OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La lutte irrationnelle contre la délinquance http://owni.fr/2011/12/29/la-lutte-irrationnelle-contre-la-delinquance/ http://owni.fr/2011/12/29/la-lutte-irrationnelle-contre-la-delinquance/#comments Thu, 29 Dec 2011 15:10:41 +0000 Denis Colombi (Une heure de peine) http://owni.fr/?p=91898

Comme on ne change pas une recette qui marche, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant refait le coup du mélange “insécurité” et “identité nationale”, à quelques mois de la présidentielle. Sur son blog, l’économiste Olivier Bouba-Olga se demande pourquoi s’en prendre spécifiquement à la délinquance étrangère alors que la délinquance bien de chez nous est proportionnellement plus forte.

On peut en dire plus encore. En fait, même si les étrangers avaient effectivement plus de chances d’être délinquants que les nationaux, des mesures spécifiques les visant seraient non seulement inefficaces mais en plus nuisibles.

À la recherche de la nationalité de la délinquance

On pourrait cependant dire qu’il faut tenir compte que les deux populations ne sont pas également nombreuses et se demander si l’on a plus de chances de devenir délinquant lorsque l’on est étranger que l’on est français. Mais là encore ce serait insuffisant : en effet, il est possible que le groupe des étrangers soit plus souvent délinquant non pas du fait de la caractéristique “étranger” mais d’autres caractéristiques comme la richesse économique, le lieu d’habitation, le niveau de diplôme, etc. Il faudrait alors mener un raisonnement toutes choses égales par ailleurs pour vérifier si, effectivement, le fait d’être étranger a un effet propre, indépendant des autres variables, sur la délinquance des individus. Et encore : il faudrait se poser la question du recueil des données, dans la mesure où il n’est pas impossible que l’activité de la police soit plus forte sur le groupe des étrangers que sur celui des français…

Comme je n’ai pas de données suffisantes sous la main pour se faire (mais n’hésitez pas à m’indiquer des sources qui auraient fait ce travail), je vais adopter un raisonnement différent.

Sur quoi se basent les mesures proposées par Claude Guéant, comme d’ailleurs une partie importante des politiques en matière de sécurité menées dans ce pays depuis à peu près 1997 ? Il s’agit de renforcer les peines appliquée aux délinquants étrangers : on ajoute à la condamnation pénale une interdiction de séjour sur le territoire et on affirme que ça n’a rien à voir avec la double peine que le président de la République avait eu à cœur de supprimer. Autrement dit, on suppose implicitement que la délinquance peut s’expliquer sur la base d’un calcul rationnel : l’individu compare les gains de l’activité illégale et ses coûts, le tout avec les probabilités de réussir ou d’être condamné, et si le résultat est positif et supérieur aux gains d’une activité légale, il enfreint la loi, sinon il reste dans les clous. La théorie du choix rationnel : voilà le petit nom de ce type de raisonnement dans nos contrées sociologiques.

A partir de là, si l’on augmente les coûts de la délinquance par des peines plus fortes, on doit obtenir une réduction des activités illégales. Et la suite du raisonnement toujours implicitement mené par notre sémillant ministre se fait ainsi : s’il y a un groupe dans la population qui est plus délinquant que les autres, on peut modifier son calcul en lui appliquant des peines plus lourdes et une surveillance plus forte, ce qui est rationnel et économise des moyens. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Plutôt que d’essayer de montrer que le paradigme adopté est faux, restons dedans et poussons juste le raisonnement plus loin que cela n’a été fait en haut lieu. Considérons donc une situation où l’on a deux groupes, dont l’un – minoritaire – est plus fortement délinquants que l’autre – majoritaire. Supposons que l’on décide de contrôler et de punir plus fortement le groupe le plus délinquant en mobilisant les moyens de police et de justice plus fortement sur celui-ci. Que va-t-il se passer ? Va-t-on assister à une réduction globale de la délinquance ? La réponse est : non. Il est plus probable que l’on obtienne une hausse globale de celle-ci. Pourquoi ? Pour deux raisons.

Élasticité de la délinquance

Premièrement, si la délinquance découle effectivement d’un calcul rationnel, comme le suggère l’idée récurrente qu’en alourdissant les peines on va la décourager, alors il faut prendre cela au sérieux. Pour choisir d’entrer ou non dans la délinquance, un individu regarde certes les gains et les coûts de cette activité, mais il les compare avec les gains et les coûts des activités légales. Or il est fort possible que le groupe le plus délinquant soit dans cette situation précisément parce que les activités légales auxquelles il peut prétendre ne sont pas assez intéressantes. Cela peut être dû à des phénomènes de discriminations, des difficultés d’accès à l’emploi légal ou à des emplois suffisamment rémunérateurs. Par conséquent, la sensibilité de ce groupe aux coûts de la délinquance va être plus faible : une augmentation de 10% de ces coûts va provoquer une diminution de la délinquance inférieure à 10% – c’est ce que l’on appelle une élasticité. Il est possible que cette élasticité soit proche de zéro – une augmentation des coûts de la délinquance n’a aucun effet ou un effet négligeable sur la délinquance – voire soit positive : dans ce cas-là, une augmentation des coûts de délinquance parce qu’il stigmatise un peu plus le groupe en question, et renforcerait les discriminations ou les difficultés d’accès à l’emploi, entraînerait une augmentation de la délinquance…

Parallèlement, il est possible que dans l’autre groupe l’élasticité soit inférieure à -1. Dans ce cas, une augmentation de 10% des coûts de la délinquance entraîne une baisse de celle-ci supérieure à 10%. Il est donc rationnel de concentrer là les efforts car ils sont plus efficaces. Évidemment, cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire pour le groupe minoritaire : simplement que les actions à suivre devraient emprunter d’autres voies que l’alourdissement de la surveillance et des peines, par exemple par l’amélioration de l’accès à l’emploi. Une fois de plus, c’est ce à quoi mènent les outils intellectuels implicitement utilisées par le gouvernement.

Deuxièmement – car il y a un deuxièmement – si on tient compte du fait que les moyens de police et de justice sont limités – et quand on nous parle sans cesse d’austérité, on peut supposer qu’ils le sont -, se concentrer sur le groupe minoritaire revient à diminuer les risques et donc les coûts de la délinquance dans le groupe majoritaire. Or on vient de voir que celui-ci était probablement très sensible à ce coût. On risque donc de provoquer une augmentation de la délinquance dans le groupe majoritaire.

Une absurdité exemplaire

Pour le comprendre, prenons un exemple simple. Supposons que, considérant que les femmes conduisent globalement mieux que les hommes, on décide de ne plus effectuer de contrôles routiers que sur ces derniers. Peut-être obtiendra-t-on une baisse des infractions routières chez les hommes, si ceux-ci n’ont pas une élasticité trop faible, liée par exemple au fait que leur virilité est mise en cause s’ils roulent au pas… Mais on a toutes les chances d’encourager les femmes susceptibles de commettre des infractions d’en commettre encore plus. Au final, il est fort probable que la délinquance routière chez les femmes augmente – “vas-y chérie, c’est toi qui conduit… Oui, tu as bu trois fois plus que moi, mais au moins, on se fera pas emmerder” – et compense voire dépasse la baisse du côté des hommes… Il n’en va pas autrement dans le cas des Français et des étrangers.

Résumons : faible – voire absence de – baisse de la délinquance dans le groupe minoritaire, augmentation de la délinquance dans le groupe majoritaire… Au final, au niveau global, une augmentation de la délinquance. Comme je le disais plus haut, les conséquences d’une telle politique ne se mesurent pas seulement en termes d’inefficacité, mais aussi d’effets pervers, d’aggravation, autrement dit, de la situation de départ. Et cela, je le répète pour que les choses soient parfaitement claires, en suivant un raisonnement dans la droite ligne de celui tenu par le ministre et le gouvernement.

Cela ne veut évidemment pas dire qu’il ne faut rien faire – je connais les trolls sur ces débats et je sais qu’il y a de fortes chances pour que l’un d’eux m’apostrophe avec des “bien-pensance” et autre “angélisme” qui ne tiennent lieu d’arguments que lorsque l’on est dans les commentaires du Figaro ou du Monde… Mais ce que montre ce raisonnement, c’est qu’il ne faut pas segmenter la justice ou l’action de la police. L’égalité de tous face à la loi n’est pas seulement une exigence éthique : c’est aussi une condition de son efficacité.

Edit : Pour une analyse plus large des politiques visant les étrangers :
Lorsque l’éthique de responsabilité devient une doctrine et L’entêtement thérapeutique comme nouvelle éthique politique


Article initialement publié sur Une heure de peine sous le titre Des effets pervers dans la lutte aveugle contre la délinquance

Illustrations Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification UMP Photos Paternité Francois Schnell et PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales mafate69

]]>
http://owni.fr/2011/12/29/la-lutte-irrationnelle-contre-la-delinquance/feed/ 15
Internet ne peut pas être contrôlé, autant s’y faire http://owni.fr/2011/03/29/internet-ne-peut-pas-etre-controle-autant-sy-faire/ http://owni.fr/2011/03/29/internet-ne-peut-pas-etre-controle-autant-sy-faire/#comments Tue, 29 Mar 2011 17:14:38 +0000 Laurent Chemla http://owni.fr/?p=54093 [Remarque introductive de AkA, éditeur du Framablog, à cet article publié en juillet 2010] : Ce n’est pas le premier article de Laurent Chemla reproduit sur le Framablog (cf L’avenir d’Internet). Par ailleurs je le remercie de m’avoir ouvert les yeux en 1999 avec Internet : Le yoyo, le téléporteur, la carmagnole et le mammouth. On trouve un article puissant et inédit de Laurent Chemla en ouverture (ou prolégomènes) du tout récent framabook AlternC Comme si vous y étiez. Historiquement, techniquement, économiquement et moralement, Internet ne peut pas être contrôlé. Autant s’y faire. Et, contrairement à d’autres, nous nous y faisons très bien.

Plus que jamais, à l’heure où j’écris ces lignes, Internet est la cible des critiques du pouvoir. Il serait responsable de toutes les dérives, de toutes les ignominies, il nous ramènerait aux pires heures de notre histoire et serait le lieu de toutes les turpitudes. Bon. Depuis longtemps, je dis qu’il est normal – de la part de ceux qui disposaient de l’exclusivité de la parole publique – de s’inquiéter de l’avènement d’un outil qui permet à tout un chacun de s’exprimer. Pas de quoi s’étonner, dès lors, des attaques furieuses que subit le réseau. Tant qu’il ne s’agit que de mots…

Et l’Etat légifère à tour de bras

Oh bien sûr, le législateur étant ce qu’il est, il tente souvent d’aller au delà des mots. Il fait aussi des lois. C’est son métier. Or donc – sans volonté d’exhaustivité – nous avons vu depuis 1995 un certain nombre de tentatives de « régulation », de « contrôle », voire même de « domestication ». Il y a eu la loi Fillon, la commission Beaussant, la LCEN, la DADVSI, la LSI, la LSQ, et plus récemment HADOPI et LOPPSI. Beaucoup d’acronymes et de travail législatif pour un résultat plus que mince : ce qui n’a pas été retoqué par le Conseil Constitutionnel s’est toujours avéré inapplicable. La seule chose qui reste, c’est le principe d’irresponsabilité pénale des intermédiaires techniques (LCEN). Grand succès !

On pourrait imaginer que le pouvoir apprendrait quelque chose d’une telle suite d’échecs. On pourrait penser, par exemple, qu’il mesurerait le risque de vouloir créer des lois d’exceptions selon qu’on s’exprime sur Internet ou ailleurs. Que nenni : aujourd’hui encore, j’apprends qu’une député vient de se ridiculiser en proposant d’encadrer le journalisme « en ligne ». J’ai hâte. On en rigole d’avance.

Mais qu’est qui rend Internet si imperméable à ces tentatives réitérées de contrôle ? J’y vois (au moins) quatre raisons majeures :

La première (dans tous les sens du terme) est historique. À la demande de l’armée américaine, qui souhaitait trouver une parade au risque d’une attaque nucléaire contre son réseau de télécommunication, Internet a été inventé à la fin des années 1960 (dans l’Amérique de Woodstock et de la lutte contre la guerre du Vietnam) par de jeunes universitaires qui rêvaient d’un monde dans lequel l’accès à un réseau mondial de communication serait un droit pour tous (pour que son impact social soit positif) .

À l’époque de Mac Luhan, les bases théoriques du futur réseau sont toutes influencées par l’utopie du « village global » et teintées d’idéologie libertaire. Le principe selon lequel la rédaction d’une RFC (texte définissant un des standards d’Internet) doit être ouverte à tous, scientifique ou non – et son contenu libre de droit – est adopté en avril 1969. Quoi d’étonnant dès lors si le résultat est un réseau presque entièrement décentralisé et non hiérarchique ? Après tout, c’est bien ce que l’armée américaine avait demandé à ses jeunes ingénieurs : un réseau centralisé est facile à détruire (il suffit d’attaquer le centre).

Tout ce qui est facile à contrôler est facile à détruire.
Internet est difficile à détruire.
Donc Internet est difficile à contrôler.

Il faudrait, pour qu’Internet soit plus aisément « domestiquable », que ses bases théoriques mêmes soient revues (à l’exemple du Minitel pour lequel l’émission de contenus était soumise à l’approbation préalable de France Telecom). Mais comment démanteler l’existant et interdire l’utilisation d’une technologie ayant fait ses preuves à tous ceux qui l’ont adoptée depuis des années ?

Et surtout – c’est la seconde raison qui fait d’Internet un bastion dont la prise semble bien difficile – le réseau est international. On peut, même si c’est difficile à envisager, imaginer qu’un pays impose à ses citoyens l’usage d’une technologie « contrôlée » plutôt qu’une autre, trop permissive. Mais quel pouvoir pourrait faire de même à l’échelle du monde ?

Et comment, dès lors qu’il existerait ne serait-ce qu’un seul endroit dans le monde qui protège la liberté totale de communication (comme c’est le cas depuis peu de l’Islande), empêcher les citoyens et les entreprises du monde entier d’exporter dans ce lieu une communication désormais dématérialisée ? Pour y parvenir, il faudra non seulement pouvoir contrôler tel ou tel réseau imaginaire, mais aussi réussir à interdire toute communication internationale… Mission impossible. Et puis, comment imaginer la fin des « paradis numériques » dans un monde qui n’a jamais réussi à obtenir celle des paradis fiscaux ?

Internet est supranational.
Il existera toujours des paradis numériques.
Donc l’information ne pourra jamais être contrôlée.

D’autant plus – et c’est la troisième raison majeure qui rend dangereuse toute tentative de contrôle des réseaux – qu’Internet est devenu désormais une source de croissance non négligeable. Une croissance qui dépend d’une législation pérenne et qui surtout va faire l’objet d’une concurrence effrénée entre les pays.

On n’imagine pas aujourd’hui une grande entreprise, telle que Google ou Facebook, avoir son siège social dans un pays dont la fiscalité n’est pas, disons, encourageante. Comment imaginer que demain une entreprise innovante, source d’emplois et d’impôts, se créera dans un pays dont la législation imposerait un contrôle trop strict de l’information diffusée ?

«Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression »

Tout contrôle nécessite une infrastructure plus chère, tant humaine que technique. Il va de soi qu’une entreprise capitaliste choisira plutôt, si elle a le choix, le pays d’accueil dont la législation numérique sera la plus laxiste, qui récupérera du coup les emplois et les impôts (et je ne dis pas que c’est bien : je dis juste que c’est dans ce monde là qu’on vit). Et même avant d’en arriver là : imaginons qu’un pays impose le filtrage à la source de tout contenu illégal (en passant outre la difficulté technique inhérente). Quel entrepreneur de ce pays osera se lancer dans un nouveau projet novateur, sachant qu’il sera immédiatement copié par un concurrent vivant, lui, dans un paradis numérique et qui ne sera pas soumis aux mêmes contraintes ?

Internet est solide, c’est vrai, mais l’innovation reste fragile, et est souvent l’oeuvre de petites structures très réactives et pécuniairement défavorisées. Les lois votées à l’emporte-pièces sans tenir compte de cette fragilité-là sont autant de balles tirées dans le pied de la société toute entière.

La concurrence est mondialisée.
Une législation de contrôle coûte cher.
Donc les lois de contrôle d’Internet sont source de délocalisation.

Malgré tout il existe bel et bien des règles de vie supranationales et qui s’imposent à tout pays se voulant un tant soit peu démocratique. Mais si. Je vais citer ici l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Lisez-la bien :

Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.

Elle a été rédigée en 1948. Bien avant Internet, même si à la lire on a l’impression qu’elle a été écrite spécialement pour lui. Car en effet, il n’existait pas grand chose, avant Internet, pour « recevoir et répandre sans considération de frontière les informations et les idées ». Il faut croire que ses rédacteurs étaient visionnaires… Comment s’étonner, à la lecture de cet article, du nombre de censures que notre Conseil Constitutionnel a opposé aux diverses velléités de contrôle que le pouvoir a tenté d’imposer depuis 15 ans?

Le droit de recevoir et diffuser de l’information est inaliénable.
Internet est à ce jour l’unique moyen d’exercer ce droit.
Donc tout contrôle d’Internet risque d’être contraire aux droits de l’homme.

Sauf à s’exonérer des grands principes fondamentaux, et donc à vivre dans une société totalitaire, le contrôle ou le filtrage d’Internet se heurtera toujours à la liberté d’expression. Les Etats peuvent l’accepter, et à l’instar de l’Islande décider d’en profiter, ou refuser de le voir et, à l’instar de la France, se heurter sans cesse à un mur en essayant encore et encore de réguler ce qui ne peut l’être.

Historiquement, techniquement, économiquement et moralement, Internet ne peut pas être contrôlé.
Autant s’y faire.

> Article Laurent Chemla – juillet 2010 – publié initialement sur Framablog sous le titre Internet ne peut pas être contrôle, autant s’y faire.

> Illustrations Flickr CC Kalexanderson, Balleyne et Kirklau

Pour rappel toute l’équipe l’AlternC était à La Cantine lundi 28 mars dernier pour fêter simultanément la sortie du livre, les dix ans d’AlternC et la version 1.0 du logiciel !

Vous pouvez soutenir Framasoft sur leur site.

]]>
http://owni.fr/2011/03/29/internet-ne-peut-pas-etre-controle-autant-sy-faire/feed/ 29
Libertalia numérique http://owni.fr/2011/02/25/libertalia-numerique/ http://owni.fr/2011/02/25/libertalia-numerique/#comments Fri, 25 Feb 2011 09:40:22 +0000 Théo Crevon http://owni.fr/?p=47885 Internet est la possibilité d’une île. Un espace neutre sans représentation figée, sans régulation, sans frontières. Le lieu commun de toutes les libertés ; le repère volatile où, comme WikiLeaks aura su nous le démontrer, rien ne saurait être dissimulé. Il est la possibilité d’une évasion au milieu du système. Une Zone Autonome Temporaire, éphémère et permanente ; sauf-conduit où transitent sans censure les discussions sulfureuses de 4Chan ; où cohabitent les égos et les idéaux sans besoin de les codifier ; où se bâtissent des projets et des utopies à la seul force de l’envie et de l’enthousiasme.

Un espace qui fait peur au pouvoir

Alors évidemment Internet est une cible. Toutes les politiques sécuritaires, qu’elles soient de gauche comme de droite, du Nord comme du Sud, vous le diront. Ce terrain vague numérique où coexistent toutes les idées, toutes les aspirations et toutes les velléités est un danger pour la sécurité des États et des peuples nous dit-on. Car y circulent librement les informations, hors de tout contrôle. N’importe quel abruti de quinze ans un peu dégourdi peut se déclarer hacker, rejoindre un groupement de terroristes numériques qui se fait appeler “Anonymous” et prétendre défendre la liberté d’expression. Vous imaginez le foutoir ?

Comme cette situation s’avère être dangereuse pour l’ordre mondial, et par conséquent inacceptable, partout Internet se doit d’être bridé, limité, et minutieusement observé. Tous les paquets suspects seront tracés, analysés pour votre sécurité. En Chine, des salariés sont rémunérés pour s’adonner à la censure des sujets “sensibles” ; en France, la loi autorise le pouvoir à injecter des données espionnes sur le réseau. A l’instar de ce qui se passe dans le monde “réel”, le système voudrait obtenir le contrôle de ce nouveau monde dématérialisé où la liberté d’expression n’est pas un mot vain, pouvoir choisir ce qu’il s’y entend, ce qu’il s’y échange et ce qu’il s’y dit.

Parce qu’elle est un espace de liberté où ne siègent ni lois, ni codes moraux, ni assemblée décisionnelle, cette île numérique devient une cible. Le succès du réseau lui vaut de s’attirer les foudres de ce monde autour qui, bien que régit par l’ordre, les systèmes, et la diplomatie, ne parvient pas lui-même à trouver la paix des idées. Au final, Internet souffre de ce qu’on veuille le comparer toujours aux recettes et aux mécanismes qui ont fait l’Histoire de l’humanité passée. L’omniprésence et la permanence libertaire permise par le miracle du web enfreint toutes les règles jusque-là établies et offre le choix à tout un chacun d’y bâtir son univers.

Internet est insondable. Nous n’en voyons finalement, comme de l’iceberg consacré, que la partie émergée. Un espace uniforme composé de quelques services leaders, et une foule d’individualités greffées sur, ou au sein, de ceux-ci. Google, Facebook, Twitter, MSN, Ebay, comme Michael Jackson ou John Wayne, sont des marques qui ont su s’imposer dans les esprits des deux milliards de personnes connectées quotidiennement au web en 2010.

Incontrôlable par essence, c’est un média ubique entre les êtres humains, où tout un chacun peut à loisir se répliquer, se volatiliser et réapparaître. Il permet la multiplicité des formes et des supports pour de mêmes messages. Laissant cohabiter de la fiction écrite par des fans de Justin Bieber pour assurer la gloire de leur idole, avec l’ensemble des cours sur la Grèce antique dispensés dans la célèbre université américaine de Princeton en passant par la formule permettant de fabriquer du Napalm. On trouve de tout sur Internet, sans distinctions morales, sans classement par ordre d’importance, et dans toutes les langues.

Un nouveau système de pensée

Il est la possibilité d’une véritable liberté, réussissant là où tous les autres modèles ont échoué : l’auto-régulation. Car contrairement aux idées reçues, si la liberté sur le web n’est pas l’absence de contraintes, elle correspond beaucoup plus à la création et la réinvention perpétuelles des codes qui le régissent. Internet se compartimente spontanément, laissant tout le loisir des extrêmes à 4Chan, des interactions sociales à Facebook, et du partage du savoir à Wikipedia. Sans tyrannie aucune, si ce n’est celle du bien commun, si bien décrite finalement par la célèbre marque de fabrique de Google : “Don’t do evil”. Il trie, compartimente et range les informations, les personnalités et les collaborations selon ses propres modèles, en perpétuelle réinvention.

Sur Internet tout s’invente, même la liberté. Alors nécessairement, la tentation est forte d’y apposer les lois, les règles, les diktats de notre chère troisième dimension. Mais tout s’y oppose naturellement parce qu’Internet est plus qu’un réseau : il est un nouveau modèle de pensée, un système qui n’aspire pas au contrôle mais plutôt à l’ouverture à l’échange universel. Les règles y apparaissent et y disparaissent sans remords, sans besoin d’une action extérieure et explicite, ne répondant qu’au besoin d’évolution et de préservation de cette “société alternative”.

Finalement, Internet, c’est la possibilité d’une île. D’un delirium libertaire ici et maintenant. Un banc de terre perdu sur un océan d’identités, de différences et de conflits, qui comme ses alter-egos de la troisième dimension se trouvent menacées par la bêtise humaine, les raccourcis et l’avidité. Internet c’est la preuve que d’autres idées et d’autres mondes sont possibles, si on se donne une chance de les envisager comme autant d’îles.

Billet publié initialement sur Mon écran radar sous le titre Internet ou la possibilité d’une île

Illustrations Flickr CC Leonard John Matthews, Matt Westervelt et Guineves

]]>
http://owni.fr/2011/02/25/libertalia-numerique/feed/ 33
Médecine du travail, burqa et autres victimes d’une semaine d’enfumage http://owni.fr/2010/09/18/medecine-du-travail-burqa-et-autres-victimes-dune-semaine-denfumage/ http://owni.fr/2010/09/18/medecine-du-travail-burqa-et-autres-victimes-dune-semaine-denfumage/#comments Sat, 18 Sep 2010 07:00:48 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=28525 La prestidigitation est un art de la diversion : mettez dans la lumière la main droite, parlez de votre main droite, personne ne regardera votre main gauche, ni ce qu’elle fait. Plus la diversion est éloignée de ce qu’elle cache, plus l’effet est remarquable. Selon ses critiques, George W. Bush aurait attiré le regard des Américains jusqu’en Irak pour ne plus parler des problèmes qui se posaient dans son pays. En élève modèle des Etats-Unis, Nicolas Sarkozy importe, à son échelle, cette technique efficace. Car le battage médiatique autour de l’expulsion des Roms n’est que la circulaire qui cache le projet de loi.

Le discret démantèlement de la médecine du travail

Lundi 13 septembre, l’actualité n’est qu’à l’indignation d’une inconnue, Viviane Reding, commissaire européenne à la Justice et aux Droits fondamentaux, qui se scandalise de ce document qui se concentre sur une population en fonction de son origine ethnique, « une honte » répète-t-elle à tous les micros. Plutôt que de calmer le jeu, Pierre Lellouche, envoyé le lendemain (14 septembre) à Bruxelles, jette de l’huile sur le feu, en rajoute une couche le 15 sur RTL, suivi par Chantal Brunel, qui raille la Luxembourgeoise et son petit pays, puis toute la majorité…

… une polémique assez forte pour pousser de la première place des JT et des unes la colère des députés d’opposition et, surtout, le rassemblement sur le pont en face de l’Assemblée nationale organisé par les syndicats. Là, les quelques milliers de manifestants n’enrayent en rien l’adoption de la réforme des retraites. Réforme des retraites dans laquelle le gouvernement a subréptiscement glissé le 8 septembre (lendemain de la manif) l’amendement 730 qui abroge deux articles du droit du travail. Ses conséquences ? « La destruction de la médecine du travail », résument les syndicats.

« Le gouvernement nous avait promis un texte de loi après la réforme des retraites et un débat, nous avons eu un amendement redoutable à la place, récapitule Bernard Salengro, secrétaire national CFE-CGC pour la branche médecine du travail. Il supprime la lutte contre l’altération de la santé des salariés comme mission de la médecine du travail, ouvre ces fonctions à des non-médecins (infirmières, etc.) et donne l’autorité au patron. Le conflit d’intérêt que cet amendement instaure est nuisible aussi bien à la reconnaissance qu’à la prévention des maladies professionnelles. »

Appelés « cavaliers », ces amendements sans rapport avec les lois sur lesquels ils portent sont une méthode bien connue pour éviter le débat : pour avoir les discussions que la question méritaient selon eux, les syndicats frappent désormais à la porte des sénateurs, « nous irons au conseil constitutionnel s’il le faut », prévient même Salengro. Sous le feu nourrie des polémiques entre la France et l’UE, d’autres débats n’ont pas eu cette chance d’être tenu avant leur passage au Sénat.

Au Sénat, la suspension des allocs et la loi contre la burqa passent par Roms

Personne n’était devant le Palais du Luxembourg à 14h30 le 15 septembre. Et pourtant, sous la présidence de Catherine Tasca s’y discutait le vote du projet de loi « lutte contre l’absentéisme scolaire ». Loi évoquée par Nicolas Sarokzy lors de son discours de Tremblay-en-France, prévoyant la suspension des allocations familiales aux parents dont les gosses séchaient un peu trop les cours. Une initiative qui avait largement fait parler d’elle lors de son adoption à l’Assemblée nationale le 29 juin dernier. Dans le vacarme des engueulades entre Paris et la Commission, le second vote fut indolore. Pas même ponctué par le rappel des conclusions de Jean-François Mattei, ministre de la Santé du gouvernement Raffarin, qui avait décidé en 2004 la suspension du projet de loi prévoyant les mêmes sanctions… pour cause  « d’inefficacité et d’inéquité ».

Idem pour la loi contre le port de la burqa : sous l’élégante formule de « Projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public », le débat fut mené à son terme au Sénat le 14 septembre. Trop occupé par la stigmation des Roms, l’arène publique n’avaient plus la place pour cette autre polémique. Un calme dont se félicitait justement Jean-Louis Masson, député non inscrit, bien que clairement favorable au virage sécuritaire de la majorité :

« lorsque l’on traite des problèmes de sécurité, il conviendrait d’éviter les polémiques systématiques et de se dispenser de toute gesticulation politicienne, recommandait le sénateur de Moselle en séance. Cela vaut pour le débat sur la burqa, mais je pense aussi à la politique du Gouvernement, politique que je soutiens par ailleurs, visant à expulser des gens qui n’ont rien à faire sur notre territoire. En revanche, il n’est pas nécessaire que le Président de la République ou certains ministres gesticulent à tout va et ameutent les foules pour annoncer l’affrètement de charters ! »

Or, là où M. Masson se trompe, c’est que ce sont précisément ces gesticulations qui ont permis, en quelques minutes d’échange, d’expédier des mois de débat.

À côté de ces trois questions qui auraient mérités la place publique, notre attention a probablement laissé filer d’autres mesures. Nous laissons nos lecteurs et nos confrères remplir les vides, ici ou ailleurs. Mais, au delà du petit jeu de décryptage politique, ces adoptions ne sont pas que des tours de passe-passe politiciens. Le démantèlement sauvage de la médecine du travail revient sur un acquis du Conseil national de la résistance, devenu essentiel dans l’accélération d’une société productiviste gênée par les limites mécaniques de salariés que les cadences usent.

Mais cette accumulation de petits ajustements fera à l’arrivée un gros bilan, celui-là même dont Nicolas Sarkozy se prévaudra au moment d’entrer en course pour 2012. Elu en 2007 sur la rengaine du « je fais ce que je dis, je dis ce que je fais », le Président n’aura pour défendre sa réélection qu’à afficher la liste de ses réalisations, où l’on découvrira certainement d’autres mesures votées à la chandelle un jour d’inattention. « Et vous voulez laissez la gauche détruire tout ça », dira-t-il pour répondre à l’opposition. Comme de grands enfants déçus, tout le monde regrettera d’avoir trop regarder la main qui bougeait dans la lumière pendant que l’autre nous piquait nos droits.

Crédits Photo CC Flickr : Jolipunk, Terreta, Ma Gali.

]]>
http://owni.fr/2010/09/18/medecine-du-travail-burqa-et-autres-victimes-dune-semaine-denfumage/feed/ 23
Léa, passion politique http://owni.fr/2010/03/22/lea-passion-politique/ http://owni.fr/2010/03/22/lea-passion-politique/#comments Mon, 22 Mar 2010 11:17:38 +0000 Raphaël Chabloz http://owni.fr/?p=10618 Les députés helvètes souhaitent interdire les jeux vidéos violents. Raphaël Chabloz réside en Suisse où il tient (depuis un moment) le blog “Bon pour ton poil”. Il réagit à cette annonce avec humour. Et il en faut.

Autrefois, les hommes s’aimaient les uns les autres. La violence a été inventée en 1979, quelques mois après le lancement du premier jeu vidéo violent, Asteroids.

364337430_4bb2004882_b

Ce panneau de contrôle a fait plusieurs victimes, tous députés suisses, tués par le ridicule de leur proposition.

Forts de ce constat, les parlementaires suisses ont décidé de réagir en demandant l’interdiction des jeux vidéos violents.

Contrairement aux élus qui ont soigneusement préparé leur dossier, quand on voit un jeune passer huit heures par jour enfermé dans sa chambre, sans jamais voir personne, à jour à GTA ou Manhunt, on se dit, naïvement, que c’est peut-être un symptôme et pas une cause. N’importe quoi. Quand enfin ces horribles divertissements qui mettent notre société en péril disparaîtront, ces gens auront enfin des amis, avec qui ils iront se divertir sainement. Enfin, quand on aura interdit ces jeux vidéos, ainsi que Cluedo, Risk, les échecs et, surtout, le pendu.

Car, contrairement aux fans de films de guerre, aux amateurs de boxe, aux férus de corrida et aux militants de l’UDC, les gamers ne savent pas faire la différence entre le virtuel et la réalité. Quand ils ont passé des heures à dézinguer sur leur ordinateur, ils sortent aussitôt faire la même chose dans la rue. Tu te demandes sans doute pourquoi les jeux vidéos sont plus dangereux que les films ou que les livres violents ? Eh bien, essentiellement parce que c’est comme ça et pas autrement, et qu’une étude australienne le prouve.

La violence de certains "gamers" fait parfois peur à voir

Et si on allait fusiller des gens dans la rue ?

Mais il ne faut pas se limiter aux jeux violents. Les jeux de courses de voitures sont la cause de 97% des accidents, selon une étude kazakhe. Les autres sont provoqués par des fans de Tetris.

De même, la crise est, une étude norvégienne le souligne, le fait des amateurs de jeux de gestion. Forcément, quand tu as passé ton adolescence à vendre et racheter des footballeurs, des bateaux, des trains, des fêtes foraines et des bébés animaux, tu ne recules plus devant rien.

Les férus de jeux de hockey sur glace vivent souvent de cruelles désillusions : après avoir fait gagner, manette en main, plusieurs matches de suite au HC Bienne, ils peinent à différencier le jeu de la réalité et quand ils se rendent compte que les vrais joueurs ne rééditeront pas cet exploit, ils en éprouvent de la rancoeur, et il ne faut pas chercher plus loin les causes des débordements à répétition après les rencontres.

Moi, par exemple, j’ai été accro à Lemmings. Eh bien aujourd’hui encore le matin, quand je sors du train et que je vois cette foule humaine avancer par grappe vers les sorties de la gare, j’ai souvent envie de coller un bloqueur de chaque côté.


> Article initialement publié sur Bon pour ton poil

> Illustrations par oso, Stewf , somegeekintn et par gnackgnackgnack sur Flickr

]]>
http://owni.fr/2010/03/22/lea-passion-politique/feed/ 2