OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le Cluetrain Manifesto appliqué à la politique http://owni.fr/2010/03/19/le-cluetrain-manifesto-applique-a-la-politique/ http://owni.fr/2010/03/19/le-cluetrain-manifesto-applique-a-la-politique/#comments Fri, 19 Mar 2010 13:33:30 +0000 Damien Van Achter http://owni.fr/?p=10391 2406305116_3d49243f6c

Image CC baratunde sur Flickr

Le Cluetrain Manifesto ( en français, Le manifeste des Évidences) est un petit peu la bible du  nouveau web. Sorties en 1999 par Levine, Locke, Searls & Weinberger, ces 95 affirmations sont autant de clés fondamentales pour comprendre les changements de mentalité que le web provoque, de gré ou de force, au sein des entreprises.

Une seule chose compte: l’utilisateur. C’est lui qui désormais mène la danse, fût-elle encore un peu folklorique :-)

Depuis que je blogue, j’ai relu à maintes reprises ce Cluetrain. Comme toutes les évidences, il faut avoir souvent enfoncé le clou pour se rendre compte de la puissance du marteau. Il y a trois ans, sentant un peu le vent venir, je m’étais attelé à transcrire à l’échelle de la politique les 95 thèses développées dans le Manifeste.

Amis français, vous qui allez voter dimanche, je crois que la lecture des quelques lignes ci-dessous devraient vous mettre en joie. Ou pas…

Électeurs connectés …

Les électeurs connectés commencent à s’organiser plus vite que les partis et les organismes politiques qui les ont traditionnellement ciblés. Grâce au web, ces électeurs deviennent mieux informés, plus intelligents et plus demandeurs en qualités, qui font défaut à la plupart des partis et organismes politiques.

… Les habitants de la Terre

Le ciel s’ouvre sur les étoiles. Les nuages passent au dessus de nous, jour et nuit. Les marées montent et descendent. Quoi que vous ayez pu entendre, ceci est notre monde, notre lieu d’être. Quoi qu’on ait pu vous dire, nos drapeaux volent librement au vent. Notre coeur bat à jamais. Habitants de la Terre, souvenez vous en.

95 thèses

1. Les collèges électoraux sont des conversations.

2. Les collèges électoraux sont constitués d’êtres humains, non de secteurs démographiques.

3. Les conversations entre humains sonnent de façon humaine. Elles sont menées sur un ton humain.

4. Que ce soit pour discuter d’information, d’opinions, de perspectives, d’arguments opposés ou humoristiques, la voix humaine est typiquement ouverte, normale, et naturelle.

5. Les gens se reconnaissent entre eux grâce au son même d’une telle voix.

6. L’Internet permet des conversations entre êtres humains qui étaient tout simplement impossibles à l’ère des masse-média.

7. Les hyperliens renversent la hiérarchie.

8. Au sein des collèges électoraux interconnectés, et des électeurs intraconnectés, les gens se parlent entre eux d’une  nouvelle façon puissante.

9. Ces conversations en réseau permettent à de nouvelles formes d’organisation sociale et d’échange de connaissance d’émerger.

10. Résultat, les électeurs deviennent plus intelligents, plus informés, plus organisés… La participation à un collège électoral en réseau change des gens fondamentalement.

11. Les électeurs en réseau ont compris qu’ils obtiennent des informations et une aide bien meilleures les uns des autres que des politiques. Autant pour la rhétorique corporatiste des partis pour ce qui est d’ajouter de la valeur à des sujets d’intérêts politiques d’intérêt général.

12. Il n’y a pas de secrets. Les électeurs connectés en savent plus que les partis sur les sujets politiques. Et que ce qu’ils découvrent soit bon ou mauvais, ils le répètent à tout le monde.

13. Ce qui arrive au sein des collèges électoraux se passe également parmi les électeurs. Une construction métaphysique appelée « le parti » est la seule chose qui les sépare.

14. Les partis politiques ne parlent pas dans la même langue que ces nouvelles conversations en réseau. Pour leurs audiences en ligne, les partis politiques semblent creux, plats et littéralement inhumains.

15. Dans quelques années à peine, l’actuelle voix homogène des politiques – le son des rapports de mission et des brochures – semblera aussi forcée et artificielle que le langage du 18ème siècle à la cour de France.

16. Déjà, les partis et les organismes politiques maniant boniment et charlatanisme, ne parlent plus à personne.

17. Les partis et les organismes politiques qui supposent que les électeurs en ligne sont les mêmes que ceux qui regardaient leur publicité à la télévision se moquent d’elles-mêmes.

18. Les partis et les organismes politiques qui ne réalisent pas que leurs collèges électoraux sont désormais un réseau d’individus à individus, plus intelligents par conséquence et très impliqués dans un dialogue, passent à côté de leur meilleure chance.

19. Les partis et les organismes politiques peuvent maintenant communiquer avec leurs électeurs directement. Si elles passent à côté, cela pourrait être leur dernière chance.

20. Les partis et les organismes politiques doivent réaliser que leurs électeurs rient beaucoup. D’eux.

21. Les partis et les organismes politiques devraient se détendre et se prendre un peu moins au sérieux. Elles ont besoin d’un sens de l’humour.

22. Avoir le sens de l’humour ne signifie pas mettre des blagues sur le site web du parti. A l’inverse, cela implique de grandes qualités, un peu d’humilité, du franc parler, et un véritable point de vue.

23. Les partis politiques et les organismes essayant de se positionner devraient avoir un positionnement. Dans l’idéal, il correspond à quelque chose qui intéresse vraiment leur collège électoral.

24. Les fanfaronnades ampoulées du genre « nous sommes en position pour devenir le principal fournisseur de XYZ » ne constituent pas un positionnement.

25. Les partis et les organismes politiques doivent descendre de leurs tours d’ivoire et parler avec les personnes avec lesquelles elles espèrent instaurer une relation.

26. Les relations publiques ne parlent pas au public. Les partis et les organismes politiques ont profondément peur de leurs collèges électoraux.

27.En s’exprimant dans un langage qui est distant, peu attrayant, arrogant, ils bâtissent des murs pour maintenir à distance leurs collèges électoraux.

28. La majorité des programmes électoraux sont fondés sur la crainte que les électeurs puissent voir ce qui se passe réellement à l’intérieur du parti.

29. Elvis le dit mieux : “Nous ne pourrons pas continuer avec un esprit soupçonneux”

30. La fidélité politique est la version politique de ne rien faire, mais la rupture est inévitable – et arrive vite. Parce qu’ils sont connectés, les collèges électoraux sont capables de réévaluer une relation en un clin d’oeil.

31. Les collèges électoraux en réseau peuvent changer de sujets d’intérêt du jour au lendemain. Les activistes en réseau peuvent changer de parti pendant le déjeuner. Vos propres conduites nous ont enseignés à nous poser la question : « la loyauté ? c’est quoi déjà ? »

32. Les collèges électoraux futés trouveront les francs-tireurs politiques qui parlent leur propre langue.

33. Apprendre à parler d’une voie humaine n’est pas un truc de parloir. Cela ne s’apprend pas au cours d’une quelconque conférence.

34. Pour parler avec une voix humaine, les partis politiques doivent partager les centres d’intérêts de leurs communautés.

35. Mais avant tout, elles doivent appartenir à une communauté.

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36. Les partis et les organismes politiques doivent se demander où s’arrêtent leur culture interne.

37. Si elle s’arrête avant que la communauté commence, elles n’auront aucun collège électoral.

38. Les communautés humaines sont basées sur le dialogue- sur des dialogues humains concernant des préoccupations humaines.

39. La communauté du dialogue est le collège électoral.

40. Les partis et les organismes politiques qui n’appartiennent pas à une communauté du dialogue sont condamnés.

41. Les partis et les organismes politiques voue un culte à la sécurité, mais c’est pour brouiller les pistes. La plupart se protège moins de leurs concurrents que de leur propres collège électoral et activistes.

42. De même que dans les collèges électoraux en réseau, les gens parlent également entre eux directement à l’intérieur du parti — et pas uniquement à propos des règles et régulations, des directives du comité central et des scores électoraux.

43. De telles conversations ont lieu aujourd’hui sur les intranets politiques. Mais seulement quand les conditions sont réunies.

44. Les partis et les organismes politiques installent généralement des intranets de haut en bas pour diffuser des consignes et autres informations internes que les activistes font de leur mieux pour ignorer.

45. Les intranets ont naturellement tendance à devenir barbants. Les meilleurs sont construits de la base vers le haut, par des individus engagés, coopérant dans le but de construire quelque chose avec plus de valeur.

46. Un Intranet sain organise les activistes dans tous les sens du terme. Son effet est plus radical que l’ordre du jour de n’importe quel syndicat.

47. Bien que cela terrifie les partis politiques, ils ont également largement besoin d’intranets ouverts pour générer et partager des informations critiques. Elles doivent résister à l’envie d’améliorer ou de contrôler ces conversations en réseau.

48. Quand les intranets des partis ne sont pas bloqués par la peur et les règles juridiques, le type de conversation qu’ils favorisent, résonnent remarquablement comme les conversations des collèges électoraux.

49. Les diagrammes organisationnels fonctionnaient dans une ancienne économie, où les plans pouvaient être totalement compris au plus haut de la pyramide manageuriale et que des ordres de travail précis pouvaient alors être donnés vers le bas.

50. Aujourd’hui, la charte organisationnelle est hyperliée, et non hiérarchique. Le respect pour la transmission de la connaissance est bien plus fort que celui pour une autorité abstraite.

51. Le management du style commander-et-contrôler vient de et renforce la bureaucratie, la lutte du pouvoir et une culture globale de la paranoïa.

52. La paranoïa tue le dialogue. C’est son but. Mais le manque de dialogue peut tuer un parti.

53. Il y a deux sortes de dialogues en cours. Un à l’intérieur du parti. Un avec les électeurs.

54. Dans la plupart des cas, aucun des deux ne se passe très bien. Pratiquement à chaque fois, la cause de l’échec peut être ramenée à des notions obsolètes de l’autorité et du contrôle.

55. En tant que politiques, ces notions sont du poison. En tant qu’outils, elles ne marchent pas. L’autorité et le contrôle rencontrent l’hostilité des acivistes intraconnectés et génère une méfiance parmi les électeurs interconnectés.

56. Ces deux conversations veulent dialoguer l’une avec l’autre. Elles parlent le même langage. Elles se reconnaissent mutuellement.

57. Les partis et organismes politiques futés se pousseront et aideront l’inévitable à arriver plus vite.

58. Si la volonté de se mettre de côté était un critère d’évaluation du QI, alors très peu de partis politiques sociétés seraient dans le coup.

59. Aussi subliminal que cela soit sur le moment, des millions de personnes en ligne perçoivent maintenant les partis politiques comme à peine mieux que de pittoresques fictions légales qui font de leur mieux pour éviter que ces conversations ne se croisent.

60. C’est suicidaire. Les électeurs veulent parler aux partis politiques.

61. Malheureusement, la partie du parti à laquelle les électeurs connectés veulent s’adresser, est généralement cachée derrière un écran de fumée de boniments, d’un langage qui sonne faux, et qui généralement, l’est.

62. Les électeurs ne veulent pas parler aux portes-parole. Ils veulent participer aux conversations ayant cours de l’autre côté du mur d’enceinte du parti.

63. Se mettre à nu, être personnel. Nous sommes ces collèges électoraux… Nous voulons vous parler.

64. Nous voulons accéder à votre information interne, à vos plans, vos stratégies, vos meilleurs projets, votre sincère connaissance. Nous ne nous contenterons pas d’une brochure en couleurs, d’un site web plein à craquer de poudre aux yeux mais sans aucune substance.

65. Nous sommes également les militants de bases qui font fonctionner vos partis politiques. Nous voulons parler aux électeurs directement de notre propre voix et non selon des platitudes écrites dans un manifeste.

66. En tant qu’électeurs, que militants, nous n’en pouvons vraiment plus d’obtenir notre information via des télécommandes. Quel besoin avons-nous d’assemblées annuelles impersonnelles et de sondages électoraux de troisième ordre pour nous présenter les uns aux autres ?

67. En tant qu’électeurs, que militants, nous nous demandons pourquoi vous n’écoutez pas. Vous avez l’air de parler dans une autre langue.

68. Ce jargon autosuffisant que vous jetez alentours – dans la presse, à vos conférences – en quoi ça nous concerne ?

69. Peut-être vous impressionnez vos donateurs. Peut-être vous impressionnez Euronext. Vous ne nous impressionnez pas.

70. Si vous ne nous impressionnez pas, vos donateurs en seront de leur poche. Est-ce qu’ils ne peuvent pas comprendre cela ? S’ils le comprenaient, ils ne vous laisseraient pas nous parler ainsi.

71. Vos notions fatiguées de l’ »électorat » rendent vos yeux ternes. Nous ne nous reconnaissons pas dans vos projections. Peut-être parce qu’on est déjà allé voir ailleurs.

72. Nous aimons beaucoup ce nouvel espace électoral. En fait, nous le créons.

73. Vous êtes invité, mais c’est notre territoire. Laissez vos chaussures à l’entrée. Si vous voulez trinquer avec nous, descendez de votre cheval !

74. Nous sommes immunisés contre la propagande. Laissez tomber.

75. Si vous voulez nous parler, dites-nous quelque chose. Et quelque chose d’intéressant, pour une fois.

76. On a des idées pour vous aussi : de nouveaux outils dont nous avons besoin, de meilleurs propositions. Des propositions pour lesquelles nous sommes prêts à voter. Vous avez une minute ?

77. Vous êtes trop occupés à « faire de la politique » pour répondre à notre email ? Zut, désolé, on reviendra plus tard. Peut-être.

78. Vous voulez notre vote ? Nous voulons votre attention.

79. Nous voulons que vous arrêtiez votre trip, votre névrotique attention sur vous-même, venez faire la fête.

80. Ne vous inquiétez pas, vous pouvez encore gagner des voix. Enfin, à condition que ce ne soit pas votre seul soucis.

81. Avez-vous remarqué que l’argent en soi, est un peu unidimensionnel et ennuyeux ? De quoi d’autre pourrait-on parler ?

82. Vos discours ne touchent plus personne. Pourquoi ? On aimerait interroger les personnes qui les ont rédigés. Votre stratégie politique n’a aucun sens. Nous aimerions en discuter avec votre président. Comment ça, il n’est pas là ?

83. Nous voulons que vous preniez vos dizaines de milliers d’électeurs autant au sérieux qu’un seul journaliste du Soir.

84. On connaît des gens dans votre parti. Ils sont plutôt sympas en ligne. Vous en avez d’autres comme ça que vous cachez ? Est-ce qu’ils peuvent sortir pour venir jouer ?

85. Lorsque nous avons des questions, nous nous tournons les uns vers les autres pour obtenir des réponses. Si vous n’aviez pas une main si dure sur « vos gens » peut-être que nous nous tournerions vers eux.

86. Lorsque nous ne sommes pas occupés à être votre « cible électorale », la plupart d’entre nous sont vos gens. Nous préférions discuter avec des amis en ligne, plutôt que de regarder l’heure. Cela diffuserait votre nom d’une façon bien plus efficace que votre site web à un million d’euro. Mais vous nous dites que s’adresser aux électeurs est réservé aux porte-parole.

87.Cela nous ferait plaisir que vous compreniez ce qui se passe ici. Ce serait vraiment bien. Mais ce serait une grave erreur que de croire que nous allons vous attendre.

88. Nous avons de meilleures choses à faire que de nous soucier de savoir si vous allez changer à temps pour conquérir nos voix. Les élections ne sont qu’une partie de nos vies. Elles semblent remplir complètement la votre. Réfléchissez-y : qui a besoin de qui ?

89. Nous avons un vrai pouvoir et nous le savons. Si vous ne saisissez pas le concept, une autre équipe va débarquer qui sera plus attentive, plus intéressante, plus sympa pour jouer avec.

90. Même dans le pire des cas, notre toute récente conversation est plus intéressante que la plupart des salons professionnels, plus divertissante que n’importe quelle série télé, et certainement plus proche de la vie que les sites web institutionnels que vous avons vus.

91. Notre allégeance va à nous-mêmes, à nos amis, à nos nouveaux alliés et connaissances, et même à nos adversaires. Les partis et organismes politiques qui n’ont pas de liens avec ce monde, n’y auront pas de futur non plus.

92. Les politiciens dépensent des milliards d’euros pour « lutter contre le terrorisme ». Pourquoi n’entendent-ils pas la bombe à retardement de cet électorat ? Les enjeux sont bien plus importants.

93. Nous sommes à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des partis politiques. À l’intérieur et en dehors d’eux. Les barrières qui délimitent nos dialogues sont comme le mur de Berlin aujourd’hui, mais elles ne sont qu’un désagrément. Nous savons qu’elles finiront par tomber. Et nous allons nous appliquer des deux côtés, à les faire tomber.

94. Pour les partis traditionnels, les conversations en réseau peuvent sembler confuses, perturbantes et désarçonnantes. Mais nous nous organisons plus vite que vous ne le faites. Nous avons de meilleurs outils, d’avantages d’idées neuves, et aucun règlement pour nous ralentir.

95. Nous nous éveillons et nous connectons les uns aux autres. Nous observons. Mais nous n’attendons pas.

Billet initialement publié sur Blogging the news

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Context is King http://owni.fr/2009/11/18/context-is-king/ http://owni.fr/2009/11/18/context-is-king/#comments Wed, 18 Nov 2009 10:56:23 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=5557

Contexte, éditorialisation, intelligence, enrichissement journalistique et technologique des contenus, nouvelles valeurs ajoutées, sont aujourd’hui les dernières conditions de survie des médias traditionnels face aux ruptures qui brutalement les secouent depuis la fin du 20ème siècle.

Chacun sait aujourd’hui qu’il n’est plus possible de faire comme avant. Chacun sait que demain, qui arrive plus vite que prévu, ne sera plus comme avant l’Internet, il y a 15 ans, le Web 2.0, il y a 5 ans, ou la crise économique, cette année.


Nous devons réinventer nos métiers dans un cadre radicalement nouveau. Et commencer par admettre la sévérité de la situation et l’ampleur des mutations dans la production, la diffusion et la consommation d’informations:


1. La valeur économique des médias traditionnels (journaux papier, magazines, chaînes de télédiffusion, …) s’effondre par rapport aux nouveaux usages et comportements d’une société en plein bouleversement. Les ruptures ne sont pas seulement technologiques, elles sont aussi sociétales. Le public n’est plus le même. Le monde a changé.


2. Ce n’est plus l’offre qui crée la demande. Les niches remplacent les paquets ficelés généralistes. La destruction de valeur se fait au pas de charge, les modèles d’affaires sont mis en cause ou même brisés, de nouveaux acteurs s’emparent de positions, mais la création d’utilité publique est réelle (connaissances, partage, éducation, multiples sources spécialisées …) et la créativité bien vivante.


3. Les adversaires de la presse sont le temps non disponible, la fragmentation des contenus, et la prolifération, tout au long de la journée, des choix et des nouvelles sollicitations.


4. Comme d’autres institutions, l’autorité et le pouvoir d’influence des journalistes de grands médias sont depuis longtemps contestés par une société, où la confiance rejoue un rôle déterminant. Pire : ils ne déterminent plus, seuls, l’agenda de l’information.


5. Les nouvelles technologies creusent le fossé générationnel. Dans ce nouveau monde, les ignorer se fait à ses risques et périls. L’innovation y est la seule assurance-vie.


6. La concurrence ne vient pas de ses pairs mais de nouveaux acteurs et de centaines de petites unités, souvent encore indécelables.


7. Médias, informatique et télécommunications sont en train de fusionner à grande vitesse.


8. Les logiques de contrôle ne marchent plus, même si le besoin de garde-fous juridiques s’accroît. Il faut probablement lâcher prise avec dignité, et embrayer, dans cette nouvelle économie de la contribution, sur des logiques de coopération, de complémentarité et d’interaction.


9. Le secteur des médias perd pied beaucoup plus vite que le reste de l’économie. Les suppressions d’emplois y sont trois fois plus nombreuses.


10.Enfin, les points d’équilibre du vieux monde disparaissent plus vite que n’apparaissent ceux du nouveau.


La Contre-Réforme


Les Etats, les gouvernements, l’Union Européenne, reconnaissent tous être dépassés par l’effondrement de l’écosystème média du monde d’hier, et l’apparition brutale des nouveaux usages de l’économie numérique.


Ils n’ont pas les capacités d’analyse à la hauteur des dizaines de lobbystes lancés par Google à Bruxelles et à Washington, ou des énormes ressources financières des grands opérateurs de télécommunication à la manoeuvre.


Confrontés à la fin des incroyables années des baby-boomers, la tentation est grande pour les patrons de presse, qui se croyaient immortels, de jurer que le « balancier finira bien par revenir », d’ériger des murs, de « faire rentrer le génie dans la bouteille », de reprendre la main.


La volonté de « Restauration » d’un ordre ancien, alimenté par un mouvement classique de « Contre-Réforme », fait son apparition. « Ca tiendra bien jusqu’à ma retraite », « courbons le dos et attendons le web3 », « informer, c’est un boulot de journalistes », « il n’y a pas de révolution numérique », « qui se souvient des radios libres ? », « a-t-on bien fait d’aller sur le web ? », entend-on aujourd’hui du haut en bas de la hiérarchie d’un média traditionnel.


Alors, face à une culture de l’écran qui s’étendait déjà rapidement, il semblait logique, voici peu, de voir les dirigeants des opérations web prendre rapidement le pouvoir dans la presse. Il n’en est encore rien. Ni aux Etats-Unis, ni en Europe.


La transition vers le numérique est laborieuse : le web, qui ne représente qu’un peu plus de 10% des revenus, n’est toujours pas au centre des stratégies, et reste souvent comme un additif ennuyeux qu’il faut avoir. Pire : il est souvent bridé : « laissez les adultes s’occuper de cela ! » et la récession a freiné les ardeurs et ressources dévolues à cette diversification. Il reste difficile d’admettre qu’Internet est un média différent, que « le monde numérique est autre univers », avec ses propres ressorts sociétaux et culturels. Malheureusement aujourd’hui, soit on nie cette réalité, soit on la met sous le tapis. Comme dans la musique hier, le cinéma aujourd’hui et le livre demain.


Mais la tradition ne constitue pas un modèle économique. Et la bataille pour les modèles d’affaires de demain ne fait que commencer.


Chacun, pris de vitesse par la cavalcade technologique et la révolution des usages d’une audience « über-connectée », sent bien aussi que le changement permanent devient la nouvelle norme dans ces nouveaux territoires inconnus.


Doit-on résister au courant ou tenter de l’accompagner ?


Internet et le numérique sont déjà devenus les systèmes fondamentaux de distribution de contenus. Dans quelques années, prédit Google, il n’y aura plus de distinction entre les canaux de distribution TV, radio et web. Et donc plus de différence, en ligne, entre ces médias, ni d’ailleurs avec les journaux et les magazines qui offrent tous de la vidéo. Déjà, les professionnels ne parlent plus « TV » mais « vidéo » !

Après la musique et la presse, avant le livre, c’est au tour de la télévision de vivre les ruptures. Et il n’y a plus aujourd’hui de rédactions dans Fleet Street, qui fut depuis 1500, l’artère mythique de la presse britannique à Londres.


La grande déflation


Quand 325 millions de personnes ont une page Facebook, plus de quatre milliards de photos ont été téléchargées sur Flickr et que Twitter vaut pratiquement un milliard de dollars, chacun sent bien que les médias sociaux ne sont pas qu’une mode.


Avec les écrans tactiles et les applications iPhone (et bientôt la tablette Apple), l’Internet n’est plus un endroit où on se rend mais un environnement tout le temps présent autour de nous.


Les effets de levier des nouvelles technologies, les faibles coûts de distribution, diminuent la taille critique des médias numériques. L’ubiquité et l’instantanéité du web ont fait chuter la valeur de l’information. Même les cours boursiers en temps réel, qui coûtaient une fortune il y a quelques années, sont gratuits aujourd’hui.


Faire plus et mieux avec beaucoup moins, est à l’image des réussites de petites organisations au succès mondial qui fonctionnent à moins de 30 personnes, comme Twitter ou Craigslist (qui a réduit le secteur des petites annonces américaines de plusieurs milliards de dollars à une centaine de millions).


Révolution marxiste !


Jusqu’à la fin du 20ème siècle, seuls quelques milliers de personnes avaient la parole. Ils sont aujourd’hui des dizaines de millions ! Chaque semaine sortent de nouveaux outils d’auto-édition : après Facebook, Twitter et FriendFeed, voici Tumblr, Posterous, identi.ca, Plurk …

Tout le monde s’est mis échanger et rapporter des nouvelles, à analyser, à prendre des photos, à les poster sur le web. Les vieux médias ne gagneront plus cette bataille. Ils sont « désintermédiés », court-circuités, par le public, les politiques, les grandes entreprises, les sportifs, les acteurs…

C’est l’essor généralisé de la bande passante qui a totalement changé la donne : le web s’est démocratisé et n’est plus l’apanage du clergé médiatique.


Il est passé d’un mode de publication de documents produits pour une audience passive par quelques riches professionnels (broadcast), à une plateforme de communication multimédia mondiale de tous (multicast), et à une distribution massive légale et illégale de contenus, qui bouleversent tous les modèles économiques de la fourniture d’informations.


Jamais les gens n’ont cherché et consommé autant d’informations, mais les professionnels n’ont plus le monopole de la parole. Le public est actif et contribue. Près de 20% du temps passé sur Internet l’est dans les blogs et les réseaux sociaux. Wikipédia est de loin le premier site de news aux Etats-Unis. YouTube, Facebook, Twitter, qui entend devenir le pouls de la planète, sont devenus des sources, tout comme des milliers d’autres blogs, sites et services. L’origine de l’information compte moins qu’avant. Les marques, en tous cas les anciennes, attirent moins et sont moins importantes aux yeux des jeunes audiences, qui ont les leurs. L’importance croissante des réseaux sociaux rend moins pertinents les sites de destination.


Les médias ont aussi perdu le monopole de l’agenda de l’information. Les recommandations de ses proches, amis, collègues, dans les réseaux sociaux, sont plus importantes, sur Internet, que les éditoriaux de Libération ou du New York Times. Rejet des anciens prescripteurs et volonté de diversité dominent. La demande d’informations est forte mais les vieilles plateformes sont en train de mourir. Les vieux monopoles ont disparu.


Des centaines de millions de médias !


Progressivement, chacun construit sa propre chaîne d’informations, sur Internet et mobiles, composés de fragments de médias traditionnels, désagrégés ou picorés ici et là, mélangés entre eux (journaux, radios, TV…), mais aussi combinés à des blogs et à de multiples autres sources.

Chaque jour qui passe voit les contenus d’informations s’atomiser davantage. Comme dans la musique, où le CD a perdu face à iTunes (nous ne sommes plus forcés d’acheter 11 morceaux en plus de celui que nous voulions), chacun peut, avec de bons outils, faciles, gratuits, obtenir directement les flux désirés. Jusqu’ici, les journaux nous obligeaient à acheter un ensemble dont nous ne souhaitions pas nécessairement tout. Dans les deux cas, notons que la dématérialisation est au rendez-vous, avec la disparition physique des supports.

La crise actuelle accélère la migration numérique, qui permet au public de contrôler le moment et le lieu de consommation de contenus. La consommation d’informations est aussi plus réfléchie.


De plus en plus de journalistes développent, de gré ou de force, de développer leur propre marque, de travailler sous leurs propres couleurs, seuls ou en petits groupes. Le journalisme de qualité n’est plus l’apanage de grands groupes de médias. De nouveaux acteurs inventent, avec facilité et jubilation, la grammaire des médias, des échanges, de la circulation de l’information de demain. Ils le font gratuitement, car le média est excitant et qu’il y a des places à prendre ! La révolution de l’information est terminée : chacun est devenu un média !


Les médias traditionnels se retrouvent donc coincés entre les concurrences de millions d’acteurs individuels, et des géants aux ressources mille fois plus importantes qu’eux, qui entendent bien profiter de l’appétit du public pour l’information : après Google, Microsoft, Yahoo, Orange, AOL veulent être des mass media sociaux. Médias, informatique et telcos convergent.

Et au lieu de travailler ensemble, ils restent « la tête dans le guidon », obsédés par l’urgence de leurs revenus à court terme, voire désormais, leur survie.


L’Internet aussi vital que l’eau ou le gaz !


Mais l’informatique et le numérique gagnent du terrain dans le monde physique.


Européens, Américains, Japonais ou Chinois ignorent d’ailleurs la crise pour leurs dépenses multimédias. L’information en mobilité domine désormais : les constructeurs vendent plus de « smartphones » ou de « laptops » que d’ordinateurs de bureaux. Des ordinateurs ultra low cost envahissent le marché. Demain, le tsunami de « l’ebook » et des tablettes va déferler.

Après les réseaux sociaux il y a deux ans, le « cloud computing » en 2008, l’heure est au web en temps réel et au « streaming », nouveau casse-tête des producteurs pour protéger leurs contenus. Avec le web, les informations étaient disponibles 24/7, désormais elles le sont quasiment en direct.


En passant, Twitter et consors donnent un sérieux coup de vieux à l’email qui n’est plus, et de loin, le seul outil en ligne de partage et de communication. Dans le même temps, les journaux deviennent des magazines. Et fort du succès de Hulu, tout le monde veut aller dans la vidéo sur le web !


« L’Internet est devenu aussi vital que l’eau ou le gaz », commentait en juin le Premier ministre britannique. La Finlande est devenue le 1er pays à faire de l’accès au « broadband » un droit.


De petites structures deviennent performantes. Le site d’enquêtes journalistiques ProPublica réalise des articles pour le New York Times, tout comme le site Spot.us. Après quatre ans d’existence, le blog américain d’informations Huffington Post a dépassé en audience le site du Washington Post. Toutes les semaines, de petites structures éditoriales se montent dans les grandes villes américaines : hier à Washington, aujourd’hui à Seattle ou au Texas.


Le vieux monde se délite beaucoup plus vite que ne se bâtit le nouveau


Pire que les banques ! Depuis l’an 2000, la destruction de valeur dans les grands groupes de médias américains atteint 200 milliards de dollars !


Les raisons principales en sont l’essor exponentiel de contenus sur Internet où tout le monde est concurrent, un marché publicitaire dévasté, en volume et en tarifs, pour plusieurs années, et des consommateurs qui changent radicalement leurs habitudes. La faute aussi au vieux confort des monopoles.


2009, année brutale, aura été la pire pour les médias traditionnels depuis des décennies : entre 1929 et 1933, aux USA, la publicité avait chuté de 13% et moitié moins après le 1er choc pétrolier des années 70.


En 2009, la dégringolade est de 25% en moyenne. La chute des médias est supérieure d’un tiers à celle des PIB. Dans les journaux US, la pub est revenue à son niveau de …1965, et les professionnels de la télévision, réalisent que la publicité ne paiera plus toutes les factures, et qu’il est suicidaire de ne dépendre que d’une source de revenus. 10 ans après les journaux, les télévisions derniers voient décliner aujourd’hui inexorablement leur coeur de métier. La notion de chaînes disparaît.


Dans la publicité, des signes de stabilisation, voire d’amélioration, apparaissaient ici et là fin 2009, mais chacun assure qu’elle ne retrouvera pas son niveau d’avant la crise, surtout pour les journaux, qui, tous en France, auront perdu de l’argent en 2009.

En ligne, où surgit d’ailleurs aussi le publicitaire-citoyen, elle continue de progresser : pour la première fois, elle aurait dépassé en Grande-Bretagne la télévision pour en devenir le 1er support. Mais la monétisation des audiences y reste problématique. Les professionnels en sont convaincus : les bannières et les CPM en ligne ne sauveront pas les médias traditionnels. La publicité ne va plus sur l’information mais sur « l’entertainment ». Est-ce le métier d’Adidas de financer une rédaction à Kaboul ?

L’idée de financer des sites d’informations par de la publicité est donc déjà de l’histoire ancienne.


En terme de trafic, les plus grands sites de journaux semblent être arrivés à un point de saturation, et commencent à voir grignoter leur position dominante. Pire : le temps passé sur les sites des journaux baisse dangereusement. La lecture des blogs de qualité est devenue « mainstream ».


D’ailleurs, les nouveaux « pure players » d’informations ont aussi du mal : l’un des meilleurs sites mondiaux, l’espagnol Soitu.es, a du fermer ses portes en octobre en raison de la crise, tout comme l’allemand NetZeitung. Et, pour l’instant, Twitter gagne toujours moins d’argent que les journaux !


Web payant ? Moment de vérité imminent


Nous approchons donc du moment de vérité pour voir si le retour du payant sur le web est possible. Des deux côtés les positions sont tranchées : « sans paiement, des médias mourront ». Et il est très possible de faire payer: regardez Canal Plus qui a fait payer la télévision, ou plus simplement, l’eau minérale en bouteille ! En face, la réponse est cinglante : « sur le web, si vous faites payer, vous accélérez votre disparition ! ».


En fait, il n’y a aujourd’hui aucune solution miracle. Pour l’instant tout le monde dit qu’il fera payer en 2010, et quasi personne ne le fait, ou très progressivement.


En cette fin 2009, de nombreux éditeurs commencent à flancher et à craindre de perdre leurs audiences en ligne. Même Murdoch n’est plus sûr de tenir son échéance de juin prochain. Les mouvements de menton visaient avant tout les agrégateurs et les parasites, car reconstruire des murs pose beaucoup de problèmes.


Il est très difficile de faire revenir en arrière les gens, désormais plus habitués à accorder de la valeur à des supports physiques qu’immatériels. Très difficile aussi d’aller contre le courant des nouvelles pratiques et usages de la révolution numérique (facilité d’accès, partage, collaboration, open source, interactions fréquentes…). Très difficile, enfin, de se battre contre la gratuité des concurrents, financés par la publicité (CNN) ou l’Etat (BBC).


De deux choses l’une : ou tout le monde le fait en même temps, ou celui qui pose des barbelés doit proposer des contenus à très forte valeur ajoutée qui ne sont pas gratuits ailleurs, des contenus « frais », exclusifs (même quelques heures).


Oui, la valeur est dans les barrières, mais pas dans des murs érigés contre son audience : le public n’est pas prêt à payer pour des contenus qu’il ne regardait même pas quand ils étaient gratuits. Elle est dans des barrières dressées à l’entrée de ses concurrents, dans des nouveaux contenus qui répondent aux nouvelles attentes, dans des services qui les intègrent, les agrègent, les enrichissent, les analysent, les distribuent autrement.


Mais même l’ajout de contenus premium payants ne sera pas suffisant. Il faudra davantage.

Davantage, ce seront des sources de revenus en dehors du coeur de métier, mais surtout des nouvelles valeurs ajoutées, des services uniques que le public sera prêt à payer. Des services liés aux nouvelles technologies, à la mobilité, à l’accès, à de nouvelles manières de montrer l’information.


Davantage, ce seront des contributions directes de l’audience au média, une contribution de fondations, des citoyens, voire même de l’Etat par des subventions, comme n’hésitent plus à le dire des responsables aux Etats-Unis, voire à le faire comme au New Hampshire, pour défendre l’Information, bien public consubstantiel de la démocratie.


L’information accessible en mobilité (smart phones, e-book) est à cet égard un des grands espoirs des éditeurs car le paiement y est plus naturel, voire indolore.


Context is King !


Le premier mythe à combattre dans une économie de l’abondance : le contenu est roi ! Non ! Aujourd’hui, plus encore qu’hier, c’est le contexte, l’éditorialisation, la contextualisation, l’intelligence, la valeur ajoutée, la spécialisation, l’explication, les liens, la réduction de la complexité et de « l’infobésité ». Un vrai travail de médiateur, de média pour relier les connaissances et transformer l’information en savoir.


Le prix des news tend vers zéro, mais l’enrichissement et le contexte peuvent encore être payant.


C’est le contexte éditorial (« connect the dots ») qui nous permettra de comprendre le sens de sujets de plus en plus complexes et de résoudre des problèmes. Il n’y pas d’instantanéité dans les informations-clés de nos sociétés, dans les grandes tendances, dans les signaux importants, mais masqués ou dans les angles morts.


C’est le contexte technologique, donc l’accès aux informations, qui sera aussi déterminant. Reuters et Bloomberg l’ont compris depuis longtemps. Apple en est le champion aujourd’hui. Il faudra chercher à profiter des avantages d’interactivité et de personnalisation des nouveaux médias, et des possibilités du web sémantique.

N’est ce pas aussi la pertinence des contenus qui fait défaut aujourd’hui? Et avec elle la preuve de leur valeur ajoutée. L’ubiquité des contenus actuels est-elle réellement réclamée par le public? En d’autres termes, le public ne veut-il pas davantage un meilleur journal que le même contenu sur un lecteur e-book ? Faut-il, pour réussir, tenter absolument de tout faire pour tout le monde? Même sur le web, le succès passe par des niches et des verticaux (politique, environnement, sport …)

La valeur est bien dans la rareté, l’accès, le confort d’usage, le tri, le filtrage, la présentation, la personnalisation, le contexte donné à un contenu, qui ne doit plus être un produit mais un service. C’est accompagner l’audience dans sa consommation d’informations, avec des réponses à ses questions, dans une relation plus partenariale. Les gens sont aussi prêts à payer avec leur temps et leur savoir. Les réseaux sociaux ne sont pas du contenu, mais des plateformes de communication, des supports de contenus.


On le comprend, faute de modèle économique pertinent sur le web, l’orientation générale, qui se dessine et qui ne fait que commencer, nous amène, à court terme, vers des modèles hybrides, combinant gratuit, publicité, services liés à l’engagement de l’audience autour de la marque, services premium, revenus tiers, contenus payants sur mobiles, contributions directes de l’audience, aide publiques.


Quel nouveau journalisme ?


Dans le même temps, les emplois de journalistes disparaissent, dans cette crise économique, trois fois plus vite que les autres. Les coupes claires dans les coûts et les effectifs (bizarre quand même de se séparer des actifs les plus précieux), et les demandes de produire toujours plus en moins de temps, ont dégradé la qualité du journalisme et banalisé les contenus, les rendant encore moins attrayant pour le public. Les secteurs les plus touchés sont l’international, l’enquête, les contenus originaux et exclusifs.

Les rédactions, dépossédées de leur magistère, confrontées à des injonctions paradoxales et aux réactions brutales de leurs audiences changeantes, vivent souvent mal l’essor d’Internet qui, les sortant de leur zone de confort, continue de semer la panique, alimentant chaque jour un peu plus les problèmes culturels, qui freinent les efforts d’adaptation des entreprises.

A tous les niveaux, chacun se bat avec les mêmes questions : comment concilier contenus payants et gratuits ? Comment améliorer les liens entre les services techniques et la rédaction, entre le print et le web ? Quelles stratégies choisir pour les mobiles et les e-book ? Comment engager davantage l’audience en ligne et créer des contenus pertinents ?

C’est “le sauve qui peut”, dit le directeur d’un grand journal parisien. Personne, ou presque, ne veut plus prendre de responsabilités.

Nombreuses sont les interrogations sur la manière dont vont évoluer les métiers du journalisme, qui demeure un mode de représentation du réel (comme la photographie, le cinéma, la littérature, la peinture, la sculpture, voire la philosophie ou la psychanalyse). C’est la rapidité et l’ampleur des changements qui ont touché le secteur dans un laps de temps très court, plus que leur nature, qui inquiète.


Les journalistes devront sans faire moins, mais très certainement, faire mieux. Ils vont aussi devoir abandonner un peu leur stylo pour de nouveaux outils. De plus en plus nombreux sont ceux qui se mettent à la vidéo légère.


Nombreux aussi sont ceux, qui vont travailler pour des fondations, des ONG, ou partent créer leur structure éditoriale sous leur propre marque.


En 2009, les journalistes, qui avaient tendance être de plus en plus déconnectés du public, « se prennent désormais leur audience dans la figure » et ont, en tout cas, commencé à réaliser l’importance d’inter agir avec elle.


Les médias sociaux font partie du quotidien des rédactions et effraient moins. Les journalistes savent que là se trouve une bonne partie de leur audience Internet. C’est là aussi que chaque « grosse histoire » est désormais commentée. Mais ils doivent aussi penser mobiles, Twitter, coopération avec le public, infographie animée et interactive, visualisation de données (transformer des statistiques en savoir) …Le marketing éditorial n’est pas loin.


Et puis, si tout le monde est devenu un média, le bon usage des outils de production et de diffusion peut devenir une matière obligatoire à l’école ! Ce qu’on appelle en anglais la « Media literacy » et où les professionnels ont un rôle à jouer.


Demain : la réalitée augmentée, les capteurs


Le buzz de fin 2009 est bien sûr autour de l’ebook, qui pourrait à terme offrir de belles opportunités. Gardons-nous, dans l’immédiat, d’y placer trop d’espoirs tant que le prix unitaire des liseuses ne baissera pas, tant que leur manipulation ne sera pas plus aisée, voire que la couleur et la vidéo n’apparaissent, et surtout qu’Amazon ou Apple ne desserrent leur étreinte sur les prix imposés. Apple, avec sa future tablette, pourrait mettre tout le monde d’accord, et surtout attirer les jeunes, car les liseuses électroniques ne semblent pour l’instant séduire que les … seniors.


Après le tactile, l’écran flexible pourrait aussi être disponible dans quelques mois. Les éditeurs se mettent petit à petit à faire des expérimentations avec des applications en réalité augmentée, surtout via les mobiles.


A moyen terme, la plus grande révolution sera probablement, « le Web au carré » : 5 ans après le web 2.0, le web commence à rencontrer le monde physique, grâce à une multitude de senseurs et de capteurs, sans intervention humaine explicite (géolocalisation, caméra sur téléphones, proximité, directions, réalité augmentée…) qui mettent en relations des informations de la vie quotidienne et des bases de données. A coup sûr, la multiplication des capteurs va modifier l’interaction de l’homme avec son environnement et aura un impact important sur la collecte d’information.


D’ici 5 ans, les accès « broadband » seront non seulement généralisés, mais aussi bien meilleurs, et les smart phones seront partout. La « killer app » des médias de demain sera comme toujours un grand contenu facile d’accès. Il faudra un peu de temps pour la trouver. Mais les périodes de crise sont les plus propices à la réflexion et à l’expérimentation. Après tout, pendant des années, Gutenberg n’a imprimé que la Bible.


Le papier sera-t-il alors devenu un refuge « rétro chic » pour bobos ?

»Article initialement publié sur AFP Mediawatch


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