OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Pékin en guerre contre ses hacktivistes http://owni.fr/2012/05/14/pekin-en-guerre-contre-ses-hacktivistes/ http://owni.fr/2012/05/14/pekin-en-guerre-contre-ses-hacktivistes/#comments Mon, 14 May 2012 15:40:39 +0000 Florian Cornu http://owni.fr/?p=109721

L'Art de la guerre de Sun Tzu vu par La Demeure du Chaos (CC-by) Abode of Chaos

L’Empire du milieu, qui n’est pas le dernier dans le palmarès des records en tout genre, peut se targuer d’avoir bâtit par le biais du Great Fire Wall (pare feu par lequel transitent toutes les recherches des internautes chinois), un instrument de censure du web qui malgré ses failles, fait des prisonniers politiques, et des morts…Ces derniers mois, les mesures du parti à l’encontre du web se sont multipliées témoignant d’une propension incontestable du régime à juguler les dissidences, surtout celles qui s’organisent.

Massives

Hackers décapités

Hackers décapités

Le FBI a procédé à une vague d'arrestations de hackers proches des Anonymous. Des arrestations rendues possibles grâce au ...

En Chine, aucun mouvement de hackers organisé n’avait jusqu’à présent répondu à cette censure étatique par des actions visibles et massives. Dans un contexte politique mouvementé depuis la chute du cadre Bo Xilai et la forte médiatisation de l’affaire Chen Guancheng, les autorités chinoises se seraient bien passé d’un énième aveu de faiblesse à dompter les dissidences sur internet.

La première action du tout nouveau groupe Anonymous China remonte à début mars, après l’arrestation de membres présumés du collectif de hackers connus sous le noms de Lulzsec (avec lequel des Anonymous chinois collaboraient). Mais c’est véritablement le 5 avril, un mois après après cette riposte qu’Anonymous China a fait parler de lui. Il a piraté plus de 300 sites liés au gouvernement ainsi que de nombreux sites commerciaux et d’affaire.

Dans leur message adressé au peuple chinois sur ces pages, les hackers l’encourage à se soulever pour faire tomber le régime et à utiliser des VPN (réseaux privés virtuels) pour contourner la censure opérée en amont par le Great Fire Wall. Au lendemain de l’attaque, la plupart des sites avaient retrouvé un fonctionnement normal et la vidéo ci dessous, en Français, était postée sur la plateforme « Rézocitoyen ».

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Dans un communiqué envoyé à l’Agence france presse le jour d’après, des membres se réclamant d’Anonymous China, avaient promis de continuer les actions et de les intensifier. Depuis cette attaque de masse, diverses opérations isolées et peu médiatisées ont ainsi eu lieu. Le 27 Avril Anonymous analytics publiait ainsi un rapport de 44 pages impliquant l’entreprise multinationale productrice de tabac “Huabao” pour des activités de dumping et de détournement d’argent ayant participé à faire de son fondateur Chu Lam Yiu, un milliardaire.

Plus récemment, le 8 Mai, c’est le site de l’université de Hangzhou qui était visée et les comptes utilisateurs des administrateurs révélés. D’après une annonce de l’agence Reuters, la plupart des membres opérant dans le collectif Anonymous China ne vivent pas sur le territoire. Si l’on peut exprimer des doute quant à cette annonce, les gérants du compte twitter, eux, sont probablement à l’étranger.

La page d’accueil que l'on retrouvait sur tous les sites piratés, en anglais ou en chinois

Par ailleurs, le congrès du parti communiste Chinois qui a lieu tous les cinq ans et qui renouvelle ses membres en octobre. Le pouvoir central et les hauts cadres du parti sont donc particulièrement enclins à tout faire pour qu’aucun trouble pouvant remettre en cause leur gestion du pays ne survienne.
Depuis le dernier plénum du parti qui s’est tenu fin 2011, le renforcement des mesures de lutte contre la dissidence sur le web n’a ainsi cessé de s’accroitre au moindre prétexte. La dernière opération de répression en date, appelée « bise de printemps » témoigne d’ailleurs de la prise de conscience du pouvoir central quant au rôle clé des réseaux sociaux dans l’organisation du mécontentement. Le gouvernement n’a semble t-il aucunement envie d’être une victime collatérale des révolutions arabes.

Verrouillage

Officiellement consacré aux réformes culturelles, le plénum de la fin 2011 a été un moyen pour le pouvoir central, conscient du nombre croissant d’internautes contournant la censure, d’envisager une série de mesures contre les “rumeurs nuisibles à l’ordre social” dixit les autorités sur le web. On comprend mieux dès lors, l’organisation début novembre, d’une rencontre entre le gouvernement et une quarantaine de sociétés constituant le cœur du réseau internet Chinois. Cette réunion a très logiquement abouti à un engagement de ces entreprises qui gèrent le réseau à appliquer toutes les directives gouvernementales en matière de lutte contre les “rumeurs et les fausses informations”.

Par l’utilisation de ces termes et la collaboration active des fournisseurs d’accès, moteurs de recherche et plateformes de micro blogs (équivalents de twitter), le gouvernement cherche à augmenter ses chances de taire toute information liée à des émeutes, manifestations, troubles politiques ou diplomatiques tout en traquant les lanceurs d’alertes. Le ministère des technologies a acté cette collaboration fin février en annonçant l’obligation pour les créateurs de sites webs de révéler obligatoirement leur identité aux autorités et aux représentants de fournisseurs d’accès. Depuis, la mesure s’est étendu aux micro bloggueurs même si elle est moins contraignante. Il faut dire que les manifestations rassemblant des milliers de personnes sont monnaie courante en Chine mais sont aussitôt tuées dans l’œuf médiatiquement par la police du web.

L'art de la guerre de Sun Tzu vu par la Demeure du Chaos (CC-bysa) Abode of Chaos

L'Art de la guerre de Sun Tzu vu par La Demeure du Chaos (CC-by) Abode of Chaos

C’est aux alentours de la mi-mars, deux semaines avant l’attaque massive du groupe Anonymous China, que les prises de décisions et les incarcérations ont commencé à s’accélérer. Suite au limogeage de Bo Xilai, un des plus hauts cadre du parti, des centaines de milliers de messages se sont répandus sur les plateformes de blog. Une partie d’entre eux prédisaient un coup d’Etat à Pékin. Le pouvoir central a aussitôt procédé à des arrestations et à une censure qui a aboutit entre le 29 Mars et le 2 Avril à une interdiction des commentaires sur les deux principales plateformes de blog que sont Tencent et Sina. L’ arrestation des présumés dissidents a été facilitée par une des lois les plus régressive en matière de droits humains qu’ai entériné la Chine ces dernières années: le 16 mars, l’assemblée nationale populaire votait une nouvelle législation sur la détention.

Petit manuel du parfait cyberdissident chinois

Petit manuel du parfait cyberdissident chinois

Face au Great Firewall qui filtre le web chinois, les cyberdissidents se saisissent des outils à disposition : VPN, proxy et ...

Cette dernière, autorise le parlement à emprisonner au secret, sans chef d’accusation et pour une période maximale de 6 mois, toute personne suspectée de crimes “mettant en danger la sécurité nationale”, internautes compris…

Entre mi février et mi avril, 1000 personnes ont été arrêtées, une cinquantaine de sites internet ont été fermés, 3000 ont été rappelés à l’ordre et 210 000 messages de micro blogs ont été effacé par la cyberpolice de l’empire du milieu.

Par ailleurs, et à titre d’exemple, les cyberdissidents Chen Xi (陈西) et Chen Wei (陈卫) ont été condamnés respectivement, les 26 et 23 décembre derniers, à onze et neuf ans de prison pour “subversion”comme le révèle Reporters sans frontières

Comme le souligne cependant Séverine Arsène, spécialiste des médias et de l’internet en Chine et auteure de “Internet et politique en Chine : Les contours normatifs de la contestation“:

Le durcissement de la répression et la volonté de faire taire les dissidences sont bel et bien réels et sont en partie liés au contexte du congrès du parti en octobre et à des tensions politiques dont témoignent les arrestations qui viennent d’avoir lieu à Chongqing. Cependant on voit que cela devient de plus en plus problématique pour les autorités d’emprisonner ou de réprimer avec impunité, en dehors du droit et en dehors d’une apparence légale pour la population et pour l’étranger. Certaine des mesures prises dernièrement étaient en fait déjà appliquées auparavant mais le gouvernement légifère car c’est un moyen de légitimer la répression. Cela témoigne en quelque sorte d’un certain respect pour le “formalisme de droit” face à une dissidence sur le web que le gouvernement ne parvient plus à endiguer.

Outre une utilisation purement répressive du web, le régime use de plus en plus de la technologie internet comme d’un outil stratégique dans tous les domaines de sa politique aussi bien pour comprendre et cibler les risques de dissidences en amont que pour gérer des intérêts économiques, diplomatiques ou encore militaires. Cette pensée politique visant à s’appuyer sur les nouvelles technologies pour gouverner est en réalité issue d’une pensée bien plus ancienne et profondément ancrée dans la conception chinoise du pouvoir . Au VIe siècle avant notre ère, le stratège et néanmoins auteur Sun Zi écrivait ainsi dans son”Art de la guerre”:

Celui qui excelle à résoudre les difficultés les résout avant qu’elles ne surgissent. Celui qui excelle à vaincre ses ennemis triomphe avant que les menaces de ceux-ci ne se concrétisent.


Illustrations et photos par (CC-by) Abode of chaos

]]>
http://owni.fr/2012/05/14/pekin-en-guerre-contre-ses-hacktivistes/feed/ 9
#1 – Hacker le système politique est une question de volonté http://owni.fr/2011/03/02/chroniques-de-rechi-hacker-le-systeme-politique-est-une-question-de-volonte/ http://owni.fr/2011/03/02/chroniques-de-rechi-hacker-le-systeme-politique-est-une-question-de-volonte/#comments Wed, 02 Mar 2011 16:30:45 +0000 Loic H. Rechi http://owni.fr/?p=49378 [NDLR] Cet article est le premier d’une série que nous espérons longue, sobrement intitulée pour le moment “Les Chroniques de Rechi”. Enjoy, comme on dit.

N’importe quel gratte-papier le sait, les sujets potables émergent régulièrement de l’alchimie des rencontres nocturnes provoquées au gré de l’alcool qui glisse et des heures qui passent. Vendredi soir dernier, au détour d’une soirée dans un appartement dominant majestueusement le bassin de la Villette, un nerd imposant à la chevelure bouclée et au rire sonore m’entretient au rythme de sa bière qui diminue du #hackathon, une performance organisée à l’initiative de la Quadrature du net – ces hérauts français de la liberté numérique absolue. L’espace d’un week-end, une poignées de programmeurs, designers et autres philosophes de l’internet se réunissaient dans le hackerspace d’un squat parisien, avec pour objectif commun de travailler nuit et jour sur la seconde mouture de Mémoire Politique, un site collaboratif ayant vocation à noter tous les eurodéputés du continent, en fonction de leurs votes sur les thématiques numériques discutées à Strasbourg et à Bruxelles.

Mon grand gars de la veille ayant suffisamment attisé ma curiosité, je débarque le samedi en fin d’après-midi dans un colossal immeuble occupé, en plein centre de Paris. Le mélange des genres est assez étonnant. De la porte d’entrée où un jeune rebeu me taxe une clope et me propose de lui acheter chosequel, je passe à un univers complètement distinct quatre étages plus haut. Sur un plateau de plusieurs centaines de mètres carrés, des câbles disputent l’occupation murale à des morceaux de processeurs qu’on imagine avoir été chirurgicalement extraits d’unités centrales obsolètes. Et puis planté là, au milieu d’une salle à moitié vide, une quinzaine de développeurs s’acharnent à coder des lignes incompréhensibles pour le néophyte, ne s’accordant du répit que pour ingérer un peu de fumée ou de bière et éventuellement échanger quelques mots sur l’avancée des travaux.

Au milieu de la masse des développeurs, un petit gaillard sapé comme un skateur sur le retour, lunettes épaisses, cheveux et barbe dans tous les sens se lève et se rassoit sans cesse, orchestrant la partition en train de s’écrire. Jérémie Zimmermann est l’un des cofondateurs de la Quadrature du Net et sans doute sa figure la plus éminemment médiatique. Si c’est la première fois que je rencontre le lascar, il me revient en mémoire qu’au-delà de toutes les mentions qui lui sont régulièrement faites dans la presse, un Islandais proche de WikiLeaks que j’avais rencontré huit mois plus tôt dans un bar à Reykjavik m’avait demandé si je le connaissais. Un peu à l’écart, le garçon me confirme que tout ce petit monde s’évertue à faire émerger la seconde version d’un outil qui ambitionne d’emmerder tout eurodéputé qui prendrait des positions antagonistes à celle de la Quadrature lors du vote de textes de loi relatifs à Internet. Le message de ces hacktivistes est clair, rien de ce qui sera voté au parlement européen ne leur échappera.

Jérémie Zimmermann dans ses oeuvres, au moment des débats autour de la loi Hadopi

Assis dans un coin de l’énorme plateau de bureaux squattés illégalement, Zimmermann est intarissable sur son affaire. Sur le wiki dédié à l’initiative Mémoire Politique, chaque eurodéputé dispose d’une fiche personnalisée scrupuleusement remplie avec son parti national, le groupe politique au sein duquel il siège, sa fonction au parlement, son site et même son téléphone direct à Bruxelles et à Strasbourg, avec la possibilité de l’appeler instantanément pour le pourrir, si besoin est, via un ingénieux dispositif de voip. Et puis évidemment – et c’est là que réside toute la vigueur de Mémoire Politique – une rubrique de la fiche est entièrement consacrée aux votes intéressant la Quadrature, auxquels ledit député aurait pris part.

Résolution sur l’Accord Commercial Anti-Contrefaçon (ACTA), rapport Gallo sur l’application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur, rapport Bono sur les industries culturelles en Europe… à chaque fois qu’un rapport, une directive ou une résolution – aussi bordélique et brut soit-il – concerne de près ou de loin le net, les types de la Quadrature s’évertuent à réaliser un travail de forçats en l’épluchant et en établissant des barèmes et des coefficients d’importance des différents amendements. Une fois l’affaire votée, chaque eurodéputé se voit attribuer une note allant de 0 à 100, reflet intemporel, par la force du web, du vote d’un jour. La bonne connaissance des techniciens maison d’outils basiques comme le référencement web leur permet par ailleurs de monter la fiche de chaque eurodéputé très haut dans les résultats google, souvent en quatrième position juste derrière leur page officielle du parlement, leur blog ou site et la sacro-sainte fiche Wikipedia. Un mécanisme ingénieux, simple, mais diablement couillu et parfaitement huilé.

Non-contents du boulot déjà abattu mais trop peu médiatisé, ces nerds ultrapolitisés ont ainsi décidé de passer la seconde en pimpant leur petit bijou, notamment avec des badges symboliques récompensant les meilleurs ou à l’inverse de coller d’infâmes jpeg d’étrons sur la page de ceux qui voteraient dans un sens contraire à la mentalité endogène. Réunis physiquement ce weekend, ces activistes travaillent surtout à l’établissement d’une architecture Open-Source. En plus de se départir de la structure Wiki qui pêche par ses contraintes, l’idée de la nouvelle version consiste particulièrement à conférer à d’autres organisations, la possibilité d’adapter l’outil selon les intérêts de chacun. Greenpeace pourra ainsi abattre un labeur similaire sur les questions écologiques, Reporters sans Frontières sur les affaires de libertés de presse et ainsi de suite.

Au delà de la prouesse technique, Zimmermann et sa clique contribuent à un travail d’intérêt commun. Devant la multiplication d’initiatives analogues, les dirigeants politiques finiront par devoir intégrer dans leurs petites tronches de bureaucrates déconnectées que composer avec les hacktivistes de tout bord, n’est même plus de l’ordre de l’option politique. À l’instar des multiples séismes occasionnés par WikiLeaks ces derniers mois, ces gonzes qui ont longtemps trainé une réputation de binoclards prostrés derrière des écrans redéfinissent la notion de citoyens actifs à grands coups de pages internet dans la gueule des politicailleurs. Pour autant, leur premier combat – celui de la démocratisation d’outils comme Mémoire Politique – est loin d’être gagné.

Sans la conjonction de ces événements qui m’ont fait atterrir un samedi après-midi dans cet espace confidentiel, je n’aurais probablement pas découvert cette initiative vieille de trois ans, alors que sans fausse modestie, je crois faire partie de la génération la plus à même d’être au courant de la tenue de ce genre d’initiative. Cet objectif de peser dans l’arène politique avec l’intention de défendre coûte que coûte la liberté numérique soulève aussi son lot de paradoxes. Si les conservateurs du bloc de droite récoltent sans surprise des notes minables, et que les gauchistes naviguent entre le meilleur et le pire selon les dossiers, les plus constants dans le haut du tableau se situent souvent du côté des verts… et de l’extrême-droite. Gollnisch ou le père et la fille Le Pen obtiennent quasiment à chaque fois des résultats qui flirtent avec les sommets, les singularisant de facto dans le rôle d’ambassadeurs politiques d’une lutte dont Zimmermann et la Quadrature se passeraient probablement. Mais dans le fond, ces individus réunis l’espace d’un jour dans le même espace physique, poursuivent un but bien plus global qu’ils martèlent volontiers : hacker la loi et le système politique. Et plutôt que devenir l’énième incarnation d’un obscur lobby, ils ont choisi leur voie : l’action.

NDA: La Quadrature du Net a également mis en place une démarche similaire au niveau national. Mémoire Politique permet ainsi de consulter les notes attribuées à votre député de circonscription sur les votes relatifs à l’internet en France, à l’instar de la loi Hadopi. Et si vous n’êtes pas content, rien ne vous empêche de les appeler d’un clic pour les engueuler. A noter aussi le travail effectué par RegardsCitoyens.

Crédits Photos FlickR CC : Pachango/ verbeeldingskr8 / mksavage / Bold&Blond /

]]>
http://owni.fr/2011/03/02/chroniques-de-rechi-hacker-le-systeme-politique-est-une-question-de-volonte/feed/ 18