OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La brigade financière dément BNP Paribas http://owni.fr/2011/12/05/la-brigade-financiere-dement-bnp-paribas/ http://owni.fr/2011/12/05/la-brigade-financiere-dement-bnp-paribas/#comments Mon, 05 Dec 2011 17:38:12 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=89180

Selon des documents obtenus par OWNI, BNP Paribas a monté à la va-vite un dossier pénal pour écarter le directeur général de sa filiale “titres”. Licencié début 2010 dans le cadre d’une affaire de financement d’une mine en Afrique, Jacques-Philippe Marson a, le mois dernier, relancé cette affaire en décrivant ses mésaventures sur son blog. L’ancien patron de BNP Paribas Securities Services (BP2S) dénonce un “licenciement abusif” et pointe quelques bizarreries de la part du groupe BNP Paribas.

Or, une enquête de la Brigade financière (dont nous publions une copie au bas de cet article) lui donne raison sur plusieurs points et le disculpe des charges pénales, deux ans après cette éjection expresse. Laissant supposer que la banque a fabriqué un dossier pénal pour se débarrasser d’un cadre supérieur devenu encombrant.

Tout commence le 30 septembre 2009. BNP Paribas reçoit une lettre de l’avocate d’un homme d’affaire malien, Allou Diallo, mettant en cause Jacques-Philippe Marson, directeur général de BP2S. Il est accusé d’avoir fait preuve d’un “comportement blâmable, notamment d’un point de vue éthique et déontologique” dans le cadre d’une recherche d’investisseur pour un fonds canadien. Le véhicule financier, le Mansa Moussa Gold Fund (MMGF), était destinée à financer une mine au Mali exploitée par la société Wassoul’or, les deux structures étant présidées par l’accusateur, Allou Diallo.

200 millions de dollars

L’investisseur amené par Marson, François de Séroux, était censé apporter 200 millions de dollars américains via sa société Ventra Consulting. Laquelle fera finalement défaut. L’avocate du fonds lésé invite la banque à trouver une solution à l’amiable, parmi laquelle une possibilité d’intéressement au financement du projet, “compte-tenu du fait que le marché de l’or est actuellement porteur”.

Octobre 2009 : la BNP ordonne une inspection générale (IG) spéciale, procédure interne de contrôle.

Novembre 2009 : mise à pied de Jacques-Philippe Marson. Il lui est reproché de ne pas avoir respecté les principes et les procédures déontologiques et de prévention du blanchiment en vigueur à la BNP dans cette affaire, mais également deux autres.


Extrait des conclusions de BP2S aux prud’hommes

Janvier 2010 : Jacques-Philippe Marson est licencié pour faute grave. À la suite des plaintes croisées entre le fonds canadien, le groupe BNP Paribas et Jacques-Philippe Marson, une enquête préliminaire est ouverte par la Brigade financière, pour le compte du parquet de Paris.

Les plaintes seront classées sans suite. L’enquête révèle que la majorité des faits reprochés à l’ancien DG pour justifier son licenciement ne sont pas avérés :

Il ne pouvait donc être établi de manière certaine qu’il avait été prévu un intéressement financier personnel au profit de M. Marson. [...]
S’agissant d’un éventuel conflit d’intérêts invoqué par la banque à l’encontre de M. Marson, il n’était apporté ou recueilli aucun élément l’établissant de manière certaine. M. Marson apparaissait au contraire avoir agi dans un souci permanent de protection de la banque et de son client, la société Ventra Consulting.

Concernant le compte ouvert chez BP2S au nom Ventra Consulting, la BF infirme les conclusions de l’IG :

Il apparaissait que toutes les procédures préconisées par la banque concernant la prudence et la lutte contre le blanchiment avaient été suivies et respectées sans que M. Marson n’y fût intervenu de manière particulière.

L’ex DG n’est pas non plus intervenu en particulier dans le dossier. Sur le mélange des casquettes privées et professionnelles, là encore la BF met les choses au clair :

Contrairement à ce que prétendait le MMGF dans sa plainte, il n’était pas apporté la preuve que M. Marson eût “usé et abusé” de sa qualité de directeur général de BP2S dans le cadre de cette opération. Au contraire, les pièces produites et les déclarations recueillies mettaient en évidence le caractère personnel de son intervention.

De même, les autres projets pointés du doigt par BNP Paribas ne mettent pas en cause la déontologie de Jacques-Philippe Marson. Dernier point déminé, des opérations touchant des diamants, en lien avec le non respect de la politique des cadeaux du groupe ou la rémunération de variable de Jacques-Philippe Marson :

Elles n’apparaissaient pas susceptibles de constituer des infractions pénales et, eu égard au résultat des investigations menées concernant la relation Ventra Consulting et MMGF, et en accord avec le Parquet de Paris, il n’était pas procédé à plus d’investigations à leur sujet.

Restent principalement deux griefs, selon la BF. Contrairement à ce que Jacques-Philippe Marson soutenait, il avait bien été mandaté par le MMGF pour rechercher un investisseur et son mandat avait été renouvelé “à plusieurs reprises et à sa demande, jusqu’en février 2009, date à laquelle ils annonçaient aux représentants du MMGF la défaillance de l’investisseur potentiel.”

L’ex DG est aussi mis en cause pour avoir masqué le nom de l’investisseur, François de Séroux-Fouquet, sur des documents, “ôtant toute possibilité au MMGF d’exercer un recours aux fins d’obtenir l’exécution de ses engagements par l’investisseur défaillant.”

Interrogée par la BF sur les conclusions de l’IG affirmant que les agissements de Jacques-Philippe Marson ont “clairement enfreint les règles et normes en vigueur au sein du groupe”, Hortense Boizard, responsable risque, conformité et contrôle permanent de la filiale BP2S, avait répondu :

Je pense qu’elle n’est pas très factuelle. J’aurais souhaité que l’inspection générale indique clairement la liste des règles et normes en vigueur qui ont été enfreintes.

Interrogée par mail, la BNP n’a pas répondu à nos questions. Les demandes de transaction n’ont jamais eu de suite. “Ils ont coupé les ponts, ils ont fait le black out, nous a expliqué Julia Boutonner, l’avocate de M. Diallo. Ils ne voulaient négocier avec personne.” Et de souffler “M. Marson aurait eu d’autres cadavres dans les placards”. D’après la Brigade financière, les cadavres ressemblent surtout à des baudruches dégonflées.

Appel de la décision

Selon elle, l’affaire s’est arrêtée là car “ce n’était l’intérêt de personne que cette affaire soit poursuivie.” Pourtant, Jacques-Philippe Marson souhaite aller au civil et a fait appel de la décision des prud’hommes. Il affirme être prêt à aller jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme.

Pour quelles raison la BNP a-t-elle agi ainsi ? Un salarié qui a souhaité garder l’anonymat nous a suggéré de revenir sur un scandale remontant à l’été précédent les faits. La BNP est alors sous le feu des médiaspointée du doigt pour avoir provisionné un milliard d’euros de plus qu’en 2008 à destination de ses traders, après avoir reçu 5,1 milliards d’euros d’aides de l’État. Voyant venir un potentiel second scandale, la BNP aurait donc viré fissa le DG de sa filiale. Quelques articles paraîtront alors aux titres fleurant bon le scandale à la sauce Françafrique.

Maladroitement, la défense désigne Diallo comme un “Madoff malien”, propos repris par Le Point. En plus de valoir à l’hebdomadaire un droit de réponse et un procès en diffamation, cet argumentaire est à double tranchant : l’idée que le DG de BP2S ait pu se faire avoir ainsi n’est pas de nature à rassurer ses partenaires en affaire. Or la confiance est l’actif le plus précieux d’une banque, celui qui attire les clients. BNP-Paribas s’empressera bien de préciser qu’il n’y a eu aucune conséquence financière sur la banque et ses clients.


Photos via Flickr par Big Pilou [cc-by] ; Joanet [cc-by] ; Chris Jeriko [cc-byncsa]

Image de Une Marion Boucharlat pour OWNI

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Un ex-directeur de BNP balance http://owni.fr/2011/11/25/directeur-bnp-paribas-balance-tumblr/ http://owni.fr/2011/11/25/directeur-bnp-paribas-balance-tumblr/#comments Fri, 25 Nov 2011 08:23:01 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=87979

Lundi 14 novembre au matin, les employés de BNP Paribas Securities Services (BP2S), l’activité de titres de BNP Paribas, ont reçu un étonnant mail de leur ancien directeur, Jacques-Philippe Marson :

Chères amies, Cher amis, Dear Friends,

Le 9 novembre dernier marquait l’anniversaire de deux années passées après le premier jour d’une inspection générale “spéciale” qui a conduit scandaleusement à mon licenciement.  J’ai décidé de rompre le silence que je m’étais imposé et de m’exprimer publiquement par le biais d’un blog.
Je publierai au fil des jours et semaines qui viennent les événements tels que je les ai vécus.  Je vous livrerai analyse et reflexion à ce dossier qui s’avèrera accablant pour ceux qui l’ont intitié et pour ceux qui l’ont soutenu.

Intitulé “Histoire d’un licenciement abusif”, son site sur Tumblr (une plate-forme de microblogging) met sur la place publique les affaires internes qui ont abouti à sa mise à pied fin 2009, suivi de son licenciement pour faute grave. L’affaire avait été médiatisée à l’époque, dans une séquence peu glorieuse pour la finance, entre le krach de 2008 et les affaires Kerviel et Madoff.

En première lecture, l’affaire à l’origine de son éviction apparaît tortueuse. L’ex-dirigeant a été accusé d’avoir profité de sa position pour obtenir des commissions occultes de la part d’un homme d’affaire malien, Aliou Boubacar Diallo dans le cadre d’un projet minier au Mali. Trois plaintes croisées ont été déposées, la BNP contre Jacques-Philippe Marson, Aliou Boubacar Diallo contre Jacques-Philippe Marson et Jacques-Philippe Marson contre Alliou Diallo.

Suite à ces plaintes, le parquet de Paris a décidé de l’ouverture d’une enquête préliminaire confiée aux experts de la Brigade financière, en janvier 2010. Lesquels, depuis, n’ont rien trouvé. Jacques-Philippe Marson justifie de sortir seulement maintenant du silence :

J’ai attendu que les plaintes soient traitées ou classées pour agir. Toutes les plaintes ont été classées. Je consacrerai un chapitre détaillé sur les trois plaintes.

Violence des échanges en milieu tempéré

Les quelques billets qu’il a déjà mis en ligne annonce la couleur, plutôt rouge colère que vert BNP. Promettant d’”appuy[er] par des preuves écrites et par des témoignages” ses accusations, il tape dur, d’emblée :

À ce jour le groupe n’apporte aucune preuve. Il se base uniquement sur le rapport “à charge” de l’inspection générale dont les conclusions sont absolument fausses et totalement mensongères. Une analyse détaillée en sera faite dans les chapitres à venir.

Selon lui, il y a à l’origine de la procédure, “une lettre de dénonciation”, le 30 septembre que “B. Prot, Directeur Général du Groupe BNP Paribas reçoit en mains propres de son frère”, Guillaume Prot alors directeur général du groupe Moniteur. L’avocate de l’homme d’affaire malien, Julia Boutonnet, décrit quant à elle Jacques-Philippe Marson comme un affabulateur. Quant au classement des plaintes, il est logique pour elle :

Le cas de M. Marson relevait plus du civil que du pénal, ce qu’on reprochait à mon client ne tenait pas la route et la BNP ne voulait pas faire de publicité.

Pour le manque de publicité, c’est loupé. L’état-major est aussi passé au couteau :

A ce jour, aucun membre de la direction générale du groupe, aucun membre des cadres dirigeants du groupe, aucun des cadres de mon équipe dirigeante n’ont jugé utile de m’accorder une seconde d’écoute.  Aucune des ces éminentes personnes n’a jugé utile de me soutenir dans cette double et terrible épreuve : professionnelle et personnelle.

Dans un billet publié ce jeudi, Jacques-Philippe Marson accuse implicitement Jacques d’Estais, qui lui a succédé, de diffamation :

Le lendemain, 24 novembre, mon responsable hiérarchique a réuni 350 cadres de BP2S pour les informer de ce qui se passait. Vous trouverez ci-après la version intégrale des propos tenus par Jacques d’Estais. Je vous laisse juge du caractère diffamatoire ou non de son discours.

Choc des cultures

Au final, choc des cultures garanti entre le milieu feutré de la banque, adepte de la logique verticale (“top-down”) et la plate-forme Tumblr, la plus populaire, le seuil d’accès le plus bas au blogging, plus connu pour ses gifs animés que pour servir de porte-voix aux victimes d’injustice.

Jacques-Philippe Marson a bien contacté des journalistes pour tenter d’attirer leur attention sur son histoire mais las : selon ses dires, son histoire n’est pas assez sexy à leurs yeux. Crucifier un ponte de la banque, c’est intéressant (lorsque son affaire a éclaté), le blanchir, nettement moins, a fortiori s’il n’a pas de révélations fracassantes à faire sur la BNP :

BNP est une organisation qu’en tant qu’organisation je respecte, ce sont des personnes qui sont responsables de mon licenciement. Et je ne suis pas un mouchard.

Il n’a pas non plus confiance en la justice, qui l’a débouté aux prud’hommes en un quart d’heure, comme un vulgaire justiciable de base :

D’habitude, ces affaires ne se règlent pas aux prud’hommes.

Selon lui, son drame se heurte au corporatisme des salariés, qui auraient modestement relayé ses demandes. Jacques-Philippe Marson parle carrément d’omerta. L’un de ses anciens collègues a ainsi refusé de faire suivre le mail de JP Marson :

je n’ai pas trop envie d’aller à la pêche au mail dans ce cas précis. Ce qui se passe à Pantin reste à Pantin!

L’ex-dirigeant assure que son blog a fait son petit effet. Un salarié nous a raconté que la méthode avait surtout surpris :

Ça a fait parler en interne, enfin surtout vu la méthode utilisée (un mail envoyé sur les mails pro lundi pendant la nuit).

La BNP semble avoir opté pour une défense basique. La plate-forme avait été débloquée voilà quelques temps. Curieusement, peu de temps après l’envoi du mail, l’accès était de nouveau bloqué pour le personnel connecté en interne. Contacté, le service de presse a eu cette réaction :

Il a un blog ? Vous m’apprenez quelque chose. Je ne m’occupe pas de la partie BP2S. [je lui dicte le nom du Tumblr] Tumblr est bloqué chez nous. Bon, il n’est pas content, ça fait du bien de se déverser.

Dans cette ténébreuse affaire, les détails manquent sur les raisons pour lesquelles la BNP aurait décapité l’ancien directeur. Pour l’heure, l’ex-dirigeant n’a que des hypothèses, qu’il refuse que nous rendions publiques. La suite au prochain post. Dans le cadre de cet article, nous avons tenté de recueillir des commentaires de la part de la direction de BP2S. En vain.

Images CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Cade Buchanan et PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification M Domondon

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