OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Cette crise ne passera pas l’Ibère http://owni.fr/2012/07/04/cette-crise-ne-passera-pas-libere/ http://owni.fr/2012/07/04/cette-crise-ne-passera-pas-libere/#comments Wed, 04 Jul 2012 16:06:15 +0000 Florian Cornu http://owni.fr/?p=114728

Acampada Barcelona, 27/05/2011. Après l'attaque de la police - (cc-byncnd) Julien Lagarde

L’ouvrage collectif Aftermath “les cultures de la crise économique” [pdf] qui vient de paraître en Angleterre aux éditions Oxford University Press constitue le fruit de la réflexion et de l’enquête de Manuel Castells sur les réseaux de solidarité économiques nés de la conjoncture actuelle. Nous avons rencontré l’auteur à Paris lors d’une conférence intitulé “Une autre économie est possible” organisée par la fondation maison des sciences de l’homme. Accompagné d’Alain Touraine et Michel Wieviorka, le sociologue, titulaire de la Chaire “La société en réseaux” du Collège d’études mondiales a présenté une synthèse de différents travaux effectués ces dernières années.

De part son titre, la conférence  revient un peu à la racine du parcours politique de celui qui, dans sa jeunesse, était un anarchiste engagé dans l’anti-franquisme en Catalogne. Comme il le concède lui même, il poursuit en quelque sorte ce travail en analysant la transformation des rapports de pouvoir (cf. vidéo ci-dessous) dans l’ensemble de nos sociétés et dans le monde. Le tout, à travers la transformation organisationnelle technologique et culturelle de la communication.

Selon sa pensée, le modèle de croissance “efficace, global et informationnel” dans lequel le monde se complaisait avant la crise a été bâti grâce à Internet et plus largement, grâce aux réseaux de communication et aux nouvelles technologies. Le “vide social” laissé par la crise économique serait ainsi à l’origine de la naissance de nouveaux réseaux de solidarité économiques alternatifs un peu partout dans le monde. Sorte d’émanations concrètes et subversives d’un mouvement social continu.

Aux racines de la crise

Internet. Si ce réseau est né avec la culture libertaire issue des mouvements sociaux des années 1970, il a également été accaparé par l’économie et la finance. Comme le précise le sociologue :

Ça a été à la base de la Silicon Valley mais également de toute la redéfinition du jeu économico-financier dans le monde. D’un coup, l’idée a été d’utiliser des systèmes mathématiques, des innovations, au service d’une capacité institutionnelle accrue dans la dérégulation et la libéralisation de toute l’activité économique. Le but ? Échapper au contrôle institutionnel et social pour construire un système économique à partir de produits financiers essentiellement immatériels créant leur propre valeur.

Ce nouveau  mécanisme financier basé sur du capital “synthétique” aurait  progressivement fait perdre au travail et au capital tout lien avec leur dimension sociale. Dès lors, il s’agissait d’inclure ce qui avait de la valeur et d’exclure ce qui n’en n’avait pas. On a basculé progressivement, de façon métaphorique, d’un monde découpé en points cardinaux à un monde en “In” et “Out” comme dans le monde des réseaux.

Espagne Labs: inventer la démocratie du futur

Espagne Labs: inventer la démocratie du futur

Des assemblées numériques reliées entre elles, un réseau social alternatif, des outils open source et des licences libres ...

Mais ce nouveau modèle qui s’est établi entre les années 1980 et 1990 s’est effondré à cause de deux présupposés qui se sont révélés être faux : premièrement, le système reposait sur l’idée qu’en se servant de l’immobilier comme garantie pour les prêts, le profit des banques progresseraient toujours. Deuxièmement, la capacité d’endettement était infinie puisque fondée sur le marché inépuisable de l’immobilier. C’est ce qui a permis d’établir une économie financière pyramidale :“on prête, les gens s’endettent, on vend la dette à d’autres gens qui les vendent à d’autres, ce qui semblait ne pas avoir de fin”.

Ce sont globalement deux types de conséquences politiques qui ont surgi. D’une part, le développement de mouvements ultranationalistes et racistes devenant le fond de commerce d’un personnel politique opportuniste. De l’autre, la naissance de mouvements de révolte sociale dans toutes les parties du monde.

Dont ce que l’on peut appeler les “mouvements sociaux continus”. C’est le cas des “indignados” espagnols qui, la plupart du temps, discutent, débattent, s’organisent et ne se manifestent en public que ponctuellement. On a donc actuellement une redéfinition des règles du jeu sociétal, économique et culturel“aussi importante qu’à Bretton Woods.

La genèse d’un mouvement social continu

Les propositions de ¡Democracia Real Ya!

Les propositions de ¡Democracia Real Ya!

Le mouvement ¡Democracia Real Ya! a annoncé lundi dernier en conférence de presse la préparation d'une manifestation ...

Des dizaines de milliers de gens ont ainsi décidé un peu partout dans le monde de changer leur vie. Pas en sortant ou en s’excluant de la société  mais en organisant leurs pratiques économiques, le commerce, les services qu’ils utilisent en s’appuyant sur d’autres réseaux de solidarité, des réseaux de sens, des réseaux d’autoproduction au sein même de la cité.

En Catalogne, ils sont très nombreux et, selon l’analyse de Castells, ils tissent un nouveau tissu social, culturel et économique remplissant le vide social laissé par la crise. Le point commun de ces réseaux est qu’ils rejettent  le système dans lequel nous vivons. Loin d’être des néo-hippies,  la plupart des personnes qui y sont impliquées pourraient trouver un emploi relativement convenable mais semblent préférer changer leur vie en reprenant possession du temps :

Le temps, seule richesse que nous possédons tous.

L’un des choix opéré par les membres de ces réseaux dont la moyenne d’âge est de 35 ans, est donc de s’investir dans des activités et structures solidaires en se contentant d’un petit salaire pour avoir davantage de temps disponible. Bon nombre de vidéos, qui rendent compte de ces pratiques, ont d’ailleurs été tournées dans le cadre du projet Aftermath, réalisé au même moment que l’ouvrage collectif mentionné plus haut. La suivante retrace la vie de quelques-uns de ces projets :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les types et la nature des réseaux sont variés : autoproduction agricole, de biens, de services, idée d’une monnaie sociale avec principe de banques de temps (“je vous offre deux heures de service voilà ce que je sais faire”, et on obtient de la monnaie sociale), coopératives de production, coopératives de logements, radios pirates, réseaux de production agricole dans la ville, réseaux de production agro-écologiques (“très présents dans le midi et le sud de la France”), réseaux de hackers, cuisines coopérative, etc.

C’est un ensemble de pratiques qui existe partout du monde. À New York, par exemple, le sociologue avance que cela rassemble 55 000 personnes. Dans le cas de Barcelone, cela représenterait environ 40 000 personnes, soit 1% de l’aire métropolitaine. Cependant, certaines pratiques alternatives rassemblent de plus en plus. C’est le cas de la banque éthique, qui travaille sans profit, prête selon des critères sociaux et compte environ 300 000 clients dans l’aire de Barcelone.

Beaucoup de ces nouveaux activistes étaient déjà impliqués dans des mouvements alternatifs, mais viennent aux “mouvements sociaux continus” pour échapper à des carcans idéologiques. Leur problème central n’est pas la survie économique : ils pourraient avoir un boulot moyennement payé mais préfèrent avoir un boulot peu payé et avoir beaucoup de temps. Ils savent qu’ils ne veulent pas vivre comme aujourd’hui, ils refusent de s’intégrer, mais également de se marginaliser.

Madrid: fonctionnement d’une assemblée de quartier

Madrid: fonctionnement d’une assemblée de quartier

OWNI vous propose de plonger au cœur d'une assemblée de quartier et de comprendre son organisation et, au-delà, le ...

Ils construisent donc des réseaux très vastes pour recréer une vie sociale, une vie dans les coopératives, dans les quartiers… il y a beaucoup de maisons occupées qui sont transformées en centres sociaux, de réparations de vélos, etc. La notion d’être ensemble y est essentielle. L’amitié, la coopération, la sociabilité contre l’individualisme et la compétitivité de la société.

L’expérimentation est le principe qui guide l’organisation de ces réseaux. Quelque part, la manière dont ils font les choses compte plus que le contenu de leurs pratiques car l’essentiel est de réapprendre à vivre et de repenser une société à partir de ces expériences. Ils refusent tout modèle abstrait, toute idéologie, tout parti politique. Le principe : ils veulent reconstruire la société à partir de la réussite de leur organisation quotidienne.

Des pratiques répandues au sein de la population

L’un des enjeux de tout ce travail de Manuel Castells en Catalogne est de comprendre la sociologie des citoyens impliqués dans ces réseaux de façon directe ou indirecte. Il s’agit également de percevoir le degré d’usage de ces pratiques par l’ensemble de la population.

Pour ce faire, le sociologue a organisé des débats entre ces militants et des gens “normaux” dont un certain nombre disait avoir “peur de ce genre de vie”. La réponse offerte par ceux qui désirent aujourd’hui changer la société :

Vous savez, quand vous serez arrivé à l’âge de la retraite, vos pensions ne seront plus là. Car les pensions dépendent de systèmes financiers qui risquent de s’effondrer définitivement, contrairement à nos réseaux de solidarité.

La conclusion intéressante de cette enquête réside également dans l’implication du plus grand nombre à ces pratiques “alternatives”. Les gens impliqués ont des statuts économiques et un capital culturel très variés, qu’il s’agisse de personnes utilisant ces réseaux pour leur survie ou ceux qui s’y investissent simplement par idéologie. Par ailleurs, l’étude de Castells a révélé que les personnes les plus impliquées étaient très éduquées mais précaires économiquement. Le point commun étant que les individus se constituent en “sujet social pour changer leur vie et changer ainsi la société”.

D’après Castells, comme ce militantisme refuse toute institutionnalisation, on pourrait dire que ce sont des pratiques utopiques.

Toutes les grandes idéologies et mouvements de l’Histoire seraient ainsi parties de l’utopie : le libéralisme, le communisme, le socialisme sont des utopies. Les pratiques matérielles s’organisent toujours autour de systèmes de références et apparaissent comme irréalisables pour un certain nombre d’acteurs de la société. La réponse des acteurs de ces utopies (dans le cas de ces réseaux de solidarité), c’est que c’est le système actuel qui ne peut pas fonctionner et ne fonctionne plus, un système politique qui n’est pas légitime et contesté par l’ensemble des gens et rejeté par des secteurs de plus en plus large de la société.

Ces réseaux veulent changer la vie au jour le jour, montrer que c’est possible pour “changer la société de l’intérieur”. Ainsi, c’est dans ce mode de vie visant à construire un autre quotidien que l’on trouve peut-être les prémices de la nouvelle société. Société naissant au cœur d’une crise aiguë : celle d’un système global fondé sur la finance, qui s’est, depuis bien longtemps, désolidarisé du social.


Photo par Julien Lagarde [CC-byncnd] via sa galerie Flickr

]]>
http://owni.fr/2012/07/04/cette-crise-ne-passera-pas-libere/feed/ 7
Une Défense occupée http://owni.fr/2011/11/06/une-defense-occupee-occupy-indignes-manif/ http://owni.fr/2011/11/06/une-defense-occupee-occupy-indignes-manif/#comments Sun, 06 Nov 2011 09:28:00 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=85857 Ce samedi soir à Paris, quelques Indignés bravaient encore les limites fixées par la Préfecture de police. Ils continuaient à occuper La Défense, quartier d’affaires de l’Ouest parisien siège de plusieurs grands groupes du CAC 40, et symbole des dérives de la finance selon les occupants. La manifestation était autorisée par la Préfecture jusqu’à 21 heures vendredi soir, mais certains irréductibles comptent y rester plus longtemps et y installer un camp sur le modèle du mouvement Occupy Wall Street, lancé le mois dernier outre-atlantique.

17h35, vendredi. Sur l’escalier de l’Arche de La Défense, Jean-Jacques annonce au mégaphone :

Occupons La Défense vient de commencer.

Applaudissements et sourires lui répondent dans l’assemblée, un petit millier de personnes réunies pour protester contre le capitalisme en général et ses dérives financières en particulier. Le rassemblement n’occupe qu’une maigre part de l’immense esplanade, sous le regard des tours GDF-Suez, SFR, Areva, EDF et Coeur Défense. Un symbole sur lequel ironise un homme, la cinquantaine, à la nuit tombée. Désignant la tour GDF, il plaisante : “Ils parlent d’économies d’énergie et regarde toutes ces lumières qui restent allumées !”

L’ambiance est détendue. A la tribune, l’un des organisateurs intervient :

Selon une rumeur, la préfecture a demandé aux personnes qui travaillent à La Défense de partir plus tôt ce soir. Si c’est vrai, nous aurons au moins réussi à leur faire perdre quelques centaines de milliers d’euros, et ce n’est pas si mal !

Concert de rires et agitations des mains en signe de satisfaction.

Tribune libre

L’assemblée générale populaire est régie par les codes usuels des mouvements alters : agiter les mains pour signifier son approbation, mimer une roue pour demander à un intervenant d’abréger son propos, croiser les bras pour exprimer sa forte désapprobation, signe qui entraine forcément une justification à la tribune. Se succèdent interventions galvanisantes et analyses économiques et politiques : “Lisez les travaux d’Arrow, le prix Nobel d’économie en 1972, sur le démocratie. Il a prouvé que la démocratie, le vote, tout ça ne pouvaient pas fonctionner. Par contre, le collectif, oui !” lance un homme d’une trentaine d’année, apôtre de l’auto-gestion et de la prise de décision par consensus. Un autre, cheveux longs, allure christique, prêche : “Nous sommes les lumières, nous devons éclairer ce monde !”

Isabelle, 45 ans, regrette que le rassemblement ne soit pas plus festif sur le modèle du mouvement Indignados à Madrid auquel elle a participé :

A Paris, les participants pensent qu’un rassemblement festif ne peut pas être pris au sérieux. C’est dommage. On a du mal à casser le silence alors qu’on pense tous la même chose.

Tout en parlant, elle jette un œil aux feuilles disposées sur une petite table devant elle. Un peu en retrait de la tribune, des ateliers créatifs ont été mis en place.

“Qu’est-ce qui vous fait battre le cœur ?” interroge une grande affiche que reprend en chantant un groupe de jeunes. “Mes enfants, la révolution, ma copine” ont écrit des passants. “L’argent” découvre le groupe, un peu étonné. L’objectif était d’attirer un public plus large que les militants habituels nous expliquait, deux jours avant le lancement, Nico très impliqué dans le mouvement. Un objectif partiellement atteint, mais la masse n’est pas au rendez-vous vendredi soir.

Jean-Jacques, professeur de psychologie à Paris Diderot et HEC, avance plusieurs pistes pour expliquer le succès très mitigé :

La Défense n’est pas l’endroit idéal. C’est loin du centre et pas très convivial. La situation socio-économique n’est pas encore dramatique à la différence de l’Espagne par exemple. Et puis, il y a le poids de la pensée unique, diffusée par TF1 et d’autres.

Certains aspects tiennent selon lui à la nature même du mouvement Indigné en France : “Le mouvement n’est pas guidé par un seul groupe ce qui rend la médiatisation complexe. Et puis, en France, une importante structure syndicale existe, elle entraine une atomisation des luttes. Beaucoup croient encore au pouvoir des urnes. Mais on sait bien que Hollande ne changera rien…” explique-t-il sans perdre le sourire. Une jeune, le visage maquillé de blanc et le nez peint en rouge, l’interrompt pour lui proposer une stratégie à mettre en place contre l’intervention de la police.

Rêver à ciel ouvert

L’autorisation de manifester arrive à échéance à 21 heures. Déjà, vers 18h, un petit groupe de gendarmes avaient fait deux interventions pour confisquer les tentes tout juste déployées. Les manifestants avaient répondu d’abord par des chants et slogans pacifistes “El pueblo unido jamás será vencido”,“On l’appelle démocratie et c’est comme ça”, puis plus provocateurs “Police partout, justice nulle part”. A la tribune, un orateur s’en désolait :

Nous n’avons pas le droit de rêver à ciel ouvert.

A 21h30, les gendarmes mobiles, la police et des agents en civil se mettent en place. Quelques centaines de manifestants se regroupent autour des tentes, s’agrippent les uns aux autres. Pendant plusieurs heures, les forces de l’ordre chargent, extirpent une tente ou deux, parfois un manifestant, et reculent. Deux blessés légers sont évacués. Visiblement rompus aux méthodes de résistance non-violente, une centaine y a passé la nuit, d’autres sont revenus, hier samedi, moins nombreux que la veille. Les Indignés tiennent.


Photos CC Pierre Alonso [by-nd]

]]>
http://owni.fr/2011/11/06/une-defense-occupee-occupy-indignes-manif/feed/ 62
Les indignés s’occupent de La Défense http://owni.fr/2011/11/03/les-indignes-soccupent-de-la-defense/ http://owni.fr/2011/11/03/les-indignes-soccupent-de-la-defense/#comments Thu, 03 Nov 2011 17:57:37 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=85587 Les indignés s’apprêtent à occuper La Défense, le quartier d’affaires à l’Ouest de Paris. Mercredi soir, 19h, une trentaine de partisans se sont rassemblés boulevard Richard Lenoir, à deux pas de Bastille dans le XIIe arrondissement de Paris. Objectif : préparer l’occupation de ce week-end. “Nous avons l’autorisation de la préfecture pour vendredi entre 17 et 21h” s’exclame l’un des militants à l’adresse de son auditoire, plus ou moins en cercle, plus ou moins silencieux, plus ou moins nombreux.

Parmi la trentaine de participants à la réunion nocturne, des jeunes surtout, mais aussi des personnes plus âgées, des femmes et des hommes de tous horizons, venus de quartiers branchés et d’abris de fortune. Nico, la trentaine, est l’un des organisateurs, un coordinateur plus qu’un donneur d’ordre dans cette structure horizontale où les décisions sont prises par consensus :

Plusieurs collectifs sont à l’origine de cet appel : Acampada Paris, les Indignés, démocratie réelle et Occupy France notamment. Nous sommes rejoints par des activistes, d’anciens militants déçus et des nouveaux militants conquis par le mouvement indigné.

Ils ont reçu le soutien enthousiaste de l’économiste Frédéric Lordon, ainsi que celui de l’ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique Maurice Lemoine, affirme-t-il.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


En revanche, ils n’ont pas approché de figures politiques. “Nous ne sommes pas apolitiques, mais nous sommes apartisants” résume Nico. Certains syndicats, notamment lycéens et étudiants, les rejoindront, de même que les jeunes communistes et Attac. Mais ils sont priés de déposer les drapeaux avant d’arriver sur le camp.

Ensemble spontané

Nico raconte avoir milité dans des syndicats étudiants et au sein de Parti communiste. Mais il trouve chez les indignés une structure moins lourde, plus efficace. Greg, 27 ans, s’occupe de la commission juridique et milite ailleurs “pour les droits de l’Homme” et à Uncut, là aussi “un ensemble spontané d’actions concrètes non-violentes”. Quand il présente les travaux de la commission juridique, Catherine, la cinquantaine, l’interpelle vivement :

On est à deux jours de l’occupation et on en sait pas plus ? Ca va pas du tout !

S’en suit une discussion animée, puis un dialogue plus posé entre les deux interlocuteurs. Catherine est blogueuse et travaille pour un institut de sondage, “en contrat précaire” précise-t-elle. Quand elle a vu le succès d’Occupy Wall Street, elle s’est rapprochée des indignés en France, mais elle reste avant tout une cyber-activiste “sans hacking, juste en diffusant de l’info”. Et une franc-tireur, sans carte dans aucune organisation. Le mouvement, “sans assemblée générale interminable”, l’a séduite. Elle aide à rédiger deux documents de la commission juridique : l’un reprenant in extenso les aspects juridiques, l’autre résumant les points principaux que les participants doivent connaître en cas d’arrestation.

Les indignés ont bien l’intention de prolonger leur occupation au-delà de vendredi soir à 21h, soit après l’échéance de l’autorisation préfectorale. Tous se demandent comment réagiront les forces de l’ordre. “En mai, la répression avait été très forte. La police voulait faire peur et empêcher le mouvement de prendre” raconte Nico. Les rassemblements à Bastille se confrontaient systématiquement à un fort déploiement policier, les marches de l’Opéra qui donnent sur la place étaient fermées par un cordon de forces de l’ordre. “Cette fois nous allons essayer de tenir, il faut avoir un maximum de temps” ajoute-t-il. Les indignés seront rejoints le lendemain, samedi, par les militants partis à Cannes pour le contre-sommet du G20.

Créer

Pour tenir, les indignés misent sur l’organisation du camp. D’abord en recrutant du monde. 129 personnes avaient déjà confirmé leur intention ferme de camper. Entre 1000 et 3000 personnes sont attendues pour le moment. Ils attendent aussi des soutiens venus de Berlin et de Grande-Bretagne, sans compter les régions en France. Les militants se sont mis d’accord pour tracter devant les lycées et les universités d’ici vendredi soir. L’assemblée a aussi mis l’accent sur la communication via les réseaux sociaux :

Créez des éléments de communication : des articles, des visuels etc. Utilisez autant possible le hastag #occuponsladéfense dans vos tweets et ouvrez des comptes Twitter ceux qui n’en ont pas.

Une organisation qui passe ensuite par la maîtrise de la vie sur le camp. En fin de rassemblement, une jeune femme prend la parole : “Ce serait bien de limiter l’alcool pour éviter la violence etc.” Face aux risques de violence policière, Greg, de la commission juridique, est chargé du “copwatching”. Plusieurs personnes filmeront les interventions de la police et d’autres filmeront ceux qui filment. “Nous voulons diffuser ces images en direct sur le campement” espère Greg qui craint la réaction de la police.

La vie du camp sera enfin animée par des ateliers de création de visuels, mais pas seulement. Pièces de théâtre et musique live sont au programme. “Les passants viendront plus facilement si on propose des activités. Et une fois que les familles sont là, la tâche est plus difficile pour la police. Ils ne pourront pas nous déloger brutalement” estime Nico.

Etienne, étudiant en cinéma de 28 ans, attend beaucoup de ces espaces de créativité. Il assistait pour la première fois mercredi à une assemblée générale des indignés. Vendredi sera pour lui l’occasion de mettre en place un projet de “cinéma immédiat” : filmer et projeter en direct, travailler sur le présent. Il résume :

Le présent, c’est la seule chose qu’on ne peut pas nous prendre.


Photos via FlickR CC [by] et [by-nc] empanada_paris

]]>
http://owni.fr/2011/11/03/les-indignes-soccupent-de-la-defense/feed/ 15