OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les mauvais chiffres du premier tour http://owni.fr/2012/04/22/les-gamelles-chiffrees-du-premier-tour/ http://owni.fr/2012/04/22/les-gamelles-chiffrees-du-premier-tour/#comments Sun, 22 Apr 2012 18:38:06 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=107408 OWNI en partenariat avec i>TÉLÉ. ]]>

Lancé en partenariat avec i>TÉLÉ pour vérifier les déclarations chiffrées des six principaux candidats à l’élection présidentielle, le Véritomètre a vu voltiger des centaines statistiques en deux mois de factchecking. Après ce premier tour, nous vous livrons un condensé des plus grosses erreurs des prétendants à l’Élysée, rangées par type de bourdes. Un panorama synthétique des libertés prises avec les statistiques officielles au travers duquel perce, peut-être, une certaine vision des Français et du genre de pilule que les équipes de campagne veulent leur faire avaler. Expliquant, peut-être, les surprises des résultats du suffrage de ce dimanche.

L’arrondi qui tue

Parmi les reproches les plus courants que nous ont adressés les membres des équipes de campagne des candidats, il y a la question des arrondis : selon eux, nous étions “trop sévères” avec les pauvres politiques essayant par un gros chiffre qui tombe juste de faire la démonstration que la France va mal. Une remarque étonnante, surtout venant d’un candidat comme François Bayou, lequel a fait du “discours de vérité” le point d’orgue de sa communication politique. Champion du redressement des finances publiques, c’est pourtant le même candidat du Modem qui sous-estimait de 8,7% le budget de l’Etat un matin sur Europe 1 :

L’argent que dépense l’État, les collectivités locales et la Sécu, c’est 1000 milliards, 1000 fois 1000 millions par an.

L’estimation était révisée à la hausse de 5% par le même candidat, trois semaines plus tard sur RTL cette fois-ci :

La France dépense un peu plus de 1000 milliards de dépenses publiques par an, mettons 1050 milliards.

Le vrai chiffre est encore 44 milliards au dessus : 1094 milliards d’euros en 2011 selon l’Insee. Cet arrondi serait, nous a-t-on assuré dans l’entourage du candidat, “au service d’une démonstration”. Mais pourquoi, alors, François Bayrou reproche-t-il quelques dizaines de milliards de surcoût dans le programme d’un de ses concurrents quand lui-même en oublie une centaine ?

À ce petit jeu, le président sortant lui-même a fait très fort puisque la première mesure de sa campagne, présentée en direct sur TF1 le 15 février, s’appuyait, elle-aussi, sur un chiffre incorrect mais bien rond :

Aujourd’hui, il y a seulement 10 % des chômeurs qui sont en formation.

Pointilleuse, notre équipe de data-journalists s’est penchée sur les derniers chiffres disponibles du ministère du Travail : vieux de 2009, ils indiquaient seulement 8% de demandeurs d’emplois en formation, soit 20% de moins qu’annoncés par le chef de l’État. Un arrondi, nous ont reproché de nombreux internautes, trouvant ce “0% de crédibilité” injuste pour “2%” de plus. Pourtant, ces deux points de chômeurs en formation représentent la modeste foule de 140 000 et quelques demandeurs d’emplois non inscrits à des formations, soit l’équivalent de l’agglomération de Clermont-Ferrand.

Derrière des arguments de forme, selon lesquels il serait trop long de donner “le chiffre complet”, se cache plus souvent le désir d’un “bon chiffre”, frappant l’esprit au détour d’une phrase et facile à mémoriser.

Question d’échelle

Mais il n’y a pas que dans les chiffres que la recherche du raccourci fait des ravages. À cause d’une mauvaise documentation, les candidats ont parfois énoncé des énormités y compris sur leur propre domaine d’expertise. Par exemple, ce n’est pas sur l’immigration ou la sécurité qu’Eva Joly nous a offert sur Canal + son plus gros écart, mais sur le logement, un des points phares de son programme :

Il y a 2 millions de logements vacants en région parisienne.

Le chiffre officiel le plus récent que nous ayons trouvé fait en réalité état de… 329 000 logements vides en Île-de-France ! Il existe bien deux millions de logements vides, mais dans toute la France.

De son côté, le candidat de l’UMP s’avançant sur le terrain des énergies vertes a de beaucoup surestimé les investissements dans la filière renouvelable lors de la conférence de presse de présentation de son programme :

Vous dites qu’on a bien du mal à affecter le chantier éolien. Ah bon ? Le chantier éolien c’est 12 milliards d’euros.

Avec un tel budget, les rotors auraient remplacé les réacteurs nucléaires sur les côtes normandes. Sauf que, s’il y a bien 12 milliards d’euros d’investis dans l’énergie éolienne, ce n’est pas en France, mais dans toute l’Europe ! Et le chiffre ne vient pas d’un obscur think tank mais du ministère de l’Écologie lui-même (lequel sous estimerait légèrement l’effort financier, selon le groupement des industriels européens du secteur). En réalité, c’est plutôt 1,2 milliard d’euros qui auraient été injectés par la France dans l’éolien, là où l’intégralité des investissements n’ont atteint depuis la première éolienne en 1991 que 7,164 milliards.

Derrière ces énormités, le raccourci semble évident : un gros chiffre trouvé au détour d’un rapport, mettant en valeur un atout ou une faiblesse structurelle. Las, pas le temps dans une interview ou un discours de finasser.

Sauf que ce sont généralement dans des sujets de niche que les terminologies sont les plus importantes : quand François Bayrou prétend qu’il ne subsiste que 100 000 emplois dans la “filière textile” dans Des paroles et des actes avant de parler du “sportswear”, il ne semble pas savoir que l’on ne parle de “textile” que pour les métiers de préparation du tissu et que “l’habillement” est, au sein des instances représentatives de ces industries, compté totalement à part. Et que, loin de ces 100 000 salariés, ils n’étaient déjà plus que 70 527 à travailler à la préparation des tissus en France en 2010.

Des chômeurs toujours prêts à rendre service

Mais les candidats font souvent mine de ne pas comprendre un sujet bien moins pointu et étroit que l’industrie des tissus : les questions d’emploi. Alors que le chômage est l’une des principales préoccupations des Français et qu’il constitue un sujet de débats permanents entre le sortant et les prétendants, aucun des candidats n’a pris le temps de décrire les différentes catégories de demandeurs d’emplois, à la notable exception de François Bayrou qui évoquait à Perpignan :

Un pays qui a presque 5 millions de chômeurs à temps complet ou à temps partiel.

À d’autres reprises, le candidat du Modem et ses concurrents n’ont pas eu ce soucis de précision. Entre les cinq catégories de demandeurs d’emplois, désignées par les lettres A à E (A, désignant les personnes sans aucune activité, B et C avec une activité partielle et D et E, ceux n’étant pas inscrit au début ou à la fin du mois à Pôle emploi), il leur est arrivé même de jongler dans une même intervention ! Sur TF1, le 27 février, François Hollande tire ainsi un bilan quelque peu réducteur du chômage :

dans une période de chômage, telle que nous la connaissons, trois millions de chômeurs

Par “bonne foi”, l’équipe des vérificateurs d’OWNI a considéré qu’il fallait vérifier une déclaration en supposant que le candidat se rangeait à la définition du chômage la plus proche du chiffre avancé, en l’occurrence, de la catégorie A des chômeurs à temps plein qu’il surestimait d’un peu moins de 5%… mais cinq minutes plus tard, il change de définition pour critiquer le bilan du président sortant :

Avoir eu pendant le dernier quinquennat un million de chômeurs supplémentaires, c’est un échec.

Y avait-il seulement deux millions de chômeurs sans activité en 2007 ? On en est loin : selon la Direction des études statistiques du ministère du Travail (Dares), l’augmentation n’a pas dépassé les 750 000. En revanche, ce chiffre est bien atteint pour une autre définition du chômage (catégorie A, B et C).

De l’Outre-Mer à l’oubli

Les chiffres officiels du chômage contiennent en eux-même un biais considérable : ils écartent purement et simplement les départements d’Outre-Mer ! Les chiffres de la Dares pour février 2012 recensent ainsi 4 278 600 demandeurs d’emplois de catégorie A, B et C en métropole. Mais ils sont 4,47 millions en comptant les chômeurs de Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion, soit près de 270 000 de personnes ignorées par la statistique de référence !

Dans la dernière île seulement, le Pôle emploi recense 20 200 inscrits, soit plus que dans toute la région Poitou-Charentes pour une population de 60% inférieure. Épisode pittoresque par excellence des tours de France des candidats, le passage par les départements ultra-marins (notamment les Antilles) ne laisse généralement que peu de souvenirs dans les chiffres évoqués en métropole. Loin des yeux, loin du coeur, deux mois après avoir rendu visite aux Français des Caraïbes, François Hollande les oubliait déjà pour flatter les jeunes réunis autour de lui à Bondy pour son discours du 16 mars :

La Seine-Saint-Denis est le département le plus jeune de France.

Entre l’Atlantique et la Méditerranée, l’Insee donne raison au candidat socialiste : avec 440 865 habitants de moins de 20 ans en 2010 sur 1,527 million d’habitants, la Seine-Saint-Denis détient le taux record de 28,86% de jeunes. Mais seulement en métropole. Car, un océan plus loin, tous les territoires français affichent une population plus jeune encore : 29,5% de moins de 20 ans en Guadeloupe, 34% à la Réunion et, record de la France entière, 44,4% pour la Guyane. Un record auquel s’ajoute un taux de chômage de 45,1% chez les jeunes de moins de 24 ans. Une performance rarement évoquée dans les discours.

L’ivresse des records

Pour jouer aux réformateurs, en revanche, les candidats, et notamment le président sortant, stigmatisent à tout va la France comme le pays dernier de la classe, y compris en direct dans l’émission Parole de candidat face à quelques millions de téléspectateurs :

La France est le seul pays au monde où lorsqu’il y a une crise, le prix de l’immobilier augmente.

L’effet escompté est évidemment de dénoncer un archaïsme honteux ou bien un système grippé que tous les régimes précédents auraient protégé jusqu’à ce jour et que l’impétrant compte bien renverser une fois au pouvoir (quand bien même il l’est déjà). Sauf que, le monde est vaste et il y a toujours un pays pour écorner la démonstration : dans le cas de l’immobilier, il a suffi aux vérificateurs du Véritomètre de passer en revue les États européens pour en trouver trois – Suède, Finlande et Norvège – où les prix de l’immobilier avaient également augmenté ces quatre dernières années.

En dehors de la sortie de Marine Le Pen, correcte à Nice quand elle déclare que le taux de syndicalisation français est “le plus bas du monde occidental”, rares sont les tirades de ce genre qui résistent à la vérification. Spécialiste des classements en tout genre (des forêts jusqu’aux salles de classe), François Bayrou a bien essayé pour interpeller son auditoire d’exagérer la situation française :

Nous sommes le seul pays dans notre situation en Europe (…) qui soit devant un épouvantable déficit du commerce extérieur.

C’était sans compter les bases de données d’Eurostat, lesquelles nous ont appris qu’il y avait bien pire que nous. Et, cette fois-ci, nul besoin d’aller chercher en Pologne ou dans les pays scandinaves pour savoir qui surclasse Paris en matière de déficit commercial : avec 117,4 milliards d’euros de déficit commercial en 2011, c’est la Grande-Bretagne qui arrive première en UE, avec près de 50% de dépendance économique extérieure de plus que la France.

En dehors de l’efficacité de la formule, permettant d’assurer que “la France s’est mieux sortie de la crise que quiconque” et autres superlatifs, ce type de comparaison excessive a l’avantage de frapper l’esprit d’une formule sans obliger le candidat à avancer un chiffre ou à détailler les raisons expliquant un retard.

Maths

À l’extrême opposé de ces “chiffres chocs”, il arrive que le citoyen spectateur d’un meeting ou d’une interview se voit infligé une interminable démonstration bourrée de chiffres censée révéler une vérité cachée à grands coups de maths. En la matière, le champion toutes catégories reste François Bayrou, lequel s’est à plusieurs reprises (Angers, Besançon, Parole de candidat…) autoproclamé “président, trésorier et fondateur de l’association pour la défense du calcul mental”. Sa plus célèbre démonstration, restée gravée dans la mémoire de nos journalistes de données, reste la comparaison entre les voitures produites sur le territoire français par Renault et celles fabriquées en Allemagne par Volkswagen :

Je suis très frappé par ces chiffres-là : en 2005 toujours, Volkswagen produit en Allemagne 1 200 000 véhicules par an et, au même moment, Renault produit en France 1 200 000 véhicules par an, le même chiffre. Cette année, sept ans après, Volkswagen va produire en Allemagne 2 200 000 véhicules, presque le double, et chez nous Renault va produire en France 440 000 véhicules, trois fois moins que ce qu’il produisait en 2005.

À la sortie de ce tunnel, ceux qui auront réussi à suivre l’enchaînement des chiffres (malgré le débit plutôt modéré du candidat du Modem) auront saisi la question sous-jacente : pourquoi Renault produit moins sur son territoire alors que l’Allemagne produit plus ? Sauf que, dans le détail, tous les chiffres évoqués ici sont incorrects. Selon les sources officielles : en 2005, déjà, la marque allemande affichait 40% de production en plus sur son territoire que le leader français (1,913 millions de véhicules produits côté Volkswagen contre 1,318 millions chez Renault). Quant aux derniers chiffres, s’ils “renforcent le constat”, comme nous l’avait rétorqué François Bayrou sur le plateau de i>TÉLÉ où nous lui avons présenté le graphique, ils n’en étaient pas moins tout aussi éloignés de la réalité.

L’autre grand classique est le calcul “à la volée” de l’impact d’une taxe. Invitée de Radio France Politique, Eva Joly a ainsi vanté les sommes mirifiques que récupérerait l’Union européenne en imposant une “taxe Tobin” :

Un taux de 0,005% pour la taxation des transactions financières dans la zone euro produit 172 milliards

Malheureusement pour la candidate d’Europe écologie-Les Verts, le calcul avait déjà été fait et à un taux bien supérieur : avec 0,1% d’imposition sur les mêmes transactions financières, la Commission européenne n’entrevoyait ainsi que 57 milliards par an de collecte, soit trois fois moins pour un taux vingt fois supérieur.

Vieilles de 12 ans

Les candidats ne vont parfois pas chercher aussi loin. Parfois, ils se contentent d’utiliser un “vieux chiffre à la mode”, répété à tort et à travers dans les enquêtes et les études sur un sujet. Bien que candidat le plus précis de la campagne de premier tour, Jean-Luc Mélenchon n’échappe pas à la règle quand il déclare sur France info :

80% des Smicards sont des smicardes !

Cette statistique, elle circule dans toutes les directions et depuis longtemps. Très longtemps. Au moins en 2000, puisque la source première de ce chiffre (rarement citée) est l’ouvrage de la sociologue et directrice de recherche au CNRS, Margaret Maruani, “Travail et emploi des femmes”, paru en mars 2000 aux éditions La Découverte. Or, il existe des études plus récentes dont les conclusions sont différentes. La dernière en date que nous ayons pu trouver remonte à 2006, mais peint un portrait fort différent des salariés payés en Smic : elle constate également une prépondérance de “smicardes”, mais elles représentent 56,% des salariés au Smic contre 43,6% pour les hommes. Au regard de cet écart, les chiffres vieux d’une année cité par Jean-Luc Mélenchon à Marseille quant aux accidents du travail suivis d’une incapacité permanente relèvent du petit oubli de mise à jour.


Illustration par Loguy pour Owni /-)

Posters réalisés par l’équipe du Véritomètre via le Motivator.

Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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Premier tour des data journalists http://owni.fr/2012/04/20/une-presidentielle-en-donnees/ http://owni.fr/2012/04/20/une-presidentielle-en-donnees/#comments Fri, 20 Apr 2012 13:02:13 +0000 Pierre Leibovici et Grégoire Normand http://owni.fr/?p=107041 OWNI i>Télé, les journalistes de données de la rédaction ont vérifié près de 1300 citations des candidats à la présidentielle dès lors qu'elles s'appuyaient sur des éléments chiffrés - sur l'emploi, la sécurité, le commerce... De quoi en tirer quelques bilans sur l'utilisation générale du chiffre par l'homo sapiens en campagne.]]>

Premier bilan pour Le Véritomètre, l’application web de “fact-checking” politique (vérification des faits) à la française. En soixante-cinq jours, les cinq journalistes de données d’OWNI auront examiné un total de 1 191 déclarations chiffrées des six principaux candidats à l’élection présidentielle.

La rigueur du Véritomètre s’est imposée grâce à un barème strict, classant les déclarations des candidats selon trois critères (correct, imprécis et incorrect). En tenant compte de vos nombreuses remarques et suggestions. Car c’était aussi le défi de notre application : mettre en oeuvre une vérification citoyenne et participative des données.

Cadre

Au rang des surprises, vient d’abord le classement global de la crédibilité des déclarations chiffrées des candidats. Globalement, ils se trompent souvent. Sur la totalité des déclarations chiffrées que nous avons vérifiées, seules 40,2% sont correctes. 41,6% des déclarations chiffrées des candidats sont incorrectes et 18,6% se révèlent trop imprécises.

À l’échelle de chaque candidat, ce classement révèle aussi bien des disparités. Durant ces deux mois et demi de campagne, les candidats analysés n’ont pas pris les mêmes risques sur le plan des données. Nicolas Sarkozy caracole en tête des chiffres évoqués, 392, devant François Bayrou, 271 citations chiffrées, et François Hollande, 215. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ne s’éloignent que d’une citation, avec respectivement 164 et 163, loin devant Eva Joly, qui aura mené une campagne faible en chiffres, avec seulement 107 références chiffrées.

On pourrait croire à une différence de traitement des interventions médiatiques des six prétendants. Mais il n’en est rien : l’équipe du Véritomètre a vérifié entre 20 et 23 interventions pour chacun des candidats.

L’explication se trouve plutôt dans les stratégies de campagne de chacun, certains concevant le chiffre comme un argument imparable et indispensable pour tout rendez-vous médiatique, quand d’autres se reposent davantage sur les envolées de paroles. Pour preuve, Eva Joly a évoqué 3,7 fois moins de chiffres que Nicolas Sarkozy pour un même nombre d’interventions dans les médias vérifiées.

Le plus, le moins

Le “champion” des déclarations correctes est, à un cheveu près, le candidat du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon. Au total, 48,8% de ses estimations chiffrées s’avèrent éloignées de moins de 5% de la réalité (et sont donc considérées comme correctes selon notre barème), contre 48,6% pour Eva Joly. A l’inverse, la plus faible proportion de chiffres exacts revient à Marine Le Pen (28,8%).

Jean-Luc Mélenchon remporte également la palme des déclarations imprécises (éloignées entre 5 et 10% de la réalité selon notre barème), 20,1% du total de ses chiffres relevés par les journalistes d’OWNI, suivi de près par François Hollande (19,1% de déclarations imprécises). Avec 12,9% de chiffres imprécis, François Bayrou, affiche le plus faible taux d’imprécision des six candidats.

Moins réjouissant, le candidat du MoDem arrive également en tête des déclarations incorrectes, 43,5% des chiffres qu’il a évoqués s’avérant éloignés de plus de 10% de la réalité. Le moins “incorrect” des six est Jean-Luc Mélenchon, un quart (24,4%) de ses données étant erroné.

En valeur, c’est le président-candidat, Nicolas Sarkozy, qui compte le plus de déclarations à la fois incorrectes et exactes.

Rendez-vous de taille

Deux grandes émissions politiques auront marqué cette campagne : Parole de candidat sur TF1 et Des paroles et des actes sur France 2. A l’exception d’Eva Joly, qui fut invitée une seule fois sur France 2, les six candidats dont les propos ont été vérifiés par le Véritomètre ont obtenu la “parole” à trois reprises et sur un temps comparable, ce qui rend donc intéressante une comparaison de leurs prestations.

A l’image de la situation générale, c’est Nicolas Sarkozy qui arrive largement en tête du nombre de citations chiffrées, 173 en seulement trois rendez-vous. C’est six fois plus que Jean-Luc Mélenchon, qui s’est risqué à “seulement” 29 données.

Le verdict des citations ne reflète pas, quant à lui, la situation d’ensemble. Globalement, les candidats à la présidentielle ont tenu davantage de propos chiffrés incorrects lors de ces deux interventions télé. François Bayrou et Nicolas Sarkozy sont au coude-à-coude, avec respectivement 52 et 51,8% de déclarations incorrectes en trois émissions. La palme de l’imprécision revient à Marine Le Pen, tandis qu’Eva Joly – sur un nombre bien plus faible de déclarations cela dit – a été la plus juste des six, avec 64,7% de chiffres exacts.

Quant à savoir si le grand débat de l’entre-deux-tours reflétera les performances passées des deux candidats retenus, rendez-vous est donné dès le lendemain, sur OWNI bien sûr.


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Le terrorisme fantasmé de Marine Le Pen http://owni.fr/2012/04/19/le-terrorisme-fantasme-de-marine-le-pen/ http://owni.fr/2012/04/19/le-terrorisme-fantasme-de-marine-le-pen/#comments Thu, 19 Apr 2012 17:12:58 +0000 Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=106951 OWNI. La candidate FN reste avant-dernière au classement OWNI-i>Télé de crédibilité des six principaux candidats à la présidentielle, devançant Nicolas Sarkozy de près d'un point.]]>

La gravité attire les six principaux candidats à la présidentielle présents dans le classement du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude de leurs déclarations chiffrées ou chiffrables.

Avec 43,4 % de crédibilité, Nicolas Sarkozy s’enfonce un peu plus à la dernière place, tandis que Marine Le Pen et François Bayrou jouent au coude-à-coude (44 % pour la candidate FN, 44,7 % pour celui du MoDem). Eva Joly perd quelques dixièmes de points et tombe à 58,7 %. Elle reste devant François Hollande (54,3 %) mais se détache un peu plus de la tête du classement, conservée par Jean-Luc Mélenchon avec 63,5 % de crédibilité.

Durant ces dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 41 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle. Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention.

Marine Le Pen islamise

Pour justifier l’amalgame entre immigration et terrorisme, rien ne vaut les chiffres. Et Marine Le Pen l’a bien compris. Dans la matinale de France Inter du 19 avril, tout en affirmant que “Mohammed Merah n’aurait pas été Français” si elle avait été aux affaires, la candidate FN a vu grand :

95 ou 97 ou 98 % des attentats qui sont commis aujourd’hui dans le monde entier sont le fait du fondamentalisme islamique !

A notre connaissance, le seul organisme officiel fournissant des données sur les attaques terroristes dans le monde vient des États-Unis. Il s’agit du Centre national du contre-terrorisme, qui classe notamment les attentats selon la nature de l’organisme revendicateur. L’équipe du Véritomètre a recensé les résultats pour l’année 2011 sur un graphique :

Et Marine Le Pen est très loin de la réalité. Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011, sur les 10 309 attaques terroristes ayant eu lieu dans le monde, 56,3% ont été revendiquées par des islamistes radicaux. Soit 68,7% de moins que l’estimation avancée par la candidate FN.

A une échelle réduite, celle de la France, il en va tout autrement. L’équipe du Véritomètre avait déjà vérifié les données sur les revendications d’actes terroristes en France en 2010 à l’occasion d’une déclaration de Jean-Luc Mélenchon, dans un discours à Lille, le 27 mars. Sur les 84 actes terroristes recensés sur le sol français par l’agence Europol, aucun n’avait été revendiqué par un mouvement islamiste.

Le trop long contrat d’Eva Joly

Eva Joly place la fin de sa campagne sous le signe de la justice. Après avoir décrié – non sans un certain excès – le traitement fiscal de Liliane Bettencourt, la candidate Europe Ecologie – Les Verts s’en est prise aux Partenariats public-privé (PPP) dans les prisons à l’occasion de l’interview politique de Christophe Barbier sur i>Télé :

Il faut renouveler les bâtiments des prisons [...] mais les conditions dans lesquelles nous le faisons en France, en partenariats public-privé par exemple, qui grèvent nos budgets pour les 51 ans à venir, tout en assurant une rente à Bouygues, ne sont pas la bonne solution.

Les PPP pénitentiaires pointés du doigt par Eva Joly ont été institués par la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire. Une loi qui a permis de confier à un unique prestataire privé l’entretien et les services à la personne dans les établissements pénitentiaires, et qui fut effective à partir du début des années 1990.

La question n’est pas ici de savoir si ces PPP sont ou “ne sont pas la bonne solution”OWNI s’étant d’ailleurs souvent intéressé à la question -, mais plutôt de savoir si les contrats de délégation de service public dans les prisons peuvent effectivement durer “51 ans”.

La Cour des comptes s’est récemment intéressée aux PPP pénitentiaires, et notamment à leur durée. En lisant rapidement le rapport qu’elle a rendu en octobre 2011, on comprend que les contrats de PPP pénitentiaires déjà signés s’étendront au plus tard jusqu’en 2038. La période entre la date d’entrée en vigueur (1987) de la loi relative au service public pénitentiaire et 2038 dure bien 51 ans.

Sauf qu’aucun PPP pénitentiaire n’a été signé en 1987, les contrats venant à échéance en 2038 n’ayant débuté qu’en 2010, pour une durée donc, de 28 ans. Dans sa croisade contre les PPP, Eva Joly n’a donc pas hésité à exagérer les chiffres.

Jean-Luc Mélenchon en terrain accidenté

Pour son dernier grand discours en plein-air, en l’occurence sur la plage du Prado à Marseille, le 14 mars dernier, Jean-Luc Mélenchon s’est penché sur une donnée “dont on ne parle jamais” à son avis, les accidents du travail :

43 000 accidents du travail qui aboutissent à une invalidité totale.

Exact à 4,4% près, si l’on se base sur le rapport statistique 2011 (pages 2 et 3) de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Car, malgré une baisse par rapport à l’année 2009, 41 176 accidents du travail suivis d’une incapacité permanente sont intervenus en 2010 en France.


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http://owni.fr/2012/04/19/le-terrorisme-fantasme-de-marine-le-pen/feed/ 2
Mélenchon en son repère (bien trouvé) http://owni.fr/2012/04/12/melenchon-front-de-gauche-marx/ http://owni.fr/2012/04/12/melenchon-front-de-gauche-marx/#comments Thu, 12 Apr 2012 13:47:07 +0000 Jean-Paul Jouary http://owni.fr/?p=105657 "Ce sont les humains qui font l’histoire, mais dans des conditions déterminées". Déterminées, mais pas déterminantes. Comme le détaille Jean-Paul Jouary philosophe maison.]]>

La montée en puissance continue de Jean-Luc Mélenchon dans les intentions de vote (à l’heure où ces lignes sont écrites bien sûr) donne lieu à une multitude de commentaires, d’analyses ou d’invectives (le maire de Lyon ne l’a-t-il pas comparé au sanguinaire Pol Pot ?). Bien entendu l’homme a du talent, il sait parler aux foules assemblées, il parvient à traduire des idées théoriques en termes simples et toucher ainsi, et à la fois, des victimes de la crise qui se sentent souvent à l’écart des enjeux politiques institutionnels, et des intellectuels parmi les plus exigeants en matière de rigueur argumentative.

Mais suffit-il de posséder un talent oratoire pour faire descendre dans la rue et faire voter dans les urnes des centaines de milliers de personnes qui en avaient perdu l’habitude, pour réclamer un changement profond dans le fonctionnement de la société ? Comme chacun sait bien que cela ne saurait suffire, il y aurait une sorte de mystère Mélenchon.

Il y avait jadis un mystère des comètes avant Newton, un mystère de la foudre avant Benjamin Franklin, un mystère du feu avant Lavoisier. Et ces mystères n’ont pu être dissipés qu’avec un effort de connaissance, de raisonnement, d’examen attentif du réel. Bien entendu, on ne peut prétendre y parvenir ici en quelques lignes à propos d’un processus politique aussi complexe. Mais l’écho de la campagne de Jean-Luc Mélenchon doit bien avoir des racines autres que politiciennes ou rhétoriques.

Faut-il y voir avec Hegel une sorte de nécessité historique d’un progrès de l’idée de liberté, qui aurait agi telle la taupe de façon souterraine, invisible, pour se manifester soudain à nos yeux trop aveuglés par les artifices des événements spectaculaires ? Serions-nous les marionnettes inconscientes d’une logique du monde, se développant malgré nous, malgré les contre coups et régressions, cette « ruse de l’histoire » dont il faudrait décrypter le sens et la finalité ?

Ainsi les traditions françaises de mouvements populaires puissants et créatifs, endormies depuis quelques décennies, renaîtraient à l’occasion d’une élection qui promettait un ennui sans précédent ? Mais pourquoi maintenant et sous cette forme particulière ? Entendons-nous : qu’un candidat cristallise des intentions de vote que l’on n’attendait pas, ce n’est pas chose nouvelle, et l’expérience en atteste assez le caractère éphémère. Mais que cela s’accompagne d’un essor soudain de pratiques militantes se démultipliant chaque jour, c’est ce qui donne à cet événement électoral son caractère le plus profond.

Les conditions y sont-elles pour quelque chose ? Cela paraît évident. La crise financière, le chômage, le rejet de l’actuel Président, la crainte grecque, le parfum de scandales, les difficultés de vie, tout cela permet de comprendre le mécontentement ambiant. Mais celui-ci existait auparavant, et pouvait se manifester sous bien d’autres formes. Il n’est pas de conditions qui portent mécaniquement à une traduction unique.

À elles seules, ces conditions créent une multitude de possibilités différentes, dont une seulement se manifestera en construisant un avenir parmi tous ceux qui étaient possibles. Encore faut-il que dans le peuple un nombre suffisant de femmes et d’hommes s’en emparent ensemble et en même temps.

Ces mêmes facteurs peuvent se traduire par des révoltes informes, de l’abstentionnisme, de la passivité ou des radicalisations xénophobes. D’ailleurs il n’est pas impossible que la prochaine présidentielle manifeste toutes ces possibilités à la fois : de l’abstention, du vote pour les deux candidats qui multiplient les tournures xénophobes voire racistes, des révoltes locales… La nouveauté serait que s’y affirme une force de transformation sociale d’un type nouveau, propre à brouiller les cartes et inscrire une possibilité historique nouvelle. Cela n’est inscrit dans le présent qu’à titre de possibilité. C’est pourquoi est décisive la fameuse phrase de Karl Marx :

Ce sont les humains qui font l’histoire, mais dans des conditions déterminées.

Déterminées, pas déterminantes. Il y faut donc autre chose : des mots qui, à travers une personne, une forme d’organisation, une construction stratégique, s’articulent avec le vécu, avec des pratiques, au point de former soudain une cohérence dynamique, un mouvement, une aspiration, dans laquelle chacun se reconnaît dans les autres. Alors seulement des initiatives individuelles peuvent s’articuler soudain avec des aspirations collectives, et des mots rendre des actes lumineux.

Dès lors, dans des conditions qui s’imposent à tous, ce sont des humains qui font surgir une possibilité parmi d’autres, qui a la particularité d’unir fortement autour d’une remise en question du système existant, autour aussi d’une espérance assez puissante pour conduire une foule de gens à parler, à voter, à descendre dans la rue.

Trop longtemps, cette phrase de Marx a été lue, enseignée et pratiquée comme si les conditions déterminaient le futur, ce qui justifiait la décision de changer ces conditions malgré ou même contre le peuple, avec la tranquille assurance que des conditions nouvelles créeraient une humanité nouvelle. Que d’insultes n’a-t-on alors lancé contre Jean-Paul Sartre, coupable de refuser cette absurdité, et d’avoir lu Marx tel qu’il avait effectivement écrit et pensé ! Il n’y aura jamais de changement social sans l’ensemble des citoyens résolus à décider, à reprendre le pouvoir, à tisser des solidarités actives et inventives.

Du coup, là où les échecs, les déceptions, les désillusions, les craintes, traduisaient hier la crise dans les mille et une façon de se décourager, les mêmes facteurs deviennent autant de façons d’agir. Et c’est nulle part ailleurs que dans ces façons d’agir que des idées neuves peuvent se former et se transformer, que des philosophes ensuite auront à travailler, expliciter, mettre en cohérence et en perspective.

C’est bien là l’aspect sans doute le plus novateur de la philosophie politique de Marx : il ne s’agit pas de construire dans sa tête la théorie de ce que la société doit devenir, mais de manifester dans la théorie toutes les idées émancipatrices que le mouvement des peuples crée lui-même dans son histoire. Cela vaut pour les individualités que la vie politique place à tel ou tel moment à une place particulièrement responsable à l’intérieur de ce mouvement : il leur faut trouver les mots, les phrases, le ton qui rendent possible cette conviction commune grandissante et transforment les idées en forces matérielles.

Il est significatif à cet égard qu’au spectacle joyeux de 120 000 personnes défilant avec Jean-Luc Mélenchon de la Nation à la Bastille, beaucoup aient à leur tour décidé de joindre ce mouvement. Derrière le « mystère Mélenchon », il semble bien qu’il y ait une page de notre histoire, dont l’avenir seul dira la portée et la profondeur. Marx aimait dire que l’avenir a toujours plus d’imagination que nous. Au moins cette pensée nous aide-t-elle à ne pas garder le nez collé sur les péripéties superficielles de la vie politique…

NB : Lire à ce sujet, de Marx, L’idéologie allemande et la Lettre à Arnold Ruge de 1843 ; de Sartre, au moins, L’existentialisme est un humanisme et la Critique de la raison dialectique ; les éditions Gallimard viennent d’éditer sous le titre L’humaine condition un ensemble d’œuvres majeures d’Annah Arendt (Condition de l’homme moderne, De la révolution, La crise de la culture et Du mensonge à la violence). Edition établie et présentée par Philippe Raynaud.

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http://owni.fr/2012/04/12/melenchon-front-de-gauche-marx/feed/ 2
Sarkozy bat en retraite http://owni.fr/2012/04/11/sarkozy-bat-en-retraite/ http://owni.fr/2012/04/11/sarkozy-bat-en-retraite/#comments Wed, 11 Apr 2012 16:32:31 +0000 Pierre Leibovici et Grégoire Normand http://owni.fr/?p=105543 OWNI ont mis à l'épreuve les chiffres évoqués par Nicolas Sarkozy sur l'augmentation des pensions de retraite. Verdict : dans sa tentative de séduction de l'électorat âgé, le président-candidat pèche par excès d'optimisme. Et flirte plus que jamais avec la dernière place dans le classement OWNI-I>Télé de la crédibilité des six principaux candidats à la présidentielle.]]>

Rien ne va plus pour les deux lanternes rouges du classement quotidien du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à la présidentielle. Nicolas Sarkozy repasse sous la barre des 44% de crédibilité (43,9%), à seulement six dixièmes de Marine Le Pen (43,3%), toujours dernière au classement. Avec 59,9%, Eva Joly rattrape son retard sur Jean-Luc Mélenchon, qui reste en tête avec 62,1% de crédibilité.

Au cours des dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 49 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle. Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention.

Nicolas Sarkozy réforme les retraites

C’est le grand argument de la campagne du président-candidat, la France a, mieux que les autres pays européens, traversé l’épreuve de la crise économique. Un exemple ? Les pensions de retraite ont augmenté ces dernières années.

Mais, au gré des discours et des interviews, la hausse évoquée par Nicolas Sarkozy a tendance à changer de nature. Ainsi, les retraites auraient suivi la hausse de l’inflation, comme il l’indiquait dans l’émission Parole de candidat sur TF1, le 12 mars dernier :

J’ai continué à indexer les retraites [sur l'inflation].

Moins d’un mois plus tard, lors de la conférence de presse du 5 avril où il a présenté son programme, Nicolas Sarkozy parle cette fois-ci d’une “actualisation” des pensions de retraite, pas de leur “indexation” sur l’inflation :

Non seulement en France on n’a pas diminué les pensions de retraite, à la différence de ce qui s’est fait dans tant de pays européens, mais on les a actualisées.

Et le candidat UMP a bien fait de se corriger. Car, si les pensions de retraite du régime général ont effectivement augmenté en France en 2011 – de 0,6% d’après la revue Cadr’@ge [PDF] de la Caisse nationale d’assurance maladie -, cette hausse a été très éloignée de l’inflation. D’après l’Insee, l’indice des prix à la consommation, qui correspond à ce que l’on désigne généralement par l’inflation, a augmenté de 2,5% pour la seule année 2011.

Autrement dit, les pensions de retraites ont augmenté 4,2 fois moins vite que les prix en 2011. Une précision que se garde bien de rappeler le président-candidat.

Jean-Luc Mélenchon logé à la bonne enseigne

L’équipe du Véritomètre s’est refusée à vérifier le nombre de sympathisants présents au discours de Jean-Luc Mélenchon à Toulouse, le 6 avril dernier. Il en va autrement des chiffres qu’il a évoqués sur les inégalités de logement :

Huit millions de mal-logés dans la cinquième puissance du monde [la France]

Aucune source officielle ne permet de confirmer ce chiffre. En revanche, le rapport 2012 de la Fondation Abbé-Pierre, qui fait autorité auprès du ministère du Logement, estimait à huit millions le nombre de personnes en situation de mal-logement en France. Conformément, donc, aux propos du candidat Front de Gauche.

Quant à la puissance économique de la France, Jean-Luc Mélenchon est aussi dans le juste. D’après les données de la Banque mondiale, le Produit intérieur brut (PIB) de la France s’est élevé à 2560 milliards de dollars (courants) en 2010, faisant donc du pays la “cinquième puissance du monde”.

Les mauvais calculs de François Bayrou

François Bayrou a été par deux fois ministre de l’Éducation nationale, entre mars 1993 et mai 1995, puis entre novembre 1995 et juin 1997, et il entend bien le rappeler. Quitte à en faire un peu trop sur ses résultats de l’époque, comme lors du discours qu’il a tenu à Poitiers le 5 avril dernier :

Depuis que j’ai quitté le ministère de l’Éducation nationale, la France n’a cessé de glisser dans les classements internationaux.

Les “classements internationaux” dont parle le candidat MoDem sont en fait au nombre de un, s’agissant de sources officielles, en l’occurrence le Programme international de suivi des acquis des élèves (Pisa), réalisé tous les trois ans par l’OCDE.

Or, la première enquête du Pisa n’est parue qu’en 2002, cinq ans après le passage de François Bayrou au ministère de l’Éducation nationale. Et elle se basait sur des données récoltées en 2000. Difficile d’affirmer, donc, que c’est en raison de son départ du ministère de l’Éducation que le score de la France dans le classement international des systèmes scolaires s’est dégradé.

Le classement Pisa ne réussit décidément pas à François Bayrou. Celui qui se réclame davantage président de l’Association pour la défense du calcul mental en France – comme à Caen le 7 avril dernier - que président du MoDem a une fois de plus avancé, lors de son discours à Poitiers, que la France était “34 ème sur 35 [pays membres de l’OCDE] pour le calcul”. La dernière édition du Pisa [PDF] affiche plutôt la France (page 9) au quinzième rang de l’OCDE, à égalité avec la République tchèque, pour la culture mathématique.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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Bayrou moyen dans l’urgence http://owni.fr/2012/04/06/bayrou-moyen-dans-lurgence/ http://owni.fr/2012/04/06/bayrou-moyen-dans-lurgence/#comments Fri, 06 Apr 2012 15:44:48 +0000 Marie Coussin http://owni.fr/?p=105170 OWNI-i>Télé, où il reste à presque 15 points d'écart du premier, Jean-Luc Mélenchon.]]>

Les lignes évoluent, discrètement mais sûrement, dans le classement quotidien du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à la présidentielle. Jean-Luc Mélenchon, en tête depuis plusieurs semaines, perd 0,5 point suite à la publication de son interview sur France Info où il réalise un score moyen (43 %). François Hollande chute encore davantage que son concurrent de gauche, avec 1,1 point. Dans le bas du classement, l’écart se resserre : Marine Le Pen monte à 43,7 alors que Nicolas Sarkozy n’est plus qu’à 44 %.

Au cours des dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 48 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle. Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention.

L’urgence coûte à François Bayrou

Le candidat du MoDem veut réorganiser les urgences. Un chantier important, explique-t-il, chiffres à l’appui, lors de son discours à Perpignan le 29 mars dernier :

Il y a 15 millions de personnes qui vont aux urgences tous les ans.

Le ministère de la Santé publie tous les ans le panorama des établissements de santé qui précise, entre autres, le nombre de personnes admises aux urgences en France métropolitaine. En 2007, elles étaient 16,4 millions, contre 17 millions en 2008 et en 2009 (dernières données disponibles), soit une moyenne de 16,8 millions d’entrées pour ces trois années. Avec ses 15 millions, François Bayrou laisse plus de 10 % de la population des urgences sur le carreau.

Son évaluation du coût d’une visite aux urgences, dans le même discours, fut plus payante :

L’urgence à l’hôpital est facturée 250 euros.

L’unique donnée publique que nous avons trouvée sur ce coût moyen est celui d’une urgence dans un Centre hospitalier universitaire (CHU) – et non dans l’ensemble des hôpitaux de France. Le chiffre provient d’un rapport de la Cour des comptes publié en 2007, qui l’évaluait alors à 262,86 euros. Faute de données publiques plus précises, l’estimation de François Bayrou peut être considérée comme exacte, à 4,9 % près.

Jean-Luc Mélenchon sous-paye les patrons

Jean-Luc Mélenchon ne met pas tous les dirigeants dans le même sac. Ainsi évoque-t-il la rémunération de ces derniers le 29 mars, alors invité de France Info :

Le salaire moyen d’un patron [dans une PME] c’est, dans le meilleur des cas, 4 000 euros.

Jean-Luc Mélenchon a raison… pour les dirigeants des TPE (très petites entreprises), c’est-à-dire de moins de 20 salariés. D’après une publication de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), s’appuyant sur une enquête de l’Insee publiée en décembre 2011, le salaire moyen d’un dirigeant de ce type d’entreprise s’élevait à 3 891 € mensuels.
Pour les PME – de 21 à 49 salariés -, la rémunération moyenne des patrons s’établit plutôt aux alentours des 6 297 € mensuels. Soit 40 % de plus que ce qu’évoquait Jean-Luc Mélenchon.

Eva Joly en touriste

La candidate d’Europe-Ecologie-Les-Verts s’est offert un petit détour du côté des frontières françaises le 23 mars dernier, lors de la matinale de France Info :

80 millions de touristes qui passent les frontières [de l'étranger vers la France].

Les dernières données du ministère du Tourisme lui donnent raison : la France a accueilli 76,8 millions de touristes internationaux en 2009, et 77,1 millions en 2010 selon l’Insee. Eva Joly voit les foules de touristes un peu plus fournies qu’en réalité (de 4 %) mais ses propos restent corrects.


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Mélenchon mollo sur la terreur http://owni.fr/2012/04/02/melenchon-mollo-sur-la-terreur/ http://owni.fr/2012/04/02/melenchon-mollo-sur-la-terreur/#comments Mon, 02 Apr 2012 15:21:20 +0000 Pierre Leibovici et Grégoire Normand http://owni.fr/?p=104427 OWNI / i>TELE , Charles de Gaulle s'effondre après une mauvaise prestation à Rennes, le 27 juillet 1947.]]>

L’heure est au renforcement des positions dans le classement du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à l’élection présidentielle. Avec 63,4 % de crédibilité, Jean-Luc Mélenchon se maintient en tête, tandis que Nicolas Sarkozy voit son score remonter de 0,5 points, s’éloignant un peu plus de Marine Le Pen, toujours lanterne rouge du tableau.

Durant ces dernières 72 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 53 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle. Résumé des quelques faits chiffrés qui ont retenu notre attention.

Jean-Luc Mélenchon nuance sur Merah

De tous les candidats à l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon est sans doute celui qui s’est le moins exprimé sur “l’affaire Merah”. Aux chiffres du nombre de salafistes en France évoqués par Marine Le Pen, le candidat du Front de gauche a préféré parler, dans son discours à Lille, le mardi 27 mars, des revendications d’actes terroristes sur le sol français en 2010 :

En 2010, sur 84 attaques caractérisées de terroristes, il y en aucune qui ait été perpétrée au titre de ladite religion, mais 84 l’ont été au titre des séparatistes.

Une déclaration que le candidat du Front de Gauche a d’ailleurs réitérée lors de la matinale de France Info du jeudi 29 mars :

L’année dernière il y a eu 84 actes qualifiés de terroristes en France. Sur 84 actes, il n’y en a pas un qui se soit réclamé d’une façon ou d’une autre de l’Islam !

Des faits qui sont mentionnés par l’agence intergouvernementale Europol dans son rapport de 2011 sur la situation du terrorisme dans l’UE [PDF]. L’organisation a effectivement recensé 84 actes qualifiés de terroristes en France en 2010 (page 36). Dont aucun n’a été revendiqué par un mouvement islamiste, donnant donc raison à Jean-Luc Mélenchon.

François Bayrou dérape encore sur l’automobile

Tant qu’elle n’est pas en France, l’industrie automobile fascine François Bayrou, toujours prompt à vanter les mérites d’une production industrielle nationale. Outre la comparaison entre le nombre de véhicules produits par Renault en France et par Volkswagen en Allemagne qu’il a une nouvelle fois répétée lors de son discours à Besançon, le 27 mars dernier, le candidat MoDem a mis le cap en Asie :

[La Corée du Sud a] les chantiers automobiles les plus importants [du monde] !

“L’importance des chantiers automobiles” à l’échelle internationale n’étant pas comptabilisée par un seul organisme statistique à notre connaissance, l’équipe du Véritomètre a choisi de s’arrêter sur la part de marché de chaque pays dans la production mondiale de véhicules.

Ainsi comptabilisés, les “chantiers automobiles” sud-coréens arrivent au cinquième rang mondial, avec 9% des parts de marché en 2011, selon les données de l’Organisation internationale des constructeurs d’automobiles. Très loin derrière la Chine, qui a produit, l’année dernière, 23% de l’ensemble des nouveaux véhicules dans le monde.

En précisant un peu plus ses propos lors d’un prochain discours, François Bayrou pourrait néanmoins tenir des propos corrects sur l’industrie automobile en Corée du Sud. Car, à sa décharge, le pays abrite la plus grande usine automobile du monde en superficie, celle de Hyundai dans la ville d’Ulsan.

Charles de Gaulle chute sur le Tour

Parmi les “tourments du présent” qui le taraudent, le candidat de Gaulle a préféré lui se tourner vers les menaces extérieures plutôt qu’intérieures. En l’occurrence, celle que représenterait selon lui le bloc soviétique naissant, sujet récurent de ses interventions publiques. A l’occasion de son discours de Rennes, le 27 juillet 1947, le candidat du Rassemblement du peuple français (RPF) a notamment insisté sur la distance qui nous sépare de cette alliance qu’il désigne comme nouvel ennemi :

Sa frontière n’est séparée de la nôtre que par 500 kilomètres, soit à peine la longueur de deux étapes du tour de France cycliste !

A la date où le discours a été prononcé, le dernier marathon cycliste en date était celui de 1947. Selon le Guide historique du Tour de France (page 38) publié par l’organisateur actuel de l’évènement (Amaury Sport Organisation), cette édition s’était déroulée sur 4642 kilomètres pour un total de 21 étapes, soit une moyenne par étape de 221 kilomètres. Soit 442 km pour deux étapes.

Au regard des 500 km qui nous sépareraient du bloc soviétique selon le président du RPF, la marge d’erreur atteint 13,1%. De quoi faire perdre les pédales à l’imprécis Charles de Gaulle.


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Eva Joly manque de carburant http://owni.fr/2012/03/29/eva-joly-manque-de-carburant/ http://owni.fr/2012/03/29/eva-joly-manque-de-carburant/#comments Thu, 29 Mar 2012 17:28:44 +0000 Marie Coussin http://owni.fr/?p=104127 OWNI / i>TELE . Jean-Luc Mélenchon reste donc en tête, et Marine Le Pen dernière. ]]>

L’écart se creuse dans le classement du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à l’élection présidentielle. Jean-Luc Mélenchon confirme son avance avec 63,4 % de crédibilité, alors que les trois concurrents suivants (Joly, Hollande, Bayrou) se placent dans un mouchoir de poche. Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen restent sous la barre des 50 %.

Ces dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 53 citations chiffrées des candidats à la présidentielle. Résumé des quelques faits chiffrés qui ont retenu notre attention.

Eva Joly au diesel

Pas de pitié pour les particules fines. Pour la candidate d’Europe-Ecologie Les Verts, invitée de la Matinale de Canal+ le 27 mars dernier, c’est “un sujet majeur et complètement ignoré”.
Elle identifie clairement le coupable de cette pollution :

C’est le parc automobile diesel qui est responsable de ces particules fines. Nous avons le parc automobile le plus absurde au monde, nous avons presque 80 % de nos véhicules en diesel.

En évoquant “le parc automobile”, Eva Joly fait référence aux voitures particulières et aux véhicules utilitaires légers. Le bilan Transports 2010 du SOes (service statistique du Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement) publie le nombre, depuis 2004, de véhicules par type de carburant. La montée en puissance du diesel par rapport à l’essence est nette, comme en témoigne le graphique suivant.

Les véhicules diesel sont passés de 17,580 millions en 2004 à 22,991 en 2010. Cependant, ils ne représentent en 2010 “que” 62,16 % du parc automobile français.Bien loin des 80 % évoqués par Eva Joly.

François Bayrou sort du bois

La filière forestière a fait son apparition en force dans la campagne de François Bayrou. Après une journée entière consacrée à cette activité dans le Loiret le 26 mars, le candidat MoDem la mentionne à plusieurs reprises dans le discours qu’il a prononcé à Besançon le lendemain, le 27 mars. Il s’autorise même une petite balade en forêt, au risque de s’y perdre :

La forêt française est la troisième forêt du continent européen (…) Cette forêt française, elle est de 20% supérieure à la forêt allemande (…) “les Polonais (…) pour une forêt à peu près d’une même surface que la nôtre (…).

Selon les données 2010 fournies par la Banque mondiale, la surface forestière de la France s’étend sur 159 540 km². Cette surface n’est ni la troisième du continent européen, ni 20 % supérieure à celle de l’Allemagne et encore moins équivalente à celle de la Pologne.

Même sans compter la Russie dans l’Europe, la France ne se place qu’à la quatrième place en terme de surface boisée sur le continent, derrière la Suède (282 030 km²), la Finlande (221 570 km²) et l’Espagne (181 730 km²). Comparée à l’Allemagne (110 760 km²), elle se révèle non pas 20 mais 30% plus étendue. Quant aux forêts polonaises (93 370 km²), elles s’enracinent sur une surface 41,5% moindre que les sous-bois français.

Jean-Luc Mélenchon succombe à l’appel des profondeurs

Alors que François Bayrou explore des forêts aux surfaces fantasmatiques, le candidat du Front de Gauche s’intéresse quant à lui à une autre ressource naturelle, les océans. Et les espèces qui les peuplent. Ainsi, a-t-il estimé lors de son meeting à La Réunion le 25 mars :

70% de la surface du globe, c’est de l’eau, c’est la mer (…) la mer dont 15 % à peine des espèces qui y vivent sont connues.

La première estimation de Jean-Luc Mélenchon est correcte : le site du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) note que les océans couvrent effectivement 70 % de la surface de la Terre.

Côté faune, le candidat du Front de Gauche est plus imprécis. Selon le recensement 2010 du Census of Marine Life, organisation scientifique internationale regroupant plus de 80 pays et 2 700 scientifiques, 250 000 espèces sous-marines sont actuellement connues. L’organisme précise également que “le recensement ne peut toujours pas estimer le nombre total d’espèces, de formes de vie, connues et inconnues, dans l’océan. Il pourrait logiquement extrapoler à au moins un million de formes de vie sous-marines entrant dans la catégorie des espèces”. L’association WWF livre d’ailleurs la même estimation.

Les données existantes sur la proportion d’espèces sous-marines connues ne sont donc pas claires et définitives. Les estimations de ces deux organismes de référence – autour de 25 % d’espèces sous-marines connues – ne sont pas équivalentes à celle de Jean-Luc Mélenchon.


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Mélenchon s’intéresse trop à la dette http://owni.fr/2012/03/26/melenchon-sinteresse-trop-a-la-dette/ http://owni.fr/2012/03/26/melenchon-sinteresse-trop-a-la-dette/#comments Mon, 26 Mar 2012 18:08:34 +0000 Pierre Leibovici et Grégoire Normand http://owni.fr/?p=103561 OWNI-i>TÉLÉ. Marine Le Pen, toujours dernière, se rapproche dangereusement de Nicolas Sarkozy tandis que François Bayrou double son adversaire socialiste.]]>

La tendance est à l’amélioration générale dans le classement du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude de toutes les déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à l’élection présidentielle. Marine Le Pen, toujours en queue de peloton, grappille 0,5 points d’indice de crédibilité par rapport à la fin de semaine, tandis que François Bayrou gagne 0,8 points suite à sa bonne prestation (75% de crédibilité) au Zénith de Paris, dimanche dernier. En haut de tableau, le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, se maintient à la première place.

Au cours des 24 dernières heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 39 citations chiffrées des candidats à la présidentielle.

Résumé des faits chiffrés qui ont retenu notre attention aujourd’hui.

Trop d’intérêts pour Jean-Luc Mélenchon

Présent à la Bastille dimanche dernier, Jean-Luc Mélenchon a poursuivi sa campagne dans les territoires d’Outre-Mer ce week-end. Lors de son discours sur l’île de la Réunion, le candidat du Front de gauche a abordé une nouvelle fois le sujet de la dette par ces mots :

[Le service de la dette de la France], ce qu’il faut payer tous les ans, c’est 2,5% de la richesse produite par le pays.

La “richesse produite” par la France, ou plutôt le Produit intérieur brut (PIB) mesuré par l’Insee, s’établissait à 1932,4 milliards en 2010 (dernières données disponibles pour le PIB). Dans le même temps, le Projet de loi de finances pour 2011 [PDF], indique (p.12) que le montant des charges de la dette s’élève à 42,32 milliards d’euros la même année, montant revu à la hausse puis à la baisse par deux des quatre lois de finances rectificatives de l’année 2010, pour finalement atteindre 40,8 milliards d’euros. Soit 2,11% du PIB.

Les propos de Jean-Luc Mélenchon s’avèrent donc incorrects : si le poids des intérêts de la dette s’était élevé à 2,5% du PIB de 2010, ils auraient représenté 48,31 milliards d’euros. Le candidat du Front de gauche gonfle donc de 7,5 milliards d’euros le montant réel des intérêts annuels de la dette française.

Marine Le Pen connaît le trafic de drogue

L’actualité n’y était sans doute pas étrangère, Marine Le Pen n’a jamais lancé autant d’affirmations chiffrées sur l’immigration et la délinquance que la semaine dernière. En témoigne l’interview qu’elle a donnée, le 19 mars dernier, dans l’émission Bourdin 2012 sur RMC et BFMTV, où elle a notamment déclaré :

La criminalité est liée évidemment pour beaucoup au trafic de drogue.

Bien qu’il soit difficile de mesurer la “criminalité liée au trafic de drogue”, les motifs des interpellations ou des infractions constatées en France permettent de se faire une idée sur la question.

Ainsi, d’après le rapport annuel 2011 [PDF] de l’Institut national des hautes études de la sécurité et la justice (INHESJ), 49% des infractions constatées en France concernaient l’usage de stupéfiants (p.12).

Si l’on entend plutôt par “criminalité”, le nombre d’interpellations et leur motif, les propos de Marine Le Pen sont d’autant plus conformes à la réalité. En 2009, 86% des interpellations effectuées en France concernaient l’usage de stupéfiants, comme l’indique l’étude du même INHESJ [PDF] sur l’évolution du trafic de stupéfiants depuis 2005.

François Hollande “délégifère”

“Délégiférer”. Le néologisme était sorti de la bouche de Nicolas Sarkozy dans un entretien au Figaro Magazine, en mars 2010. Il désignait sa volonté de réduire le nombre de lois votées par l’Assemblée nationale. Mais d’après François Hollande, qui s’exprimait dans la Matinale de France Info le 19 mars dernier, l’annonce d’alors du Président de la République n’a jamais été honorée :

Jamais depuis cinq ans il n’y a eu autant de lois de votées : 264 lois !

Un nombre confirmé par le ministre chargé des relations avec le Parlement, Patrick Ollier, lors de la séance de l’Assemblée nationale du 6 mars 2012 [PDF]. Par comparaison, 233 lois avaient été votées par le Parlement sous la XIIème législature, qui correspond peu ou prou au second mandat présidentiel de Jacques Chirac.


[Mise à jour du 27 mars 2012 à 18h24]
Comme nous le suggère le commentaire d’un internaute (“MM”) ci-dessous, une définition plus stricte de la “criminalité” peut également être appliquée pour vérifier les propos de Marine Le Pen sur le trafic de stupéfiants.

Si l’on entend par “criminalité”, les peines criminelles – c’est-à-dire les peines d’une durée de “dix ans au moins”, comme l’indique l’article 131-1 du Code pénal -, alors celle-ci est infiniment peu “liée au trafic de drogue”. Car, d’après l’édition 2011-2012 de l’Annuaire statistique de la justice, publié par le ministère de la Justice le 9 février dernier, le nombre de crimes pour infraction à la législation sur les stupéfiants s’est élevé à 36 en 2009 (derniers chiffres disponibles) sur un total de 2756 peines pour crimes tous motifs confondus. Ainsi comptabilisée, la “criminalité” est donc liée à hauteur de 1,3% au “trafic de drogue”.

Dans un sens un peu plus large, on peut considérer que Marine Le Pen entendait par “criminalité” l’ensemble des condamnations pour délits en France, et non pour crimes. Mais là encore, le trafic de stupéfiants arrive loin derrière en termes de motifs de condamnations : seules 8,1% des condamnations pour délits prononcées en 2009 concernaient une infraction à la législation sur les stupéfiants. Les condamnations pour délit concernaient d’abord un autre type de “criminalité” , celle des infractions routières, au nombre de 243 135 en 2009.


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Bayrou l’homme du passé http://owni.fr/2012/03/23/bayrou-lhomme-du-passe/ http://owni.fr/2012/03/23/bayrou-lhomme-du-passe/#comments Fri, 23 Mar 2012 18:02:19 +0000 Pierre Leibovici et Grégoire Normand http://owni.fr/?p=103298 OWNI-i>TÉLÉ, tandis que Marine Le Pen peine à marquer des points.]]>

Un discours, et trois points de plus au classement général du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude de toutes les déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à l’élection présidentielle. Jean-Luc Mélenchon est en pleine forme. Le candidat du Front de gauche poursuit son ascension dans la tête du classement, distançant d’autant plus François Hollande qui tombe de 57,4 à 54%, tout près de François Bayrou (53,4%). Au bas de l’échelle, rien ne va plus pour Marine Le Pen, qui s’enfonce à 41,6% de crédibilité suite à son intervention sur France Info le 22 mars dernier.

Au cours des 72 dernières heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 25 citations chiffrées des candidats à la présidentielle.

Condensé des faits chiffrés qui ont retenu notre attention aujourd’hui.

François Bayrou solide en Histoire

De tous les chiffres lancés chaque jour par les candidats à l’élection présidentielle et vérifiés par l’équipe du Véritomètre, rares sont ceux qui concernent la période de la Quatrième République. François Bayrou a fait une exception à la règle lors d’un meeting à Nancy, le 21 mars dernier, en remontant aux années 1957 – 1958 sur l’un de ses thèmes préférés, la dette :

En 1957 – 1958 (…) notre pays est surendetté.

D’après un rapport quarantenaire [PDF] du groupe de travail pour la comparaison des budgets de l’ancienne Commission des Communautés européennes, la France a effectivement connu un endettement record durant ces deux années. Le solde des administrations publiques françaises s’est affiché respectivement à -9,912 et -5,803 milliards de francs en 1957 et 1958, une situation unique pour l’époque.

Une époque de “records” qu’affectionne décidément François Bayrou. Au cours du même meeting de Nancy, le candidat MoDem s’y réfère à nouveau pour parler de son autre cheval de bataille, la production industrielle sur le sol français :

Dans ces années, 1957 – 1958, la France connaît un déficit de son commerce extérieur sans précédent.

Correct, selon un rapport [PDF] de la Communauté économique européenne (CEE) – ancêtre de l’Union européenne – daté de septembre 1958, qui indiquait que “le déficit des échanges avec l’étranger reste important et a même marqué depuis la fin de l’année 1957 une tendance à s’accroître”. De sorte qu’en 1958, la France a importé pour 30% de plus qu’elle n’a exporté, un niveau digne de l’immédiat après-guerre. Réchauffé, le “produire en France” ?

Jean-Luc Mélenchon creuse l’écart

Dans la foulée du rassemblement du Front de Gauche à la Bastille, dimanche 18 mars, Jean Luc Mélenchon était l’invité d’Olivier Mazerolles sur BFM TV où il a annoncé :

Lorsque François Mitterrand était candidat en 1981, au premier tour, il était trois points derrière Valéry Giscard d’Estaing, 28 pour Giscard, 25 pour Mitterrand.

Une déclaration qu’il avait d’ailleurs déjà prononcée lors d’un discours à Clermont Ferrand, le 14 mars dernier.

En charge d’enregistrer les résultats officiels des élections, le Conseil constitutionnel indique qu’au premier tour de l’élection présidentielle de 1981, François Mitterrand a obtenu 25,9% des suffrages contre 28,3% pour Valéry Giscard d’Estaing, soit 2,4 points d’avance pour le Président sortant. Le candidat du Front de gauche exagère donc de 20% l’écart entre les deux prétendants à l’Élysée. Soit tout de même 174 229 voix.

François Hollande surtaxe (encore) le pétrole

François Hollande se perd à nouveau sur la taxation des produits pétroliers. Après avoir, à plusieurs reprises, répété que “60% du prix des carburants ce sont des taxes” - la réalité s’établissant plutôt à 50,1% comme nous l’avions montré -, le candidat socialiste se trompe cette fois-ci sur les recettes fiscales issues de la Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP).

Il a ainsi déclaré, dans l’émission Des Paroles et des Actes diffusée sur France 2 le 15 mars dernier&nsdp;:

La TIPP c’est 26 milliards [d'euros].

Dans le Projet de loi de finances pour 2012, le ministère du Budget mentionne que la TIPP a rapporté 14 milliards d’euros à l’État en 2011. A moins d’avoir voulu pronostiquer une explosion de la consommation de carburants pour l’année 2012, François Hollande gonfle les recettes fiscales issues de la taxe pétrolière de 85,7%, si l’on se base sur les dernières données officielles.


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