OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Paris en ligne: le troisième âge d’Amaury ? http://owni.fr/2010/04/08/paris-en-ligne-le-troisieme-age-damaury/ http://owni.fr/2010/04/08/paris-en-ligne-le-troisieme-age-damaury/#comments Thu, 08 Apr 2010 16:28:56 +0000 Vincent Truffy http://owni.fr/?p=11848 41817433_abf3630c2b

Photo CC Flickr hada55

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Les jeux en ligne constitueront une source de revenus supplémentaire espère le groupe qui édite L’Équipe  et Le Parisien, en plus de l’activité historique presse  et de l’organisation de compétitions sportives.

Les députés ont adopté, mardi 6 avril, le projet de loi ouvrant à la concurrence le marché des jeux en ligne. L’opposition parlementaire a beau dénoncer la pression des lobbys, multiplier les amendements, l’enjeu est trop gros pour que le gouvernement laisse passer Roland-Garros (18 mai-6 juin), la Coupe du Monde de football (11 juin-11 juillet) et le Tour de France (3 au 25 juillet).

En 2008, Roland-Garros a généré plus de 400 millions d’euros de paris clandestins, on attend 2 à 3 milliards d’euros de mise pour la Coupe du Monde. Et une cinquantaines de licences devraient être délivrées par la future Autorité de régulation des jeux en ligne.

Parmi ceux-ci, les sites de presse sont nombreux à postuler, espérant compléter par ce moyen leur modèle économique qui bascule progressivement vers le payant :

  • LeMonde.fr a étoffé sa rubrique sportive et lancé une lettre quotidienne spécialisée en expliquant sans détour que « cela (leur) permettra de mettre en place des paris en ligne quand ils seront autorisés » (dixit le patron du site, Philippe Jeannet). À plusieurs reprises, déjà, le site a renvoyé vers SportingBet, qui propose des paris en ligne alors que la Française des Jeux est encore dépositaire du monopole en France.
  • Cinquante journaux régionaux ont lancé un appel d’offres remporté par Betclic, société détenue par Stéphane Courbit. Ils espèrent ainsi « rentabiliser » leur maillage local et leur expertise auprès d’un public potentiel de 17,6 millions de lecteurs.
  • Le Figaro a profité des régionales pour se placer sur le marché des paris en ligne avec Prédipol, un jeu de pronostics des résultats électoraux aux élections régionales et explique aujourd’hui que « malgré un ratage sur le MoDem, les prévisions de Prédipol ont été plus souvent plus proches des résultats du premier tour que les mesures d’intentions de vote des instituts de sondages. Seul Prédipol a anticipé la “surprenante” performance du Front national ». Or en février, Etienne Mougeotte, le directeur des rédactions du Figaro, expliquait qu’en cas de « succès » de ces paris aux régionales, « on lancera Predipol de façon plus forte pour les élections présidentielles. »
  • TF1 s’est associé avec la Française des Jeux pour devenir opérateur de jeux et possède également, en lien avec sa chaîne Eurosport, Eurosport Bet.
  • Et le groupe Amaury (Le Parisien, Aujourd’hui en France, L’Equipe, France Football, L’Équipe TV et autres) s’est allié avec Bwin (dont Bernard Arnault, LVMH, est actionnaire) pour  lancer le site de poker et de paris sportifs Sajoo.  Il discute également avec Zeturf pour les paris hippiques en liaison avec les pronostics du Parisien.

La rentabilité visée d’ici trois ans

À bien des égards, l’exemple d’Amaury est exemplaire du renversement progressif de l’économie de la presse. Le groupe vient de déposer deux demandes de licences d’opérateurs de jeux en ligne et dit viser la rentabilité de cette activité en trois ans. Sajoo.fr (détenu à 55% par Amaury) deviendrait alors le troisième « pied » du groupe à coté de l’activité historique presse et de l’organisation d’événements sportifs.

Depuis longtemps déjà, les journaux organisent des compétitions sportives. C’est une façon pour eux de « créer » l’actualité quand celle-ci fait défaut et de vendre du papier. Le prédécesseur de L’Équipe, L’Auto-Le Vélo a ainsi fabriqué de toutes pièces le Tour de France en 1903, en plein été, à un moment où les journaux sont vides. Fin 1954, c’est encore L’Équipe qui invente la Coupe d’Europe des clubs champions (la future Ligue des Champions) par une série d’articles de Gabriel Hanot et Jacques de Ryswick, avec en point d’orgue, le règlement écrit directement par le directeur de France-Football, Jacques Ferran. Amaury élaborera aussi le Paris-Dakar en 1978 (pour animer la période de Noël, désespérément vide en matchs français), la Coupe du monde de ski alpin (parce qu’une édition des jeux Olympiques d’hiver tous les quatre ans ne suffit pas à maintenir l’intérêt pour le ski),…

Et quand Amaury ne crée pas les compétitions, il invente les trophées qui comptent comme le Ballon d’Or (dont le nom complet est « Ballon d’Or France-Football ») qui distingue tout simplement le meilleur joueur du monde (longtemps limité cependant aux championnats européens).

Pourtant, au tournant des années 1960-1970, lorsque L’Équipe entre dans le groupe Amaury, c’est toujours le sport qui est au service de la vente des journaux. Le Tour de France se contente de dégager un petit bénéfice et surtout beaucoup de diffusion pour les journaux. Tout va changer lorsque Jean-Claude Killy, au sortir des jeux Olympiques d’hiver à Albertville, en 1992, va transformer l’antique Société du Tour de France en une entreprise d’organisation de spectacles sportifs fortement mis en scène, Amaury Sport Organisation.

Juteux partenariats sur le Tour de France

C’est l’époque où les sponsors commencent à rivaliser sérieusement pour bénéficier de la publicité gratuite de trois semaines qu’offre un partenariat sur le maillot jaune (Le Crédit lyonnais le sponsorise depuis 1987), vert (pour le meilleur sprinteur, payé par la Française des Jeux ), à pois (pour le meilleur grimpeur, aujourd’hui dévolu au groupe Carrefour). C’est aussi le moment où explosent les droits de retransmission par la télévision.

D’un coup, alors, c’est l’événement qui fait vivre le groupe et plus le récit qui en est fait par la presse.

Dans le même temps, la presse connaît un engouement pour le journalisme d’investigation, qui ne s’intéresse donc plus à mythifier le sport, mais à en débusquer notamment les tricheries. A partir de 1988 et de la déchéance du héros dopé, Ben Johnson, tous les champions deviennent suspects et les scandales éclatent l’un après l’autre. La presse parasite le spectacle, il menace sa pérennité, il ouvre la voie au doute.

Lance Armstrong, vainqueur multiple du Tour à partir de 1999, va symboliser un tournant américain d’ASO. Alors que le public européen boude, le nouveau champion concrétise le rêve que Greg LeMond n’avait pu réaliser tout à fait. Les droits télé se déplacent de l’autre côté de l’Atlantique, la publicité et les sponsors aussi. Fini les frères Ripolin, voici Nike et Coca-Cola brothers.

Les paris sportifs inaugurent une troisième époque pour Amaury. Le groupe organise l’événement (ASO), le raconte (L’Equipe, Le Parisien) et en tire les bénéfices (Sajoo) dans une stratégie cohérente : des événements populaires (du football, du vélo et même le rallye Paris-Dakar où se précipitèrent un temps Johnny Hallyday, Michel Sardou, Caroline de Monaco…), une presse populaire, un vice populaire : le jeu d’argent.

Seule compte la déclinaison de la marque

Plus besoin dès lors d’une presse qui critique le spectacle au risque de le décrédibiliser, ni des investissements qui vont avec : seule compte la déclinaison de la marque. De bonne source (Amaury ne dépose pas ses comptes au tribunal de commerce et préfère chaque année payer l’amende), le résultat d’exploitation d’ASO (40 millions d’euros l’an passé) correspond à peu près à celui du groupe Amaury. Autrement dit, l’activité  presse ne rapporte pas réellement d’argent (l’année 2010 devrait néanmoins être plus faste pour L’Équipe avec la Coupe du Monde de football) et l’organisation d’événement est seule bénéficiaire.

La tentation, dès lors, pourrait être de transformer les titres du groupe en prescripteurs de paris, pronostiqueurs comme le fait déjà Le Parisien pour le PMU et, par nature, L’Équipe qui alimente ainsi les discussions de supporters, avant, peut-être, les appétits des parieurs. L’attention devrait, en effet, rapidement se focaliser sur le retour sur investissement que chaque opérateur peut garantir au parieur. A cet égard, les opérateurs offshore resteront probablement plus compétitifs. Les groupes de presse ne pourront miser que sur la peur du gendarme et sur l’offre de service, c’est-à-dire l’expertise « journalistique » pour déterminer la cote.

Billet publié initialement sur Le blog de Vincent Truffy

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Presse en ligne : les têtes passent au payant http://owni.fr/2010/03/04/presse-en-ligne-les-tetes-passent-au-payant/ http://owni.fr/2010/03/04/presse-en-ligne-les-tetes-passent-au-payant/#comments Thu, 04 Mar 2010 10:17:27 +0000 Vincent Truffy http://owni.fr/?p=9394 paywall

Trois petits cailloux sur le chemin du modèle économique de la presse en ligne. Jeudi dernier, dans un entretien au Point, c’est Marie-Odile Amaury, patronne du groupe du même nom et donc du Parisien, d’Aujourd’hui, de L’Équipe, de France Football, etc. :

« Comment prendre le virage numérique ?

Le potentiel existe, puisque les marques de presse sont les plus consultées après les moteurs de recherche. Il faudra bien qu’un jour le public paie, comme il paie le SMS dans un abonnement.

Aux États-Unis, Murdoch a amorcé le tournant vers le Web payant. Pourquoi ne prenez-vous pas le leadership de ce mouvement en France ?

(Rire) Je n’ai pas les épaules d’un Murdoch ni sa surface financière. »

Rien de très étonnant jusque-là : le site du Parisien est partiellement payant (seuls les articles d’ouverture de rubrique et de cahiers départementaux sont accessibles gratuitement) et si celui de L’Équipe est en accès libre, rien de ce qui est dans le journal ne se retrouve sur le site.

Puis c’est Benoît Raphaël, rédacteur en chef du site Le Post (groupe Le Monde avec une participation minoritaire de Lagardère) qui, annonçant son départ, écrit : « Avant tout, j’ai envie de contribuer à trouver des solutions pour monétiser le journalisme digital. Les pistes sont là, encore vacillantes. La publicité, le tout-gratuit, ne suffira pas. Sans financement, pas de journalisme. »

Un air familier ? Oui, ici, à Mediapart. Mais plus d’une fois on l’avait entendu dire précisément le contraire. Il y a un peu plus de six mois, par exemple : « Le premier problème du modèle payant est bien sûr de faire revenir en arrière toute une audience habituée à consommer, depuis quinze ans, des informations gratuitement et de ne pas tenir compte des nouveaux usages dans la manière de s’informer. »

Et sur Rue89, Françoise Benhamou, professeur d’économie, spécialisée dans celle de la culture et des médias : « La gratuité ? On l’a essayée et on l’a aimée. Comme on y prenait goût, on s’est imaginé qu’elle pourrait se généraliser, la manne publicitaire couvrant le manque à gagner occasionné. (…) Mais le monde enchanté de la presse gratuite a pris l’eau. Le magnat australien Rupert Murdoch l’a dit clairement : le gratuit, c’est fini. Ça ne marche pas. »

On l’a aussi lu moins catégorique, mais on peut lui faire crédit de n’avoir pas varié dans l’énoncé de sa solution, l’abonnement au bouquet : un peu d’Arrêt sur Images, un soupçon de Terra Eco, une cuillerée de Mediapart, du Rue89 dans les coins, saupoudré de Bakchich. Ou des combinaisons thématiques.

Si l’on ajoute à tout cela qu’El Mundo lance à la fin de la semaine Orbyt, une ambitieuse offre à 14,99 euros par mois, que Le Figaro et Libération ont créé récemment leur zone payante et que Le Monde a renforcé la sienne, on voit le parfait cul-par-dessus-tête réalisé par les sites d’information en deux ans, depuis le temps où la « gratuité » était l’évidence.

La petite musique est venue des États-Unis, il y a juste un an, avec Rupert Murdoch qui voulait généraliser l’accès payant aux sites de ses journaux. En juillet, avec le rédacteur en chef du Financial Times, Lionel Barber, annonçant qu’avant un an (donc dans quatre mois désormais), la plupart des sites d’information seraient payants. Et au début de l’année 2010, l’étalon, le New York Times qui dévoile les modalités pour amener ses lecteurs réguliers à s’abonner pour la consultation de son site dès janvier 2011.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Arthur Sulzberger Jr., propriétaire du New York Times : « Le papier restera une part importante de notre stratégie à long terme, même si les jeunes lecteurs habitués à lire les articles sur support numérique prennent une place plus importante. Mais si nous ne faisons pas payer pour notre contenu sur Internet et sur mobile, c’est la qualité de ces publications qui en pâtira. »

Elle débarque aujourd’hui en France, et c’est une bonne nouvelle pour la presse en ligne, car on peut difficilement avoir raison seul. C’est précisément ce qu’explique un article du magazine Forbes qui rappelle qu’en leur temps, les compagnies aériennes se sont mises à faire payer des services qui étaient jusque-là offerts, comme l’enregistrement des bagages.

En 2008, le prix du kérosène atteignait des plafonds et la rentabilité des vols baissaient d’autant. Impossible d’augmenter les tarifs des vols dans un environnement à forte concurrence. En mai 2008, American Airlines commença à imiter ce qu’une petite compagnie charter, Spirit Airlines, avait expérimenté près d’un an plus tôt : facturer l’enregistrement du premier sac. Avant la fin de l’été, cinq des sept grandes compagnies aériennes les avaient imitées.

Conclusion de Forbes : tout est une question de synchronisation. Personne ne veut être le premier à bouger. Mais une fois le pas franchi, les réticences tombent vite. Et de comparer cette situation avec celle de la presse en ligne : tant qu’il n’y avait que le Wall Street Journal, celui-ci était l’exception qui confirmait la règle du tout-gratuit. Après le mouvement du New York Times, les sites de presse ne tarderont pas à suivre le mouvement, et à déjouer les pronostics funestes de ceux qui lui promettent que ses lecteurs se détourneront massivement vers d’autres sources d’information.

Billet initialement publié sur le blog de Vincent Truffy

Photo …Tim sur Flickr

À lire sur le même thème, mais avec un point de vue différent, « Personne ne pense un seul instant qu’il devrait payer pour son journal » chez Mediatrend.

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