fois de plus reproduire un plantage généralisé pour cette campagne. Pour nous l’enjeu est là : il faut qu’on se batte sur le terrain de l’info. Et ce dans une proposition éditoriale innovante qui est de bousculer la sphère médiatique : la différence en année présidentielle va se faire là-dessus.

Le dernier né des pure players français, Atlantico, pourrait quant à lui bénéficier de son positionnement à droite de l’échiquier politique. Selon Jean-Sébastien Ferjou, directeur de la publication, la présidentielle constitue un “booster naturel d’audience”. L’équipe du site, qui vient de perdre son rédacteur en chef, “travaille à des choses et réfléchit à des formats spéciaux dédiés à la campagne qui seront lancés à la fin du mois”.

Étonnamment, Mediapart et Atlantico sont sur la même ligne. Il ne s’agit pas d’innover à tour de bras, mais plutôt de renforcer pas à pas leur modèle respectif. Jean-Sébastien Ferjou souhaite “aller au-delà du milieu médiatico-politique parisien”, tandis que son confrère François Bonnet nous rappelle que “l’objectif de Mediapart est de casser l’agenda, de ne pas se laisser enfermer dans une bulle médiatico-sondagière”.

En trois ans d’existence, le site fondé par Edwy Plenel a réussi son pari : s’approcher de l’équilibre financier avec un modèle économique centré uniquement sur les abonnements. Les nombreuses révélations des journalistes d’investigation du média ont permis d’engranger de fidèles abonnés. Tant et si bien que le site dégage aujourd’hui 5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pour la saison qui s’annonce, il s’agit de “consolider ce modèle et d’améliorer nos procédures”. Ici encore, les développements se feront à la marge, avec une application iPad et quelques projets “en cohérence avec le modèle économique de la structure”. La version anglaise du site, Mediapart English, est de ceux-là.

Lagardère et le Huffington Post débarquent dans l’Hexagone

Le relatif succès de ces médias nés en ligne attise les convoitises. Le groupe Lagardère développe depuis quelques mois un projet qu’il aime à qualifier de “pure player”. Reste que le site, dont le lancement public est prévu pour le mois d’octobre, s’appuiera sur les productions du groupe, qui comprend le JDD, Paris Match et Europe 1. L’équipe, composée de 5 journalistes, dont le rédacteur en chef Nicolas Moscovici, est d’ailleurs hébergée dans les locaux de la radio. A l’origine du projet, Laurent Guimier, tenancier motivé de l’émission “Des clics et des claques”, et Benoît Raphaël, ex-rédacteur en chef du Post.fr, et aujourd’hui consultant pour RevSquare. Selon lui, le site, dont le nom fait encore l’objet de discussions, sera “assez audacieux”, et il se murmure que la maquette fera la part belle au “journalisme de liens”. La positionnement éditorial 100% politique laisse à penser que le groupe Lagardère souhaite se doter d’un outil efficace dans la bataille médiatique de l’élection présidentielle.

Du côté de France Télévisions, on prépare également dans le plus grand secret le lancement de PI – pour Plateforme d’Informations – un site dont la vocation est de fournir la dernière information importante au moment où l’internaute en a besoin. Un objectif ambitieux doté d’un recrutement pléthorique : une quinzaine de personnes, dont beaucoup en provenance du Monde.fr. L’idée est de mettre en avant les contenus de France Télévisions en essayant de s’adapter au mieux aux usages en cours sur le web. Le lancement du site sera d’ailleurs l’occasion de faire la preuve de cette ambition : le site sera d’abord disponible sur mobile, puis sur les réseaux sociaux, et sera mis en ligne dans un troisième temps.

Offre pléthorique

La position particulière de la France, qui dispose d’une offre d’information en ligne pléthorique, a également aiguisé l’appétit de la sculpturale milliardaire américaine Arianna Huffington. Celle qui a construit le succès de son “Huffington Post” outre-Atlantique s’apprête à lancer une version française de son site, vraisemblablement en partenariat avec Le Post.fr, propriété du Monde Interactif (dont Lagardère est actionnaire). L’équipe du Post en avait bien besoin : aujourd’hui réduite au strict minimum, son avenir semblait plutôt compromis. Sa rencontre avec Louis Dreyfus a dû être déterminante. Courtisée par plusieurs patrons de presse, comme Pierre Haski, celle qui a récemment cédé son média au groupe AOL s’était bien entourée pour préparer son débarquement dans l’Hexagone. Sa visite avait en effet été chapeauté par Alain Minc et Bernard-Henri Lévy. L’information selon laquelle Le Post pourrait servir de rampe de lancement au “HuffPo” en France a été sortie par la Correspondance de la Presse et aurait filtrée au cours du dernier conseil de surveillance du groupe.

Plus modestement, de nouveaux projets souhaitent se faire une place dans le monde des pure players. En témoigne le prochain lancement de Quoi.info, un site de questions/réponses animé par une équipe de sept à huit personnes chapeautés par Frédéric Allary, ancien directeur général des Inrockuptibles, et Serge Faubert. Inspiré du site américain Politifacts, le site se propose de rééquilibrer la relation entre lecteurs et journalistes. Faisant la part belle au “factchecking”, l’expérimentation commencera à la mi-octobre, pour bénéficier du regain d’intérêt pour l’information en période d’élection présidentielle.

Gageons que l’ensemble de ces projets élargira les perspectives de la métarédaction du web français, et permettra à ce qu’on qualifie encore parfois avec dédain de journalisme web de gagner ses lettres de noblesse.


Et pour ceux que le développement d’OWNI intéresse, vous pouvez vous reporter à l’édito de maître Dasquié.


Crédits Photos CC FlikR SrgBlog, Bies, Larskflem

Crédits Illustration Une: © paylessimages & © pixbox77 – Fotolia.com

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La sécurité, course à l’échalote présidentielle http://owni.fr/2011/08/31/martine-aubry-securite-echalote-presidentielle/ http://owni.fr/2011/08/31/martine-aubry-securite-echalote-presidentielle/#comments Wed, 31 Aug 2011 08:43:18 +0000 Guy Birenbaum http://owni.fr/?p=77543 Je ne suis pas certain…
(…)

En visite surprise à Marseille, Martine Aubry a donc déclaré :

Je serai la présidente de la sécurité pour tous les Français …

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Je vais vous dire la vérité, cette déclaration ne m’emballe pas.

Pas du tout.

Non pas que je ne crois pas Martine Aubry sincère et déterminée, comme en atteste son emploi du futur (« je serai »).

Non, ma réserve est personnelle.

J’en ai par dessus la tête – et le reste – qu’à chaque présidentielle les candidats me parlent d’abord de sécurité.

Oui, je sais, vous allez me dire que je ne connais pas l’insécurité, la précarité et tous ces trucs infâmes qui finissent pour la plupart en « té »

Ok ok, c’est vrai, je l’admets aisément, je suis un super privilégié (ça, ça finit en « ié »…)

Un running gag qui fait perdre la gauche depuis 1995

Il n’empêche…

Je pense que ce terrain – celui de la sécurité – est miné et que la stratégie, en forme de running gag, qui a consisté à courir devant ou derrière les ministres de l’Intérieur et les présidents de la République s’est avérée perdante depuis 1995 ; et tout particulièrement, bien sûr, en 2002 et en 2007.

Alors je sais que vous allez me répondre que la gauche doit se montrer crédible sur le sujet et que la politique menée par Nicolas Sarkozy n’a pas réussi.

Et que donc il faut le marteler pour convaincre les électeurs.

Je connais le refrain.

Il n’empêche que je pense qu’à chaque fois qu’un candidat de gauche « la ramène » sur le sujet, il ou elle se « ramasse ».

Comme si cet enjeu finissait toujours par retomber dans l’escarcelle du camp d’en face.

Presque na-tu-rel-le-ment.

Faites en ce que vous voulez…


Billet initialement mis en rayon dans l’épicerie de Guy Birenbaum sous le titre Sécurité : terrain miné !.

Photo FlickR PaternitéPas d'utilisation commerciale freefotouk ; PaternitéPas d'utilisation commerciale Toban Black.

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