OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Apprendre à questionner? Quand Socrate peut encore être utile! http://owni.fr/2011/01/28/apprendre-a-questionner-quand-socrate-peut-encore-etre-utile/ http://owni.fr/2011/01/28/apprendre-a-questionner-quand-socrate-peut-encore-etre-utile/#comments Fri, 28 Jan 2011 14:05:38 +0000 Bruno Devauchelle http://owni.fr/?p=44081

Les débats autour des compétences informationnelles des jeunes, leurs habiletés, leur naïveté, leur absence de sens critique sont entrés désormais dans le champ de la banalité. Ils acquièrent des connaissances « futiles » et pas des connaissances « utiles », déclarait un orateur lors de la conclusion du séminaire sur le manuel numérique organisé par le ministère de l’Éducation les 20 et 21 janvier à l’ENS de Lyon. Ils ne maîtrisent pas réellement l’ordinateur disent les autres enseignants, il leur faut des cours d’informatique disent encore d’autres, fiers d’annoncer qu’ils ont obtenu une option informatique en terminale et que l’informatique entre à nouveau dans l’enseignement.
Mais ce qui est le plus étonnant dans ces débats c’est que, dans la plupart des propos, deux dimensions sont ignorées ou modestement avancées, mais jamais intégrées dans les raisonnements : la première dimension est la question de la maîtrise des adultes, l’autre est la définition de la culture informationnelle. Enfin une proposition récurrente traverse toutes ces prises de parole, que le monde académique saurait définir ce qu’il faut maîtriser et que ce qui n’en fait pas partie est donc une « futilité », une « illusion ».

L’histoire est têtue, à moins qu’à nouveau l’amnésie ne continue de faire des ravages : « Dans une classe de lycée, remplacer Racine par Brecht, c’est modifier le rapport de l’enseignement avec une tradition autorisée, reçue de chez nous, liée aux pères et à des valeurs  « nobles » ; c’est aussi introduire une problématique politique contraire au modèle culturel qui établissait le maître (d’école) en manuducteur de l’expression populaire. » (manuducteur : “se disait autrefois d’un officier qui, placé au milieu du chœur, donnait le signal aux choristes pour entonner, marquait le temps et battait la mesure.” Littré en ligne). L’auteur de ce propos poursuit un peu plus loin de la manière suivante : « Chez les enseignants est apparu un sentiment d’insécurité. Il coexiste avec la conscience de leur extériorité par rapport aux lieux où la culture se développe, l’usine, les mass media, les techniques, les grandes entreprises… L’enseignant flotte à la surface de la culture : il se défend d’autant plus qu’il se sait fragile. Il se raidit. Il est porté à renforcer la loi sur les frontières d’un empire dont il n’est plus sûr. » À ce texte publié en 1974, il est intéressant d’associer un texte publié en 1983 : « Faut il encore une école ? Oui et plus que jamais, pour trois raisons : la communication, la distance, la mémoire [...] l’école pourrait d’abord être le lieu de la « table du savoir », table au sens traditionnel. Non pas tant le lieu de la communication du savoir, mais le lieu de la communication entre des hommes qui ont emmagasiné des connaissances à partir de la multiplicité de leurs récepteurs individuels. »

Repli du monde académique face à l’émergence d’une culture autre que celle qu’il promeut

Renvoyons donc à la lecture du livre La culture au pluriel de Michel de Certeau (Points 1973 – 1987) ainsi qu’à celle du livre Les nouveaux modes de comprendre de Pierre Babin et Marie France Kouloumdjian (Le Centurion 1983). Bien d’autres auteurs nous ont avertis depuis longtemps, le signe de la peur du monde académique c’est son déni ou sa tentative de normalisation lorsqu’une culture autre que celle qu’elle promeut émerge. Avec les TIC il y a malheureusement plus de trente années que l’on observe cela. La lecture de cet article de François Cardinal devrait pourtant nous faire réfléchir. Intitulé  » Nos élèves, ces illettrés numériques… » l’auteur met en évidence la carence du monde scolaire. Sans entrer dans le détail de l’argumentaire (un peu léger cependant), on peut déceler derrière ces propos les trois dimensions qui sont proposées à notre réflexion ici.

En filigrane de ce propos et en faisant du lien avec de nombreuses observations, les enseignants, comme de nombreux adultes, sont très loin de maîtriser l’usage de ces technologies mais ce sont parfois (mais pas toujours) les mêmes qui voudraient imposer aux jeunes cette maîtrise dont ils ignorent même le sens réel. Car c’est le contour de cette maîtrise qui a bien du mal à émerger des propos des uns et des autres. Les critiques nombreuses du B2i ou du C2I n’ont que rarement amené à un réel travail de recomposition (comme celui, par exemple, qui avait été fait entre 2006 et 2008 à propos de la « numériculture ». Or le mérite de ces certifications était bien de s’attaquer aux deux supposés problèmes posés par les TIC à l’école : un travail technique et un travail culturel. Certes il y avait à redire et nous n’avons pas manqué de le signaler, mais force est d’observer que les résistances, mais surtout les oppositions (au-delà des rituels “temps-moyens-formation”) ont été nombreuses. Quant à la distance critique, l’ignorance n’a jamais permis de la créer. C’est au contraire de la connaissance que nait la distance critique ; relisons Condorcet pour s’en convaincre, mais observons qu’autant il cherchait à ouvrir vers la connaissance, autant il cherchait à imposer un contrôle fort sur cette connaissance, ce contrôle repris ensuite par Jules Ferry et continué encore de nos jours par de nombreux acteurs politiques de l’éducation.

Un enseignant se questionnait l’autre jour à propos des opinions personnelles : comment en tant qu’enseignant amener les élèves à dépasser les « premières impressions »  pour aller vers la distance critique sans entrer dans le même cercle infernal qui consiste à opposer l’opinion de l’enseignant à celle de l’élève ? La meilleure réponse trouvée est tirée de deux approches : le questionnement socratique (la maïeutique), le scepticisme argumenté (et non de principe). Malheureusement l’enseignant nous disait qu’avec l’environnement médiatique, il se sentait lui même en grande difficulté pour y parvenir. Manque d’outils d’analyse, manque de connaissance sur les dispositifs et les techniques, manque de connaissance de l’histoire des évolutions scientifiques et techniques, etc.
Interrogeons les enseignants du secondaire et du supérieur sur leur sentiment de maîtrise des TIC, mais aussi de l’environnement informationnelle et de la culture associée (information literacy…) et l’on se rendra rapidement compte qu’ils rivalisent souvent avec leurs élèves mais dans un autre sens : si souvent ils se sentent apte à maîtriser cet environnement, quelques mises en situation nous révèlent rapidement qu’une grande majorité reste très démunie et n’a, comme les élèves que des compétences de surface. Car les contextes sont nouveaux : non seulement il y a la maîtrise technique, mais aussi il y a la gestion dynamique de l’information et de la communication. Or ces deux champs de compétences ne sont pas aussi développés qu’on le pense : il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre de noter l’importance de la demande de formation dans ces domaines chaque fois qu’on évoque le développement des TIC dans l’enseignement. Or la particularité de ces évolutions est de ne pas se satisfaire d’une connaissance théorisée et de nécessiter une pratique avancée régulière et surtout une forte capacité à « apprendre de l’expérience ». Et cette dernière compétence est particulièrement développée, dans le domaine des TIC par les jeunes (mais pas théorisée…).

Les cours d’informatique, d’information, de communication : de bien belles intentions…

Faire des cours d’informatique, faire des cours d’information, faire des cours de communication…. Belles intentions et nécessités probables, mais largement insuffisantes si elles ne sont pas précédées d’une longue analyse des pratiques spontanées (futiles) mais surtout très avancées, mais pas dans le sens scolaire… Or l’une des constantes des discours sur le domaine va à l’envers : commencer par faire cours et ensuite appliquer ! Mais d’abord cela n’est pas le modèle d’apprentissage développé par nos élèves, et ensuite c’est de « processus de structuration » dont ont réellement besoin les jeunes comme les adultes. Le sens des cours d’informatique ou de communication etc. n’apparait pour les jeunes que s’il permet de comprendre des pratiques réelles non scolaires d’abord et s’il leur permet d’aller plus loin en les amenant à des pratiques « structurantes » et « analysées »; mais pas seulement dans ces cours mais surtout dans toutes les occasions d’usage. Et c’est bien là que très souvent le frein est mis. Mais comme pour la méthodologie, impossible de développer des compétences sans contexte ; comme pour l’apprentissage, un savoir ne se transforme en connaissance que s’il est utilisé, et pas dans des exercices systématiques, mais dans des situations complexes. C’est pourquoi ces savoirs, informatiques, informationnels et communicationnels ne peuvent être d’abord étudiés pour eux-mêmes.

Quand à l’esprit critique, il ne peut se développer que dans cette dialectique qui permet de comprendre que les outils ne sont jamais neutres, et qu’ils prennent sens dans des contextes dans lesquels les acteurs les manipulent, les utilisent, les « instrumentalisent ». Les enseignants sont en réalité très démunis pour mettre en œuvre cet esprit critique pour eux-mêmes et aussi pour le faire développer par leurs élèves. Il y a plusieurs explications à cela dont la principale est que cela demande du temps et de l’activité, ce qui va à l’opposé d’un système scolaire qui « accumule » toujours plus de savoirs sans toujours se poser la question de leur maîtrise, et de la durée nécessaire à leur maîtrise. Les TIC ont cette particularité d’être disponibles aussi bien dans le système d’enseignement qu’en dehors, il est très regrettable que l’on ne profite pas de cela pour faire du lien, et préférer trop souvent une opposition, voire dans certains cas un mépris…. Or les jeunes sont en train de rendre au système scolaire un retour assez juste de cette opposition : ils l’ignorent…

À suivre et à débattre…

Billet initialement publié sur le blog de Bruno Devauchelle

Image CC Flickr World Bank Photo Collection et Debby A remixé par OWNI

]]>
http://owni.fr/2011/01/28/apprendre-a-questionner-quand-socrate-peut-encore-etre-utile/feed/ 7
Ce qui ne va pas avec la culture http://owni.fr/2011/01/28/ce-qui-ne-va-pas-avec-la-culture/ http://owni.fr/2011/01/28/ce-qui-ne-va-pas-avec-la-culture/#comments Fri, 28 Jan 2011 09:00:19 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=42759

Une association de développement culturel me fait parvenir un courrier invitant à une journée de réflexion sur les liens unissant adolescents et culture dans le contexte scolaire.

L’argument est libellé comme suit:

Les jeunes d’aujourd’hui sont-ils brouillés avec la culture? Les adolescents ont-ils de nouvelles façons de se cultiver? Comment faire naître le désir de culture et de découverte artistique chez les adolescents? Comment les amener à croiser la matière culturelle? Y-a-t-il des oeuvres spécifiques pour les adolescents?

Malgré le caractère bien intentionné de l’initiative, quelque chose me gêne profondément dans cette manière d’aborder la relation au fait culturel. La formule: « Les jeunes d’aujourd’hui sont-ils brouillés avec la culture? » ne semble pas envisager une seule seconde que les “jeunes” possèdent déjà un bagage culturel qui leur est propre, construit par leur expérience cinématographique, télévisuelle, vidéoludique ou web, qui structure leurs échanges et génère des postures d’expertise ou des mécanismes d’apprentissages et de transmission complexes.

Dans la phrase: « Les adolescents ont-ils de nouvelles façons de se cultiver? », doit-on lire “se cultiver” comme une allusion à cette culture vernaculaire, ou bien l’expression ne renvoie-t-elle qu’à l’accès à la culture savante?

Le malentendu porte sur l’emploi du terme “culture”, qui n’est à l’évidence pas utilisé ici dans son sens anthropologique, autrement dit comme l’ensemble des représentations propres à un groupe quel qu’il soit, mais plutôt dans le sens qui est le sien dans le syntagme “ministère de la culture”, et qui devient beaucoup plus clair si on le remplace par le mot “art” – par exemple: « Les jeunes d’aujourd’hui sont-ils brouillés avec l’art? ».

“La” culture contre “les” cultures: la culture institutionnelle imposée de façon paternaliste à une classe d’âge plutôt que la prise en compte des représentations autonomes d’un groupe n’est rien d’autre qu’une usurpation du terme “culture”, employé à tort comme cache-sexe des pratiques artistiques de la classe dominante, comme dans “ministère de la culture” (qui n’est en réalité qu’une tutelle des métiers artistiques reconnus par l’institution).

Problème: cet art qui n’ose pas dire son nom, cette substitution même exprime la perception d’une ringardisation des pratiques et des représentations des beaux-arts et de la littérature, qu’il est nécessaire d’habiller d’un costume plus moderne pour les rendre présentables. Autant dire que la réponse est dans la question. Comment rendre les jeunes plus attentifs à l’univers démonétisé des Muses? En le dissimulant sous le masque anthropologique des pratiques culturelles. Pas glop.

Article initialement publié sur Culture Visuelle

>> photos flickr CC Dawn Endico ; See-Ming Lee

]]>
http://owni.fr/2011/01/28/ce-qui-ne-va-pas-avec-la-culture/feed/ 4
Avez-vous essayé? Où et comment parler des jeunes et des TIC? http://owni.fr/2011/01/19/avez-vous-essaye-ou-et-comment-parler-des-jeunes-et-des-tic/ http://owni.fr/2011/01/19/avez-vous-essaye-ou-et-comment-parler-des-jeunes-et-des-tic/#comments Wed, 19 Jan 2011 07:31:17 +0000 Bruno Devauchelle http://owni.fr/?p=42875 Interroger 35000 jeunes en 39 jours (samedi et dimanches compris) c’est en rencontrer environ 900 par jour. Mener cette enquête en « face à face » suppose du temps. Une enquête en face à face, cela peut prendre des formes diverses : d’une personne face à 1000 qui répondent à un questionnaire écrit à l’entretien individuel, toutes les formes de face à face peuvent exister. Or c’est sur cette base que Calysto présente le déroulement de l’enquête publiée en 17 décembre 2010 et relayée largement par les médias. Alors que dans le même temps le ministère de la culture, par l’intermédiaire de Sylvie Octobre et d’autres organisations, comme Fréquence école à Lyon, publient leurs enquêtes en détaillant la méthode utilisée et en expliquant clairement comment cela a été fait (accès aux questionnaires utilisés etc…), Calysto et la Voix de l’enfance ne transmettent qu’une présentation reprenant, de manière assez surprenante parfois les résultats de cette fameuse enquête. Surprenante car la notion de proportion n’est pas respectée et que des choix de présentation mettent en avant dans des graphiques de manière identique des résultats différents (exemple de la page 5 du document).

Des sondages, pour quel résultat ?

Sans entrer dans plus de détail et sans remettre a priori en cause la qualité du travail mené, la question est ici de savoir ce que signifient toutes ces enquêtes qui parlent des jeunes et des TIC (ou de la culture). Ainsi, dans le travail publié par la documentation française, Sylvie Octobre parle de la culture des jeunes, mais au volet internet et ordinateur, les questionnaires sont extrêmement pauvres et ne donnent aucune visibilité à diverses pratiques et le même questionnaire ignore quasi totalement les usages du téléphone portable. On peut comprendre le parti pris d’une définition de la pratique culturelle qui mettrait de coté le téléphone portable (encore que), mais on ne peut comprendre qu’aujourd’hui on ne prenne pas en compte la pratique du web comme pratique culturelle (celle-ci se réduit à l’utilisation de l’ordinateur dans les questionnaires utilisés). Mais au moins, si l’on n’est pas satisfait peut-on accepter le document tel qu’il est et n’en utiliser que ce pour quoi il est fait.

Malheureusement un certain nombre d’organisations ont tendance à publier des chiffres sans donner accès aux méthodes (à défaut des sources elles-mêmes) qui auraient permis de mesurer la fiabilité des résultats. Ce n’est pas la première fois que cela se produit (cette année sur le même sujet cela s’est déjà produit au printemps (cf. le café pédagogique). Si l’on veut faire une éducation à l’information, il faut aussi se pencher sur ces cas et les analyser. L’idée ici n’est pas de remettre en cause les résultats a priori, mais de signaler que dans le domaine des TIC les débats sont si vifs et si importants que l’on ne peut plus admettre que soient mis en pâture au débat des résultats d’enquête sans que l’on puisse accéder aux sources. Profitons ici de l’occasion pour lancer un appel à tous ceux qui publient des enquêtes pour permettre aux personnes intéressées d’accéder effectivement aux sources, au moins aux protocoles d’enquête. L’absence de ces documents, bien qu’arides, met à mal la crédibilité de toutes les enquêtes même les plus explicites.

Le travail sur les sources, une étape obligatoire.

L’impression que donnent ces chiffres est d’abord celle d’une tentative de manipulation. Si je veux faire passer une idée, alors il suffit que je fasse une communication sans expliciter les sources. Comment imaginer que l’on puisse interroger 35000 personnes en un mois alors que la plupart des enquêtes bien financées ont bien du mal à dépasser les 5000 et sur plusieurs mois. ? Loin de moi l’idée d’accuser qui que ce soit a priori, mais en l’absence de preuves je ne peux que m’inquiéter de la popularité donnée à de tels chiffres. D’ailleurs cela interroge aussi la professionnalité des médias qui se sont empressés de relayer ces chiffres sans faire le travail sur les sources.

Nous vivons une époque dans laquelle il convient d’être très prudent sur les chiffres que l’on diffuse. La première précaution est toujours que l’enquêteur critique sa propre méthode de travail et en montre les limites. La seconde est que l’enquêteur accepte de soumettre ses sources à d’autres personnes qui souhaiteraient les exploiter à leur tour ou tout au moins les vérifier. La troisième est que l’enquêteur ait toujours le soin de mettre son travail en perspective avec d’autres travaux identiques ou proches afin de permettre au lecteur de se faire une idée lui-même. En fait le risque de manipulation a été très bien expliqué dans l’ouvrage de Normand Baillargeon « PETIT COURS D’AUTO-DÉFENSE INTELLECTUELLE  » (Lux 2006) mais aussi dans de nombreux cours de doctorat… Malheureusement, même dans le monde scientifique, il semble que ces précautions soient souvent battues en brèche et que les résultats obtenus méritent de sérieuses critiques.

Ce qui est assez inquiétant c’est que les « médiateurs » de l’information sont aussi peu regardant que cela. Qu’en est-il du monde enseignant ? Est-il aussi au fait de ces questions, Malheureusement très peu, trop peu. J’entends souvent des adultes déplorer les attitudes des jeunes par rapport aux technologies en s’appuyant sur des enquêtes de ce type. D’autres, même des chercheurs patentés, s’appuient sur une trentaine d’entretiens approfondis pour tenir des discours globalisant sur tel ou tel aspect des pratiques TIC des jeunes. Nous percevons de plus en plus souvent que dès lors que des intérêts sont en jeu (ce n’est pas nouveau, je sais !) les manipulations peuvent rapidement intervenir. Notre devoir d’éducateur est justement de se doter des outils nécessaires pour questionner ces documents. Il semble qu’en l’occurrence il est nécessaire, dans le domaine des jeunes, de la culture et des TIC, de rappeler qu’il est essentiel que les documents proposés soient appuyés sur des éléments qui permettent réellement d’en mesurer la fiabilité…. Il est nécessaire que le monde enseignant souvent désarçonné face à Internet pratiqué par les jeunes ne cède pas aux sirènes de l’imprécision afin de construire des réponses mieux adaptées aux réalités du monde qui les entoure.

Juste avant de mettre la dernière main à ce billet (ce 13 janvier 2011), je me trouve conforté par la publication d’une nouvelle étude sur les jeunes et les TIC (la cinquième ou la sixième publiée cette année. Publiée en anglais, on peut trouver une synthèse en français). Cette enquête sur 25 pays et qui concerne 2510 internautes illustre bien les questions méthodologiques posées ci-dessus et renforce la mise en question de certaines enquêtes. On peut lire les éléments concrets de la méthode d’enquête employée et comprendre la faisabilité. On trouve aussi quelques précisions sur la notion d’enquête face à face. Dans cette enquête le point qui retient notre attention concerne ce chiffre étonnamment intéressant concernant les nuisances subies sur Internet. On y découvre qu’ils sont beaucoup moins nombreux que dans d’autres enquêtes. On peut rapidement constater que le biais de la question et de l’interprétation des réponses mérite que l’on soit très vigilant sur les chiffres restitués.

Renforçons notre vigilance !

On critique parfois la recherche scientifique pour sa « rugosité intellectuelle ». Mais à lire des enquêtes menées par des sociétés commerciales, on s’étonne grandement du différentiel méthodologique et donc des résultats de ces enquêtes. En suivant depuis 1997 tous ces travaux on se rend compte qu’il est nécessaire de renforcer notre vigilance. Les revues de littératures, les mises en cause de travaux publiés antérieurement sont des classiques de la recherche, reste maintenant à interroger le prisme idéologique

A suivre de près et à débattre.

Credit FlickR : JFGornet / The Bees

]]>
http://owni.fr/2011/01/19/avez-vous-essaye-ou-et-comment-parler-des-jeunes-et-des-tic/feed/ 6
Le problème jeune, cache miséreux de la société française http://owni.fr/2011/01/10/le-%c2%ab%c2%a0probleme-jeune%c2%a0%c2%bb-cache-misereux-de-la-societe-francaise-precarite-jeuness/ http://owni.fr/2011/01/10/le-%c2%ab%c2%a0probleme-jeune%c2%a0%c2%bb-cache-misereux-de-la-societe-francaise-precarite-jeuness/#comments Mon, 10 Jan 2011 15:53:05 +0000 CSP (Comité de salut public) http://owni.fr/?p=37553 Moitié-moitié : c’est ce qu’on se dit après la lecture de cette tribune du sociologue Louis Chauvel sur la jeunesse sacrifiée. Moitié diagnostic juste, moitié à côté de la plaque concernant les responsables réels de ce sacrifice et quant aux solutions proposées. Comme si le chercheur avait commencé à voir juste sans aller jusqu’au bout de sa propre logique, en reculant en quelque sorte sur les pistes de réflexion pourtant évidentes pour sortir et le d’jeunz et les autres aussi de l’effroyable merdier dans lequel nous ont précipité trente années de délire néolibéral.

Quels sont les symptômes de ce mal-être collectif ? Les plus visibles relèvent des difficultés de la jeunesse. Nous le savons, trente-cinq ans après l’extension du chômage de masse, la jeunesse a servi de variable d’ajustement. Chômage record, baisse des salaires et des niveaux de vie, précarisation, développement de poches de travail quasi gratuit (stages, piges, free-lance, exonération de charges, etc.), nouvelle pauvreté de la jeunesse, état de santé problématique et faible recours aux soins, absence d’horizon lisible.

Pourtant, il semble bel et bien que ce ne sont pas des gouvernements de gauche – ou en tout cas de vraie gauche, s’entend bien – qui ont construit ce drame collectif, mais des « élites » toutes massivement converties à l’économie de marché ; Louis Chauvel n’en parle pourtant pas, ou en tout cas n’adopte pas cet angle et trouve à déplacer le centre du problème non sur la réalité d’une classe exerçant une férule sans partage ni pitié sur une autre, mais construit une opposition générationnelle jeunes Vs. vieux qui déplace complètement la question.

Le « jeune » est partout… et donc nulle part!

Puisque ce n’est pas seulement pour les jeunes que l’avenir est sombre, mais pour ainsi dire tout le monde, exceptés bien entendu ceux qui profiteront largement de l’aliénation généralisée en chantier actuellement. Le sociologue choisit de se focaliser sur une classe d’âge spécifique, les « jeunes », pauvres, et les oppose à des « vieux » baby-boomers censés êtres nantis et doté d’un patrimoine conséquent notamment immobilier en ayant l’air d’oublier qu’avant que d’être une histoire d’âge, la domination se construit d’abord par rapport au statut social : un « jeune » précaire et un « vieux » à retraite minable ont plus en commun qu’un « jeune » sorti de grandes écoles et qui bénéficiera du réseau des « vieux » – ses parents et leurs connaissances – pour se placer à un poste valorisé et valorisant.

La construction de l’objet « jeunes » est de plus, outre son caractère spécifiquement occidental – au Pakistan, on a pas le temps d’être « jeune », on est à l’usine à 10 ans pour fabriquer des ballons de foot -, m’a toujours posé souci dans la mesure où précisément, quand on y regarde de plus près elle n’est que cela : une construction générique fallacieuse recouvrant des réalités et des vécus extrêmement disparates. Le « jeune », en fait, ça n’existe pas. La « jeunesse », si elle est une tranche d’âge commune à une multitude ne rassemble pas pour autant ni les mêmes personnes ni les mêmes destins sociaux.

Le seul vécu commun des jeunes : subir le pire que la société a à offrir

Non pas cependant qu’il ne faille pas se préoccuper du sort de cette classe d’âge qui fait partie, c’est incontestable, de ceux qui sont et seront les plus durement frappés par la saloperie en cours et sur ce point aussi Louis Chauvel tape juste.

Par-dessus tout, une frustration générale envahit les esprits devant l’accumulation des promesses non tenues : celle du retour au plein-emploi grâce au départ à la retraite des premiers-nés du baby-boom (rapport Teulade de 1999), de meilleurs emplois par la croissance scolaire, dans un contexte où le travail seul ne permet plus de se loger. Il s’ensuit une colère, voire une haine, qui se détecte clairement dans la jeunesse de 2010 et que le mouvement sur les retraites a paradoxalement canalisée.

Haine qui malheureusement, devant l’absence de débouché progressiste, peut très bien décider de se canaliser électoralement vers ceux et spécifiquement celle qui leur fournira les réponses les plus simplistes. Puisque comme le dit Eric Coquerel du Parti de gauche, on ne peut effectivement qu’être « inquiet de voir «des gens touchés par la crise, aspirant à des ruptures et des bouleversements» mais «qui ne font plus la distinction entre la gauche et la droite». «Ils peuvent, dit-il, être séduits par une alternative cauchemardesque»
(J’aurais évidemment préféré trouver cette phrase dans la bouche d’une personne du NPA, mais il est vrai que nous sommes terriblement occupés actuellement à débattre démocratiquement dans le respect de la parole de chacun afin que toutes les tendances puissent s’exprimer…)

Là où Louis Chauvel se plante, et sévèrement, c’est par la construction de son opposition entre « jeunes » et « vieux », car même si le poids démographique d’une population vieillissante pèse de plus en plus lourd politiquement parlant, et contribue, de fait, au « caractère profondément conservateur, rentier, de la société française dans son entier » – l’ambiance de conservatisme réactionnaire qui traverse tout le corps social trouve là une grande partie de son explication : les vieux regardent TF1 et flippent et ils votent en fonction de ce ressenti…-, les grands coupables de cette situation ne sont au final pas tous les « vieux » mais certains « vieux » : ceux qui possèdent le plus de patrimoine, immobilier entre autres, et comme par hasard possèdent aussi les moyens de productions.

Quand taxerons-nous les vieux rentiers ?

Quoi de commun entre Liliane Bettencourt (88 ans), Ernest-Antoine Sellière (73 ans), Serge Dassault (85 ans), et leur équivalents en âge qui croupissent dans ces mouroirs que son les maisons de retraites ? Et si vous voulez voir une belle brochette de baby-boomers et autres sémillants quinquas – sexas pas vraiment inquiets pour leurs retraites, c’est très simple : regardez les dates de naissance du conseil exécutif du MEDEF

La véritable opposition, le noeud du conflit, il se trouve dans des vieux bourgeois contre des jeunes déclassés ET tous les autres aussi…

Du coup, cette analyse déplace également les propositions à faire pour rééquilibrer la balance puisque si on ne peut nier l’urgente nécessité d’une politique du logement ambitieuse et particulièrement volontariste – allant jusqu’à confisquer les logements inoccupés à ceux qui refusent de les mettre sur le marché en préférant spéculer dessus (oui, ça sera une atteinte atroce au droit de propriété, en effet, le totalitarisme vous dis-je), il ne semble pas sot de se dire que ces vieux là, qui effectivement possèdent tout et refusent catégoriquement désormais de même laisser des miettes – rupture du « contrat fordiste » et recherche frénétique de la maximisation des profits -, il ne semble donc pas complètement aberrant que de vouloir les mettre à contribution et ce, disons, lourdement…

C’est en ce sens que Louis Chauvel, malgré des prémisses intéressantes, se trompe d’objets de défiance, mais il est vrai que tout ce qui précède est en effet quelque peu « marxiste » en effet ; et n’est-ce pas, le marxisme et ces 15 milliards de morts, on aura pas la vulgarité de l’employer en sociologie.

Billet initialement publié sur le blog Comité de salut sous le titre Le problème n’est pas là.

Photo FlickR CC slworking2 ; The US National Archives.

]]>
http://owni.fr/2011/01/10/le-%c2%ab%c2%a0probleme-jeune%c2%a0%c2%bb-cache-misereux-de-la-societe-francaise-precarite-jeuness/feed/ 2
[sondage] Les Français, les jeunes et le travail http://owni.fr/2010/12/17/sondage-les-francais-les-jeunes-et-le-travail/ http://owni.fr/2010/12/17/sondage-les-francais-les-jeunes-et-le-travail/#comments Fri, 17 Dec 2010 06:00:35 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=39347 En août dernier, OWNI se payait l’Ifop en critiquant vertement un sondage autour de la politique anti-Rom de Sarkozy (Ifop a déconné, le 6 août 2010). Suite à cet article, Yves-Marie Cann, directeur d’études au Département Opinion et Stratégies d’entreprise de l’Ifop, a répondu aux questions d’OWNI sur les problèmes de mesures d’opinion.

Au fil des échanges, un lien s’est créé entre l’Ifop et OWNI. Nous les avions critiqués sévèrement – il était normal qu’ils nous mettent au défi de faire mieux. Défi relevé, puisque nous présentons aujourd’hui le concept de “sondage augmenté”, réalisé avec l’Ifop.


L’Ifop nous a offert trois questions dans un sondage omnibus, sur le thème de notre choix, avec comme seule contrainte de réaliser une interface de consultation des résultats. Vous pouvez filtrer les résultats au plus précis (un avertissement vous prévient lorsque l’échantillon considéré devient trop petit pour avoir une validité statistique). Par ailleurs, les utilisateurs peuvent participer à l’étude et donner leur avis. On peut ainsi comparer les résultats des internautes avec ceux des sondés.

Face à l’opportunité offerte par l’Ifop, nous avons choisi de traiter un aspect de l’un des plus gros défis de nos sociétés : l’accès des jeunes à l’emploi. Nous avons voulu savoir comment les Français appréhendaient le problème et quelles solutions ils proposaient.

Minimisation politique

Quel est le taux de chômage des 15-24 ans ? En posant la question sans proposer de choix multiples, nous voulions savoir comment les Français percevaient le problème. Le taux officiel était, en 2009, de 22.8% selon l’OCDE et de 23.6% selon l’INSEE. La sondés, en moyenne, l’ont évalué à 21.1%. Pas mal. On pourrait penser que, le sondage étant auto-administré, les utilisateurs ont vérifié le taux officiel sur Wikipédia, mais les chiffres sont suffisamment variables pour que l’on puisse considérer que quasiment personne ne l’a fait.

Les résultats deviennent intéressants quand on s’intéresse à l’âge et aux opinions des sondés. Chez les plus de 35 ans, l’estimation est de 20%, contre 23% chez les plus jeunes.

Chez les sympathisants UMP, la minimisation est encore plus forte. Ils estiment le chômage des jeunes à 19%, contre 23% pour les sympathisants du Front de Gauche. Rien d’exceptionnel, si ce n’est une nouvelle preuve de la sélection que l’on fait, chacun, de n’écouter que les informations qui renforcent nos opinions.

Une autre question concernait les solutions à mettre en œuvre pour lutter contre le chômage des jeunes. Les sondés avaient le choix entre huit solutions, toutes déjà proposées dans un précédent sondage Ifop, en juin 2009. On voit là que les réponses restent stables. Les personnes interrogées placent encore la formation professionnelle en tête des solutions à mettre en œuvre, suivie d’une meilleure orientation des élèves et des étudiants. Seul le service civique obligatoire dégringole. 28% des sondés le plébiscitaient en 2009, ils ne sont plus que 17% aujourd’hui.

« yapa 2 job pour lè jen »

Enfin, nous avons demandés aux sondés quelles étaient, selon eux, les causes du chômage des jeunes. Au-delà de ce jeune de 21 ans déclarant que « yapa 2 job pour lè jen » (faut pas s’étonner de pas en trouver si t’écris comme ça, coco), les 950 réponses montrent une compréhension homogène du problème à travers les classes d’âge.

Jeunes et moins jeunes s’entendent sur le diagnostic : manque de formation, pas assez d’emplois en France et des entreprises frileuses quand il s’agit de donner sa chance à un candidat sans expérience.
Très peu de sondés rejettent la faute sur les chômeurs eux-mêmes (1 sur 20, à peu près). Ceux-ci sont également répartis à travers les âges. Les deux citations ci-dessous ont été écrites par un jeune de 24 ans et un vieux de 70 ans. Qui a dit quoi ?

Celui qui cherche, trouve du travail.

C’est des faignants.

Ces réactions mettent surtout en avant le niveau des sondés en économie. Une bonne partie d’entre eux explique le chômage des jeunes par une surabondance de vieux. « Le marché se renouvelle trop lentement » explique un sondé de 21 ans. Pour eux, le travail est une quantité fixe qui se partage entre tous les actifs. Pourtant, rien n’est moins vrai que ce qui ressemble à une évidence de bon sens. Comme le soulignent les éconoclaste:

Les pays qui connaissent les taux de chômage les plus faibles sont aussi ceux pour lesquels la croissance de la population active a été la plus élevée.

Retrouvez l’ensemble de notre dossier sur la jeunesse et découvrez notre sondage autour de l’emploi des jeunes :

Illustration CC FlickR par julien `

]]>
http://owni.fr/2010/12/17/sondage-les-francais-les-jeunes-et-le-travail/feed/ 0
L’emploi des jeunes: un faux problème? http://owni.fr/2010/12/17/lemploi-des-jeunes-un-faux-probleme/ http://owni.fr/2010/12/17/lemploi-des-jeunes-un-faux-probleme/#comments Fri, 17 Dec 2010 05:30:06 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=39354 Le chômage des jeunes est sans cesse présenté comme un problème en soi. Pourtant, les multiples solutions proposées par les politiciens ne fonctionnent pas, à moins de mettre tous les jeunes sous les drapeaux ou de les forcer à travailler en fermant lycées et universités.

La diversité des situations nationales et personnelles est telle qu’au fond, faut-il réellement des solutions pour « les jeunes », ou des solutions pour ceux qui ne trouvent pas d’emploi en général ?

“Si vous ne travaillez pas, vous êtes finis”

La construction sociale de la catégorie de jeune éclate au grand jour quand les institutions étatiques s’écroulent. Lors de la chute de l’URSS, toute une génération de 15-25 ans, qui auraient dû étudier à l’université, se sont retrouvés livrés à eux-mêmes. L’alternative était simple : travailler ou crever de faim. Un Kazakh de 23 ans à l’époque raconte, dans un livre de Christopher Robbins :

En ce temps-là, j’achetais des vieilles Lada pour 3 000 roubles, je les conduisais à Balkhash et les échangeais là-bas contre 10 tonnes de lingots de cuivre. Je ramenais le cuivre à Almaty et le revendais à des marchands chinois à la frontière, en cash. 600 kilomètres sur des routes horribles – mais un profit de 300% en une semaine. Alors, oui, il fallait corrompre la police, oui, il fallait lutter contre les brigands. Mais si vous ne le faisiez pas, vous étiez finis.

Dans les mines chinoises, les jeunes ont du travail.

Un autre moyen radical de faire diminuer le chômage des jeunes : l’armée ! Quand une ou plusieurs classes d’âge sont en treillis, le nombre de chômeurs diminue d’autant. Prenons l’exemple de la France. Avec le service militaire, les jeunes passent 10 mois hors du marché du travail. À tout moment, 8% des 15-24 ans sont sous les drapeaux. Si l’on fait l’hypothèse que le chômage est également distribué à travers cet échantillon, un rétablissement du service militaire ferait baisser de 1.8% le taux de chômage des jeunes.

Cette hypothèse ne tient pas longtemps face aux données. Que ce soit en France ou en Belgique, le ratio chômage des jeunes/chômage total n’augmente pas brusquement en 1995, année où le service a été aboli dans les deux pays.

Une solution de court-terme

“Not much seems to work”

Au-delà du travail forcé, les gouvernements des pays riches ont élaborés des solutions plus ou moins heureuses pour s’attaquer au chômage des jeunes. Au Danemark, un programme a été mis en place dans les années 1990 afin de permettre aux jeunes au chômage de reprendre les études. Les deux tiers des jeunes prenant part à cet effort ont été tirés du chômage, mais une étude [pdf, en] explique qu’une bonne partie d’entre eux aurait de toute façon retrouvé un emploi avec le redémarrage de l’économie.

Au Royaume-Uni, un New Deal pour la jeunesse a été mis en place en 1998. Les moins de 24 ans au chômage peuvent demander une aide pour trouver un travail. Ces conseils personnalisés (comment écrire un CV, préparer un entretien etc.) n’ont cependant pas tenu leurs promesses. De 51% de jeunes trouvant un job après être passés par le programme en 1998, on est tombé à 34% en 2005, d’après le think-tank de centre-droit Reform [en].

En France, le programme Défense 2e Chance est montré en exemple. L’Établissement Public d’Insertion de la Défense (EPIDE) voulait intégrer les jeunes en difficulté grâce à un encadrement militaire et des cours en conséquence. Un reportage du Parisien explique par exemple que les cours d’histoire y sont donnés par des vétérans d’Indochine ! Mais le programme, qui devait former 10 000 jeunes par an, est un échec patent. En 2009, il a accueilli moins du quart du chiffre annoncé, avec un taux de succès de moins de 50%.

Au final, comme l’écrit candidement Glenda Quintini dans une présentation de l’OCDE [pdf, en], not much seems to ‘work’. Pas grand-chose ne marche. La meilleure solution reste de mieux former les enfants avant que les écarts ne se creusent, dès la première année à l’école.

Des chiffres pas très NEET

Une focalisation sur les chiffres du chômage rend très mal les problèmes plus généraux auxquels doit faire face la jeunesse mondiale. L’indicateur n’est pas à jeter à la poubelle, mais on s’intéresse très peu aux NEET, qui sont pourtant plus nombreux que les chômeurs. NEET, pour neither in education, employment or training, représente le phénomène Tanguy en France ou les hikikomori au Japon.

Un rapport de l’OCDE [pdf, en] (encore eux !) montre que, chez les femmes, près de 50% d’une classe d’âge peut être NEET. C’est le cas en Turquie, Grèce ou en Hongrie, mais aussi en Allemagne, qui possède un taux de chômage des jeunes parmi les plus bas.

Enfin, le taux de chômage dépend surtout du taux d’activité. En effet, le chômage n’est pas le ratio du nombre de chômeur sur la population totale, mais du nombre de chômeurs par rapport à la population active. Une fois les NEET et les étudiants pris en compte, les situations nationales varient du tout au tout. En Corée du Sud, par exemple, le taux de chômage des jeunes est de 25%, à peu près équivalent à la France. Pourtant, seul 1 jeune sur 50 y est réellement chômeur, contre 1 sur 10 en France.

Une fois ces éléments pris en compte, les chômeurs « jeunes » sont surtout des individus sans diplôme surreprésentés. Le problème ne tient ainsi pas à l’intégration d’une classe d’âge en particulier, mais à la prise en compte des problèmes spécifiques aux élèves en grande difficulté.

Entre les jeux comptables et les solutions inefficaces, les difficultés des jeunes ne sont pas près de se résorber. Travail, mais aussi drogues, socialisation, loisirs… L’incompréhension des politiques face aux modes de vie des générations X, Y et Z reste totale. Les vieux cons devraient écouter les petits cons. Il serait temps.

Retrouvez l’ensemble de notre dossier sur la jeunesse et découvrez notre sondage autour de l’emploi des jeunes :

Photos : CC andi808, Bundesarchiv, deVos

]]>
http://owni.fr/2010/12/17/lemploi-des-jeunes-un-faux-probleme/feed/ 6
Humanitaire: comment cibler de nouvelles générations de donateurs? http://owni.fr/2010/10/10/humanitaire-comment-cibler-de-nouvelles-generations-de-donateurs/ http://owni.fr/2010/10/10/humanitaire-comment-cibler-de-nouvelles-generations-de-donateurs/#comments Sun, 10 Oct 2010 08:00:36 +0000 IRIN http://owni.fr/?p=30564

DAKAR, 1 octobre 2010 (IRIN) – Les donateurs âgés sont la poule aux œufs d’or des organisations d’aide humanitaire ou d’aide au développement, selon plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) avec lesquelles IRIN s’est entretenu ; mais de nombreuses ONG, confrontées au vieillissement de leur base de soutien, ciblent de plus en plus les enfants, les jeunes et les jeunes adultes par le biais du réseautage social et des jeux vidéo.

Les donateurs individuels les plus généreux de l’ONG Action contre la faim (ACF) France, ont entre 65 et 70 ans, selon Nicolas Trombert, directeur par intérim des relations avec les donateurs au siège parisien de l’organisation ; les donateurs de la Croix-Rouge britannique appartiennent à une tranche d’âge semblable ; et ceux de Save the Children ont plus de 50 ans, selon Jeremie Bodin, directeur de la collecte de fonds d’urgence au sein de l’ONG.

Les donateurs âgés sont essentiels pour assurer le fonctionnement des organismes, et sont souvent plus sensibles aux réalités humanitaires, a noté James Kliffen, directeur de la collecte de fonds chez Médecins sans frontières (MSF) Royaume-Uni (UK). « Nombre de nos donateurs [britanniques] les plus âgés ont eux-mêmes connu la guerre… Cela demande beaucoup moins d’efforts pour leur expliquer ce que nous faisons », a-t-il dit à IRIN.

Malgré tout, il ne fait aucun doute que les jeunes d’aujourd’hui seront les donateurs de demain. « Nous nous efforçons d’attirer des donateurs plus jeunes – les jeunes professionnels de 25-30 ans – qui travaillent et souvent, n’ont pas encore d’enfants ; et nous aimerions toucher une cible encore plus jeune, pour que, lorsque ces personnes seront prêtes à faire un don, elles pensent à Save the Children », a dit M. Bodin à IRIN.

Avec les enfants, les jeunes et les jeunes adultes, ce n’est pas uniquement une question d’argent, a néanmoins expliqué Joanna Davies, responsable du développement de la base de soutien et des événements de collecte de fonds chez MSF Royaume-Uni.

Ce n’est pas tant une question de collecte de fonds [avec les jeunes], c’est une question de sensibilisation… et bien évidemment, cela évolue ultérieurement en collecte de fonds.

« Nous devons utiliser leurs outils pour communiquer »

Les organisations humanitaires avec lesquelles IRIN s’est entretenu – le Programme alimentaire mondial (PAM), Save the Children, ACF, Oxfam et MSF-UK – ont évoqué des méthodes traditionnelles de ciblage des enfants et des jeunes : les interventions scolaires ; la création d’outils d’apprentissage à l’attention des enseignants ; la formation de « sociétés étudiantes » dans les universités ; la diffusion de messages lors des festivals de musique ; le marketing de rue ; et l’organisation d’événements, entre autres nombreux exemples.

Les événements, divers et variés, vont des spectacles étudiants à d’autres divertissements plus épuisants : la branche britannique d’ACF organise actuellement le défi « twin peaks », qui aura lieu en novembre et dans le cadre duquel des collecteurs de fonds seront parrainés pour grimper en courant jusqu’au 67ème étage de deux édifices londoniens.

À mesure que le cybermonde se développe, tous disent employer des outils de réseautage social tels que Facebook, Twitter et YouTube pour inciter un public plus jeune à s’intéresser aux questions humanitaires. « Nous devons utiliser leurs outils pour communiquer », a dit M. Bodin.

Les jeux en ligne peuvent permettre de toucher des millions de personnes d’un seul coup : la société indienne d’apprentissage en ligne ZMQ a ainsi créé des jeux simples à répercussions sociales pour téléphones mobiles sur différents thèmes tels que le VIH/SIDA et les effets du changement climatique, et les a envoyés à 64 millions de personnes, a expliqué Asi Burak, co-président de l’ONG Games for Change, qui rassemble des philanthropes, des universitaires, des représentants des autorités publiques, de la société civile et de l’industrie du jeu en vue d’explorer la manière dont les jeux numériques peuvent catalyser le changement social.

Dans la peau d’une famille du Darfour

Par le biais de « jeux sérieux », les organisations humanitaires peuvent sensibiliser le public aux questions humanitaires et à la question du développement, renforcer leurs bases de soutien et collecter des fonds, a dit M. Burak, mais ceux-ci fonctionnent mieux lorsque l’objectif est clairement défini dès la phase de conception. Il est également essentiel de définir le public cible dans la tranche d’âge la plus étroite possible, et d’expliquer clairement le contexte, a-t-il ajouté.

Les utilisateurs apprennent par le biais du jeu de rôles et en affrontant les conséquences de leurs actes, a expliqué M. Burak. Dans Dying for Darfur [Mourir pour le Darfour], les utilisateurs choisissent un membre d’une famille darfourie et doivent lui faire effectuer différentes tâches – par exemple, aller chercher de l’eau – sans être tué, ni enlevé par une milice. Ce jeu Flash en ligne a été joué plusieurs millions de fois depuis sa sortie, en 2006.

Capture d'écran de Against all odds : si le joueur, dans la peau d'un manifestant arrêté, ne répond pas "correctement", il se prend un coup sur la tête.

Le PAM, un des premiers innovateurs dans ce domaine, a créé Food Force (le « premier jeu humanitaire », selon certains) en 2005, pour sensibiliser les utilisateurs à la faim, à la sécurité alimentaire mondiale et à ses opérations.

L’organisme travaille aujourd’hui en collaboration avec la société Zynga – créatrice de FarmVille sur Facebook – pour tenter de recueillir des fonds en faveur de ses programmes mondiaux d’alimentation scolaire. Les joueurs – une cible potentielle de 215 millions de personnes, selon le PAM – cliqueront sur l’icône « WeFeedback » pour découvrir combien de repas scolaires du PAM peuvent être achetés au prix de leur plat favori – par exemple, une salade César au poulet – et pourront ensuite choisir de faire un don.

Zynga a déjà aidé le PAM à recueillir 1,5 million de dollars à la suite du séisme en Haïti, en encourageant les joueurs de Fishville, YoVille, FarmVille et Café World à acheter des produits PAM.

« Les jeux ne sont pas un outil adapté à tout, a dit M. Burak. lls ne doivent pas se substituer aux autres médias, mais les compléter… Comme tout, ils sont un excellent outil lorsqu’ils sont utilisés correctement. »

D’aucuns craignent notamment que le jeu ne soit un moyen inadapté de transmettre des messages complexes notamment sur les enlèvements, les conflits ou l’expérience de réfugié, mais selon M. Burak, il peut, au contraire, être plus efficace. Pour illustrer son propos, celui-ci cite Peacemaker [Le Pacificateur], conçu pour sensibiliser les joueurs au conflit israélo-palestinien. « Les joueurs jouent le rôle de leaders, et doivent négocier avec huit groupes différents… Les utilisateurs ont déclaré que cela les avait aidés à saisir la complexité de la situation bien mieux que les événements isolés dont ils entendent parler aux actualités. »

Quelques jeux humanitaires

Against all odds, un jeu conçu pour les enfants de 12 à 15 ans, fait vivre aux joueurs l’expérience des réfugiés en 12 étapes, de la persécution à la demande d’asile

Dans Ayiti: the cost of life, créé par Youth et GameLab, les joueurs doivent faire vivre une famille haïtienne de cinq, veiller à ce qu’elle reste en bonne santé et à ce qu’elle soit instruite

Hurricane Katrina: tempest in Crescent City, suit les péripéties de héros locaux pendant la catastrophe Katrina, afin de dispenser aux joueurs des enseignements relatifs à la préparation aux catastrophes

Dans Third World farmer, les joueurs doivent gérer une petite ferme virtuelle dans un pays en développement

Dans un jeu créé par la Croix-Rouge, les joueurs suivent une simulation de formation et participent à des opérations d’urgence virtuelles sur le terrain

Wildfire, réalisé par By Implication a récemment remporté le concours étudiant international Imagine Cup, sponsorisé par Microsoft, dans la catégorie Conception de jeux. Le jeu s’inspire des efforts de bénévolat déployés par les Philippins à la suite des inondations provoquées par le passage du typhon Ondoy, à Manille, en 2009.

Nicholas Kristof, chroniqueur du New York Times, crée actuellement, en collaboration avec 54 ONG, un jeu en ligne inspiré du succès de son livre Half the Sky [La Moitié du ciel], sur l’oppression de la femme. Ce projet comprendra également une application pour téléphones mobiles, une émission télévisée et un documentaire en ligne.

Billet initialement publié sur le site de l’IRIN. L’Integrated Regional Information Networks est un projet du Bureau pour la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies qui délivre des informations et des analyses dans le secteur de l’humanitaire.

Image CC Flickr RedGlow82

]]>
http://owni.fr/2010/10/10/humanitaire-comment-cibler-de-nouvelles-generations-de-donateurs/feed/ 1
Subventions à la presse: chère jeunesse http://owni.fr/2010/09/17/subventions-a-la-presse-chere-jeunesse/ http://owni.fr/2010/09/17/subventions-a-la-presse-chere-jeunesse/#comments Fri, 17 Sep 2010 16:12:18 +0000 Admin http://owni.fr/?p=24481

Tu fais ce que tu veux avec le journal le jeune, mais tu l'achètes. Merci.

La (re)conquête du lectorat jeune fait partie des grands objectifs des titres éligibles au fonds de modernisation de la presse (FDM). Sur la période 2003-2009 qui correspond à nos documents, environ 16,5 millions d’euros auraient été dépensés à cet effet, ce qui semble cohérent avec les chiffres indiqués au cours de la réunion du comité d’orientation du FDM du 8 juin 2009 : depuis 2005, 14 millions d’euros a été consacrée à cet effet indique le compte-rendu.

Plus précisément, les projets “consistent à aider au financement d’abonnements, créer des sites Internet ou pages web dédiées aux jeunes, ou encore repenser le contenu avec la création de suppléments ou pages spéciales.” Certains sont individuels, d’autres collectifs.

Le décret détaillant le fonctionnement du FDM stipule que “peuvent faire l’objet de subventions au titre du fonds les actions de modernisation permettant d’atteindre un ou plusieurs des objectifs suivants : [...] “c) Assurer, par des moyens modernes, la diffusion des publications auprès des nouvelles catégories de lecteurs, notamment les jeunes. En guise de modernité, on peut noter, à titre d’observation générale, que le jeune est surtout incité à continuer de lire du papier -logique-, comme vous pouvez le constater sur le tableau récapitulatif [pdf].

L’argument “citoyen”, avancé parfois pour justifier les fonds – ainsi l’opération Un Journal gratuit définie comme un “défi démocratique, citoyen et éducatif”- peut faire sourciller : pourquoi l’accent n’a pas plutôt été massivement mis sur l’éducation aux médias, dans un contexte d’infobésité où chacun doit faire son choix parmi la masse de contenus disponible et devenir son propre éditeur ? De mauvais esprit pourraient y voir une excuse pour défendre une industrie défaillante.

Comment l’efficacité de ces subventions a-t-elle été jugée ? “Le bilan qu’il est possible de dresser aujourd’hui, au vu des bilans d’exécution dont le FDM dispose, fait apparaître le succès des projets collectifs”, note lors de la réunion du 8 juin 2009 du comité d’orientation du FDM Mme Lecointe, adjointe du chef du bureau du régime économique de la presse et des aides publiques. La commission de contrôle proposait de continuer le contrôle des projets jeunes, annonçant des bilans “plus étoffés”. Lors de la réunion du 20 octobre 2009, M. Leclerc, du syndicat de la PHR (presse hebdomadaire régionale), “souligne que la pertinence d’un projet s’inscrit dans une démarche de modernisation de plusieurs années de l’entreprise. Il n’est pas toujours évident de mesurer les effets immédiats d’un projet. Il cite l’exemple d’une publication qui a vu son lectorat rajeunir au fur et à mesure des années. Cela résulte de plusieurs facteurs qu’il est difficile de séparer.” Ensuite, le président de la commission de contrôle du FDM, M. Arnaud, à propos du projet sur la diffusion des journaux auprès des lycéens menées par A2 Presse depuis plusieurs années, indique que “le partenariat est utile, mais il existe peu d’études sur la satisfaction des lycéens jusqu’à présent. Cela demande du temps.” Argument acceptable et bien pratique. La région Bourgogne, qui a réussi à faire une première évaluation en 2007 (voir ci-dessous) soit dès la première année de la mise en place de l’opération, a réalisé un exploit sans le savoir.

La commission indique aussi, et ce n’est guère étonnant, qu’”afin d’évaluer les résultats des opérations destinées aux jeunes lecteurs comme l’opération « kiosque au lycée », il apparaît nécessaire d’assurer un suivi et des bilans plus réguliers en partenariat avec les établissements concernés. Il serait également intéressant de sonder les élèves qui ont eu accès au « kiosque » au lycée pour évaluer leur intention de continuer à lire la presse à titre personnel et de mesurer les chances que cette prise en main du quotidien au lycée se traduise ensuite par une démarche d’abonnement.”
Réel retour sur fonds publics ? OWNI a contacté les organes de presse et associations qui ont bénéficié de cette manne pour en savoir plus sur le détail des projets, aux intitulés souvent sibyllins.

En 2006, 2007 et 2009, L’Humanité aurait demandé, selon nos documents, respectivement 257.862, 260.702 et 190.397 euros pour son projet Libres-échanges laissant la place, tous les jeudis, aux articles de ses jeunes correspondants. Contacté par OWNI, le directeur de L’Humanité Patrick Le Hyaric, ne confirme pas les différents montants inscrits dans nos documents et précise même que L’Humanité a oublié de faire le dossier de demande en 2009.

D’après la vidéo ci-dessous, L’Humanité propose aux jeunes d’être correspondants contre… un abonnement de 6 mois (d’une valeur de 180 euros en 2010). Cet abonnement est la seule rémunération qu’ont reçue les jeunes apprentis journalistes. Ces subventions auront donc permis de financer 3.938 abonnements de 6 mois. Sur le nouveau site internet du journal, on peut retrouver les 1.764 articles (en 4 ans et 8 mois) de ces jeunes correspondants. Patrick Le Hyaric nous précise que chaque année 4500 à 6000 jeunes reçoivent un abonnement dans le cadre de ce projet et 300 à 400 d’entre eux demandent à écrire dans les pages du journal.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le directeur de L’Humanité explique que “le projet Libres-échanges est une expérience commencée en 2003 et devenue pérenne en partenariat avec l’État, les amis de L’Humanité et les lecteurs de L’Humanité pour faire découvrir le journal aux 18-25 ans. Toutes les semaines, le journal inclut une voire deux pages d’articles rédigés par les jeunes correspondants. Enfin, une fois par an, le journal organise un week-end à la rédaction avec les jeunes pour rédiger le numéro du lundi. Cette édition est distribuée dans les universités.” Patrick Le Hyaric explique que le coût du projet concerne le coût de l’envoi postal et de fabrication du journal. “Il n’y a pas de coûts journalistiques car les correspondants ne sont malheureusement pas payés”, reconnait-il. Enfin Patrik Le Hyaric déclare “Je me réjouis que, depuis la fin du mandat de Jacques Chirac, L’Humanité et La Croix ont accès au fonds d’aide à la modernisation de la presse auquel ils n’avaient pas accès jusqu’alors”.

“Je vais les donner à l’État, pas à vous, c’est lui le payeur”

En 2007, 2008 et 2009, La Croix a reçu respectivement 105.778 euros, 135.945 euros et 121.313 euros au titre des opérations “Parole de jeunes”, “poursuite de la mise en main de la Croix auprès des jeunes” et “l’étude et le développement de la présence de La Croix auprès des jeunes”. Globalement, elles consistaient en des partenariats pour obtenir des fichiers ciblés, avec des abonnements de quatre mois offerts. Une fois l’abonnement fini, les prospects étaient relancés. Ainsi, à l’occasion des municipales de 2008, La Croix a présenté des initiatives de jeunes en local, en partenariat avec des associations d’étudiants chrétiens des grandes écoles, qui correspond tout à fait à leur cible de lectorat. Lorsqu’on en vient au retour sur investissement de ces opérations, on se heurte à un mur qui a pour mérite d’être de plus en plus clair : “Je n’ai pas le détail des résultats des opérations”, répond Arnauld de La Porte, directeur adjoint de la Croix. “Mais vous pourriez les chercher ?” “Je ne suis pas sûr de pouvoir vous les donner, mes équipes sont tournées vers l’avenir (ndlr : il prépare une nouvelle formule), c’est dans les archives, il faudrait chercher.” Ultime insistance : “Je vais les donner à l’État, pas à vous, c’est lui le payeur”. Ok, mais qui finance le budget de l’État ?.. Interrogé sur le développement de leurs contenus pour les jeunes sur le web, Arnauld de La Porte nous a indiqué que cela faisait partie des projets pour début 2011 et qu’avant il n’y avait rien de particulier.

Play Bac Presse, le groupe de presse jeunesse qui a fait fortune grâce aux Incollables et qui édite L’Actu, Mon Quotidien et Le Petit Quotidien aurait demandé (selon les documents du FDM dont nous disposons), depuis 2003, 3 009 957 € de subventions au fonds de modernisation.

On peut tout d’abord s’étonner qu’une entreprise qui a créé son premier quotidien en 1995 ait déjà besoin d’autant de subventions pour se “moderniser”. Contacté début septembre, François Dufour, rédacteur en chef du groupe, ne confirme qu’une somme de 846 366 euros de subvention du fonds et nous répond par l’égrainage de tous les projets du groupe  (1995 : Mon Quotidien, 2002 : Quoti (échec), 2009 : My Weekly, 2009 : L’Actu éco) et déclare que “plus on est petit plus on doit lancer de nouveaux projets pour grandir”. La nouvelle responsable du fonds, Annabel Mousset confirme que le FDM a accordé un total d’environ 3 millions d’euros au groupe mais que la somme effectivement versée, après abandon de certains projets, serait plutôt proche de 2 millions d’euros.

En regardant d’un peu plus près les projets financés, on y trouve cinq projets de relance de la diffusion des journaux (“Éditions des 17/20 ans”, “20/20″, “projet ZEP”, “Si j’étais président”, “lancement de deux suppléments”), deux projets éditoriaux (refonte de maquette…), la création d’une salle de rédaction multimedia et internationale et deux projets liés à Internet. En principe (voir le décret de création du fonds) le fonds d’aide à la modernisation de la presse n’a pas vocation à financer des projets éditoriaux. François Dufour nous a précisé qu’”aucun projet de diffusion n’a abouti en dehors du projet « Si j’étais président »,  une édition spéciale de Mon Quotidien sur l’élection faite dans les classes par les élèves (pour une subvention de 123 157 €)”.

“Notre positionnement est même anti-internet”

Sur le projet de six sites Internet dont parlent les documents du FDM, François Dufour explique qu’ “il s’agissait en fait des trois sites de nos trois quotidiens et qu’après des tests, nous avons gardé le plus novateur : www.monjtquotidien.com avec un journaliste à plein temps faisant le seul JT vidéo pour enfants en France.” Les autres sites testés renvoient désormais  à www.playbac.fr, simple boutique en ligne, pour que les parents s’abonnent. François Dufour considère que “Internet ne marche pas pour nous. les parents refusent de payer pour que leurs enfants passent… encore plus de temps sur internet ! Notre positionnement est même “anti-internet” : la lecture d’un journal.

Autrefois les jeunes étaient gentils, ils lisaient la presse.

Malgré ce positionnement “anti-internet”, Play Bac Presse a monté, en 2009, un projet “Après le papier” cité dans les documents du Fonds d’Aide à Modernisation de la presse en notre possession(et une demande de subvention de 53 913 euros), bien que Francois Dufour affirme que la demande “n’était pas pour ce fonds mais pour le nouveau fonds FSEL :(32 313 euros de subvention).” Ce projet a permis de financer une application Iphone pour l’Actu à laquelle seuls les abonnés ont accès.

“Vive le FDM !”

François Dufour explique par ailleurs qu’”aux États généraux de la presse écrite , j’avais recommandé que le Fonds d’aide à la modernisation de la presse soit entièrement tourné sur les innovations de contenu et plus de modernisation de rotative. Pour moi le rôle essentiel du Fonds d’aide à la modernisation de la presse est d’aider à l’innovation en permettant de cofinancer des tests de nouveaux médias, papier (ex : suppléments) ou pas (ex : appli iphone).“  Le récent rapport Cardoso sur les aides à la presse relève qu’entre 2005 et 2008 les aides directes représentent environ 45% du chiffres d’affaires du groupe Play Bac Presse. On peut donc comprendre que François Dufour conclue ses explications d’un “Vive le FDM !”

Le syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) s’intéresse particulièrement aux jeunes. Sur son site, trois opérations de “conquête” sont ainsi citées (La presse à l’école, Opérations mille lycées, Opération lectorat jeunes). Il faut dire qu’un lucide méchant proverbe dit que quand un vieux meurt, c’est un abonné de la PQR qui disparait. Et Kevin n’est pas très enclin pour l’heure à lire le journal de ses aînés. “La crise de la presse quotidienne régionale (PQR), se manifeste notamment par un vieillissement et des difficultés de renouvellement de son lectorat”, indiquait ainsi Aude Rouger dans son mémoire “Les jeunes et la (non) lecture de la presse quotidienne régionale” [pdf]. “L’âge moyen du lectorat de la presse écrite n’a cessé d’augmenter” indiquait quant à lui le livre vert des États généraux de la presse écrite [pdf].

Dans le détail, en 2008 1.498.640 euros, en 2007 1.999.712 euros et en 2005 1.762.153 euros ont été donné au titre du projet du “développement du lectorat jeune”. Pour être précis, en 2005, l’intitulé était même “À la conquête du lectorat jeune”. Que recouvre précisément ces termes ? Vincent de Bernardi, directeur du SPQR, nous a expliqué que ces projets consistaient en des abonnements offerts aux jeunes de 18 à 24 ans qui en faisaient la demande, à raison d’un exemplaire par semaine. Une initiative impulsée par le ministre de la Culture d’alors, Renaud Donnedieu de Vabres. Chaque opération a permis d’offrir 70.000 abonnements. La PQD (Presse Quotidienne Départementale) en a aussi bénéficié. Il précise qu’une partie des journaux s’est efforcé, le jour où les bénéficiaires recevaient leur exemplaire, de proposer plus de contenus orientés vers les jeunes.

Sur la structure du lectorat, Vincent de Bernardi s’est montré hésitant et en contradiction avec l’étude citée plus haut : “Il n’est pas vieillissant, nous a-t-il d’abord indiqué. Avec 17 millions de lecteurs, nous touchons toutes les catégories.” Certes, mais ça n’empêche que le lectorat peut être vieillissant. “Est-ce que les jeunes sont tournés vers d’autres supports ? On peut l’imaginer, certaines études le disent.” Nous insistons donc un peu et cela devient : “La structure est constante et à l’issue des opérations à l’attention de jeunes, il y a un peu plus de jeunes qui lisent. Il faut aussi noter que la population française vieillit, il n’y a pas de raison que la PQR ne soit pas concernée.” Nous avons demandé par mail au SPQR de nous donner ses sources sur la structure stable de son lectorat, nous n’avons pas eu de réponse.

Quoi qu’il en soit, quel bénéfice a tiré la PQR de ces opérations ? Comme sa réponse ci-dessus l’indiquait, il est positif selon Vincent de Bernardi. “Il y a eu fidélisation, avec un taux de transformation entre 12 et 15%.” En clair, 12 à 15% des bénéficiaires se sont abonnés l’année suivant leur abonnement gratuit. Soit de 8.400 à 10.500 abonnements par opération, autant dire une goutte d’eau.

L’opération Un Journal gratuit, abondée à hauteur de 5.033.030 euros en 2009, vise sur trois ans à “financer 200 000 abonnements par an pour un montant total de 15 millions d’euros. Elle permettra aux jeunes de découvrir 59 quotidiens de la presse nationale, régionale ou locale. Seront disponibles, par exemple : Le Monde, L’Equipe, Sud-Ouest, Nice-Matin, etc. Chaque bénéficiaire recevra un jour par semaine un numéro du quotidien qu’il aura choisi lors de son inscription sur le site www.monjournaloffert.fr. Les 200 000 abonnements seront offerts aux 200 000 premiers inscrits sur le site.”

C’est L’Agence Française Abonnement Presse (A2Presse) qui a été mandatée comme prestataire technique de la gestion des abonnements par les syndicats du SPQN, SPQR et SPQD. Une agence dont certains participants du comité d’orientation soulignent la fragilité financière lors de la réunion du 8 juin 2009. “M. Regazzo soulignent que les capitaux propres de cette société sont en effet négatifs.” Ce qui n’empêchera pas qu’elle soit chargée de cette mission avec toutefois “la nécessité de surveiller l’évolution de la situation financière de A2Presse.” Vu le caractère récent du projet, il est effectivement très difficile de savoir si l’opération est parvenue à “cré[er] une habitude de lecture qui amènera [le jeune] plus tard à lire ou à s’abonner à un journal.” Financièrement, il sera préférable que les jeunes ne se contentent pas de lire, au passage.

Jeune lecteur deviendra vieux.

L’opération kiosques, projet pour lequel A2Presse est prestataire, consiste à diffuser des titres auprès des lycéens dans les établissements scolaires, en partenariat avec les conseils régionaux. L’objectif est double : relancer l’intérêt des jeunes pour la lecture de la presse -une “pratique citoyenne”- et soutenir les entreprises de presse. Le projet a débuté en 2006 en Aquitaine avant d’être étendu dans d’autres régions, cinq au total (Bourgogne, Rhône-Alpes, Pays-de-la-Loire et Poitou-Charentes.Les établissements via la région payent 25% du prix total des abonnements, 25% proviennent du FDM et les 50% restants sont payés par les éditeurs. La contribution du FDM va, selon les années et les régions, de 16.978 euros à 65.635 euros.

Lors du compte-rendu de la réunion du comité d’orientation du fonds d’aide à la modernisation de la presse du 7 décembre 2006 : à propos du kiosque Aquitaine, M. Casedebaig parle de “succès de cette opération, le nombre d’établissements intéressés s’établira finalement à 138 au lieu de 95 initialement prévus.” Le rapport de contrôle indique lui que l’agence A2 PRESSE n’a pu mesurer ni l’impact éducatif réel de la mise en place du kiosque presse dans les 119 lycées sélectionnés ni l’impact économique ou social de la subvention sur les éditeurs participants.” Et pour (bête) cause : “aucun questionnaire n’a été adressé par la société aux participants du projet. Aucune enquête de satisfaction permettant de déterminer les titres les plus consultés ou de dresser un bilan global de cette opération n’a été effectuée. De même, la société n’a pu communiquer sur les initiatives prises dans chaque établissement autour de la création de club de presse ou de journaux des lycéens.” En revanche, “les comptes-rendus hebdomadaires rédigés par la société ne permettent de rendre compte que des seules difficultés de livraisons.” Intéressant, indeed, au vue de l’objectif fixé.

Heureusement, des évaluations ont été mises en place. Nous avons pu obtenir des précisions dans les deux régions qui nous ont répondu. En région Rhône-Alpes, où le dispositif a été mis en place en 2007 dans 100 établissements, deux évaluation ont été effectuées, en 2008 et 2010. Yohann Pignon, responsable du service action éducative à la direction des lycées, juge le bilan plutôt positif : tous les établissements ont souhaité poursuivre, les journaux ne se sont pas languis sur leurs étagères – avec des fortunes diverses, L’Équipe, Le Monde ou Libération ont mieux marché par exemple-, des journaux lycéens ont été créés. En revanche, il ignore si les jeunes se sont ensuite abonnés aux journaux. Quand on demande pourquoi l’accent a été mis sur le papier, ce qui peut sembler étonnant alors que les jeunes ont une affection très limitée pour le papier, notre interlocuteur rappelle l’objectif économique de soutien à la presse en difficulté. Il souligne ensuite que les jeunes ont accès au site et aux archives et que la région développe aussi les pratiques numériques via les ENT (espace numérique de travail), dont le lancement est prévu en 2011. “Il faut être sur les deux angles d’attaques, le papier a encore des atouts” “Lesquels ?” “Je ne sais pas quoi vous dire, j’essaye de trouver des idées. On peut la lire partout, tout le monde n’a pas des tablettes”. Certes, mais le journal papier, hors opération particulière, n’est pas donné, et cela fait partie des facteurs de désaffection. Yohann Pignon note aussi la presse doit réfléchir à la complémentarité papier/web.

En Bourgogne, l’opération a commencé au début de l’année scolaire 2006/2007. Deux évaluations ont été effectuées en 2007 et 2008. Nicole Eschmann, vice-présidente du Conseil régional de Bourgogne en charge des lycées, dresse un bilan très satisfaisant de l’opération : “Nous estimons les objectifs atteints : développement de l’esprit critique des jeunes et soutien de l’activité économique “presse”. Elle a dans l’ensemble relancé l’intérêt des jeunes pour la presse écrite. Il y a un taux de satisfaction très important, aussi bien côté adultes que côté élèves. Un quart des élèves interrogés a déclaré que l’opération les incitait à acheter des journaux eux-mêmes, en dehors du lycée (on peut aussi considérer que 75% n’ont pas envie d’en acheter, et qu’entre être incité et acheter, il y a un pas, ndlr)” Dès 2007/2008, le dispositif fut étendu à tous les lycées volontaires, pour arriver à 106 établissements bénéficiaires sur 119 lycées.

En 2005, Ouest-France aurait reçu 492.701 euros au titre du projet “nouvelle génération de lecteurs”; Après moult coups de fil, on nous indique enfin qu’il faut envoyer un mail à Jeanne-Emmanuelle Hutin, éditorialiste au journal (et accessoirement fille du président du groupe François-Régis Hutin), directrice des activités pour la jeunesse et vice-Président du groupe « jeunesse » de la sous-commission « Jeunesse » du pôle « Presse et société », lors des États généraux de la presse écrite de 2008. Nous attendons toujours sa réponse. Il faudra donc s’en tenir à ces propos laconiques de la direction financière : “Je ne suis pas sûre qu’on soit en mesure de vous donner l’élément”. “C’est possible, je n’ai pas les chiffres, je ne confirme pas les chiffres ni n’infirme.”

En 2006, Le Quotidien de la Réunion avait obtenu une subvention 185.234 euros pour le projet “Le Quotidien des jeunes”. Le Quotidien des jeunes est un supplément de huit pages, encarté le mercredi. “La subvention s’est établie à 15.930 euros, après réduction du projet. Elle concernait non pas la création du Quotidien des jeunes mais l’abonnement”, nous a expliqué Thierry Durigneux, le rédacteur en chef du Quotidien de la Réunion.

L’Alsace a reçu en 2008 une subvention de 59.800 euros pour financer à hauteur de 40% le site Le Journal des enfants, lancée fin 2008. Ce site, qui est une extension de sa version papier, propose des jeux, des articles, et moyennant finance, une version numérique du Journal des Enfants. Sa V2 est déjà en route. Car, de l’aveu même du directeur Francis Laffont, “il y a moyen de mieux faire”. En terme de fréquentation, c’est pour l’heure un fail : 20.175 VU en juin dernier,  soit environ 660/jour. Si les quelque 44.000 écoles françaises ont la possibilité de s’inscrire sur une plate-forme, seules “1.000 à 2.000″ l’ont fait selon M. Laffont. La version numérique du JDE a elle 709 inscrits. On notera bien que les presque 150.000 qu’a coûté en tout le site n’ont servi qu’à cette V1. Pour booster la V2, il est prévu de faire plus de liens et de relancer les contacts avec les écoles. C’est une bonne idée.

En l’état actuel, on note un paquet de publicités qui renvoie des jeux, de la loterie au concours, des sites d’achat d’app pour mobile ; le blog ne marche pas. Nous avons aussi noté un codage de la fiche utilisateur qui laisse à désirer, un nuage de tags qui laissent songeur (cf capture d’écran).

Également interrogé sur les diverses opérations jeunes, le directeur répond, sans rire “avoir identifié l’importance de l’impact du contact avec les jeunes”. L’Alsace bénéficie ainsi de l’opération “un journal gratuit pour les 18-24 ans”, un journal au collège et journaliste d’un jour. Quand on en vient à essayer d’avoir une réponse sur l’impact des projets destinés à inciter le jeune à acheter le journal, c’est le bottage en touche : “il est difficile d’identifier l’efficacité, on n’a pas l’âge des clients. On raisonne moins en chiffre d’affaires qu’en lien global, c’est une mission démocratique.” Au passage, on se demande comment font leurs commerciaux pour refourguer de la publicité s’ils ne connaissent pas le profil des abonnés. On sait que les jeunes ne lisent plus la PQR mais on ne sait pas s’ils la lisent de nouveau. Lorsqu’on lui suggère que le SPQR pourrait payer une étude à ce sujet, Francis Laffont reconnait que “cela peut valoir le coup (coût ?)”. Qu’on se rassure, des études ont déjà été menées, on trouve ainsi dès 1985 une étude de l’Union des syndicats de la presse quotidienne régionale (USPQR), Les jeunes de 25-35 ans et l’information locale

“Oh la la vous êtes pire que le FDM, ils nous posent de plus en plus de questions”

En 2006, La République des Pyrénées et L’Éclair (groupe SA Pyrénées presse) auraient reçu une subvention de 10.398 euros pour un projet “actions jeunes lecteurs en zone Urbaine”. Sur le détail, nous n’en saurons pas plus “Oh la la ma pauvre dame, j’en sais plus rien du tout, réagit Philippe Carrère, du directoire de La République des Pyrénées. J’ai pas le temps de rechercher. Vous voulez savoir quoi exactement ?” “Et bien le détail du projet, s’il a porté ses fruits”. Et l’intéressé de répondre : “Oh la la vous êtes pire que le FDM, ils nous posent de plus en plus de questions, c’est de plus en plus compliqué.” Ah ce FDM qui se met à faire son boulot de contrôle !

L’association presse enseignement aurait eu une subvention de 751.391 euros en 2005 au titre du projet “L’école aux quotidiens pour 1.000 établissements scolaires”. Une association que nous n’avons pas réussi à contacter, ses coordonnées retrouvées sur Internet étant apparemment obsolètes. Le FDM n’a pas été en mesure pour l’heure de nous donner plus d’indications. Au vue des autres opérations menées dans les établissements, on peut parier sans trop de risque qu’il s’agissait de proposer des journaux gratuitement aux élèves…

Outre ces opérations spécifiques, d’autres investissements sont considérés comme susceptibles d’”assurer par des moyens modernes, la diffusion des publications auprès des nouvelles catégories de lecteurs”. Le rapport 2004-2007 de la commission de contrôle [pdf] cite ainsi “le renouvellement du parc d’ordinateurs permet le développement d’Internet et donc la réalisation du journal en ligne parallèlement à la version papier.” On serait plutôt tenté de dire que le renouvellement du parc est la condition sine qua non pour une rédaction papier moderne de travailler dans des conditions correctes sans péter un câble à la moindre tentative de visionner une vidéo sur YouTube.

De même les changements de maquette, sans que les résultats soient probants. Le même rapport indique que quatre projets ont concerné le renouvellement de la maquette du journal, dont l’une concernait une étude sur le lectorat. “Ces investissements n’ont pas les mêmes effets sur les titres de presse. Pour l’une des entreprises de presse nationale, les investissements ont permis tout au plus de limiter la chute des ventes. La modernisation de la maquette avec plus de couleur et une mise en page plus accessible n’a pas eu pour effet d’attirer un lectorat plus jeune comme l’escomptait l’éditeur. [...] L’amélioration de l’impression et l’augmentation des pages couleurs n’ont pas nécessairement d’impact sur le rajeunissement du lectorat. Ainsi, pour une entreprise nationale de presse par exemple, le glissement de la tranche des 25-49 ans vers les plus de 50 ans n’est pas freiné.”

Décidément, le jeune est un être insaisissable…

Sabine Blanc et Martin Clavey
Image CC Flickr Aleksandr Slyadnev, postaletrice et OiD-W

]]>
http://owni.fr/2010/09/17/subventions-a-la-presse-chere-jeunesse/feed/ 5
Ces petits jeunes qui se lancent dans le papier http://owni.fr/2010/06/07/ces-petits-jeunes-qui-se-lancent-dans-le-papier/ http://owni.fr/2010/06/07/ces-petits-jeunes-qui-se-lancent-dans-le-papier/#comments Mon, 07 Jun 2010 10:55:31 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=17657 Ils sont jeunes, et sortent tout juste d’école de journalisme ou de Sciences Po, voire sont encore étudiants. Leur premier réflexe en se frottant au monde du travail ? Lancer leur propre canard. Coup sur coup, plusieurs nouveaux journaux ont été lancés ces derniers mois. Pas de simples feuilles de chou distribuées aux potes ou dans les travées des amphis, non, de vrais canards, avec parfois un budget de lancement conséquent, ou de nouveaux circuits de distribution. J’ai connu quelques précédents, comme celui de Terra Eco, initialement lancé uniquement sur le Net et sur abonnements avant de franchir le pas de la sortie en kiosques, pour lequel j’avais participé au lancement les premières années.

Alors voilà, comme on parle (trop) souvent de la crise de la presse, il fallait parler de ces titres de presse papier – et encore… je ne parle pas ici de ces nouveaux pure players du web, tel Owni, alternatives aux Rue89 et autres Bakchich, dont je parlais dans ce papier pour 20minutes.fr.

Usbek & Rica, la nouvelle revue/livre vendue en librairies

C’est la dernière-née: lancée cette semaine, calquée sur le modèle à succès de la revue XXI, la revue trimestrielle Usbek & Rica est vendue exclusivement en librairies (et bien sûr par abonnements). Jolie maquette (quoi qu’un peu plus austère que celle de XXI), papiers fouillés, un peu de BD, photojournalisme et nouvelles, on est ici entre XXI, donc, mais aussi Wired, Technology Review, et les ex-Transfert et Futur(e)s.

Papier mat et épais, ce magazine pas donné (15 € le numéro) repose sur un modèle entièrement sans pub, comme XXI. Malin, son fondateur a donc misé sur un réseau de distribution particulier, les librairies, comme j’en parlais cette semaine dans ce papier. Point de détail non négligeable, Jérôme Ruskin a 26 ans. Et une bonne partie de l’équipe de fondateurs est dans la même moyenne d’âge. Pour mener ce projet a bien, il a réussi à boucler une première levée de fonds de 500 000 € auprès de plusieurs investisseurs en surfant sur la loi TEPA, et via un prêt Oséo. Pas mal. Et auprès d’investisseurs divers, comme Stéphane Distinguin, de la FaberNovel.

Snatch, “le shot culturel”

Ils n’ont pas osé “le shoot culturel” ;), j’aime bien ce bimestriel culturel qui balaie large, avec une maquette simple et élégante. Au menu de ce second numéro: sujet sympa sur “la tektonik est-elle morte?”, interview Robert Hue, analyse des stratégies marketing chez les littéraires médiatiques, retour sympathique sur le Paris skinhead des années 80 (jolie portfolio au passage), portrait de Jamie Lidell, et bien sûr des chroniques ciné, musique et jeux vidéos. Juste surprise de trouver quelques pages mode dont on ne sait pas trop ce qu’elles font là…

Reste à voir s’il se distinguera dans les nombreux magazines culturels indé déjà présents en kiosques…

L’imparfaite: revue érotique assumée

J’avoue, celui-là, je ne l’ai pas (encore) eu entre les mains, je l’ai glissé dans cette sélection de magazines lancés par des jeunes journalistes parce que ma voisine de bureau m’en a parlé… Mais on en avait déjà pas mal parlé, de ce magazine un peu cul lancé sous le manteau par des étudiants de Sciences Po, dont le numéro 1 a été lancé le 12 mai, disponible notamment dans la boutique Passage du désir à Paris, et en ligne. Ici encore, ce sont essentiellement des jeunes journalistes qui sont à l’origine du projet.

Dans cette revue vendue 10 €, entre livre et magazine, on trouve une soixantaine de photos inédites, des textes analytiques et des reportages. Au sommaire de ce premier numéro: le triolisme aquatique, le coup d’un soir, ” Youporn Wonderland”…

Mégalopolis: le Grand Paris à travers un mag

Non, il n’est pas question d’aménagement du territoire dans ce jeune magazine “du très grand Paris”, lancé notamment par des anciens de Sciences Po (à peu près tous banlieusards ;), L’équipe de Mégalopolis, conseillés notamment par Renaud Leblond, directeur de la Fondation Lagardère, et Christian Fevret, fondateur et directeur des Inrockuptibles.

Son numéro 2, qui vient de sortir en kiosques, aborde entre autres, avec un ton volontiers sarcastique, la question de “l’ennui en banlieue” (certes, le reportage se limite à Versailles, Champigny et Deuil-la-Barre), les universités en Île-de-France, comporte un sujet prospectif bien vu sur l’immigration en Île-de-France en 2050… Y a des sujets pédagos, historiques (Passé/Présent: La cité-jardin de Suresnes), politiques, ou bassement matériels (“Où pisser à Paris ?).

Vendu 3 euros, ce “magazine de la génération Grand Paris” vise avant tout un public jeune. Le premier numéro, tiré à 7 000 exemplaires, était distribué dans plus de 1 500 points de vente (kiosques, librairies…) dans toute l’Île-de-France.

__

Allez donc jeter un coup d’oeil sur notre “une” consacrée à Usbek et Rica ! /-)

Billet initialement publié sur le blog de Capucine Cousin, sous le titre “Usbek & Rica/Snatch/Megalopolis/L’Imparfaite: ils sont jeunes, ils en veulent…”

Crédits Photo CC Flickr : Splorp, Usbek et Rica, Snatch, Megalopolis, L’Imparfaite.

]]>
http://owni.fr/2010/06/07/ces-petits-jeunes-qui-se-lancent-dans-le-papier/feed/ 8
Le PS perd-t-il ses jeunes ? http://owni.fr/2010/02/02/le-ps-perd-t-il-ses-jeunes/ http://owni.fr/2010/02/02/le-ps-perd-t-il-ses-jeunes/#comments Tue, 02 Feb 2010 16:27:22 +0000 lesaiglesmyopes http://owni.fr/?p=7565

« Je dirais à un jeune de vingt ans qui voudrait s’engager : Vas-y, ça vaut le coup ». On peut lire cette phrase au dos du nouveau livre de Lionel Jospin*. Mais difficile aujourd’hui pour un jeune de se lancer dans l’aventure rose tant les discordances au sein du parti sont importantes. La « nouvelle » génération des Peillon, Hamon, Valls et Dray est déjà en train de se déchirer et emboîte le pas des éléphants.

Le Parti Socialiste ne s’est toujours pas relevé du 21 avril 2002. Jospin est le dernier homme charismatique que la gauche ait connu. Sa défaite de 2002 peut être expliquée par plusieurs facteurs, mais il est clair que sa démission a laissé le parti orphelin d’un grand leader. La soif de pouvoir des prétendants a pris le pas sur les fondements idéologiques. Mais ces luttes de pouvoir ne datent pas d’hier et l’ancien premier secrétaire le raconte dans l’interview accordée a Pierre Favier et Patrick Rotman. Même sous les années Mitterrand, querelles et tentatives de mutineries allaient bon train, des conflits inhérents à tous partis. Seulement en laissant un parti déchu et sans leader, n’a-t-il pas fait une erreur en occultant complètement la relève? Lui qui dans son livre se dit s’être beaucoup inspiré de la façon dont le président gérait successivement son parti et ses gouvernements. N’a-t-il pas oublié un aspect politique cher et essentiel aux yeux de Mitterrand : faire perdurer le socialisme à la française ? L’ancien président avait tâché de canaliser les égos et d’arbitrer les divergences au sein de son parti. Ce que Jospin a brillamment reproduit entre 1997 et 2002, mais sa sortie a été bien différente de son illustre prédécesseur, il est vrai dans un contexte peu comparable. Partir ainsi laissant les égos s’entretuer s’est révélé dévastateur pour le parti de la rose.

Une génération a grandi avec un parti socialiste apathique devant la montée en puissance de Nicolas Sarkozy. Une génération qui n’a pas pu voter en 2002, car trop jeune, et qui a donc subi les conséquences de la décision de Lionel Jospin sans en avoir été acteur. Au cours des huit dernières années, elle s’est retrouvée cantonner entre l’anti-sarkozysme et l’inexistence d’opposition, difficile dans ce clivage de s’affirmer socialiste. Un manque de repères qui nuit fortement au PS.
Ce sentiment anti-sarkozyste prédomine clairement sur une réelle idéologie socialiste. La multiplication des mouvements de blocus et de grèves lycéennes et universitaires depuis 2002 avec un Nouveau Parti Anticapitaliste très présent et très apprécié des 18 -25 ans confirme cette tendance. L’anti-sarkozysme pur et dur fait recette, la recherche d’une vraie alternative idéologique et politique au pouvoir en place touche de moins en moins les jeunes de gauche. Convaincre une jeunesse qui n’a jamais connu de Parti socialiste fort sera un défi important mais qui semble aujourd’hui dur à relever pour le PS.

*Lionel raconte Jospin Entretiens avec Pierre Favier et Patrick Rotman aux éditions du Seuil.


> Article initialement publié sur lesaiglesmyopes.owni.fr
]]> http://owni.fr/2010/02/02/le-ps-perd-t-il-ses-jeunes/feed/ 2