OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Pour un Internet polisson ! http://owni.fr/2012/06/15/pses-pour-un-internet-polisson/ http://owni.fr/2012/06/15/pses-pour-un-internet-polisson/#comments Fri, 15 Jun 2012 08:17:33 +0000 Guillaume Ledit, Andréa Fradin et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=113447

Ouverture de Pas Sage En Seine à La Cantine, passage des panoramas, Paris. (cc) Ophelia Noor

Charges anti-Apple, tee-shirts Telecomix, chiffrement de données et barbes en broussaille : pas de doute, nous sommes bien à Pas Sage en Seine. Trublion reflet du plus institutionnel Futur en Seine, le grand raout numérique organisé en parallèle par la Ville de Paris et la Région Ile-de-France, ce festival donne pendant quatre jours la parole à quiconque souhaite parler d’Internet. Mais de préférence en empruntant les itinéraires bis. Car ici, hors de question de suivre les autoroutes confortables tracées sur le réseau par les mastodontes Apple, Google ou Facebook. Ici, “des gens pas sages du tout rendent visibles, intelligibles et pédagogiques les activités numériques underground ou tout simplement libres.” Pour un résultat gonflé d’impertinence, qui bouscule les standards élaborés par les services que nous utilisons au quotidien sur Internet. Le tout pour notre petit confort. Mais bien souvent au détriment de nos libertés.

Lignes de fuite et bidouillabilité

Cliquer ici pour voir la vidéo.

“L’auteur aurait intérêt à être piraté”

“L’auteur aurait intérêt à être piraté”

Thomas Cadène est un auteur de bédé atypique. Passionné par Internet, il y a créé Les autres gens. Du modèle ...

Un constat qui s’impose avant tout sur le mobile.

”Avec les iPhone, il y a quelqu’un, en Californie, qui contrôle ce que vous avez le droit d’utiliser sur une machine que vous avez pourtant achetée” a alerté Tristan Nitot, évangéliste en chef de la fondation Mozilla en Europe, en ouverture de cette première journée du festival. Nos téléphones intelligents, iPhone, Blackberry et compagnie, nous verrouillent malgré nous dans un cocon aseptisé, où il est impossible de bouger un orteil sans aval préalable des firmes californiennes.

Sur l’AppStore, la plate-forme d’applications pour matériel Apple, pensée, conçue et validée de A à Z par la marque à la pomme, bon nombre de contenus sont ainsi persona non grata. Grand prude devant l’éternel, Steve Jobs a par exemple banni toute forme de nudité de ses joujoux du temps de son vivant. Exit le porn, tout comme des oeuvres de l’esprit autrement moins polémiques ; la BD collaborative française Les Autres Gens en fait par exemple les frais, au détriment de son rayonnement.

Mais le problème ne s’arrête pas à une histoire de fesses. Pour Tristan Nitot,

le téléphone mobile, comme le PC en son temps, c’est l’interface entre l’utilisateur et finalement, le reste du monde. C’est l’interface avec les amis, avec les informations et autres. Ce n’est donc pas neutre si quelqu’un contrôle absolument tout.

La solution ? Ouvrir le capot ! Adepte du sémillant concept de “bidouillabilité”, Tristan Nitot préconise de créer une interface mobile dont le code source serait complètement accessible aux utilisateurs. Taille, forme, couleurs (et bien plus encore) de tout objet affiché sur votre portable pourraient ainsi être modifiées, pour peu d’y consacrer du temps et de ne pas redouter de mettre les mains dans le cambouis. Un projet élevé au niveau industriel par Mozilla (pour le moment sous le nom de “Boot to Gecko”), qui ambitionne de proposer ces téléphones d’un nouveau genre dès le début de l’année prochaine. En partenariat avec l’opérateur Telefonica, ils ne devraient atterrir dans un premier temps que sur le marché brésilien. Mais Tristan Nitot n’exclut pas un futur débarquement européen qui suivrait cette même injonction : créez vos lignes de fuite

L’Internet polisson

T-shirt de geeeeek (cc) Ophelia Noor

Mot d’ordre en forme de fil rouge pour cette première journée de Pas Sage en Seine, où les sales gosses du Net n’ont pas manqué une occasion de troller les différents intervenants. Ou de moquer certaines figues du milieu, sans surprise absentes à l’événement. Orange, Free, Apple ou même Nadine Morano en ont ainsi pris pour leur grade.

Certains n’ont pas hésité à prendre eux-mêmes le micro pour aller défricher des pistes inexplorées. Ainsi, cette conférence de 15 à 16, intitulée “ Pourquoi les poulpes doivent inspirer Internet ?” [on en a fait une vidéo rien que pour vous]. Par amour de la contradiction, de l’humour potache et en estimant que quoiqu’il arrive, toute connaissance est bonne à prendre – pourvu qu’elle aboutisse à 42 [selon les références du milieu, 42 est la réponse au sens de la vie, NDLA].

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Sur Internet, sortez couvert !

Mais s’ils ont la blague facile, les cyber-effrontés savent se tenir à carreau. Et passent sans problème d’une ambiance rigolarde à une atmosphère studieuse. Car si la navigation menace d’étouffer la liberté des internautes, elle peut tout aussi facilement mettre leur vie en péril. Savoir hacker n’est alors plus question de prudence, mais d’urgence.

Tunisie, Égypte, Syrie, Pas Sage en Seine est l’occasion de rappeler l’impérieuse nécessité de protéger ses activités sur le réseau, en particulier dans les régimes autoritaires. De ceux qui pratiquent la censure, et tentent de restreindre voire couper l’accès au réseau. Les révolutions arabes en ont fourni plusieurs tristes exemples.

Conférence "Internet c'est nous" avec l'intervention de blogueurs tunisiens - (cc) Ophelia Noor

Elles ont aussi montré à quel point les hackers peuvent être d’un précieux secours. Plusieurs agents ”Telecomix, ce groupement de hackers qui aide les activistes des pays concernés en rétablissant la connectivité ou en leur apprenant à communiquer de façon sécurisée, sont d’ailleurs intervenus au long de la journée. Leurs maîtres-mots ? Chiffrement, anonymisation, proxys, VPN, Tor, protection des données : autant de conseils et d’outils qui ont jalonné ce premier jour de Pas Sage en Seine.

Les témoignages de Tunisiens impliqués dans la chute du régime de Ben Ali ou de Syriens en pleine guerre civile renvoyaient à cette réalité bien sensible, que résume d’une phrase Kheops, de Telecomix :

On parle de cyberguerre, mais ça n’a rien de cyber, ça concerne des vies tout ce qu’il y a de plus réel.

Okhin et KheOps de Telecomix (cc) Ophelia Noor

Une réalité sur laquelle Internet agit, tant dans la possibilité pour les États ou les grandes firmes de traquer les activités de leurs citoyens et utilisateurs que dans les moyens de lutter et d’agir contre ces tentatives de censure. Auxquelles sont souvent confrontées les journalistes, cible privilégiée de cette pédagogie par l’exemple, promue au cours d’une intervention par Reporters Sans Frontières. L’ONG mutliplie en effet depuis un an les points de contacts avec “la communauté hacker”. Et a modifié son slogan en passant de “Pour la liberté de la presse” à “Pour la liberté d’information”.

Un slogan qui résonne avec les fondamentaux de l’éthique hacker, selon lesquels l’information devrait être libre et gratuite. Et l’accès aux ordinateurs illimité et total.

Benjamin Bayart, ministre des Internets

Benjamin Bayart pendant sa présentation. (cc) Ophelia Noor

Clou du spectacle et ultime hack de la journée, Benjamin Bayart, président du FAI associatif FDN, a envoûté l’auditoire avec sa conférence “Liste des courses pour les députés.”

Une sorte de BA B.A de la régulation du Net, décliné en trois points : protection de la neutralité, décapage du concept de propriété intellectuelle et encadrement des fichiers policiers. Un laïus qui peut sembler soporifique par le menu, mais qui a tenu la salle de La Cantine bondée (et hilare) jusqu’à près de minuit – explosant de deux heures le temps imparti. Netévangéliste alternant humour, métaphores et trolling de compétition, Benjamin Bayart mériterait donc un compte-rendu à lui tout seul !

Sur la neutralité des réseaux, l’ingénieur de formation a insisté sur la nécessité d’une “grande loi”, courte et claire. Raillant au passage la politique européenne en la matière, qui détermine assez largement les orientations françaises, qui “croit que la main invisible et divine du marché va tout arranger, faire pousser les cheveux et enlarge [grossir, NLDR] les pénis.” Et rappelant que préserver la neutralité du réseau n’est pas un truc de technicien :

Rien n’empêche aujourd’hui un FAI de filtrer un site. Quel qu’il soit. Si un FAI décide un jour de filtrer un site de presse en ligne, parce qu’il décide qu’il ne lui plait pas trop, rien ne l’en empêche. Rien.

Après avoir fait un tour d’horizon des étranges pratiques des opérateurs sur les services de téléphonie et de télévision fournis dans leur “box”, Benjamin Bayart a appelé à une révision de fond en comble du concept de propriété intellectuelle. Rappelant que lorsque l’on reproduit une œuvre, il ne s’agit pas d’un vol car l’auteur de l’œuvre visé peut toujours en disposer. Et faisant quelques clins d’œil à la Hadopi, qualifiée de “verrue infectée” et inefficace.

Pour finir, l’e-tribun a abordé la question du fichage et de la mise en place d’une identité numérique impulsée par l’État. Une volonté absurde selon lui, dans la mesure où l’individu est seul moteur de son identité, en ligne comme “IRL” ["In Real Life", selon le jargon des connectés, NDLA] . Solution : comme dans la vraie vie, il suffirait de pouvoir prouver son identité “par tous les moyens”. Par exemple, avec suffisamment de témoignages. Mais pas en fournissant un matricule écrit et validé par l’État. Qui sublimerait une bonne fois pour toute l’idée que Big Brother is watching you.

Du coup, à qui d’autres pouvait-on laisser le mot de la fin, qui s’adresse à vous tous, les internautes.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni


Retrouvez tous les jours :

- le live de Silicon Maniacs

- les vidéos des conférences sur le site de la Cantine

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Mode d’emploi pour démarrer une civilisation http://owni.fr/2011/05/18/mode-demploi-pour-demarrer-une-civilisation/ http://owni.fr/2011/05/18/mode-demploi-pour-demarrer-une-civilisation/#comments Wed, 18 May 2011 12:32:01 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=63171 Dans un récent billet intitulé Open Source Ecology ou la communauté Amish 2.0 nous nous faisions l’écho d’un projet assez extraordinaire consistant à placer sous licence libre les spécifications d’une cinquantaine de machines agricoles permettant théoriquement à un village d’accéder à l’autosuffisance.

Un projet qui méritait bien les honneurs d’une conférence TED que nous avons choisi de vous reproduire ci-dessous.

Soit dit en passant, les conférences Ted, au format court caractéristique et de plus en plus souvent sous-titrées en français, constituent avec le temps une véritable mine d’or pour tout internaute curieux de mieux comprendre et appréhender les enjeux d’aujourd’hui et de demain. Je suggère fortement à tout enseignant d’indiquer cette ressource à leurs étudiants et de leur en montrer quelques unes en classe (les interventions sont placées sous licence Creative Commons By-Nc-Nd).

Leur slogan est : « des idées qui méritent d’être diffusées ». Celle-ci, comme les autres, le mérite amplement.

PS : Une ressource signalée par l’excellente revue de presse hebdomadaire d’InternetActu.

Un projet de civilisation en libre (retranscription de la vidéo)

Marcin Jakubowski – Avril 2011 – Open Source Ecology

Marcin Jakubowski: Open-sourced blueprints for civilization

Salut, je m’appelle Marcin, fermier, ingénieur. Je suis né en Pologne, je vis désormais aux États-Unis. J’ai lancé un groupe intitulé « Open Source Ecology » (« Écologie en Accès Libre ») Nous avons identifié les 50 machines les plus importantes qui, selon nous, permettent à la vie moderne d’exister, depuis les tracteurs et les fours à pain aux graveuses de circuits imprimés. Nous avons essayé de créer une version accessible, FLVM, une version « faites-le vous-même » que n’importe qui pourrait construire et entretenir en ne supportant qu’une partie du coût. Nous appelons cela le Kit de Construction du Village Global.

Laissez-moi vous raconter une histoire. J’ai fini à trente ans avec un doctorat en fusion énergétique, et j’ai découvert que j’étais inutile. Je n’avais aucune compétence pratique. Le monde m’a offert des options, et je les ai prises. On pourrait appeler cela un style de vie consumériste. J’ai créé une ferme dans le Missouri et appris les choses en rapport avec l’économie de la ferme. J’ai acheté un tracteur, qui cessa de fonctionner. J’ai payé pour qu’on me le répare, et puis il cessa à nouveau de fonctionner. Alors peu de temps après j’étais moi aussi financièrement incapable de fonctionner.

J’ai réalisé que les outils bon marché, vraiment appropriés, dont j’avais besoin pour établir une ferme durable n’existaient tout simplement pas encore. J’avais besoin d’outils robustes, modulaires, hautement efficaces et optimisés, peu chers, fabriqués à partir de matériaux locaux et recyclés qui dureraient toute une vie, non conçus pour l’obsolescence. Je me suis rendu compte que j’allais devoir les construire moi-même. Et c’est ce que j’ai fait. Je les ai ensuite testés. Et je me suis rendu compte que la productivité industrielle peut être atteinte sur de petites échelles.

Alors j’ai publié les plans en 3D, les schémas, les vidéos d’explication et les budgets sur un wiki. Des participants du monde entier sont apparus, réalisant des prototypes de nouvelles machines à l’occasion de visites de projet dédiées. Jusque-là, nous avons prototypé 8 des 50 machines. Le projet commence à grandir de façon autonome.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Nous savons que l’accès libre a réussi avec les outils de gestion de la connaissance et de la créativité. Le même phénomène est en train de se produire avec le matériel. Nous nous concentrons sur le matériel parce que c’est lui qui peut changer la vie des gens de manière réellement tangible. Si on peut baisser les barrières autour de l’agriculture, de la construction, de la production, nous libèrerons une quantité énorme de potentiel humain.

Cela ne vise pas seulement les pays en développement. Nos outils sont conçus pour le fermier, l’ouvrier, l’entrepreneur ou le producteur des États-Unis. Nous avons vu beaucoup d’intérêt chez ces gens-là, qui peuvent maintenant lancer une société de construction, de fabrication de pièces détachées, d’agriculture bio ou simplement revendre de l’électricité. Notre but est de devenir un répertoire en ligne de plans si clairs, si complets, qu’un simple DVD peut servir de kit de démarrage.

J’ai planté une centaine d’arbres en une journée. J’ai compacté 5000 briques en une journée en utilisant la terre sous mes pieds et j’ai construit un tracteur en six jours. De ce que j’ai vu, ce n’est que le commencement.

Si cette idée est vraiment solide, alors les implications sont considérables. Une meilleure distribution des moyens de production, une chaîne logistique respectueuse de l’environnement, et une nouvelle culture du “faites-le vous-même” pourrait espérer venir à bout d’une rareté artificielle. Nous explorons les limites de ce que nous pourrions faire pour rendre le monde meilleur avec des technologies physiques en accès libre.

Merci.


Article publié initialement sur le Framablog sous le titre “Un kit libre pour démarrer une civilisation !”

Image sous licences CC by-sa et GNU Free Documentation License

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La boutique contre le bazar http://owni.fr/2010/06/08/la-boutique-contre-le-bazar-2/ http://owni.fr/2010/06/08/la-boutique-contre-le-bazar-2/#comments Tue, 08 Jun 2010 09:48:30 +0000 Olivier Ertzscheid http://owni.fr/?p=17818 Imaginons le web comme une ville. Avec son centre : urbain, social ; avec ses activités : trouver un job, faire ses courses ; avec ses services ; Et puis avec sa banlieue mal famée, ses quartiers “chauds” (spywares, spams et malwares). L’article du NYTimes “The Death of The Open Web” (intégralement traduit sur Framablog) file cette métaphore jusqu’à nous amener dans l’une de ces si typiques entrées de mégalopoles modernes : les zones de chalandise que constituent les “magasins” ou autres boutiques, plus précisément celles d’Apple (avec l’IPhone et l’Ipad notamment, puisque ce sont là les deux éléments centraux dudit article).

  • People who find the Web distasteful — ugly, uncivilized — have nonetheless been forced to live there: it’s the place to go for jobs, resources, services, social life, the future. But now, with the purchase of an iPhone or an iPad, there’s a way out, an orderly suburb that lets you sample the Web’s opportunities without having to mix with the riffraff. This suburb is defined by apps from the glittering App Store: neat, cute homes far from the Web city center, out in pristine Applecrest Estates. In the migration of dissenters from the “open” Web to pricey and secluded apps, we’re witnessing urban decentralization, suburbanization and the online equivalent of white flight.

L’article explique ensuite que suite à une phase très dense et anarchique durant laquelle tout le monde vînt s’installer sur le web, le besoin se fait aujourd’hui sentir de se retrouver dans son “jardin secret” (“walled garden“).

Un web “abrité”, fait de murs anti-promiscuité reposant sur “pay walls, invitation-only clubs, subscription programs, privacy settings and other ways of creating tiers of access“, et derrière lequel l’on se sentirait plus en “sécurité” (make spaces feel ’safe’), à l’abri

not only from viruses, instability, unwanted light and sound, unrequested porn, sponsored links and pop-up ads, but also from crude design, wayward and unregistered commenters and the eccentric ­voices and images that make the Web constantly surprising, challenging and enlightening.

Toujours selon les termes de l’article, nous serions ainsi les témoins d’une “urban decentralization, suburbanization and the online equivalent of white flight.

White flights

A noter qu’un “white flight” est une notion démographique et sociologique désignant le fait que les populations “blanches” ont tendance à déserter certaines communautés urbaines à mesure qu’augmentent les population immigrées minoritaires, et ce pour aller peupler des endroits plus résidentiels et fortement connectés en termes de transports urbains (“commuter towns”). Sur le sujet, lisez l’article de Danah Boyd “White flights in Networked Publics” (.pdf) qui dissèque ce phénomène dans le cadre des réseaux sociaux.

Il se produit donc un inexorable (?) cloisonnement, des murs payants s’élèvent pour accéder à certains endroits, avec pour seule règle que ceux (les magasins, les services, les applications) qui se trouvent derrière ces murs payants doivent, pour justifier leurs prix, être plus accueillants / agréables / ergonomiques / achalandés que les mêmes (magasins, services, applications) gratuits.

Les boutiques contre le bazar

Et d’en venir au cœur de l’argumentaire :

Le développement de loin le plus significatif aujourd’hui est qu’une masse immense de gens sont sur le point de quitter entièrement le web ouvert. C’est en tout cas ce que s’apprêtent à faire les plus de 50 millions d’utilisateurs de l’Iphone et de l’Ipad. En choisissant des machines qui ne vivent que tant qu’elle sont affublées d’applications et de contenus directement en provenance du magasin d’Apple (AppleStore), les utilisateurs des terminaux mobiles d’Apple s’engagent dans une relation de plus en plus distante et inévitablement antagoniste d’avec le web. (…) les contenus gratuits et l’énergie du web sont incompatibles avec les standards définis par une telle boutique d’applications.

L’article se termine en indiquant que son auteur “comprend” pourquoi les gens désertent aujourd’hui le “web ouvert” pour se tourner vers le “brillant” de l’Apple Store ou d’autres boutiques :

Apps sparkle like sapphires and emeralds for people bored by the junky nondesign of monster sites like Yahoo, Google, Craigslist, eBay, YouTube and PayPal. That sparkle is worth money. Even to the most committed populist there’s something rejuvenating about being away from an address bar and ads and links and prompts — those constant reminders that the Web is an overcrowded and often maddening metropolis and that you’re not special there.

… et en indiquant que nous pourrions très prochainement regretter et payer très cher ce détournement.

Éléments d’analyse

Si je suis d’accord sur le constat dressé par cet article, je n’en partage pas tout l’argumentaire. Voici les quelques réflexions que cela m’inspire.

La cathédrale, la boutique et le bazar

Le titre de mon billet fait écho à un “célèbre” texte, “La cathédrale et le bazar“, dans lequel l’auteur décrit le modèle de développement de Linux en le comparant à un bazar ; soit une manière de développer des logiciels, par la coopération d’une multitude de développeurs, et qui se caractérise “par une adaptabilité et une flexibilité impossible dans une structure organisée de façon hiérarchique” (cathédrale des logiciels propriétaires). Quand on passe du logiciel au “matériel”, du software au hardware, le modèle organisé et vertical (cathédrale) se double d’un modèle de vente qui est celui décrit par l’article du NYTimes (boutique donc). “Le modèle de la grande distribution s’étend au logiciel” dit aussi Cory Doctorow dans un remarquable article : “Pourquoi je n’achéterai pas un Ipad”.

Hygiénisme boutiquier

L’article du NYTimes a parfaitement raison de pointer le côté “propret” des boutiques d’Apple. A l’occasion de la sortie de l’Ipad, Steve Jobs a d’ailleurs totalement versé du côté de l’hygiénisme moral, en maquillant son combat pour les formats propriétaires d’Apple sous le fard d’une lutte anti-pornographie.

De fait, cet hygiénisme rampant gangrène l’ensemble des espaces prétendument privatifs du web. “Dans” l’enceinte de l’Ipad et de ses contenus applicatifs, nulle pornographie affirme l’un, “dans” l’enceinte de Facebook, nulle scène d’allaitement avait déjà affirmé l’autre, et l’on pourrait ainsi multiplier les exemples.

Consumérisme et hygiénismo-moralisme bon teint sont les deux mamelles de ces White Flights d’un nouveau genre.

Le premier danger de tout cela est naturellement la potentialité d’une censure déjà techniquement opérante et qui n’attend plus qu’un événement permettant de la “décomplexer” pour qu’elle s’applique au-delà même des règles du seul vivre ensemble (c’est à dire qu’elle ne concerne plus, uniquement et par défaut, les délits comme l’incitation à la haine raciale, la vente d’armes à feu, etc …).

Mais il est un risque encore plus grand qui est celui de la délégation inexorable de nos lois morales collectives à des sociétés qui n’ont en commun avec ladite morale que les règles édictées par leur portefeuille d’actions.

Pire encore, c’est chacun qui, par le pouvoir du clic permettant à n’importe qui et n’importe quand de signaler tout contenu “litigieux”, c’est chacun qui par cet artifice peut imposer “sa” conception de la morale à l’ensemble d’un groupe dépassant de loin son seul cercle relationnel. Ce qui, convenons-en est tout sauf “moral”. Ce système de surveillance par le bas (“little sisters”) se double, quoi qu’en dise Steve Jobs ou Mark Zuckerberg, d’un système de surveillance par le haut (“big brother”) puisque c’est à eux seuls que revient et qu’appartient le pouvoir de supprimer tel groupe, telles photos, telles applications.

Les boutiques et la conception cybernétique de la morale

De la morale à la conduite morale il n’y a qu’un pas. Or la conduite morale de ces sociétés ne peut qu’être dictée par un consumérisme à courte vue. Le dire n’est pas un reproche mais un simple constat. Pour faire une rapide incursion (métaphorique) du côté de  la cybernétique, on peut à leur endroit parler, au mieux, d’une morale cybernétique, c’est à dire – telle est en effet l’étymologie du mot – disposant d’un gouvernail dont la conduite est guidée par un flot d’interactions complexes mais pilotée par une main et une seule.

Money Time

Le terme de boutique, ne nous y trompons pas, fait référence à la qualité de l’emballage et de la présentation, à ce sentiment de “chez soi”, mais il ne désigne en aucun cas un chiffre d’affaire très réduit face à celui des “grands supermarchés”. Le meilleur exemple est que le Mercredi 26 Mai à 14h30 à Wall Street, “la valeur d’Apple (227 milliards de dollars) dépasse celle de Microsoft (226 milliards). La compagnie que tout le monde donnait pour morte il y a dix ans est maintenant l’entreprise de technologie la plus chère du monde.” Apple : première capitalisation high-tech de la planète.

Au risque d’une non-interopérabilité

Le choix à faire est binaire. Ouvert contre fermé. Interopérable contre propriétaire. Le coeur stratégique du web est celui de l’interopérabilité. Le rêve fondateur du client-serveur contre le modèle économique d’Apple, celui du client-captif. Le rêve fondateur du web : permettre à chacun, indépendamment de son équipement logiciel ou matériel d’accéder à l’ensemble des ressources disponibles.

A l’exact inverse, le paradigme de la boutique Apple : permettre à ses seuls clients (= acheteurs du hardware / matériel) d’accéder aux seules ressources disponibles chez les seuls fournisseurs de sa boutique, et seulement consommables sur son matériel. Idem, mais à une autre échelle pour le Kindle d’Amazon : le kindle c’est comme le caddy ; ça ne va qu’avec un seul magasin et on ne part pas avec. A noter d’ailleurs, que le combat pour l’interopérabilité nécessite une reconnaissance et un engagement politique qui sont loin d’être acquis (voir ici et ).

La cathédrale, la boutique, le bazar … et leurs hybrides

Amazon et son caddy-Kindle : ou le modèle de la boutique “bazardisée” et low-cost, façon Foir’fouille. Apple et sa caisse-automatique-Ipad : soit le modèle de la boutique-cathédrale, tendance CSP++. L’anagramme d’Ipad, c’est “Paid”, “payé”

Ipad = I Paid.

Bazar ouvert contre ordre fermé

Le web n’est pas différent de “notre” monde physique en ceci qu’il est peuplé des mêmes individualités, elles-mêmes régies par les mêmes mécanismes pulsionnels. Les mêmes sociétés y obéissent aux mêmes modèles. Dès lors – ce que pointe parfaitement l’article du NYTimes – à l’image des résidences fermées ou des quartiers résidentiels sécurisés qui fleurissent depuis longtemps dans le monde physique, commence à émerger sur le net l’idée et le modèle d’espaces “virtuellement” fermés / sécurisés / surveillés, d’espaces et de toiles “à l’abri” ; à l’abri d’un certain monde, de certaines dérive, d’une certaine altérité / diversité. Et comme dans la vraie vie, ce sont les sociétés marchandes qui en sont les premières instigatrices et les meilleures attachées de presse. Celles qui vont faire de cette aspiration – socialement construite et médiatiquement entretenue – un produit.

A une société médiatisée régie par le pulsionnel, répondent des logiques d’interfaces chaque fois plus intuitives, plus transparentes, mais qui renvoient vers des lieux, vers des boutiques, vers des réseaux toujours davantage asservis à des logiques propriétaires au double-sens du terme : logiques propriétaires qui n’appartiennent et ne servent les desseins que d’une entité unique, et logiques propriétaires en ce sens qu’elles permettent de tenir à distance les autres boutiquiers, de les exproprier.

In fine, c’est le contrôle et l’instrumentation totale de la part de pulsionnel et d’impulsivité (au sens d’achat impulsif en sciences de gestion : voir cet article .pdf) de chaque comportement connecté qui sous-tend l’ensemble de l’offre aujourd’hui disponible dans les boutiques du web : nous dire quoi acheter, quoi aimer, contre quoi se révolter, nous dire ce qui est bien ou mal, ce qui est moral ou ne l’est pas.

En cela, le web “ouvert” et non-entièrement marchand ressemble de plus en plus à un petit village gaulois : là encore, comme dans le monde réel, les grandes enseignes périphériques ont littéralement épuisé une bonne partie de l’activité désordonnée du centre-ville, de l’hyper-centre. Archétype de la résidence fermée, Facebook est déjà devenu en quelques années l’un des sites (le site ?) les plus visités (peuplés) de la mégalopole du web.

Que retenir de tout cela ? 3 blocs

D’abord que les logiques de déterritorialisation et reterritorialisation décrites pas Gilles Deleuze n’ont jamais été aussi opératoires pour l’analyse. Ensuite qu’en quelques années, les données géopolotiques du plateau de jeu que constitue le web ont changé. Après la domination des 3 grands acteurs du “Search & Link”, Google Yahoo! et Microsoft (aka GYM), émerge aujourd’hui une domination des acteurs du “Pay & Stay”, Apple et Facebook.

Dans le bloc de l’Est (Search & Link), chacun peut “profiter” des contenus appartenant à tous. Les moteurs fonctionnent sur la base de l’agrégation et de la collecte de liens pour proposer une organisation de cet ensemble et “offrir” des accès à cet ensemble en se payant sur les taxes qu’ils prélèvent sur les boutiques, bazars et magasins qui peuplent ce même ensemble (= liens sponsorisés).

C’est le paradigme de l’économie de l’attention. Ce n’est pas le pays de Candy ni celui des bisounours, les rivalités y sont féroces mais il y demeure (pour l’instant) une relative “communalité” de l’ensemble, c’est à dire qu’un site indexé par Google n’appartient pas pour autant à Google.

Les acteurs du “Search & Link” proposent une re-territorialisation du monde sur laquelle ils prélèvent leurs droits de douane mais en exemptant (pour l’instant …) l’usager du paiement de ces droits, en “échange” de son attention et au prix de son “profilage”. Leur principe est celui d’une double externalité : externalité par rapport aux contenus qu’ils organisent et proposent, et externalités de leurs modes de financement, de leur modèle économique.

Dans le bloc de l’Ouest (Pay & Stay) la résidence (au sens premier de lieu d’habitation et au sens dérivé d’applications résidentes) est la clé du modèle; il faut “habiter” le système pour consommer et payer, autant que pour “le” consommer (= le système lui-même).

C’est donc d’une hyper-territorialisation qu’il s’agit (dont les technologies de géolocalisation sont l’épicentre). Le principe est celui d’une double internalité : internalité des profils, des contenus et des applications, lesquels ne peuvent littéralement “exister” en dehors des systèmes auxquels ils appartiennent ; et internalités de leurs modes de financement et de leur modèle économique, Apple “se payant” sur ses contenus résidents (Apple Store) et sur la vente de “ses” applications, de la même manière que Facebook “se paye” sur la vente à des sociétés tierces des données personnelles très segmentées de ses “habitants” ou – ce qui revient finalement au même – prélève une taxe aux sociétés tierces souhaitant bénéficier de ses internalités, c’est à dire entrer dans ses quartiers résidentiels (pour afficher de la publicité ciblée auxdits résidents).

<Mise à jour> Je reprends ici la jolie formule et l’analyse proposée en commentaire : “certains se payent sur le flux (e.g. Google) et d’autres se payent sur le stationnement (e.g. Apple). Les seconds ont l’air, effectivement, plus dangeureux que les premiers car les premiers ont plus tendance à supporter des standards ouverts dans leur propre intérêt, qui est de rationaliser leur infrastructure, i.e. de minimiser leur coût.</Mise à jour>

Le troisième bloc : “Share & Disseminate”. Ce bloc, celui du web ouvert menacé de mort selon l’article du NYTimes, est celui de la seule coopération plutôt que de la compétition ou même de la co-opétition. Celui, historiquement, des logiciels libres, rejoint aujourd’hui par les technologies dites d’archives ouvertes (portées par une philosophie qui est celle de la déclaration de Berlin), le tout s’inscrivant dans le mouvement des “commons” ou biens communs (dont on trouvera une remarquable vue synoptique sur le site de Philippe Aigrain). L’idée est ici d’optimiser les logiques de partage et de dissémination suivant une logique par essence dé-territorialisée.

On résume ? Mieux. On illustre :-)

Planisphère qui, chez les lecteurs de ce blog, doit en rappeler un autre … celui de la dérive des continents documentaires

L’antagonisme entre les deux n’est qu’apparent

Dans la réalité du web, les deux planisphères cohabitent. Si le bloc du “Search & Link” nécessite – pour valider son modèle économique – d’entretenir et d’optimiser le phénomène de réunification des continents documentaires, le bloc du “Pay & Stay” nécessite au contraire – et pour les mêmes raisons – d’en sortir, ou plus exactement de recréer artificiellement, ab abstracto, des “résidences documentaires” isolées du reste du mode connecté, mais au sein desquelles seront intimement liées les données publiques, personnelles, privées et intimes.

Nihil novi sub sole ?

Rien de bien nouveau diront certains. Les marchands (bloc de l’ouest) vendent dans leur boutique en essayant de se protéger de la concurrence. Les moteurs (bloc de l’est) prospèrent sur des biens numériques non-rivaux qui autorisent les passagers clandestins, lesquels passagers clandestins sont l’ennemi premier du boutiquier, lequel a donc besoin de dresser des murs (applicatifs ou commerciaux) autour de sa boutique. Rien de bien nouveau donc. Certes.

Mais a ceci près que l’équilibre du web est un équilibre instable. Et qu’il l’est d’autant plus qu’il est soumis et dépend de l’attitude de ses acteurs (Apple, Google, etc …), de ses utilisateurs (nous), et de l’équilibre mouvant entre une infrastructure (le “net” au sens de tuyaux et les opérateurs qui en sont propriétaires) et un pouvoir politique “mondialisé” censé garantir la neutralité de l’ensemble.

Et donc ???

Et donc, la constitution de villes fermées / fortifiées de plus en plus peuplées et dans  lesquelles la boutique tient lieu de mairie,  la part que ces mêmes villes fermées représentent dans le traffic d’ensemble du web, pourrait contribuer à faire pencher la balance dans le sens de la fin d’une neutralité du Net. Soit le passage à un niveau d’enfermement supplémentaire : un public captif dont on ne cherche plus uniquement à isoler la capacité d’attention à son seul profit, mais un public captif que l’on cherche délibérément à isoler physiquement du reste de la métropole connectée. De réfléchir à cet enjeu là, nous ne pouvons aujourd’hui nous dispenser.

Article initialement publié sur Affordance.info

> Illustrations CC Flickr jean-louis zimmermann, rosefirerising, Chris Devers, .: Philipp Klinger :.

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http://owni.fr/2010/06/08/la-boutique-contre-le-bazar-2/feed/ 8
L’avenir libre de Bernard Stiegler ou gratuit de Jacques Attali ? http://owni.fr/2009/12/31/lavenir-libre-de-bernard-stiegler-ou-gratuit-de-jacques-attali/ http://owni.fr/2009/12/31/lavenir-libre-de-bernard-stiegler-ou-gratuit-de-jacques-attali/#comments Thu, 31 Dec 2009 10:50:42 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=6587 Un titre un peu caricatural pour un billet qui met simplement en parallèle deux récentes et intéressantes interviews vidéos, la première de Jacques Attali, la seconde de Bernard Stiegler.

Choisis ton camp camarade ? Pas vraiment, parce que les deux intellectuels n’abordent pas exactement le même sujet, bien qu’il soit à chaque fois question de l’avenir de nos sociétés (on remarquera qu’ils citent tous deux Wikipédia mais pas avec le même dessein).

Jacques Attali

La gratuité – Dans le cade de l’émission Conversation d’avenirs sur Public Sénat
22 décembre 2009 – URL d’origine de la vidéo

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Bernard Stiegler

Vers une économie de la contribution – En visite chez Siné-Hebdo
24 novembre 2009 – URL d’origine de la vidéo

Cliquer ici pour voir la vidéo.


» Article initialement publié sur Framablog

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« Entre colère et espoirs » le livre libre et téléchargeable de Corine Lepage http://owni.fr/2009/09/14/%c2%ab-entre-colere-et-espoirs-%c2%bb-le-livre-libre-et-telechargeable-de-corine-lepage/ http://owni.fr/2009/09/14/%c2%ab-entre-colere-et-espoirs-%c2%bb-le-livre-libre-et-telechargeable-de-corine-lepage/#comments Mon, 14 Sep 2009 17:19:44 +0000 Corinne Lepage http://owni.fr/?p=3608 Cet ouvrage constitue une première. C’est en effet la première fois qu’un politique publie gratuitement par téléchargement et par la voie de l’édition Internet un ouvrage. Ce choix délibéré est en cohérence avec les prises de position de l’auteur sur la loi Hadopi.
« Certaines chroniques peuvent apparaître comme prémonitoires soit dans les analyses, soit dans les solutions qui sont proposées. En réalité, il suffit généralement de poser les bonnes questions pour trouver des solutions les plus appropriées ».

Ce recueil de chroniques sur deux années de montée des crises souligne la modernité de la pensée de Pierre Mendès-France « gouverner, c’est prévoir ». C’est précisément parce que le politique a cessé de prévoir que, d’une part, il a subi l’action de ceux qui prévoyaient et que, d’autre part, il a oublié de préparer le futur.

La relecture de ces chroniques qui peut être ou non chronologique souligne qu’il n’existe aucune fatalité aux crises mais qu’elles sont le résultat de choix délibérés. Dès lors, d’autres choix peuvent être faits pour l’avenir.

> Télécharger gratuitement l’ouvrage

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De la rareté vers l’abondance http://owni.fr/2009/09/11/de-la-rarete-vers-labondance/ http://owni.fr/2009/09/11/de-la-rarete-vers-labondance/#comments Fri, 11 Sep 2009 00:01:15 +0000 zoupic http://owni.fr/?p=3481 Pour libérer notre société de ses maux, de ses problèmes multiples, une de mes recommandations est de faire péter les uns après les autres les verrous de la rareté. Qu’est ce que ça veut dire? Comment s’y prendre? Pour remplacer par quoi?

D’abord, il me semble important de définir la rareté (cf wiktionnaire) :

  1. Choses qui sont en petit nombre, en petite quantité ; il est opposé à Abondance.
    Il y eut grande rareté de vin cette année-là.
    Ces objets coûtent cher à cause de leur rareté.
    La rareté en augmente le prix.
  2. Choses qui se trouvent difficilement.
    La rareté des diamants contribue beaucoup à leur prix.
    Il y a dans sa collection des pièces d’une rareté singulière.
  3. Il se dit au figuré de Ce qui est peu fréquent, peu commun.
    C’est une rareté que de vous voir.
  4. (Par extension) (Familier)
    Vous êtes, vous devenez d’une grande rareté.
    Pour la rareté du fait, Pour la singularité de la chose.
    Je voudrais bien voir cela, pour la rareté du fait.

La rareté peut être  naturelle ou contrôlée.

- Rareté naturelle : les rubis se trouvent en quantité limitée sur terre, les trèfles à quatre feuilles sont difficiles à trouver.

- Rareté contrôlée : ressources, services ou produits peuvent être contrôlés et maintenus en quantité limitée, par exemple le nombre de Prix Nobel distribués ou les diamants.

Pour vous expliquer une rareté contrôlée, @phyrezo vous présente en deux mots le contrôle des diamants : l’approvisionnement du marché est controlé par un oligopole de la production, un quasi monopole de la part de De Bears. Ce qui fait que les diamants, en particulier les belles pièces, sont retenus pour maintenir les prix. Pour les pieces plus communes (en dessous d’un carat), c’est surtout le marketing qui fait le prix – “un diamant est eternel” “Le prix de votre amour”

Bien.

Explosion du barrage

Explosion du barrage

La rareté contre l’abondance

Faire sauter les verrous de la rareté, ça ne donne pas toutes les solutions à nos problèmes, mais ça permet de reprendre les libertés, les responsabilités et la possibilité de se réapproprier ce qui nous appartenait. Comme nous le dit Richard Stallman, le libre c’est égalité, liberté, fraternité. Mais chacun redevient libre du processus de décision, ce n’est plus une entité, organisation privée et propriétaire qui choisit pour nous.

C’est donc bien un changement de paradigme: d’un côté, en quantité limitée et contrôlée derrière une barrière propriétaire, de l’autre côté :  libre et autogéré. En libérant chaque domaine il faut donc bien s’assurer que la responsabilité et la conscience des utilisateurs soient prêtes pour ne pas répéter les modèles basés sur la rareté et surtout, pour savoir gérer l’abondance avec succès!

Se servir une part du gâteau

Se servir une part de gâteau

Gérer l’abondance, c’est comme se servir à un buffet, prendre du fromage sur un plateau gratuit mais limité en quantité : il faut savoir penser aux autres, accepter de diminuer ses droits au fur et à mesure que le nombre d’usagers augmente (si matériel). On le fait tout naturellement à l’échelle locale, via l’éducation, le bon sens, la logique et le partage. A plus grande échelle il s’agit là encore de réaliser, prendre conscience et accepter le super organisme qui nous dépasse et que nous constituons pour d’autres ressources. Il faut revenir à l’échelle de chaque flux.

Si pour un gâteau il est très simple de voir le nombre de part et le nombre de personnes autour de la table, il nous faut revenir à cette logique et apprendre à répartir les richesses de façon plus juste pour les niveaux supérieurs. Une fois encore, il faut être capable d’avoir l’oeil micro et l’oeil macro, d’avoir la barre de zoom dans la cornée et d’être capable de passer de l’unité à l’holoptisme, la vue d’ensemble.

Une super machine qui calcule tout?

Dans la vidéo de Zeitgeist, le projet Venus propose une machine qui calculerait pour chaque ressource et produit les réserves restantes et la quantité autorisée. Sans aller dans un cas aussi global, il est très jouable de définir via des systèmes de gestions locaux, les besoins, les demandes, les ressources disponibles qui peuvent être partagées ou allouées.

Règles générales et règles locales

D’un autre côté, chaque système local doit être régi à un niveau plus global vis-à-vis des problèmes généraux que nous avons. Il n’est plus possible de laisser une communauté gérer certaines ressources comme elle l’entend puisque, étant tous interconnectés, les émissions de CO2 des uns jouent sur le climat global. D’où la nécessité de règles générales, de limites à ne plus dépasser au niveau planétaire.

Parallèlement, il nous faut des systèmes avec des règles qui ne sont pas définies globalement car les enjeux, contraintes, populations, ressources et cultures sont complètement différentes à chaque endroit.

C’est ce qu’on appelle le glocal, contration de Global et Local.

Matériel et Immatériel

Abondance et rareté fonctionnent de façon inverse selon s’ils sont dans un monde matériel et immatériel.

Monde matériel: Tout est en quantités limitées. Les limites peuvent être grandes, mais dans un paradigme holoptiste, c’est limité.

Monde immatériel: Tout est multipliable à l’infini pour une abondance infinie au niveau technique.

dans le matériel quand je partage je divise, dans l’immatériel quand je partage je multiplie“.

Donc on a des problèmatiques inverses: le but est évidemment d’avoir des systèmes gérés en abondance dans les deux cas.

Alors que l’immatériel se créée et multiplie à la demande suivant l’offre de création et diffusion, le matériel a la vie dure: toutes les ressources basiques sont fournies par la Terre en quantité limitée et il est impossible, pour l’instant, de créer de la matière. Elles se transforment, changent, se mêlent et se démêlent en un gigantesque cycle. Ainsi leur allocation doit s’affiner au fur et à mesure que l’occupation du territoire et la population de la Terre augmentent afin de permettre à chacun de garder une part égale.

Le combat de la rareté contre l’abondance dans le monde  immatériel?

On a vu qu’au niveau technique, l’immatériel permet l’abondance aisément. Cela a permis très vite aux humains de se retrouver sur Internet pour partager, échanger, diffuser leurs oeuvres, leurs savoirs et connaissances. Au niveau juridique et mentalité, il y en a encore qui n’ont rien compris et veulent garder le contrôle. La quantité d’eau augmente et le barrage commence à grincer, il ne retient plus aussi bien l’eau.

Il s’agit donc de convaincre ces dynosaures d’orienter et de guider le courant de façon plus fluide, plutôt que de s’y opposer en barrage. Les convaincre pour les aider, ou les laisser y rester.

On ne peut arrêter l’eau, on ne peut arrêter l’information, on ne peut arrêter Internet.

Nous ne pourrons reculer devant ces libertés auxquelles nous avons goûté: il s’agit ici d’abolir le copyright. Respecter l’auteur oui, en le mentionnant. Je le remercie par mon attention, pas par mon argent.

Comment les artistes vivraient alors s’ils donnent gratuitement leurs chansons?

Pour Gerd Leonhard et Chris Anderson, l’abondance et le gratuit se sont déplacés, mais il continue d’y avoir des moyens de se financer à côté du gratuit. On avance doucement en libérant le contenu.

Gerd Leonhard les décompose en 3 parties : Access, Embodiment, Experience, ce qu’on peut traduire en l’accès, la forme de représentation et l’expérience.

Exemple: Pour aller sur Internet, je ne paye pas une quantité de contenu, je paye l’accès via mon FAI. Pour radiohead je ne paye pas pour le mp3, je paye pour le CD avec la pochette collector. Pour le Dalaï Lama, je ne paye pas pour ses prières ou sa parole, je paye pour le voir lors d’un événement.

Chris Anderson lui nous dit qu’il faut faire du gratuit et déplacer l’offre rare et payante vers autre chose. Si vous distribuez votre livre gratuitement, les lecteurs achèteront des produits dérivés. Vous me direz c’est l’inverse de ce que font les marques qui distribuent des produits dérivés pour sympatiser avec le client et lui faire aimer la marque et au final acheter ses produits.

L’immatériel sera abondant, le matériel restera précieux

Par leurs exemples Chris Anderson et Gerd Leonhard appliquent toujours une semi-rareté en libérant la partie immatérielle mais en transférant la valeur de rareté sur le matériel. Ainsi Radiohead distribue de façon infinie ses chansons, c’est l’abondance, mais il faut payer pour les voir en concert. Eh oui, on a beau faire son possible, l’expérience est unique, l’événement provoque la rareté. Ce n’est pas un hasard si assister à un opéra a tant de valeur.

L’idéal dans une société d’abondance est quand l’offre dépasse la demande. Ainsi les choix sont multiples et toutes les options disponibles. La vitesse à laquelle les heures de vidéos s’accumulent dans les bases de données de Youtube est à se demander si quelqu’un sera capable de regarder tout ça un jour?

Compétition ou coopération?

Pour ce qui est de maintenir la compétition, puisqu’on aime quand même se challenger et il faut toujours un mix entre compétition et coopération, c’est évidemment la coopétition. Comme les groupes de codeurs de linux s’aident et se concurrencent, l’objectif commun est le même, la victoire n’est pas matérielle mais symbolique et émotionnelle. Elle s’exprime en échelle de réputation et de remerciement pour l’apport à l’intelligence collective globale.

On est tout à fait dans la société de connaissance de Marc-André Ghyxx. Chaque être humain apportant son cerveau et ses contibutions à l’ensemble de la société. On peut imaginer une compétition rude pour les projets les plus pointus, et une coopération complète sur les partages des ressources de bases et sur les recherches pour l’Humanité. Il faut toujours jouer sur les deux tableaux et adapter en fonction du terrain et de la ressource avec laquelle on joue.

De la rareté à labondance dans les mondes matériels et immatériels

De la rareté à l'abondance dans les mondes matériels et immatériels - CC by-nc-sa zoupic

Si on résume le tout, ça pourrait donner quelque chose comme ça. Amusez-vous en famille ou avec des amis à réfléchir à une ressource ou un bien immatériel que vous pourriez libérer, et comment. Je n’ai par exemple pas fait l’Internet.. à vous! Je mettrai à jour si la récolte est abondante.

Article originellement publié sur http://www.zoupic.com

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“La guerre contre le partage doit cesser” par Richard Stallman http://owni.fr/2009/09/10/la-guerre-contre-le-partage-doit-cesser-par-richard-stallman/ http://owni.fr/2009/09/10/la-guerre-contre-le-partage-doit-cesser-par-richard-stallman/#comments Thu, 10 Sep 2009 10:12:55 +0000 zoupic http://owni.fr/?p=3447 Trouvé sur le site de framablog, originellement posté sur son blog perso, publié sous licence CC 3.0, je reproduis donc ici intégralement le texte.

Richard Stallman - GNU Crédit photo: Tiago Tavares

Richard Stallman - GNU - Free Software Foundation

Ending the War on Sharing

Richard Stallman – Septembre 2009 – Site personnel
(Traduction Framalang : Claude et Goofy)

Quand les maisons de disques font toute une histoire autour du danger du « piratage », elles ne parlent pas d’attaques violentes de navires. Elles se plaignent du partage de copies de musique, une activité à laquelle participent des millions de personnes dans un esprit de coopération. Le terme « piratage » est utilisé par les maisons de disques pour diaboliser le partage et la coopération en les comparant à un enlèvement,un meurtre ou un vol.

Le copyright (NdT : Pour des questions de non correspondance juridique nous avons choisi de ne pas traduire copyright par droit d’auteur) a été mis en place lorsque la presse imprimée a fait de la copie un produit de masse, le plus souvent à des fins commerciales. Le copyright était acceptable dans ce contexte technologique car il servait à réguler la production industrielle, ne restreignant pas les lecteurs ou (plus tard) les auditeurs de musique.

Dans les années 1890, les maisons de disques commencèrent à vendre des enregistrements musicaux produits en série. Ceux-ci facilitèrent le plaisir de la musique et ne furent pas un obstacle à son écoute. Le copyright sur ces enregistrements était en général peu sujet à controverse dans la mesure où il ne restreignait que les maisons de disques mais pas les auditeurs.

La technique numérique d’aujourd’hui permet à chacun de faire et partager des copies. Les maisons de disques cherchent maintenant à utiliser les lois sur le copyright pour nous refuser l’utilisation de cette avancée technologique. La loi, acceptable quand elle ne restreignait que les éditeurs, est maintenant une injustice car elle interdit la coopération entre citoyens.

Empêcher les gens de partager s’oppose à la nature humaine, aussi la propagande orwellienne du « partager, c’est voler » tombe-t-elle généralement dans l’oreille de sourds. Il semble que le seule manière d’empêcher les gens de partager soit une guerre rude contre le partage. Ainsi, les maisons de disques, au moyen de leurs armes légales comme la RIAA (NdT : RIAA : Recording Industry Association of America), poursuivent en justice des adolescents, leur demandant des centaines de milliers de dollars, pour avoir partagé. Au même moment, des coalitions d’entreprises, en vue de restreindre l’accès du public à la technologie, ont développé des systèmes de Gestion de Droits Numériques (NdT : Systèmes anti-copie ou DRM : Digital Restrictions Management) pensés pour menotter les utilisateurs et rendre les copies impossibles : les exemples incluent iTunes ou encore les disques DVD et Blueray (voir DefectiveByDesign.org pour plus d’informations). Quoique ces coalitions opèrent dans le cadre des clauses de non-concurrence, les gouvernements oublient systématiquement de les poursuivre légalement.

Le partage continue malgré ces mesures, l’être humain ayant un très fort désir de partage. En conséquence, les maisons de disques et autres éditeurs demandent des mesures toujours plus dures pour châtier les partageurs. Ainsi les États-Unis ont voté une loi en octobre 2008 afin de saisir les ordinateurs utilisés pour le partage interdit. L’union Européenne envisage une directive afin de couper l’accès à Internet aux personnes accusées (pas condamnées) de partage : voir laquadrature.net si vous souhaitez aider et vous opposer à cela. La Nouvelle-Zélande a déjà adopté une telle loi en 2008.

Au cours d’une récente conférence, j’ai entendu une proposition demandant que les gens prouvent leur identité afin d’accéder à Internet : une telle surveillance aiderait aussi à écraser la dissidence et la démocratie. La Chine a annoncé une telle politique pour les cybercafés : l’Europe lui emboitera-t-elle le pas ? Un premier ministre au Royaume-Uni a proposé d’emprisonner dix ans les personnes en cas de partage. Ce n’est toujours pas appliqué… pour le moment. Pendant ce temps, au Mexique, les enfants sont invités à dénoncer leurs propres parents, dans le meilleur style soviétique, pour des copies non-autorisées. Il semble qu’il n’y ait pas de limite à la cruauté proposée par l’industrie du copyright dans sa guerre au partage.

Le principal argument des maisons de disques, en vue de l’interdiction du partage, est que cela cause des pertes d’emplois. Cette assertion se révèle n’être que pure hypothèse[2]. Et même en admettant qu’elle soit vraie, cela ne justifierait pas la guerre au partage. Devrions-nous empêcher les gens de nettoyer leurs maisons pour éviter la perte d’emplois de concierges ? Empêcher les gens de cuisiner ou empêcher le partage de recettes afin d’éviter des pertes d’emplois dans la restauration ? De tels arguments sont absurdes parce que le remède est radicalement plus nocif que la maladie.

Les maisons de disques prétendent aussi que le partage de musique ôte de l’argent aux musiciens. Voilà une sorte de demi-vérité pire qu’un mensonge : on n’y trouve même pas une vraie moitié de vérité.
Car même en admettant leur supposition que vous auriez acheté sinon un exemplaire de la même musique (généralement faux, mais parfois vrai), c’est seulement si les musiciens sont des célébrités établies depuis longtemps qu’ils gagneront de l’argent suite à votre achat. Les maisons de disques intimident les musiciens, au début de leur carrière, par des contrats abusifs les liant pour cinq ou sept albums. Il est rarissime qu’un enregistrement, sous incidence de ces contrats, vende suffisamment d’exemplaires pour rapporter un centime à son auteur. Pour plus de détails, suivez ce lien. Abstraction faite des célébrités bien établies, le partage ne fait que réduire le revenu que les industriels du disque vont dépenser en procès intentés aux amateurs de musique.

Quant aux quelques musiciens qui ne sont pas exploités par leurs contrats, les célébrités bien assises, ce n’est pas un problème particulier pour la société ou la musique si elles deviennent un peu moins riches. Il n’y a aucune justification à la guerre au partage. Nous, le public, devrions y mettre un terme.

Certains prétendent que les maisons de disques ne réussiront jamais à empêcher les gens de partager, que cela est tout simplement impossible[3]. Etant données les forces asymétriques des lobbyistes des maisons de disques et des amateurs de musique, je me méfie des prédictions sur l’issue de cette guerre ; en tout cas, c’est folie de sous-estimer l’ennemi. Nous devons supposer que chaque camp peut gagner et que le dénouement dépend de nous.

De plus, même si les maisons de disques ne réussiront jamais à étouffer la coopération humaine, elles causent déjà aujourd’hui énormément de dégâts, juste en s’y essayant, avec l’intention d’en générer davantage demain. Plutôt que de les laisser continuer cette guerre au partage jusqu’à ce qu’ils admettent sa futilité, nous devons les arrêter aussi vite que possible. Nous devons légaliser le partage.

Certains disent que la société en réseau n’a plus besoin de maisons de disques. Je n’adhère pas à cette position. Je ne paierai jamais pour un téléchargement de musique tant que je ne pourrais pas le faire anonymement, je veux donc être capable d’acheter des CDs anonymement dans une boutique. Je ne souhaite pas la disparition des maisons de disques en général, mais je n’abandonnerai pas ma liberté pour qu’elles puissent continuer.

Le but du copyright (sur des enregistrements musicaux ou toute autre chose) est simple : encourager l’écriture et l’art. C’est un but séduisant mais il y a des limites à sa justification. Empêcher les gens de pratiquer le partage sans but commercial, c’est tout simplement abusif. Si nous voulons promouvoir la musique à l’âge des réseaux informatiques, nous devons choisir des méthodes correspondant à ce que nous voulons faire avec la musique, et ceci comprend le partage.

Voici quelques suggestions à propos de ce que nous pourrions faire :

  • Les fans d’un certain style de musique pourraient organiser des fans clubs qui aideraient les gens aimant cette musique.
  • Nous pourrions augmenter les fonds des programmes gouvernementaux existants qui subventionnent les concerts et autres représentations publiques.
  • Les artistes pourraient financer leurs projets artistiques coûteux par des souscriptions, les fonds devant être remboursés si rien n’est fait.
  • De nombreux musiciens obtiennent plus d’argent des produits dérivés que des enregistrements. S’ils adoptent cette voie, ils n’ont aucune raison de restreindre la copie, bien au contraire.
  • Nous pourrions soutenir les artistes musiciens par des fonds publics distribués directement en fonction de la racine cubique de leur popularité. Utiliser la racine cubique signifie que, si la célébrité A est 1000 fois plus populaire que l’artiste chevronné B, A touchera 10 fois plus que B. Cette manière de partager l’argent est une façon efficace de promouvoir une grande diversité de musique.
    La loi devrait s’assurer que les labels de disques ne pourront pas confisquer ces sommes à l’artiste, l’expérience montrant qu’elles vont essayer de le faire. Parler de « compensation » des « détenteurs de droits » est une manière voilée de proposer de donner l’essentiel de l’argent aux maisons de disques, au nom des artistes.
    Ces fonds pourraient venir du budget général, ou d’une taxe spéciale sur quelque chose liée plus ou moins directement à l’écoute de musique, telle que disques vierges ou connexion internet.
  • Soutenir l’artiste par des paiements volontaires. Cela fonctionne déjà plutôt bien pour quelques artistes tels que Radiohead, Nine Inch nail (NdT : Voir cette vidéo) ou Jane Siberry (sheeba.ca), même en utilisant des systèmes peu pratiques qui obligent l’acheteur à avoir une carte de crédit.
    Si chaque amateur de musique pouvait payer avec une monnaie numérique (NdT : digital cash), si chaque lecteur de musique comportait un bouton sur lequel appuyer pour envoyer un euro à l’artiste qui a créé le morceau que vous écoutez, ne le pousseriez-vous pas occasionnellement, peut-être une fois par semaine ? Seuls les pauvres et les vrais radins refuseraient.

Vous avez peut-être d’autres bonnes idées. Soutenons les musiciens et légalisons le partage.

Copyright 2009 Richard Stallman
Cet article est sous licence Creative Commons Attribution Noderivs version 3.0

Notes

[1] Crédit photo : Wikimania2009 (Creative Commons By)

[2] Voir cet article, mais attention à son utilisation du terme de propagande « propriété intellectuelle », qui entretient la confusion en mettant dans le même panier des lois sans rapport. Voir ce lien et pourquoi il n’est jamais bon d’utiliser ce terme.

[3] Voir the-future-of-copyright.

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