OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les data en forme http://owni.fr/2012/06/11/les-data-en-forme-episode34/ http://owni.fr/2012/06/11/les-data-en-forme-episode34/#comments Mon, 11 Jun 2012 16:20:35 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=113001 Owni ont fait remonter du flot quotidien quelques trésors de dataviz. Vous y verrez passer des carrés roses et bleus, des bulles orange et jaunes, des trains en retard, des camemberts à la plume et autres nuages arduinesques. Bonne découverte.]]> Actu oblige, attaquons cette nouvelle semaine avec une datavisualisation tournant autour des élections législatives. Elle nous vient d’un “dessinateur de données” de l’OCDE qui est en train de devenir un habitué de notre veille : Jérôme Cukier. À force de jouer joyeusement avec la librairie d3.js, il a fini par coder une carte interactive permettant de visualiser une projection des résultats probables de ce scrutin, circonscription par circonscription.

Le calcul de ces probabilités a été fait sur la base des résultats du second tour des élections présidentielles et les données sont consultables via une interface à l’ergonomie déconcertante.

D’un côté, vous pouvez consulter la carte où chaque circonscription est plus ou moins colorée du rose au bleu marine en fonction des résultats probables. De l’autre, une série de 577 carrés représentent l’ensemble des circonscription avec ce même code couleur. Cette grille peut même être organisée selon deux types de classement : géographique (de l’Ain aux Français de l’étranger) ou politique (du plus rose au plus bleu). Cerise sur le gâteau, les circonscriptions où sont présents soit l’un des ex-ministres de François Fillon, soit l’un des ministres actuels ou encore l’un des proches de Nicolas Sarkozy, sont identifiables grâce à un motif hachuré.

Je ne saurais que vous conseiller d’aller fouiller le blog de Jérôme Cukier qui, en plus, n’est pas avare d’explications sur ses manipulations avec d3.js

Bulles culturelles

Restons dans le data-chauvinisme et allons jeter un oeil au très bon travail de Jean Abbiateci, qui va finir lui aussi par avoir un bout de code à son nom dans les posts des Data en forme.

Journaliste indépendant, féru de photojournalisme et créateur de la très bonne veille visuelle l’Oeil du Viseur, il n’hésite pas à mettre les mains dans le code et ces derniers temps il a, lui aussi, pas mal joué avec d3.js. Pour ne rien gâcher, il le fait avec des données qui ne sont pas si souvent mises en scène : celles du secteur culturel. Ce qui donne un peu d’air frais face à l’omniprésence des sérieuses data politico-économiques.

Il y a quelques semaines, alors que twitter résonnait de débats passionnants sur l’état de la météo au dessus de la Croisette, Jean Abbiateci sortait tranquillement une visualisation bien utile, judicieusement nommée “Box-Office : le cinéma français mis en bulles”.

Elle permet de parcourir les résultats du box-office de 2007 à 2011. Deux bonnes idées rendent cette datavisualisation d’autant plus efficace : attribuer des codes couleurs facilement identifiables aux films présents et/ou récompensés à Cannes et proposer des filtres bien sentis (genre, avis public/médias, pays).

En jouant avec les données ainsi présentées on découvre quelques sympatiques informations. Par exemple que quatre années sur cinq, la Palme d’Or est un drame (que la Croisette est joyeuse !) ou encore que ces même palmes sont systématiquement notées un cran au dessus par les critiques en comparaison de la note attribuée par le public (que la Croisette est magnanime !).

Jean Abbiateci, sur sa lancée, a poursuivi son jeu de bulles pour visualiser le marché de l’art. Cette fois-ci ce sont les 270 oeuvres vendues qui ont atteint des sommets aux enchères, entre 2008 et 2011 qui sont présentées.

Là encore, parcourir ces données est un jeu d’enfants : quatre couleurs pour les typologies d’oeuvres (dessin, peinture, sérigraphie, sculpture) et pas moins de dix filtres nous montrant les diverses facettes de ces data. Pourquoi faire compliqué quand on sait faire simple ?

Data ferrées

Honte donc, à ceux qui penseraient que l’hexagone ne regorge pas de ressources pour faire travailler les données (comme nous l’avions déjà largement remarqué à l’occasion du concours GoogleViz l’hiver dernier). Cependant, il semblerait que la SNCF ne soit pas au courant. Pour explorer ses données relatives à nos usages des rails, la compagnie a choisi de travailler avec des chercheurs outre-atlantique. On l’excusera puisqu’il s’agit de ceux du MIT et plus précisément du Senseable city lab.

Trains of data propose deux approches autour de ces chiffres dont nous sommes les émetteurs premiers. Une vision isochronique de l’hexagone relative aux temps de trajet entre deux gares. Le territoire et sa perception apparaissent alors bien différents de ce que l’on connait. Amis de l’éducation nationale, il va falloir mettre à jour les manuels de géo.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

 
Second angle : comment se répartissent les retards des trains sur le territoire. Jusqu’ici, on en avait sans doute l’intuition, désormais on en a la preuve en images. Mais ce n’est pas simplement l’horloge interne de la SNCF qui nous est donnée à voir mais aussi le nombre de passagers affectés par chaque retard, les points représentant chaque train étant plus ou moins large en fonction du nombre de voyageurs qu’ils transportent.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

 
Une telle visualisation permet ainsi à l’aiguilleur de savoir quels sont les points rouges à décongestionner en premier pour qu’au final le ratio retard/voyageur soit le plus faible et le mieux réparti. Conclusion : ne tombez pas sur un train en retard et presque vide, vous y passerez la nuit. Éternelle lutte entre minorités et rendement…

D’où venons-nous ?

Après la géo, l’histoire et pas n’importe laquelle en l’occurence, celle de ce dont nous vous parlons à longueur de Data en forme : l’Histoire de la visualisation de données. Gaëtan Gaborit, chargé d’étude à l’Observatoire régional économique et social des pays de la Loire et accessoirement passionné de données, nous offre en mode #opendata, la présentation qu’il a fait lors de la semaine de l’OpenData qui se tenait à Nantes du 21 au 25 mai dernier.

Ce que l’auteur qualifie lui-même comme “Un bref aperçu illustré” donne déjà de bonne bases sur les origines de cette pratique qui nous fait scruter le réseau chaque semaine à la recherche des nouvelles perles. Pour aller plus loin, Google est notre ami.

Hors des écrans

Après, ce petit flashback historique, je vous conseille d’aller jeter un oeil aux données visualisées hors de vos écrans. La Fonderie, agence numérique d’Île-de-France, adossée au conseil régional, organise un événement intitulé “Expoviz” du 16 au 23 juin prochains.

Au programme : un datatuesday, une conférence et surtout une exposition. Vous pourrez y découvrir une cinquantaine d’infographies que les organisateurs ont considéré comme étant les meilleures du moment, le tout sur des panneaux de grandes dimensions. Ça nous changera des zooms frénétiques sur 13 pouces et autres tablettes.

Et parce qu’une bonne infographie vaut mieux qu’un long discours, voici une petite mise en abyme produite à l’occasion de cet événement.

Data-nimbus

Allez, contrairement aux débats sur les réseaux, cet épisode des data en forme ne se terminera pas sur un point Godwin mais sur un “point cloud”. Point Cloud est le projet un peu fou de James Leng.

Selon ses propres mots : ce projet essaye de réinventer notre rapport quotidien aux données météorologiques. Plutôt que d’afficher les valeurs habituelles température / humidité / précipitations, ce nuage de points relie les données entre elles pour donner à voir, ​​de manière dynamique, les interactions entre ces diverses informations chiffrées.

Ça peut sembler obscur et abstrait, ça l’est en partie, mais cela pousse à nous interroger sur comment visualiser cette donnée que l’on étudie depuis des siècles et qui continue de nous échapper : la météo. La réponse de James Leng tient en quelques processeurs Arduino, 100 mètres de câbles et 966 points de jointure. Fun et zen.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

 
Pour finir, parce que derrière la visualisation de données il y a du code et parce que le code, oui, c’est aussi de l’art, allez donc vous balader ici et . Bonne semaine.

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Les bio-bidouilleurs s’enracinent http://owni.fr/2011/09/15/diybio-biohaklab/ http://owni.fr/2011/09/15/diybio-biohaklab/#comments Thu, 15 Sep 2011 10:46:10 +0000 Marion Wagner http://owni.fr/?p=79478 Un bain-marie, des agitateurs, une centrifugeuse, deux frigos (dont un pour les bactéries), une machine PCR (polymerase chain reaction, réaction en chaîne par polymérase, qui permet de séquencer le génome)… Tout le matériel, ou presque, accumulé par La Paillasse, le premier biohacklab français, vient de Génopôle, LE lieu de la recherche en génétique en France. Un donateur institutionnel et généreux dont la directrice de la recherche salue la « démarche citoyenne » des défenseurs du DIY (Do It Yourself, faites-le vous même) et de l’open source.

« Il nous manque encore les consommables, des enzymes, des bactéries. Je ne sais pas comment on va s’approvisionner auprès des fournisseurs, ils n’ont pas l’habitude de traiter avec des associations. C’est l’inconnu, nous sommes les premiers en France », explique Théotime, l’un des co-fondateurs de La Paillasse qui, greffés au /tmp/lab, pionnier des hackerspaces en France, est aujourd’hui accueilli par l’Electrolab, hacklab situé dans la zone industrielle de Nanterre.

DIYbio, kesako ?

Le mouvement naît à Boston, aux Etats-Unis, il y a 3 ans autour du DIY Biogroup, fondé par des chercheurs du MIT et de Harvard. Après les kits de petits chimistes, l’astronomie du dimanche, le lancement du modèle réduit de Saturne en avril 2009, les amateurs s’emparent aujourd’hui des laboratoires de génie génétique. On peut en effet  désormais, grâce aux progrès dans la connaissance de l’ADN depuis sa découverte, en 1953, imaginer créer des circuits génétiques chez soi, avec du matériel de laboratoire assez simple :

L’idée est que la biologie est devenue une technologie, on n’a pas fait mieux que les cellules, explique Thomas, thésard en biologie de synthèse et formé à Normale Sup et co-fondateur de la Paillasse. Cette miniaturisation est la seule nanotechnologie qui fonctionne. Et comme on dispose de pièces modulaires pour fabriquer des circuits génétique, il est possible de créer des circuits chez soi, avec du matériel de laboratoire assez simple.

C’est autour de la biologie synthétique que la Paillasse est née. Une nouvelle discipline, à la croisée entre biologie, chimie, informatique et ingénierie. Elle consiste à modifier les génomes de micro-organismes, bactéries ou levures, en y introduisant des gènes supplémentaires, de manière à les détourner de leurs fonctions naturelles. Exemple : faire produire de l’artémisinine, utilisée dans la lutte contre le paludisme, à une bactérie dont les voies métaboliques ont été modifiées par la main de l’homme.

Pour ça, achetez un génome de synthèse, produit chimiquement et conçu par informatique, en quelques clics sur Internet. Comptez de 300 à 500 €. Ou, en mode Do it yourself, faites-le vous même grâce au répertoire de composants biologiques standards, open-source, de la fondation BioBricks mis au point par chercheurs et enseignants du MIT : « C’est très simple de manipuler le vivant », rappelle le thésard en biologie de synthèse.

Bien sûr, « le risque est différent en biologie qu’en électronique ou en mécanique. Une cellule bactérienne génétiquement modifiée qui tombe par terre peut interagir avec son environnement ».

D’où le crédo affiché sur la page d’accueil de diybio.org [en], « l’institution des biologistes amateurs » : accessibilité, citoyenneté, amateurisme, ingénierie, ouverture, sécurité et code de conduite. « Il faut des autorisations pour faire modifier génétiquement des organismes, et on ne veut pas se heurter aux règlements. Mais on peut avoir des approches très intéressantes de la génétique, même sans faire de mutations actives » :

On va faire quelques manipulations, mais gentiment. Nous sommes des gens curieux, nous voulons explorer la nature, nous avons des outils à notre disposition, il n’y a pas de raison de s’en priver.

Il y a un truc dans mon yaourt

Une fois la petite communauté parisienne créée autour de ce noyau dur, les premiers projets émergent : un microscope open-source, avec une lentille de téléphone portable, ou encore des yaourts dont les ferments lactiques sont génétiquement modifiés pour produire la GFP (green fluorescent protein) : éclairé par une lumière bleue, le yaourt se colore en vert, et brille… Effet garantit en boîte de nuit.

L’idée est de favoriser l’accès à l’information qui nous constitue, nous et notre environnement. Aujourd’hui la biotechnologie est devenue routinière. On établit des diagnostics à partir du séquençage d’un génome, les OGM nous entourent. Or ce sont des termes difficiles à comprendre. L’information génétique est partout et personne ne peut y accéder.

Aujourd’hui la Paillasse veut être un laboratoire de biotechnologie ouvert et transparent. Les citoyens doivent avoir dans leurs mains un contre-pouvoir pour participer aux choix sociétaux concernant l’utilisation de ces technologies. D’ici 10 ou 15 ans nous aurons peut-être notre génome encodé sur notre carte Vitale. Si elles sont complètes, ce sont des informations qui peuvent être dangereuses puisque elles nous sont propres.

Une démarche qui a tout son intérêt semble-t-il, si l’on se fie au dernier sondage Le Monde/La Recherche, intitulé « Les Français et la science » : 25 % des Français ignorent ce que sont les nanotechnologies, dont les nanoparticules sont pourtant présentes dans certaines raquettes de tennis, rouges à lèvre, des crèmes solaire, produits d’entretien pour chaussures qui « nourrissent, protègent et ravivent les couleurs pour toutes les matières »… Autre constat, les Français se fient à la science, mais pas aux chercheurs. Et aux biohackers ?

Musique, maëstro

« Nous sommes ouverts aux nouveaux projets, tout le monde est bienvenu » (aux réunions hebdomadaires, à 20h tous les jeudis à la Gaité Lyrique, NDLR). L’accueil est chaleureux dans ce temple parisien des nouvelles technologies. On y parle beaucoup, et on boit quelques bières. Face à son ordi, Sam, neurohacker, à mi-chemin entre le Tmp/Lab et la Paillasse, teste son interface cerveau-machine.

Il mesure l’activité électrique de nos cerveaux grâce à un casque équipé d’une électrode, acheté 150€ sur Internet. L’infrarouge proche éclaire l’intérieur du cerveau et détermine sa consommation d’oxygène. En distinguant l’activité musculaire de notre gros muscle et ses ondes cérébrales, il peut modéliser celles-ci, en musique, grâce au programme, libre, qu’il a développé.

Cela permet de détecter les changements d’états mentaux. La suite de notes est pré-écrite, on change d’octave en fonction de l’activité du cerveau. Les sons aigus correspondent à la réflexion, les sons graves au repos.

L’idée, c’est d’interpeller les gens. On peut visualiser son état mental avec de la musique, on peut voir à l’intérieur du cerveau en quelque sorte, ce qui est interdit. Ce n’est pas le contrôle qui m’intéresse,  l’idée est de créer des choses intéressantes musicalement, de faire réfléchir les gens sur les émotions que peuvent produire leur cerveau, et réagir à celles-ci.

Allez, un petit son pour la route, avec Neurohack au repos, puis en activité :
Sleep by Owni Son
Activity by Owni Son


Images CC-BY-NC macowell et CC-BY-SA Mac, sons Neurohack /tmp/lab.

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Les Fab Labs, ou le néo-artisanat http://owni.fr/2011/05/29/les-fab-labs-ou-le-neo-artisanat/ http://owni.fr/2011/05/29/les-fab-labs-ou-le-neo-artisanat/#comments Sun, 29 May 2011 15:43:00 +0000 Vincent Truffy http://owni.fr/?p=65124 Dans Tintin et le lac aux requins, le professeur Tournesol invente un engin révolutionnaire : le photocopieur en trois dimensions. On met un objet d’un côté, un peu de pâte de l’autre et en un tournemain l’original est reproduit à l’identique. Une telle machine existe depuis quelques années sur un principe pas très éloigné de ce qu’avait imaginé Hergé.

On charge un modèle 3D dans la mémoire d’une imprimante qui, point par point, dépose des morceaux de colle, de plastique, de métal ou même de sucre selon les coordonnées spécifiées et recommence à l’étage suivant jusqu’à obtenir, par stratification, un objet en relief.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mais contrairement à la bande dessinée, aucun Rastapopoulos ne cherche à voler la RepRap (pour « réplication rapide ») parce que ses plans sont disponibles, librement, gratuitement, sous licence libre (GNU Public License), modifiables à volonté. Et que la machine sait même fabriquer ses propres pièces.

À vrai dire, il n’est pas absolument certain pourtant que le photocopieur de Tournesol, ou le synthétiseur de Star Trek ou un quelconque autre objet de science-fiction soit à l’origine des FabLabs. Il faut plutôt aller chercher du côté des obscurs cours d’éducation manuelle et technique où un professeur de collège en blouse bleue enseignait à utiliser la machine à coudre, la scie et la perceuse à des élèves qui n’en voulaient pas, persuadés que le savoir-faire les éloignait du savoir et que l’EMT les menait tout droit à l’enseignement professionnel.

Mais c’est un cours d’EMT deluxe, car il naît dans une grande université américaine, le Massachussetts Institute of Technology. Comme son nom l’indique, c’est la science appliquée qui est enseignée ici, et à un moment ou à un autre, l’étudiant doit réaliser le projet qu’il élabore. En 1998, le physicien Neil Gershenfeld prend donc la responsabilité d’un cours pratique de prototypage malicieusement intitulé « How to make (almost) anything » (Comment fabriquer (presque) n’importe quoi). On trouve dans son atelier de lourdes et coûteuses machines-outils capables de manipuler les gros volumes aussi bien que les atomes.

« Ils fabriquaient des objets pour un marché d’une personne »

Ses étudiants, apprentis ingénieurs mais sans bagage de technicien restent incrédules — « Ils demandaient: “Ça peut être enseigné au MIT ? Ça à l’air trop utile ?” », raconte Gerschenfeld. Mais très vite, il s’approprient le lieu, fabriquent un double des clés et reviennent nuitamment pour fabriquer « (presque) n’importe quoi », conformément à la promesse initiale. Beaucoup de petits objets à vocation plus artistique que technique. Une « scream buddy » [vidéo, en], par exemple, sorte de sac ventral qui étouffe le cri de colère lorsque celui-ci est inopportun, mais sait le libérer plus tard. Un réveil qui ne cesse de sonner que lorsqu’il s’est assuré que le dormeur est réellement réveillé… parce qu’il est capable de remporter un jeu contre lui… « Ils fabriquaient des objets pour un marché d’une personne », explique Gershenfeld.

Mais plutôt que de considérer ces réalisations comme de futiles broutilles, comme des errements potaches, l’universitaire s’aperçoit que ses étudiants ont réinventé l’échelon artisanal, celui qui se satisfait des matières premières locales et remplit des besoins particuliers que ne sait pas combler l’industrie, toute à son désir de s’adresser à une demande de masse, globale et indifférenciée.

En 2002, il ouvre le premier FabLab au MIT, doté d’un projet presque politique. D’abord, pose-t-il, « il s’agit de créer plutôt que de consommer » : la technologie est perçue comme un instrument d’émancipation. « La disparition des outils de notre horizon éducatif est le premier pas sur la voie de l’ignorance totale du monde d’artefacts dans lequel nous vivons, explique Matthew B. Crawford dans Éloge du carburateur (La Découverte). Ce que les gens ordinaires fabriquaient hier, aujourd’hui, ils l’achètent ; et ce qu’ils réparaient eux-mêmes, ils le remplacent intégralement. » Contre l’obsolescence programmé des biens de consommation, le savoir-faire ferait sortir de la dépendance :

Retour aux fondamentaux, donc. La caisse du moteur est fêlée, on voit le carburateur. Il est temps de tout démonter et de mettre les mains dans le cambouis…

Mais pourquoi faire soi-même ce que les professionnels fabriquent mieux et probablement pour moins cher ? Gerschenfeld rappelle la fameuse prédiction de Ken Olsen, fondateur de Digital Equipment, en 1977 : « There’s no need for a computer at home. » De la même façon, il n’y a aucune raison de disposer d’une usine à domicile, sauf si cela devient aussi anodin que l’informatique.

Au final, les centres de fabrication seront comme les PC, simplement des technologies dont les gens disposent.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les FabLabs vont au-delà de l’artisanat par leur capacité à exploiter le réseau : les usagers peuvent confronter leurs idées, les partager sur place comme à distance, les adapter à de nouveaux besoins et les améliorer sur le modèle du logiciel libre. Fabien Eychenne, chef de projet à la Fondation Internet nouvelle génération (FING) raconte par exemple qu’il a rencontré des élèves designers, disposant d’outils plus perfectionnés dans leur école, qui se rendaient dans un FabLab parce qu’on n’y était pas qu’entre designers.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le deuxième atelier a été ouvert en Norvège au-delà du cercle polaire, où les éleveurs de rennes avaient besoin de puces GPS bon marché pour localiser leurs animaux. Ce genre de besoins avec des enjeux très locaux, ne sont couverts ni par l’artisanat parce que trop techniques, ni par l’industrie parce que trop ponctuels et probablement non rentables. Gershenfeld a d’ailleurs obtenu une bourse de la National Science Foundation (NSF) pour organiser un réseau de FabLabs dans les pays du Sud : au Ghana (vidéo, en), pour fabriquer des filtres à eau, en Afghanistan pour reconstituer un réseau de télécommunications après la guerre, en Inde pour des instrument de diagnostics pour les moteurs de tracteurs, etc.

Il ne s’agit pas que d’une industrie du pauvre ou d’un mouvement de contestation du consumérisme. Chaque FabLab créé depuis que le réseau est lancé oriente son projet, lui donne une coloration: l’un plus artistique – le remix, le détournement, le sample appliqué aux arts plastiques –, l’autre plus militant – la base se réapproprie les outils de production –, le troisième axé sur l’innovation ascendante – on abaisse la barrière à l’innovation, de la même façon que le Web a abaissé la barrière à l’expression publique – ou encore écologique – la récupération, le recyclage.

À lire la charte des FabLabs, le business n’est pas absent :

« Des activités commerciales peuvent être incubées dans les Fab Labs, mais elles ne doivent pas faire obstacle à l’accès ouvert. Elles doivent (…) bénéficier à leur tour aux inventeurs, aux labs et aux réseaux qui ont contribué à leur succès. » A côté des open days où ils laissent les machines à la disposition de tous contre la promesse de reverser les innovations et les modèles à la collectivité, certains FabLabs proposent des journées privées, où l’usage des machines est payant, mais qui permet de développer rapidement des prototypes brevetables et de trouver un modèle économique. Ce faisant, c’est le brevet et le copyright qui finance l’innovation ouverte.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

A l’occasion de Futur en Seine (du 17 au 26 juin), la FING monte un FabLab temporaire à la Cité des sciences (niveau -1, carrefour numérique) pour familiariser le grand public avec ce néo-artisanat. Pendant les week-ends, les membres de la Fondation proposeront des visites et feront tester la découpe laser. Le mercredi, ils organiseront un FabLab Kids pour les enfants du quartier (avec notamment des expériences de circuits bending, c’est-à-dire le détournement des circuits électroniques des jouets pour leur faire faire autre chose que ce pourquoi ils sont prévus. Ils accueilleront des « makers » résidents appelés à réaliser en public les projets qu’ils ont déposés pour le Unlimited Design Contest et mèneront des actions de sensibilisation pour les industriels et les pouvoirs publics.

À lire : Makers : Faire société et Makers : Refabriquer la société
À voir : la conférence TED de Neil Gershenfeld

Merci à Véronique Routin et Fabien Eychenne, pour leurs renseignements.

Billet initialement publié sur Le bac à sable de Vincent Truffy, sous le titre « Fabulous Fab(Labs) »

Image de RepRap Flickr CC Paternité illustir

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Des frontières au bout du fil http://owni.fr/2011/01/11/des-frontieres-au-bout-du-fil/ http://owni.fr/2011/01/11/des-frontieres-au-bout-du-fil/#comments Tue, 11 Jan 2011 16:30:05 +0000 Hubert Guillaud http://owni.fr/?p=41897 Analyser des données téléphoniques peut-il nous permettre de mieux comprendre la pertinence de nos frontières administratives ? C’est la question que ce sont posés des chercheurs du département réseau et société du Senseable City Lab du MIT, de Cornell, de British Telecom et du collège universitaire de Londres dans une étude (vidéo) qui a comparé des données de télécommunications avec les frontières administratives britanniques. Leurs conclusions montrent que le cloisonnement politique existant se retrouve pour l’essentiel dans nos communications.

Image : De la cartographie des communications aux frontières régionales de nos échanges.

En analysant des milliards d’échanges téléphoniques, les chercheurs ont constitué une carte montrant l’intensité des échanges entre les différentes régions d’Angleterre, selon le volume des informations qu’elles échangent. Ils ont ensuite développé un algorithme permettant de diviser la carte en régions selon le volume des échanges permettant de mettre en avant le volume des connexions à l’intérieur d’une région par rapport au volume des connexions entre régions.

Coïncidence des interactions et de la partition administrative

Ils ont mis en évidence le fait que la partition des échanges correspondait pour la plupart avec les partitions administratives, géographiques et historiques existantes. A quelques exceptions près cependant : une partie du pays de Galles a de plus fortes relations avec des villes de l’ouest de l’Angleterre qu’elle n’en a avec le reste du pays de Galles…

“Cette étude nous permet de comprendre l’interaction entre les institutions géographiques et sociales que nous construisons”, estime Carlo Ratti, directeur du Senseable City Lab du MIT. En permettant de mieux identifier les régions réelles, c’est-à-dire telles que les gens les vivent dans leurs échanges et leurs déplacements, nous pourrions construire une meilleure gouvernance, estime le chercheur. Cependant, il n’est pas surprenant que le résultat de l’algorithme de partitionnement dessine un miroir des limites politiques actuelles de la Grande-Bretagne, souligne Carlo Ratti. Après tout, si les communautés ont été regroupées culturellement et politiquement depuis des siècles, cela leur donne également de bonnes raisons pour échanger des informations d’abord et avant tout en leur sein.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

En science des réseaux, les algorithmes de partitionnement sont pourtant souvent indifférents à la géographie : il serait ainsi parfaitement acceptable de réunir New York et Los Angeles à regarder le volume des données que les deux villes échangent. Ce n’est visiblement pas le cas en Grande-Bretagne.

L’analyse des flux d’informations ne redessinera pas les frontières administratives, bien sûr, mais elle peut être un outil dans la compréhension de leur pertinence ou de leur inexistence. On a hâte de voir une telle étude étendue aux régions françaises.

Article initialement publié sur InternetACTU sous le titre “Nos frontières politiques éclairées par nos échanges”.

Illustration CC FlickR: rbrwr

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