OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Lebara, opérateur low cost des quartiers populaires http://owni.fr/2011/04/22/lebara-operateur-low-cost-des-quartiers-populaires/ http://owni.fr/2011/04/22/lebara-operateur-low-cost-des-quartiers-populaires/#comments Fri, 22 Apr 2011 14:02:24 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=58598 En quelques semaines du printemps 2010, Barbès, Belleville, La Chapelle (à Paris), le cours Belsunce (Marseille) et autres quartiers populaires de France ont connu un ravalement de façade sans précédent. Les vitrines mornes des taxiphones ont été recouvertes d’immenses stickers bleus et, à chaque arrêt de métro ou de tram, des gars et des filles du coin, casquettes et gilets assortis, glissaient dans les mains des passants des plaquettes de tarifs téléphoniques aux noms exotiques. Rien de bien neuf, en fait, la France venait de basculer dans le marché du premier « opérateur mobile virtuel ethnique » : Lebara Mobile.

371 millions d’euros de CA en 2009

Yoganathan Ratheesan, PDG et fondateur de la société, décrit modestement sa technique comme une « force extraordinaire et irrésistible ». Créée en 2001 à Londres, la société a commencé sa conquête du marché des appels de l’Europe vers les pays d’Afrique et d’Asie en Hollande, en chassant sur les terres d’un autre gros acteur du marché, Ortel.

Sa méthode : des tarifs à quelques centimes la minute et un « blitz » marketing dans les quartiers populaires des grandes villes avec distribution de prospectus et prospection des points de vente par des gens du coin issus des communautés majoritaires : Sri lankais à La Chapelle, Chinois à Belleville, etc. Benoît Chamoux, directeur marketing de Lebara France, revendique 14 à 15 origines nationales représentées parmi les 200 employés de la filiale :

Nous cherchons à être le plus près possible des lieux où habitent nos clients, de leurs habitudes, de leurs modes de consommation.

Après la Hollande et dans cinq autres pays européens, sans oublier l’Australie, Lebara s’est lancé en France. En janvier 2010, le groupe annonçait 371 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 2009, soit 105% d’augmentation annuelle, pour une clientèle estimée à 2,5 millions de personnes. Depuis, un autre million d’individus auraient adopté les services de Lebara, appuyant les performances de l’entreprise, autofinancée : “nous n’avons que les trois actionnaires fondateurs qui nous abondent, chaque bénéfice contribue à notre croissance et à la réduction de nos coûts”, soutient Chamoux:

Nous sommes dans un système de forte économie d’échelle où l’augmentation de la clientèle nous permet d’être plus compétitif.

Aussi fort que Virgin Mobile

D’un point de vue technique, Lebara applique à la téléphonie mobile les vieilles techniques des opérateurs de réseaux mobiles virtuels (en anglais, Mobile Virtual Network Operator, MVNO) mais avec une botte secrète. Au lieu d’acheter comme les autres des minutes à l’international vers les pays demandés par ses clients, Lebara achète des minutes vers Londres où il dispose d’un « dispatcher » permettant de les réorienter lui-même dans la bonne direction.

En quelques années, la marque est devenue aussi puissante dans certains pays (notamment en Angleterre) que des opérateurs virtuels comme Virgin. En plus des opérations de “street marketing”, Lebara apparaît désormais comme sponsor des championnats du monde de cricket ou même derrière les buts de la dernière rencontre amicale France-Angleterre à Wembley, aux côtés des grands noms de la bière ou de l’électronique grand public.

En France, le marché a été plus difficile à conquérir. Branché sur le réseau Bouygues Télécom, Lebara doit son lancement tardif à quatre ans de négociation entre les différents opérateurs, “les tarifs proposés n’étaient pas viables mais nous avons su apporter des garanties qui nous ont permis d’obtenir la confiance de l’opérateur”, précise-t-on chez le MVNO. Chez Bouygues, pas un mot, “ces discussions tombent sous le coup du secret des affaires”.

“Les MVNO à destination des pays étrangers sont souvent profitables pour les opérateurs des réseaux, décrypte un cadre à l’international d’un groupe concurrent. Leur trafic est calibré sur les pics de consommation, tout ce qu’ils vendent en plus est du pur bénéfice“. Seul soucis avec Lebara : il applique les méthodes du low cost à un bien de consommation jusqu’ici réservé à une clientèle business, payant cash et cher… mais bien moins nombreuse.

Promos pour les révolutions arabes et la crise ivoirienne

En un an à peine, Lebara s’est glissé jusque dans les tabacs de quartier et les grands circuits de distribution de cartes téléphoniques prépayées. « Pas de chiffre » sur les ventes mais un fait : l’opérateur ethnique anglais y tutoie désormais les français historiques, SFR, Bouygues et Orange.

La raison en est simple pour Benoît Chamoux : « Nous avons une organisation très industrielle : au niveau technique, au niveau marketing, au niveau commerciale… Nous appliquons la même recette méthodiquement. Mais, au final, nous sommes surtout dans le marketing et la vente, l’infrastructure technique est réunis en Angleterre. » La tentative de résistance de son concurrent hollandais Ortel a été vaine : quelques bannières jaunes ont traversé le front des boutiques et des taxiphones… avant d’être avalées par le grand bleu. Selon le siège français de Levallois Perret, les effectifs marketing et vente sur le terrain sont évalués à 100 personnes.

Nous embauchons sur place, dans les quartiers, indique-t-on chez Lebara. Des CDD, de plus ou moins longue durée, mais souvent à des personnes qui n’auraient pas eu de travail autrement.

À son arrivée en France, le patron de Lebara n’a pas caché son intérêt pour ce marché de 5,7 millions d’immigrés et étudiants étrangers, « l’un des plus prometteurs d’Europe » selon un concurrent. Aussi, la société ne tarie pas d’efforts pour entretenir son capital sympathie/prix auprès des communautés : dans certains quartiers de Lyon ou de Paris, elle devient mécène d’associations, participe à des événements culturels… Pour les révolutions arabes et les crises africaines, elle a même lancé des tarifs promotionnels :

Un centime vers l’Algérie, le Maroc ou le Côte d’Ivoire, précise Benoît Chamoux. On ne gagne pas beaucoup d’argent dessus mais c’est important de permettre aux familles d’être en contact dans ces périodes.

Mais la dernière invention de Lebara va peut-être l’amener à une autre échelle : après avoir signé un partenariat avec MasterCard, le MVNO a fait part de son intention de se lancer sur le marché du transfert d’argent. Une manne pour l’instant principalement capté par Western Union, lui-même versé dans la communication aux communautés avec ses affiches multilingues et ses caissiers polyglottes. Un nouvel horizon vers lequel la société britannique s’avance prudemment mais sûrement. Une nouvelle façon de faciliter les liens entre la diaspora et le pays d’origine. Des liens low cost, évidemment.


FlickR CC Paternité Herederos de Rowan et Paternité FaceMePLS

Téléchargez I’image de Une par Marion Boucharlat /-)

Retrouvez les articles de la Une “le business des télécoms au Magrheb” :

Le bon filon des télécoms maghrébins
Ben Ali: les compromissions d’Orange en Tunisie

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Henri-Jean Debon, l’homme qui faisait des (beaux) clips pour 1000 euros http://owni.fr/2011/04/14/henri-jean-debon-lhomme-qui-faisait-des-beaux-clips-pour-1000e/ http://owni.fr/2011/04/14/henri-jean-debon-lhomme-qui-faisait-des-beaux-clips-pour-1000e/#comments Thu, 14 Apr 2011 14:49:11 +0000 Lara Beswick http://owni.fr/?p=31551 Nous avons déjà eu l’occasion de parler de Henri-Jean Debon sur OWNImusic. Réalisateur quasi “attitré” de Noir Désir, Chroniclip lui avait demandé de décrire le clip “Lost” de ce groupe. Il a notamment travaillé pour les grands comme les Thugs, Dionysos, Dominique A, Louise Attaque, etc…
Aujourd’hui, c’est à lui de prendre la parole pour nous en dire plus sur le projet LCD Videostystem, la division “low cost” de son travail qu’il a initié il y a deux ans déjà. Une vingtaine de clips a déjà été réalisée pour ce projet qui consiste en la réalisation d’un clip pour 1000€.

C’est à l’occasion d’une soirée organisée à la Péniche, le vendredi 15 Avril que nous avons souhaité en savoir plus. Dix clips de l’an 2 seront projetés et suivis des concerts de CYRZ, petit protégé des Dionysos, auteur-compositeur intimiste, et tragi-comique, LEGS, groupe parisien très Pavement et les RANDY MANDYS, de Pau, vainqueurs 2010 de l’Eurodemo (Santander), dont le nouvel album “The way we are” vient de sortir, en vinyle avec une belle pochette 3D, oui oui), que nous vous avons présenté sur OWNImusic a fait parti de ce projet et “The Wholling stoppelizzy stroke back, in your face, dammit !” en est le résultat.

LCD Videosystem est une division « low cost » de mon travail, consacrée à des groupes non signés”. Pourquoi une telle initiative au delà d’une certaine passion pour la musique et un challenge ? Est-ce un bon outil marketing pour votre carrière ?

Ma carrière ?? Hmm… J’ai réalisé par le passé des clips assez chers, certains trop chers (à titre d’exemple, “Lost” pour Noir Désir a couté 200 000 euros). Donc là, en fait de tremplin ou de progression, c’est plutôt un retour en arrière, aux tous premiers court-métrages réalisés à 14/15 ans. Je suis en période totalement régressive donc. Et puis pour ce qui de l’outil marketing, on peut difficilement imaginer pire. Pour les maisons de disque, et les maisons de productions de clips, le LCD, ça accumule toutes les tares. Déjà, c’est pauvre, ça commence mal, ils se disent “il n’a donc pas besoin de plus” et aussi “il n’a plus besoin de nous, on n’a plus besoin de lui.” Au mieux c’est suicidaire.

Ensuite, quand vous parlez de passion, je ne sais pas, mais… Ce qui est sûr, c’est que pour les réalisateurs, en général, le clip, comme la pub, c’est alimentaire. Moi, même si ça m’a nourri jusque là, je ne l’ai jamais fait comme ça. Je n’ai jamais vu ça comme un job qui nourrit jusqu’au “prochain vrai travail sérieux”. J’ai toujours trouvé ça super sérieux en fait. Les atomes crochus et les points d’achoppement entre la musique et l’image, et le récit, les rapports de fiction et de frictions entre les deux, c’est un domaine où énorme reste à faire, alors… Là, c’est peut-être aller au bout de ce raisonnement-là : l’aspect non-alimentaire de ce travail-là. Faudrait que j’en parle en ces termes à ma banque, ils seraient sûrement très émus.

J’imagine que les artistes doivent souvent avoir des envies de clips à plus de 5000€. Comment procédez vous pour conceptualiser un scénario à 1000€ et leur faire accepter ? Ou le fait d’avoir une telle contrainte budgétaire vous autorise à travailler en totale carte blanche ?

1000, 5000, 10000… Ça n’est pas là que se joue vraiment ce qu’on voit à l’image. À 100 000, oui, on pourrait commencer à voir autre chose, mais à 100 000 tout passe dans les salaires, et du coup on ne voit plus rien. L’une des idées de base du LCD c’était de se rappeler (si nécessaire) que 1000 euros, c’est beaucoup d’argent. Voilà. Pour le reste, on fait comme les autres. Il n’y a pas de carte blanche. Il y a de la confiance, et de l’envie, ce qui est différent. Je propose une idée, et si elle plaît, je tourne, je monte. Mais il n’y pas d’intervenants extérieurs aux groupes, pas de management, pas de maisons de disque, donc pas de chefs de produit ou de ce qu’on appelle les “directeurs artistiques”. On ne travaille pas non plus avec les critères de diffusion, qui changent tous les six mois. On est concentrés sur la chanson, sur ce qu’on peut en tirer. J’aurais maintenant du mal à revenir en arrière sur ce fonctionnement-là. Le mieux serait d’arriver à l’instituer, d’en avoir les moyens. Le rêve serait de faire un clip pour Britney à 1000 euros. Qu’elle vienne avec son million et qu’on lui dise “non chérie désolé nous c’est 1000 ou rien”.

Combien de temps environ acceptez-vous d’investir pour la réalisation d’un tel clip ?

Il n’y a aucune limite. J’ai passé 4 mois sur “Hollywood Babylon” pour le groupe Mad River (en faisant d’autres choses à côté, mais quand même…) Si un projet demandait un an de travail, je ne serai pas contre. D’autres clips de la série m’ont pris un jour ou deux.

Est-ce que vous travaillez seul (mise à part le groupe bien sûr) ou vous travaillez avec une petite équipe de production ?

Je travaille seul, ou avec mon amie Charlotte, qui m’assiste. Une ou deux fois, quand nous n’avions pas le choix (grosse figuration à gérer par exemple), nous nous sommes retrouvés avec une vraie grosse équipe LCD : quatre personnes. Dont nous deux bien sûr.

D’où sont tirées les images d’un clip comme celui effectué pour Danielson Family ?

De ma caméra. Nous avons gravi l’Etna, le Vulcano, le Stromboli. C’était le premier clip de la série, et pour mon groupe préféré en plus, alors il fallait payer de sa personne.

Vous est-il déjà arrivé qu’un groupe refuse le résultat final ?

C’est arrivé une fois, oui. Une fois sur les vingt premiers clips. Ça me paraît normal en même temps, on me donne beaucoup de liberté, on m’accorde beaucoup de confiance, alors… Je pourrais être étonné qu’il n’y ait pas plus de refus, mais est ce qu’on peut refuser un clip à 1000 euros ?

Comment les groupes utilisent-ils vos réalisations en général (diffusion télévisée, internet, vente…) ?

Les groupes utilisent les clips comme ils peuvent. Je veux dire : avec leurs moyens. Pour l’instant, seuls deux des clips du LCD ont été présenté aux chaînes de tv, et les deux sont passés. Ça me pousse à encourager les autres à faire pareil, mais je travaille avec des groupes qui souvent n’ont même pas de management, ni d’asso. Et les chaînes se débrouillent très bien pour décourager les petits. Présenter (je dis bien juste présenter) un clip aux chaînes, c’est un parcours du combattant, en termes de contrats, d’autorisations, de visas, de paperasse diverses… Donc peu y vont, c’est bien dommage.

Est-ce des vidéos virales deluxe que vous proposez ?

Non… Moi je préfèrerais voir tous ces clips à la télé.

Comment sélectionnez-vous les artistes pour qui vous travaillerez, si séléction il y a ?

La seule sélection, si sélection il y a, peut avoir lieu quand je rencontre le groupe. La question est de savoir si on va s’entendre, se comprendre. J’ai compris (un peu tard) que mon travail ne consistait pas à aimer un morceau, ni même à le juger. Je suis plus avocat que juge, et dans le meilleur des cas je suis un peu docteur aussi. Je suis là pour bien écouter mon patient (la chanson), pour l’ausculter avec le plus d’attention possible. Ensuite, je propose des choses, des traitements, des soins.

On sort de l’esthétique habituelle d’un plan de groupe filmé ? Est-ce une pour des raisons économiques ou esthétiques ?

Des plans de groupes filmés ? Vous parlez des scopitones ? J’aime bien ça, je trouve qu’on devrait y revenir un peu plus d’ailleurs, mais… Je ne connais aucun clip un peu “célèbre” (et même très peu parmi les autres) qui soit “un plan de groupe filmé”. Encore une fois c’est peut etre dommage d’ailleurs.

Pas de réelle différence en tout cas avec un clip à 100 000.” C’est assez provocateur comme déclaration, comment la justifiez-vous ?

Elle est justifiée dès la phrase suivante : il faut trouver quelque chose pour la chanson. Ça, ça ne change pas. Pour le reste… Encore une fois, le gros d’un budget de clip (et de film, etc…), c’est la masse salariale. Là y’en a pas Et des problèmes d’argent… On n’en a pas non plus. On n’a pas eu de limites de ce côté là… Quand on regarde les vingt premiers clips, on pourrait comparer théoriquement avec une série de clips mainstream sur M6 : nous aussi on a des bombasses autour d’une piscine dans une belle villa, nous aussi on a des dizaines de figurants, des explosions dans tous les sens, des tournages à l’étranger, des guest stars, des chorégraphies chiadées (souvent plus que les leurs d’ailleurs). Voilà, tout va bien, vraiment, on n’a pas envie de se plaindre à personne.

LCD sur Facebookhttp://hjdworkshop.free.frhttp://www.lcdvideosystem.com

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