OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 [App] Quand l’Internet se manifeste [V1] http://owni.fr/2011/03/11/app-quand-linternet-se-manifeste-v1/ http://owni.fr/2011/03/11/app-quand-linternet-se-manifeste-v1/#comments Fri, 11 Mar 2011 18:47:14 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=42712

Certains y verront une preuve supplémentaire de l’ampleur de l’impact de l’Internet : depuis que le réseau est apparu, avant même que le terme Internet n’entre dans les usages, de nombreux usagers ont éprouvé le besoin d’écrire des textes pour encadrer ce nouvel espace et indiquer dans quelle direction il fallait l’orienter, esquissant chacun une vision du Net. Curieusement, le Minitel ne semble pas avoir eu cet honneur.

Les petits cons d’OWNI, conscients qu’il y avait un Internet avant eux, ont voulu les rassembler. L’objectif n’était pas de sélectionner les textes fondateurs mais au contraire d’en accumuler un maximum et de les intégrer dans une timeline, indiquant leur(s) thème(s) principal(aux), les auteurs, le pays d’origine et une présentation synthétique s’appuyant, dans la mesure du possible sur un entretien avec leur(s) auteur(s). Sur la forme, nous avons le choix de ne retenir que les textes dont la réflexion s’articule autour de l’Internet ou y trouve un écho significatif.

In fine, l’ambition de ce projet, c’est bien de raconter l’histoire de l’Internet à travers ce panorama : dans quelle mesure chacun se fait l’écho du contexte d’alors ? Ces préoccupations sont-elles toujours d’actualité ?

« Internet est notre société,

notre société est Internet »

Libertés numériques. Depuis trente ans, les internautes répètent la nécessité de défendre un Internet libre, face aux tentatives de régulation, c’est même leur première raison, historiquement, de publier ce genre de texte. Triste constat, doublé d’un autre : de « Towards an electronic bill of rights » (1981, États-Unis) jusqu’au « Manifeste “en défense des droits fondamentaux sur Internet” » (Espagne, 2009) en passant par le « Manifeste du web indépendant » (France, 1997), les internautes chinois n’ont pas le monopole de la défense des libertés numériques.

Hacker. Communauté fondatrice de l’Internet, les hackers ont été parmi les premiers à prendre position pour défendre ce nouvel espace de liberté qu’est le réseau. Rassembler leur production sur le sujet, c’est s’aventurer dans une faune parfois borderline aux noms obscurs pour les profanes, cypherpunks et autres crypto-anarchistes.

Économie. Comme l’Internet se diffuse, il devient un terrain de business. On voit alors apparaître des textes soulignant la nécessité de s’adapter à ce nouveau terrain, voire d’y aller tout court, tant il a suscité des frilosités dans un premier temps. C’est par exemple le fameux « Cluetrain manifesto » ou « Manifeste des évidences » (États-Unis), qui demeure une référence bien qu’il ait été publié en 1999. Depuis plus de dix ans, les « évidences » qu’il déroule dans ses thèses ne le sont toujours pas pour certains, comme en témoigne la difficulté des marques à communiquer sur les réseaux sociaux.

Société. « Internet est notre société, notre société est Internet » affirme « Un Manifeste » (2010, Allemagne). Devenu mainstream, Internet modifie, voire bouleverse certains domaines. Une partie des textes s’attache ainsi à décrire ces changements sur un secteur en particulier. Le « Healthtrain manifesto » (États-Unis, 2006) évoquait ainsi les mutations de la santé, en faisant au passage un clin d’œil au « Cluetrain manifesto ».

Technique. Internet ne se nourrit pas uniquement de grands principes. Son architecture et ses infrastructures sont autant de paramètres à prendre en compte pour mettre en place lesdits principes. Le « Manifeste de l’Arche » ne décorelle pas son analyse économique des « NTIC » des aspects pragmatiques, appelant au développement des « autoroutes de l’information ».

Cette première version comprend une trentaine de textes. Le tropisme américain devrait se confirmer : Internet est né aux États-Unis et les libertés numériques sont vite devenues un cheval de bataille, en vertu du premier amendement. Ainsi, c’est en leur nom qu’est née en 1990 l’Electronic Frontier Foundation (EFF). En revanche, l’importance des écrits d’origine française doit être relativisée. Cela fait partie des axes de recherche de la V2 d’aller chercher des textes en espagnol, en russe, en arabe… L’essor de l’Internet est tel qu’on peut parier sans trop se mouiller que la littérature est abondante hors États-Unis et Europe.

Il n’y a rien d’étonnant à ce que les auteurs soient aussi bien des grandes figures de l’Internet, à l’image d’un John Perry Barlow, fondateur de l’EFF et auteur de la déclaration d’indépendance du cyberespace, que des internautes anonymes, comme Didier Lebrun, cet habitant du Tarn-et-Garonne auteur du « Manifeste du Rural Area Network » (France, 1995). Un des apports majeurs de l’Internet, c’est d’avoir permis à tout un chacun de publier des textes et surtout de les rendre facilement accessibles, même quinze ans après leur parution.

Régulièrement, en fonction des retours et de nos découvertes, cette timeline sera mise à jour par paquets, et un ebook devrait voir le jour. Si vous voulez signaler un texte, écrivez à sabine@owni.fr :) Pour éviter de recevoir des textes déjà repérés mais pas encore synthétisés, nous les avons quand même inclus. N’oubliez pas que cette timeline n’intègre que des manifestes, déclarations, chartes, etc. Lorsqu’elle sera beaucoup plus complète, sa présentation sera encore plus éditorialisée, en la découpant par « tranche » historiquement significative. Si le code le permet /-)

Comme vous pourrez le constater, certains textes n’ont pas été traduits. Nous lançons du coup un appel à bonne volonté pour corriger ce point :)

Textes : Sabine Blanc, avec la relecture attentive de Jean-Marc “j’ai connu le Minitel” Manach, Claire Berthélémy, Pierre Alonso, Ophélia Noor et Andréa Fradin.

Développement : Julien Kirch

Design app Marion Boucharlat

Une : Elsa Secco pour OWNI

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11 événements mémorables du cyberespace http://owni.fr/2011/03/11/10-evenements-memorables-du-cyberespace/ http://owni.fr/2011/03/11/10-evenements-memorables-du-cyberespace/#comments Fri, 11 Mar 2011 12:50:24 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=50879 1.Elk cloner [1982]


1982 est l’année d’une grande innovation en informatique: Elk cloner, premier virus se disséminant de façon incontrôlée. Jusque-là, quelques virus avaient été programmés mais uniquement à des fins d’observation et d’étude. Elk cloner se propage via la disquette de démarrage de l’Apple II. À chaque démarrage avec une disquette infectée, une copie du virus est activée et se loge en mémoire vive. Il contamine alors toute disquette saine introduite dans le lecteur de disquette, et se propage ainsi de machine à machine. C’est une grande nouveauté: un virus peut sortir du pré carré d’une machine et partir  à l’aventure de machines en machines. Tous les cinquante démarrages, Elk  signale sa présence par un petit texte ironique :

It will get on all your disks
It will infiltrate your chips
Yes it’s Cloner!
It will stick to you like glue
It will modify RAM too
Send in the Cloner!

Ce premier virus est une sorte d’épure d’un fait dont l’auteur du programme, Nick Skrenta, 15 ans à l’époque, était coutumier. Il avait en effet la fâcheuse tendance à bricoler les machines pour qu’elles affichent des messages provocants ou qu’elles s’éteignent. Cela avait conduit ses amis à ne jamais le laisser toucher leurs ordinateurs, et Nick Skrenta a inventé un stratagème lui permettant d’agir à distance.

2. Leza EverQuest [novembre 2000]

En 2000, une joueuse rejoint la guilde “The companions of Light” sur EverQuest sous le nom de Leza. Son dynamisme et son investissement font qu’elle est rapidement nommée guide par l’éditeur du jeu. Les joueurs peuvent ainsi faire appel à elle pour demander de l’aide et des précisions sur les règles. Elle prend son travail très à cœur même si certains, parfois, se plaignent de ses manières brusques. Beaucoup lui pardonnent car on lui connaît une vie difficile : celle qui s’appelle dans le civil Sheyla a 16 ans, un bébé, et vit chez sa belle-mère car elle a perdu sa mère il y a un an.

En novembre 2000, Leza brise les règles de l’éditeur, en utilisant son nom de guide en dehors des forums officiels du jeu. Verant, l’éditeur,  lui supprime sa fonction de guide. Deux jours plus tard, Kinudi, sa petite sœur avec laquelle elle joue parfois, annonce sa mort sur le forum officiel. Le choc dans la communauté des joueurs est effroyable. Des messages de condoléances affluent, l’éditeur est pointé du doigt. Verant s’affole, et efface tous les messages de son ancienne guide, ce qui ajoute encore à la confusion et à la colère des joueurs.

Des informations contradictoires

Un membre de sa guilde William Joseph Seemer se souvient qu’au printemps, elle était de retour dans le jeu douze heures après l’opération à cœur ouvert qu’elle avait annoncée et qui lui avait valu beaucoup de messages de sympathie. Il avait quelque peu perdu de vue Leza mais, à l’annonce de son suicide, il lui revient à l’esprit qu’elle avait raconté qu’elle avait été enceinte une fois, et qu’après une fausse couche, elle ne pouvait plus avoir d’enfant. Il est donc surpris de la découvrir mariée et mère d’un enfant de deux ans. Seemer sait qu’elle habite près d’Oklahoma City, et il commence à se renseigner auprès des morgues des environs et n’entend pas parler de suicide. Il téléphone à Jolena, la sœur de Leza et sa colocataire lui apprend qu’elle a déménagé des mois plus tôt et qu’elle n’a jamais eu de sœur.

Seemer n’est pas le seul à s’étonner. Après l’effacement des messages de Leza par Verant, des admins de différents forums (Quellious Quaters bulletin Boards), Scott Jenning (Lum the Mad), des journalistes de sites comme Adrenaline vault et gamers.com, sillonnent l’Oklahoma et le Colorado. Ils appellent les postes de police, fouillent dans les adresses IP et les headers des mails que Leza a envoyés, comparent les logs des chats et appellent le FAI de Leza. Pour en arriver à ceci : Sheyla / Leza et sa famille sont une construction d’un couple qui partageait un compte email et qui vit à Oklahoma city. Leza n’a jamais existé – sauf de façon imaginaire. Jolena était jouée par Madame et Sheyla par son mari. Il y a bien eu une mort : celle du couple. Le suicide a été élaboré par le mari pour prouver ainsi l’instabilité de sa femme afin d’obtenir du tribunal un jugement qui lui soit favorable pour la garde de leur fille.

3. Shawn Woolley EverQuest [novembre 2001]

En novembre 2001, Shawn Woolley se suicide avec une arme à feu, son ordinateur connecté au jeu. Les circonstances de sa mort provoqueront un grand émoi et contribueront grandement à répandre l’idée que les jeux vidéos, et plus particulièrement les jeux massivement multi-joueurs puissent être des objets d’addiction.

Shawn Woolley commence à jouer à Everquest en février 2000. En avril, il emménage dans un appartement. Le 1er juillet, Shawn Woolley fait une crise d’épilepsie importante, imputée aux nombreuses heures de jeu qu’il a passées à jouer à EverQuest les jours précédents. Son patron exige de lui qu’il assume son travail et refuse de le renvoyer chez lui alors que d’évidence, il n’en est pas capable. Shawn Woolley démissionne. Il entre dans ce qui semble être une profonde dépression: il ne sort plus de chez lui, ne cherche pas un nouvel emploi, et consacre tout son temps à EverQuest. En septembre, il est expulsé et retrouve la maison de sa mère. Un conseil est pris auprès d’un professionnel qui conclut à l’absence d’addiction. À la maison, le climat se détériore: Shawn joue, et sa mère le pousse à trouver un travail. Finalement, elle lui demande de quitter la maison. Shawn emménage dans un hôtel.

Il hallucine: il est dans le jeu

En janvier, suite aux démarches de sa mère, Shawn est reçu dans un centre de traitement: une dépression et un comportement schizoïde sont diagnostiqués. Shawn est admis dans l’institution. Un traitement médicamenteux et une thérapie de groupe sont appliqués. De janvier à février, une amélioration est notée. Shawn joue toujours à EverQuest en l’absence de sa mère. Lorsqu’elle s’en aperçoit, elle emporte le clavier avec elle. Il achète un clavier. En juin 2001, Shawn quitte l’institution pour un appartement thérapeutique. Il rentre toujours chez sa mère pour jouer à EverQuest. Le 20 juin, après une crise d’épilepsie survenue pendant qu’il jouait, il hallucine: il est dans le jeu. En août, il s’achète un ordinateur pour jouer à EverQuest. Du 30 octobre au 10 novembre, il ne se connecte pas sur son compte habituel.

En novembre, sa mère souhaite qu’il passe Thanksgiving en famille. Elle tente de le contacter deux semaines avant les vacances et, n’y arrivant pas, elle appelle son superviseur. Elle apprend que Shawn n’a pas été vu depuis une semaine, et que ses collègues s’inquiètent car il n’est pas du genre à s’absenter. Entre temps, Shawn a commencé à jouer sur un autre serveur. Le 13 novembre, il a acheté un pistolet. Le jeudi avant Thanksgiving, Mme Woolley va chez son fils. Shawn ne la laisse pas entrer. Il lui affirme qu’il a changé de travail. Le lundi suivant, lorsqu’elle se rend à l’adresse qu’il lui a indiquée, elle apprend que l’on a jamais entendu parler d’un Shawn Woolley. Le vendredi 21 novembre, Mme Woolley se rend à nouveau chez son fils mais trouve encore porte close. Le lendemain, elle se fait ouvrir la porte par le propriétaire. James est assis devant son ordinateur. Il s’est tué avec son pistolet. La dernière connexion remonte au 20 novembre.

4. Le meurtre de Lord British – Ultima Online [8 août 1997]

Le 8 août 1998, la quasi totalité de la population d’Ultima Online est réunie dans le château de Lord British alias Richard Gariott, fondateur du jeu. Le roi doit y faire une apparition aussi rare qu’attendue. Il se prépare au château de Lord Blackthorn en compagnie de quelques proches lorsqu’un joueur nommé Rainz l’attaque. La garde, tout comme les chevaliers de Lord Blackthorn restent immobiles et le roi tombe sous les coups de “fire field” de Rainz qui disparait une fois son forfait accompli. La nouvelle se répand rapidement sur le serveur, provoquant la stupeur: le roi est mort. Rainz sera banni du serveur, officiellement du fait de plaintes de personnes à son encontre. La mort du roi sera mise au compte de l’oubli de Richard Garriott d’exécuter la commande qui aurait protégé son personnage et du lag.

5. Leroy Jenkins ! – World of Warcraft [avril 2005]

Alors qu’un groupe d’aventuriers se prépare à livrer un difficile combat et échafaude le meilleur plan tactique à suivre, un paladin, Leroy Jenkins, se rue sur un groupe de dragons en criant son nom. La suite est un désastre total: tout le groupe est massacré. La vidéo fera le tour du Net et le nom de Leroy Jenkins entrera dans la légende : une ballade lui est consacrée, son nom est cité comme indice dans le jeu Jeopardy, un personnage du jeu de carte World of Warcraft porte son nom, d’autres jeux MMJ (massivement multijoueurs) y font référence, et “to pull a Leroy” signifie maintenant “faire une connerie qui ruine les efforts de tout le monde”.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

6. Un coup de maître – EVE Online [avril 2005]

18 avril 2005. Systeme d’Aras. 05 heures. Mirial, CEO de Ubiqua Seraph Corporation et son fidèle lieutenant, Arenis Xemdal, émergent d’un portail de téléportation. Tous deux pilotent des vaisseaux de classe Apocalypse, les plus puissants et les plus onéreux d’EVE online, un MMORG. Leurs vaisseaux sont attaqués et détruits. Mirial est assassinée ainsi que son fidèle lieutenant. Mirial naviguait dans un vaisseau de classe Navy Apocalypse. C’est le point de départ d’une opération de grande envergure de la Guiding Hand Social Club. Pour un milliard d’ISK, la GHSC avait accepté une année plus tôt un contact assez spécial: la preuve de la mort de la CEO. Un tel contrat sur EVE Online n’est pas rare. Ce qui l’est plus, c’est la longueur de la préparation de l’opération, son ampleur, et le montant du butin final. En une heure, l’Ubiqua Seraph Corporation voit ses hangars investis, ses coffres vidés, et ses principaux officiers tués. La GHSC rapportera de cette opération la satisfaction totale de son client qui, pour des raisons de vengeance personnelle, souhaitait que Ubiqua Seraph Corporation vive un Peal Harbour. La Guiding Hand Social Club tirera de l’opération 30 milliards d’ISK (16.500 USD) de biens volés, et une notoriété due à la précision et à l’audace de ce coup de maître.

7. L’épidémie de peste – World of Warcraft [septembre 2005]

En septembre 2005, une épidémie ravage les capitales de ForgeFer et d’Oggrimar. Le foyer infectieux vient de Zul’Gurub, une instance qui vient d’être ouverte avec le Patch 1.7 et dans laquelle une équipe de vingt joueurs doit faire face à Hakkar l’Écorcheur d’Âmes, Sang Dieu d’une ancienne tribu de trolls de la jungle. Hakkar jette sur ses premiers adversaires son sort de Sang Corrompu qui diminue à intervalle répété les points de vie du personnage infecté. Le sort se répand également par contamination. Il devait être limité à l’instance, mais il a été conduit à l’extérieur par les compagnons des chasseurs et des démonistes. Du fait de la concentration de la population, le Sang Corrompu se répand comme un feu de paille dans les capitales, tuant en quelques secondes les personnes de bas niveau. Un patch de Blizzard mettra fin à la contamination.

8. La mort du Dormeur, EverQuest [15-17 novembre 2003] – ou La Mort De Ce Qui Ne Pouvait Être Tué

Présenté comme “intuable”, Kerafyrm le Dormeur provoqua une grande excitation dans EverQuest. Avec une fourchette allant de 100 à 400 millions de points de vie (une divinité en a deux millions), réveiller le Dormeur était devenu un défi de taille et particulièrement excitant: le Dormeur ne pouvait être réveillé qu’une seule fois par serveur. Il sera relevé par deux cents joueurs qui viendront à bout du titan en quatre heures. Mais la fin n’est pas à la hauteur de leurs espérances. À 27% de points de vie, le Dormeur disparait soudainement, sauvé de sa mort “impossible” par un bug ou un maître de jeu. Sony s’en excusera, et les même joueurs en viendront à bout le lendemain en moins de trois heures.

Le Dormeur avait été réveillé une première fois sur le serveur The Rathe le 28 juillet 2001 après que la guilde Blood Spider avait tué Ventani, le quatrième gardien. Le 15 novembre 2003, sur le serveur PvP Rallos Zek, trois guildes de haut niveau (Ascending Dawn, Wudan, and Magus Imperialis Magicus) ont rassemblé plus de 180 joueurs pour réveiller le Dormeur. Les guildes s’étaient associées pour couper l’herbe sous le pied à un moine, Stynkfyst, qui tentait de rassembler autour de lui suffisamment de joueurs pour tuer Kerafyrm et empêcher ainsi les guildes de se partager son butin. Il sera vaincu avec la facilité que l’on sait, grâce aux sorts de brûlure du mana des sorciers, aux armes épiques, et aux clercs qui ramèneront à la vie leurs compagnons plus vite que Kerafrym ne pouvait les tuer.

9. La quête du lapin estrocante (”vorpal bunny quest”) Asheron’s call [date non retrouvée]

Dans le jeu Ascheron’s Call, les personnages de niveau 10-14 peuvent mener une quête nommée “The vorpal bunny”, en référence à la scène de Sacré Graal [vidéo] dans laquelle des chevaliers sont massacrés par un petit lapin blanc. Des personnages n’ayant pas effectué la quête en temps voulu commencèrent une campagne de lobbying pour que la quête soit accessible après le niveau 14. Ils finirent par avoir gain de cause: les caractéristiques de l’estrocant lapin sont augmentées. Quelques heures plus tard, un seul survivant se présente à la porte de la ville, talonné par le lapin qui y fait, exactement comme dans Sacré Graal, un massacre. Des centaines de personnages sont tués. Le lapin est si rapide qu’il faut faire des captures d’écran pour pouvoir le voir. Du haut d’une tour, des magiciens lui lancent des sort, avec pour seul effet de constater que le lapin est immunisé à la magie. Un joueur réussira à l’attirer en dehors des limites de la ville, mettant fin au massacre. À la suite de cet incident, une Chasse au Lapin Estrocant sera ouverte à tout personnage au dessus du niveau 20.

10. La personne de l’année Times [décembre 2006]

L’histoire n’est plus faite seulement par quelques individualités, mais par la multitude. L’Internet, et plus exactement le www, permet à une multitude de s’organiser, de travailler et de jouer en commun. Le Time officialise ainsi pour le monde offline ce que Tim O’Reilly avait pressenti en septembre 2005 et baptisé du nom de web 2.0 en faisant de l’internaute la personne de l’année 2006.

11. Anshe Chung millionnaire en dollars dans Second Life [2006]

Une brèche est portée dans le mur qui jusque-là voulait établir une distinction étanche entre monde réel et monde virtuel. En deux ans et demi,  Anshe Chung a converti une mise initiale de 9,95 dollars par mois en une rente d’un million de dollars. Elle a acheté et revendu (ou loué) les terrains qu’elle avait précédemment valorisés en le mettant en forme. Elle gère aujourd’hui une entreprise d’une dizaine de personnes à Wuhan. Anshe Chung est connue sous le nom de Ailin Graef à Francfort.

Billet initialement publié sur Psy et Geek ;-)

Image CC FlickR Tamara Areshian Idiolector damclean Zebra Pares crazykinux

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Comment une poignée de geeks a défié l’URSS http://owni.fr/2011/02/02/comment-une-poignee-de-geeks-a-defie-l%e2%80%99urss/ http://owni.fr/2011/02/02/comment-une-poignee-de-geeks-a-defie-l%e2%80%99urss/#comments Wed, 02 Feb 2011 16:42:32 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=45029 URSS, 19 août 1991: huit apparatchiks exerçant de hautes fonctions au sein de l’Union soviétique profitent des vacances de Mikhaïl Gorbatchev dans sa datcha de Crimée pour tenter de prendre le pouvoir par la force. Hostile aux réformes, ce “Gang of Eight” de communistes orthodoxes (qui se fait appeler comité d’Etat pour l’état d’urgence) veut enrayer la perestroïka et la perte de contrôle des pays satellites. Alors qu’il visait à sauver les apparences d’une Union nécrosée, ce putsch raté précipita sa chute.

Mais il existe un aspect méconnu de cet épisode historique déjà largement documenté. Pendant les deux jours du coup d’Etat, tandis que Boris Elstine haranguait la foule juché sur un tank, pendant que la communauté internationale s’offusquait, tous les médias russes étaient mis en coupe réglée, soumis au blackout. Tous les canaux étaient fermés, sauf un: Usenet, cet aïeul des chatrooms capable de survivre sans l’assistance d’Internet. Pendant 48 heures, quelques dizaines d’individus ont alimenté ce petit tuyau, dernier moyen de communication vers l’extérieur.

Échange d’informations avec Helsinki

Comment réussir un tel tour de force? A cette époque, Relcom (pour Reliable Communications, “communications fiables”, NDLR) est un petit réseau indépendant fonctionnant sans les subsides de l’Etat. Ses clients fournissent leur propre modem et payent une cotisation de 20.000 roubles (sur un principe qui n’est pas sans rappeler le projet d’OpenLeaks). En tout, il connecte près de 400 organisations dans plus de 70 villes soviétiques, et utilisent UNIX et Usenet pour échanger des informations.

Les flux de Usenet en 1991

Depuis août 1990, Relcom a noué un partenariat avec EUnet, ancêtre des fournisseurs d’accès à Internet modernes. Ainsi, le petit projet soviétique, rendu viable par la Glasnost, est ouvert sur le monde, dialoguant avec un bureau d’Helsinki une fois par heure, par le truchement d’un bon vieux modem (sur un principe qui n’est pas sans rappeler l’initiative de FDN en Egypte, cette fois-ci). Ironie du sort, c’est grâce au prestigieux Institut de Kurchatov d’énergie atomique, fleuron de la recherche russe, que ce programme a pu voir le jour.

En s’appuyant sur l’architecture déjà très au point – et décentralisée – de Usenet (développé dès 1982 en URSS), ces proto-cyberactivistes s’emparent alors de l’outil à leur disposition pour contourner la censure traditionnelle, encore très ignorante des possibilités d’Internet. En résultent ce genre d’échanges, qui ne dépareilleraient pas sur Twitter en 2011:

Pour ceux qui sont intéressés, les déclarations de Eltsine sur la tentative de renversement de Gorbatchev peuvent être lus sur le newsgroup Usenet talk.politics.soviet

<USENET> 11h45 – 3 divisions de l’Armée Rouge ont rejoint le camp de Eltsine
<Scofield> Information confirmée. Source: Radio City News, 15h GMT +3, Helskinki, Finlande
<USENET> Posté depuis news-server@kremvax.hq.demos.su
<USENET> Un homme aurait été tué par des militaires à Riga, la nuit où Gorbatchev aurait été exfiltré de Crimée.
<USENET> Un mandat d’arrêt a été émis contre Boris Eltsine. C’est la première fois. La source est NBC.
<Scofield> Service d’information finlandais – télex de 16h: l’Union européenne tiendra une réunion d’urgence vendredi. Mitterrand a essayé d’appeler Gorbatchev plusieurs fois.
<muts> 200.000 manifestants à Leningrad. 400.000 à Chisinau (capitale de la Moldavie, ndlr)

“Ils l’ont seulement oublié”

Près de vingt ans avant l’avènement de l’expression consacrée “révolution Twitter”, quand le web n’existait pas encore et que l’Internet domestique était encore à l’état embryonnaire, voilà comment Usenet a préfiguré les usages que l’on semble découvrir aujourd’hui. Les similitudes sont nombreuses: comme en Egypte ces jours-ci, certains mettaient les utilisateurs en garde contre le risque de congestion, les appelant de leurs voeux à ne recourir au service que pour poster des informations relatives à la situation politique en cours. Polina Antonova, qui travaillait chez Relcom à l’époque, écrit ceci au moment de l’initiative:

Ne vous inquiétez pas, nous allons bien, même si nous avons peur et que nous sommes en colère. Les rues de Moscou sont remplies de chars, je les déteste. Ils essaient de fermer tous les médias, ils ont coupé le signal de CNN il y a une heure, et la télévision soviétique ne diffuse plus que des opéras et de vieux films. Mais, Dieu merci, ils ne considèrent pas Relcom comme un média de masse, ou ils l’ont seulement oublié. Désormais, nous transmettons suffisamment d’informations pour être emprisonnés jusqu’à la fin de nos jours :-)

A l’heure du dégroupage total et du très haut débit, ce témoignage ne signifie pas que le web politique est un combat d’arrière-garde: il ne fait que l’ancrer dans une réalité historique.

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Crédits photo: archives Relcom, Flickr CC iamtheo

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