OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le numérique favorise-t-il l’indiscipline ? http://owni.fr/2011/05/06/discipline-interieur-exigence-numerique/ http://owni.fr/2011/05/06/discipline-interieur-exigence-numerique/#comments Fri, 06 May 2011 10:39:31 +0000 Bruno Devauchelle http://owni.fr/?p=61235 Autorité et discipline (au sens réglementaire du terme) sont souvent associées à numérique dès lors qu’il s’agit de déplorer leur disparition. Les tenants du retour aux anciennes formes scolaires développent souvent ces discours et n’ont d’autres propositions à faire que le retour à un modèle ancien religieusement idéalisé, inspirées par l’image de la pénitence et de la confession qui ont tant marqué l’enfance des jeunes catholiques. Face au numérique et en particulier depuis l’interconnexion des machines, chacun a pu explorer cet « espace de soi » ainsi ouvert par la confrontation personnelle et solitaire à l’écran.

« Chaque être humain dispose d’un réservoir de faiblesses »

À observer chaque jour les petites incivilités ordinaires des adultes, dans de nombreux espaces publics, il n’est pas possible d’ignorer que ces comportements existent aussi dans ces « espaces de soi », dans cette intimité numérique. Car à l’extimité numérique qui étonne les adultes, il faut renvoyer son correspondant pour se rendre compte que la dénonciation si forte de la perte d’autorité et la disparition de la discipline est un problème d’adultes d’abord, et en particulier dans l’espace intime.

L’écart souvent constaté entre les discours sur et le faire réel en matière d’usage des médias et d’Internet confirme cela (on peut aussi le constater sur les routes chaque jour). Chaque être humain dispose d’un réservoir de faiblesses qui peut se vider à tout instant. La principale différence entre l’adulte et le jeune est que le premier a appris à les cantonner le plus souvent à l’intérieur, alors que les jeunes n’ont pas encore appris à les cacher. Rappelons-nous notre jeunesse et nos critiques au monde adulte. Écoutons aujourd’hui les critiques que nous adressent les jeunes.

Pas de discipline extérieure sans discipline intérieure

Cet apprentissage de l’intériorisation des règles (cf. la construction du « sur-moi » de la psychanalyse) lors de l’enfance ne signifie pas pour autant qu’il n’y aura pas de transgression, et le monde adulte en témoigne quotidiennement. Quand nous écoutons les discours du retour à la discipline et à l’autorité, de l’enseignant en particulier,  on ne peut s’empêcher de se demander si cette autorité extérieure ne doit pas être précédée d’une autre construction, celle de la discipline intérieure.

Par exemple, l’idée selon laquelle Internet est source de copiage, de plagiat oublie l’histoire du plagiat. C’est surtout parce qu’il existe des outils formidablement puissants de comparaison de texte que le plagiat, la copie sont plus facile à identifier (et à réaliser). Prenez le cas des copies de mélodies musicales, il est désormais de plus en plus facile de les déceler à l’aide des outils numériques. Ces faits ne changent rien au problème, mais les restituent dans un contexte éducatif nouveau. Or ce contexte éducatif nouveau c’est l’éducation indispensable à la « discipline intérieure » comme complément permanent à la discipline de l’extérieur. L’élève qui copie son devoir sur Internet s’astreint à une activité qui révèle la nature de sa discipline intérieure mais à mettre en relation avec celle de l’extérieur. Autrement dit s’il choisit cette modalité, c’est que les codes externes l’invitent à le faire et qu’il n’éprouve aucune culpabilité parce qu’il pense (sait?) que cette discipline de l’extérieur n’est qu’une apparence.

La notion d’exemplarité suppose que la discipline intérieure s’exprime à l’extérieur. Il est d’ailleurs assez intéressant de noter que cet intérieur a un effet quasi naturel sur l’extérieur, alors que l’inverse est loin d’être vrai (cf. plus haut). L’autorité dite naturelle s’appuierait donc sur la discipline intérieure. Pourtant c’est souvent l’inverse qui est évoqué : une discipline extérieure génèrerait a priori une discipline intérieure (ce que pensent a priori nombre de personnes de tous niveaux qui veulent qu’on édicte des lois dès qu’un problème se pose). L’expérience montre qu’il n’en est rien et qu’au contraire cela provoque à long terme des révoltes, des rejets…

Internet et la confrontation à soi-même

Le numérique, pour ce qu’il renvoie à l’intimité, à la relation individuelle de soi à l’écran et ce qui y transparait, est une opportunité pour s’intéresser à cette discipline. L’ascèse monacale fait parfois sourire ceux qui en ignorent le sens profond, parce qu’elle met un écart très important avec le quotidien de la vie en société. Or l’exigence du numérique c’est le plus souvent en premier une confrontation à soi davantage qu’une confrontation à l’autre, malgré le web 2.0.

Quand, pour la première fois un adulte se confronte à ces machines, c’est d’abord à lui même qu’il est renvoyé (une ancienne émission de la série Strip Tease en témoigne). Il est d’ailleurs assez étonnant de voir la difficulté qu’ont certains adultes (et les enseignants ne sont pas épargnés) à s’astreindre à l’ascèse de la répétition pour accéder à un niveau d’habileté et d’aisance nécessaire à un usage courant. Parce que pour dépasser les premières manipulations simples, il faut « travailler, faire des efforts »… On peut illustrer cette difficulté à propos de la recherche d’information sur Internet et des pratiques adultes (autant voire moins que celles des jeunes) qui sont souvent en difficulté dans ce domaine, rares sont ceux qui ont construit de véritables dispositifs numériques informationnels personnels. Du coup face à ces difficultés, le terme superficialité vient servir de mise à l’écart et donc de disqualification.

Internet, superficiel ?

Le sentiment de superficialité qui serait celle de l’Internet a de tout temps été évoqué à propos de la jeunesse d’une part, à propos de toutes les technologies de l’information (depuis la création des premiers écrits papiers). Ce sentiment de superficialité traduit aussi une perception de la jeunesse par le monde adulte qui peut s’expliquer par l’ignorance de l’expérience personnelle, de l’histoire personnelle. L’accumulation de l’expérience de vie donne le sentiment de prise de distance de plus en plus grand et donc l’impression de maîtriser son environnement, mais fait aussi oublier les étapes qui y mènent. Le jeune qui découvre le monde commence par essayer de le dévorer : sa soif de vie se traduit souvent par une sorte de papillonnage que l’adulte nomme superficialité. Mais c’est de cette superficialité qui va partiellement s’estomper avec l’entrée dans l’âge adulte, ou plutôt dans les âges de l’expérience, que va se développer ce travail vers l’intimation progressive.

Quand on analyse les résultats des enquêtes sur les jeunes face au risque numérique, on s’aperçoit que pour la très grande majorité d’entre eux ils ont acquis une discipline intérieure qui s’est construite de manière dialectique en particulier avec les pairs. On est étonné de constater que les dérapages de certains sont le fait de jeunes à profil non repérés antérieurement (exemples des diffamations sur blog d’élèves par exemple). En fait dans le cadre scolaire la contrainte de la forme scolaire tient le comportement des élèves (hormis dans certains cas comme en témoignent les graffitis sur les tables ou dans les recoins de l’établissement), la discipline extérieure tient lieu de discipline intérieure. À la maison il en est tout autrement si le cadre éducatif ne permet pas ces repérages (cf. quelques affaires récentes concernant la diffamation d’enseignants sur Facebook et leurs suites dans la presse quotidienne régionale).

Un conflit générationnel

Nous sommes donc confrontés actuellement à un conflit générationnel qui, s’il n’est pas nouveau, prend une forme nouvelle. Les TIC apportent un potentiel nouveau de ferment de conflit. Les adultes sont bien plus prompts que les jeunes à aller dans ces conflits, les précédents même alors que les pratiques ne sont pas stabilisées. C’est ce que l’on a observé avec les quinze premières années d’Internet. Or nous sommes en train de passer à une phase de stabilisation, qui est issue de ce que l’on appelle l’intelligence collective. L’appropriation des environnements numériques ont permis l’apparition d’usages attendus et inattendus, mais il a aussi permis la construction de nouvelles sociabilités, la progressive élaboration de nouvelles disciplines intérieures qui s’affrontent encore en ce moment aux disciplines extérieures indiquent que nous allons vers un rapprochement, mais il faut du temps, et pas seulement des lois hadopi, loppsi ou autres… souvent simples témoins de cette croyance que la discipline extérieure est la seule à pouvoir générer la discipline intérieur; c’est oublier la force constructrice des usages et de l’expérience.

A débattre


Article initialement publié sur le blog de Bruno Devauchelle Veille et Analyse TICE

Photos flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification crypto ; PaternitéPas d'utilisation commerciale selva ; PaternitéPas d'utilisation commerciale Darwin Bell

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Du statut Facebook au statut de chômeur http://owni.fr/2010/06/18/du-statut-facebook-au-statut-de-chomeur/ http://owni.fr/2010/06/18/du-statut-facebook-au-statut-de-chomeur/#comments Fri, 18 Jun 2010 16:44:16 +0000 Catnatt http://owni.fr/?p=19324 En mai 2010, comparaissaient la direction d’Alten et deux ex-employés devant les Prud’hommes. Motif ? Ces deux derniers avaient critiqué l’entreprise sur leur page Facebook personnelle et un « ami » (c’est là que le choix de ce mot sur Facebook prend tout son sens, n’est-ce pas ?) les avait dénoncés, non que dis-je, avait répété leurs propos…

Je conviens que c’était assez idiot de leur part. Leur spontanéité les a perdus et ils se sont fait avoir, comme à peu près tout le monde, à savoir mélanger allègrement les vrais amis, les collègues de travail, les potes de maternelle, maman, l’amicale des joggeurs, et j’en passe.

Il faudrait inventer un terme intermédiaire entre sphère privée et sphère publique.

Car un profil Facebook est pile-poil entre les deux. En effet, cet échange privé sur une plateforme publique est exactement la même chose qu’une conversation lors d’un dîner -sauf que c’est de l’écrit et que cela s’imprime sur Internet. Notons qu’un profil Facebook étant en général un peu privatisé, cela peut rarement se fondre dans le référencement d’une boîte. Alors quoi ? Privé ? Public ? En regardant la liste des synonymes de ces deux mots, je retiens d’une part ‘personnel’, et de  l’autre ‘communautaire’. Antinomique, n’est-ce pas ?

Finalement ce ne sera aucun des deux.

Lacan et l’extimité

Lacan, 1969 : l’extimité, notion qui a été ressortie du placard pour analyser la téléréalité, mais qui s’applique impeccablement au réseau social.

Explication : l’extimité, c’est une zone, aux frontières floues entre la vie privée et la vie publique. Serge Tisseron, dans son bouquin « L’intimité Sur-exposée’ l’explique très bien : 

Je propose d’appeler « extimité » le mouvement qui pousse chacun à mettre en avant une partie de sa vie intime, autant physique que psychique.
Ce mouvement est longtemps passé inaperçu bien qu’il soit essentiel à l’être humain. Il consiste dans le désir de communiquer sur son monde intérieur. Mais ce mouvement serait incompréhensible s’il ne s’agissait que « d’exprimer ». Si les gens veulent extérioriser certains éléments de leur vie, c’est pour mieux se les approprier en les intériorisant sur un autre mode grâce aux échanges qu’ils suscitent avec leurs proches.»

L’extimité est en plein essor, les réseaux sociaux en sont la preuve et il va falloir faire avec. Il va falloir inventer. Le monde change, ce n’est pas sale… Dirigeants et employés vont devoir négocier. Je comprends la réaction spontanée de l’entreprise. La mécanique irrespect-sanction a la dent dure. Mais je crains que ça ne soit une erreur à long terme. Et de toute manière, très concrètement, le conseil des Prud’hommes n’a pas su, à ce jour, trancher. Pourquoi ? Précisément à cause de cet entre-deux, ce gouffre à extimité qui s’est créé avec le web. Cela suppose une certaine retenue de la part de l’employé. Et une certaine gestion de ressources humaines de la part de l’entreprise.

Quand j’ai jeté un coup d’œil au référencement d’Alten en pleine tempête, tout était trusté par les actualités. Exemples :  Licenciés pour avoir critiqué leur direction sur Facebook ! , ou Facebook. Licenciés pour avoir critiqué leurs chefs.

Regardons le référencement actuel d’Alten sur Google. Je remarque qu’ils ont bien travaillé et que pas mal de choses ont disparu au profit d’informations générales sur l’entreprise elle-même. De bonne guerre. Mais quid des salariés ?

Une condamnation injuste…

De mon point de vue, je ne vois pas pourquoi les employés seraient condamnés. Finalement, ils n’ont fait qu’assumer leurs propos au lieu de les laisser anonymement. A mon sens, que la justice ait ouvert une brèche est inquiétant. Elle aurait du débouter purement et simplement Alten de sa requête qui est, par définition et à mon sens, irrecevable. Il n’y a pas diffamation. Il y a constat, ou du moins des impressions personnelles, d’une part. D’autre part, l’adresse e-mail paramétrée pour les comptes Facebook incriminés sont des adresses mails personnelles. Ca s’arrête là.

De plus, Alten devrait considérer les choses autrement. Les entreprises aussi.

Au lieu de considérer les espaces communautaires comme un ennemi dangereux face au travail du service communication, pourquoi ne pas s’en servir ? Oui… je sais… Du long terme, pas de l’impact immédiat. D’un, contrecarrer n’est pas compliqué. De deux, cela permet une vision objective du bien le plus précieux (Et oui…) d’une boîte : les humains. (Ne riez pas, au fond, les adeptes du dégraissage, je vous vois).

Pourquoi ? Parce qu’une entreprise sclérosée par une gestion humaine catastrophique, ça nous donne France Telecom. C’est pas la boîte-à-coucou, c’est la boîte à suicides. Et FT va traîner ça longtemps. C’est devenu une blague. Un running gag. Il y aura d’autres dérapages entre employés et entreprises. Ce n’est que le début. D’autres cas vont arriver parce qu’il est impossible de faire sans l’espace communautaire aujourd’hui. Condamner les ex salariés d’Alten revient à tenter de combattre le piratage avec Hadopi. Un sparadrap sur  une plaie béante. Une espèce de trip moyen-âgeux seigneur/serfs. Une illusion.

…et contre-productive

Il ne sert à rien de se battre contre ça, il faut juste regarder les choses autrement. Qu’est-ce qui aurait été malin dans le cas d’Alten ? Convoquer évidemment ces salariés. Les écouter. Ou faire semblant. Deux, trois phrases bien tournées. Il est évident que ça aurait probablement fait le tour de la boîte et dissuadé les prochains de balancer des propos sur leur Facebook. Alten y aurait gagné en image. Pas de sanction. De l’empathie. Eventuellement, se débarrasser en douceur dans l’année des trois lascars. Ou mieux, l’employé culpabilisé devant tant de compréhension, aurait probablement été extrêmement rentable pendant un certain temps.

Au lieu de ça ? Des journaux, des articles sur Internet, Alten devient le symbole de l’entreprise violente, celle à abattre, celle dans laquelle on n’a aucune envie d’aller travailler. Brillant calcul. Tous les postulants regardent aujourd’hui le référencement des entreprises sur Internet. Bravo ! Alten s’est senti menacé dans son pouvoir et a préféré poser une bombe. Une future jurisprudence à son nom éventuellement.

Vers de nouveaux droits ?

Au droit de grève s’ajoute celui de s’exprimer dans un espace dont, si on connaît le début, on ne connaît pas la fin. Comme un chewing-gum collé à ses baskets.  Désagréable, n’est-ce pas ?

Le capitalisme est devenu une forme de terrorisme. A force, pendant des années, de disséquer le comportement humain, il a affuté ses armes, il est devenu redoutablement efficace, il nous fait croire que de la merde, c’est de l’or. Il se roule dans sa toute-puissance, il n’y a que lui comme solution, il est devenu Dieu. Alten a viré ses employés parce qu’elle se tape complètement de l’impact. Parce qu’avec son turn-over, ses arnaques (selon les propos tenus par les employés sur « note ton entreprise »), son management, elle s’est crue la plus forte. Pas tout à fait au-delà de la loi. Juste à côté. Capitaliste jusqu’au bout des ongles. Mais fait comme ces champions de l’offre et de la demande, du libre-échange. Elle court appeler Papa à l’aide quand ça ne va pas. L’Etat.

Elle appelle à l’aide parce que toute cette force d’inertie qu’elle avait su générer chez ses consommateurs, employés, nous les humains, a trouvé un espace de grogne. Un espace d’expression. Où tout va très vite. Elle ne respecte pas ses propres règles, ses dix commandements, ses tables de la loi, le saint principe : la liberté. Elle ne supporte pas une certaine forme de concurrence, finalement. Celle concernant la communication. Un lieu où l’extimité s’épanouit. Comme un défouloir, face aux méthodes de management, pondues par des crétins sur-diplômés au nom de la sacro sainte rentabilité immédiate.

Condamner les ex-employés, donner raison à Alten, c’est implicitement claquer une porte de sortie, fermer une soupape aux nez des gens. Dans une société hyper lissée, où tout le monde essaye de contrôler tout le monde et surtout soi, l’extimité, c’est devenu comme un moyen de respirer à nouveau. Presque une survie. Ce ne serait que justice face à des entreprises, ces championnes de la communication faux-cul, aux services de gestion de ressources bovines (on va pas se leurrer), qui osent nous sortir à présent que la crise est une bonne chose. Ils nous matraquent à longueur de journée. Qu’ils subissent un autre genre de matracage. La parole spontanée diffusée comme une traînée de poudre dans un lieu incontrôlable. Nous serons quittes.

Remerciements à Ulrich Stakov et Mr Olivier Ravard…

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Billet originellement publié sur iZine.

Crédits Photo CC Flickr : Bitzcelt, Bright, Pshab.

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A propos de l’extimité http://owni.fr/2010/01/08/a-propos-de-l%e2%80%99extimite/ http://owni.fr/2010/01/08/a-propos-de-l%e2%80%99extimite/#comments Fri, 08 Jan 2010 07:41:34 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=6796 En 2001, la France découvre Loft Story. On y voit crument exposé sous la forme d’un jeu des mécanismes d’exclusion et de surveillance généralisée . Les candidats du loft sont exclus les uns après les autres par des votes des lofteurs et du public et leur quotidien est filmé 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Première émission de télé réalité diffusée en France, Loft Story suscite un grand nombre de commentaires et de critiques : beaucoup y voient le signe d’une  dégradation du lien social.

C’est dans ce contexte que Serge Tisseron publie L’intimité surexposée. Il y reprend de Jacques Lacan le terme d’extimité pour rendre compte de l’expérience vécue des lofteurs : il s’agit moins d’exhibitionnisme que d’une dynamique psychique particulière.

L’extimité n’est pas l’exhibitionnisme. Un exhibitionnisme montre une partie de lui à un public qui généralement ne veut rien en voir. Il est pris dans un scénario fantasmatique très contraignant, et le plaisir ne peut être obtenu que si les choses se passent exactement comme prévues dans le scénario. Etre reconnu n’entre pas en ligne de compte, et souvent l’exhibitionniste préférera ne pas l’être.

L’extimité est “le mouvement qui pousse chacun à mettre en avant une partie de sa vie intime, autant physique que psychique” (S. Tisseron). Il s’agit d’un mouvement de balancier par lequel nous identifions tantôt l’autre à notre personne tantôt notre personne à l’autre. Dans le premier moment, ce que l’autre a de différent est peu à peu atténué jusqu’au dénominateur commun. Les différences sont effacées jusqu’a ce que ne subsistent plus que le dénominateur commun. Le mécanisme me semble être le même que celui de l’identification hystérique qui se base sur un désir commun. Dans second moment, la personne s’identifie à l’autre. Le mouvement est centrifuge et non plus centripète. Ce qui est important, c’est la différence entre le soi et l’autre, différence que le mouvement d’identification va tenter de combler

L’extimité n’est pas donc une simple mise “hors soi”. Ce n’est pas une simple expression. C’est une expression en attente de l’autre et qui ne trouve son plein sens que dans le poinçon que lui donne l’autre. Est extime ce qui est aux marches du Self. L’extime, ce sont ces comptoirs lointains dans lesquels nous faisons commerce avec ce qui est à nos frontières; L’extime c’est ce qui est à l’horizon de moi-même. ce qui de moi même est in extremis. Il faut entendre ici extrême comme ce qui est démesuré, monstrueux au sens de cette chose qui se montre (monstrare) et qui nous averti (monstrum). C’est aussi ce qui est à l’extrémité de moi même, et que je ne peux presque plus re-tenir. . Mais c’est aussi ce qui vient à moi et que j’attrape au dernier moment.

» Article initialement publié sur Psy et Geek

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