OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le prix de transfert, arnaque légale http://owni.fr/2011/04/12/le-prix-de-transfert-arnaque-legale/ http://owni.fr/2011/04/12/le-prix-de-transfert-arnaque-legale/#comments Tue, 12 Apr 2011 15:47:34 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=56417 Les comptables seraient-ils devenus les plus grands blanchisseurs de la planète, loin devant les trafiquants en tout genre ? A lire l’analyse du rapport d’audit réalisé sur les mines zambiennes de Mopani, plusieurs méthodes financières appliquées par les actionnaires soulèvent en tous cas des questions sur la qualité de la régulation financière mondiale. Et ses limites.

En résumé, Glencore International AG et First Quantum Minerals Ltd utilisent les techniques comptables suivantes :

  • Surévaluation des coûts d’exploitation : sur la seule année 2007, les auditeurs évaluent à 381 millions de dollars (sur 804 millions) le montant de ce surcoût
  • Sous-évaluation des volumes de production : l’analyse des recettes montre que les mines de Mopani ont un taux d’exploitation de moitié inférieur aux autres exploitants de la région
  • Manipulation des prix de transfert : pour la période 2003-2008, les auditeurs évaluent à 700 millions de dollars la perte comptable affichée dans les bilans de la société, par rapport à un modèle traditionnel d’exploitation

Ces trois techniques ont un objectif unique : faire en sorte de payer le moins d’impôt possible, en jouant sur les variations des règles fiscales internationales. Cela fait maintenant quinze ans que l’OCDE tire la sonnette d’alarme sur les manœuvres effectuées par les multinationales autour de ces fameux prix de transfert. La règle est simple : si ces échanges sont conformes au prix du marché, alors ils sont légaux, s’ils sont sur ou sous-facturés, alors ils sont illégaux. L’OCDE l’appelle le principe de libre-concurrence.

60% du commerce mondial est réalisé intra groupe

Initialement, le prix de transfert est une technique comptable qui permet de facturer, entre filiales d’un même groupe, des marchandises fabriquées dans un pays A et vendues dans un pays B. Elle a pour finalité de calculer la taxation de ces marchandises et de répartir l’impôt pays par pays, en fonction des opérations réalisées sur ces dernières. Exemple :

Une balle (pays A, coût 1 euro, taxé à 30%) – Une balle vendue (pays B, coût 10 euros, taxés à 30%)

Résultat : impôt acquitté dans le pays A + impôt acquitté dans le pays B

Depuis une quinzaine d’années, les groupes internationaux ont pris l’habitude de faire transiter (par un artifice comptable) leurs marchandises par le biais d’un pays tiers, la plupart du temps un paradis fiscal au sens originel, c’est-à-dire où la fiscalité pour les entreprises est proche de zéro. L’intérêt est de pouvoir imputer l’essentiel de la plus-value dans ce territoire fiscalement attractif. Reprenons notre exemple :

Une balle (pays A, coût 1 euro, taxé à 30%) Vendue à 2 euros (pays X, 0% d’impôt sur les sociétés) Revendue à 10 euros (pays B, taxés à 30%)

Résultat : impôt acquitté en pays A + impôt en pays X + impôt en pays B

Sur les dix euros « taxables », 8 vont en réalité échapper à tout impôt, au détriment de l’assiette fiscale des deux autres pays, qui devront se contenter de deux euros « taxables ». Ce phénomène est devenu une tendance lourde du commerce mondial, puisque 60% des échanges réalisés seraient aujourd’hui du commerce intra-groupe, entre filiales.

Des ventes inférieures aux cotations de Londres

Dans le cas de Mopani, le mélange des genres est au cœur des manipulations soupçonnées par les auditeurs. Le consortium appartient très majoritairement (73%) à Glencore International AG, basé dans le fiscalement édénique canton de Zoug en Suisse. Or, ce géant du trading des matières premières (minerais, gaz et pétrole) est aussi le principal acheteur du cuivre extrait par Mopani.

Le « Copper Marketing and Off-take agreement » remonte à 2001. Selon Mopani, il fixe les règles des ventes entre la société et Glencore UK Ltd. Glencore y est reconnu comme le seul agent commercial de Mopani. Le référent de cotation est celui du London Metal Exchang. Or, selon les auditeurs, rien dans la comptabilité de Mopani ne fait apparaître le respect de cet accord.

Pire : un chiffre retient l’attention. Alors qu’en 2004, le cuivre zambien était à 10% exporté vers la Suisse, en 2008, la moitié de sa production (la deuxième mondiale derrière le Chili) aurait pris la direction des alpages helvétiques. Une donnée jugée tout à fait incohérente par l’audit, laissant penser que la Suisse est utilisée comme plaque-tournante des prix de transfert de cette industrie.

CAC 40: 10% d’impôts, PME: 30% !

A bien regarder le montage juridico-financier qui assure aux deux groupes le contrôle des mines zambiennes, il apparaît que l’évasion/optimisation fiscale est au cœur de leur démarche. Rien d’étonnant de la part de Glencore, dont la réputation sulfureuse et le culte du secret l’ont mené plus d’une fois à la barre des tribunaux. Mais cela relève aussi d’un subtil choix technique, car il est beaucoup plus complexe pour une administration de détecter une fraude ayant pour support les prix de transfert. Pascal Saint-Amans, expert fiscal de l’OCDE, le justifiait ainsi l’an dernier au journal Le Monde :

L’abus des prix de transfert est un sujet à haut risque. Ils peuvent aussi servir de levier pour délocaliser de la matière taxable. (…) Les administrations fiscales sont extrêmement attentives et dures lorsqu’elles découvrent des infractions.

Depuis le 1er janvier 2010, le ministère de l’Économie et des finances exige des entreprises qu’elles détaillent leur méthode de calcul des prix de transfert. Une vigilance nécessaire qui permettra peut-être d’expliquer pourquoi les grandes entreprises ont un taux d’impôt effectif sur les bénéfices d’environ 10% , là où les PME s’acquittent d’un taux de 30%. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un bon comptable.


Photo Credits: Flickr CC mtsofan
Posters par Elsa Secco

Image de Une par Elsa Secco @Owni /-)

Retrouvez les autres articles de notre dossier sur Owni.fr et Owni.eu

Cinq ONG accusent Glencore et First Quantum de frauder le Fisc zambien par Federica Cocco [EN : NGOs report mining giants Glencore and Quantum alleging fiscal crime in Zambia]

La nationalisation bâclée des mines zambiennes par David Mwanambuyu

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La cyberguerre sans y toucher http://owni.fr/2011/01/19/la-cyberguerre-sans-y-toucher/ http://owni.fr/2011/01/19/la-cyberguerre-sans-y-toucher/#comments Wed, 19 Jan 2011 18:03:01 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=43046

Très peu d’événements en lien avec le cyberespace disposent d’une réelle capacité à causer un choc global.

C’est le constat sans appel que dressent deux chercheurs britanniques dans un rapport de 120 pages (PDF) commandé par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Comme le rappelle avec sagacité le New York Times, on recense aujourd’hui pas moins de 270 ouvrages sur “la cyberguerre”, formule consacrée. Avant d’éplucher les quintaux de pages que représente cet imposant corpus, il était plus que temps de fourbir les armes théoriques pour comprendre – et dédramatiser – le “jour d’après” que nous promettent certains experts.

En renversant la boîte de pétri des laborantins de la cyberfin du monde, Peter Sommer, professeur à la London School of Economics, et Ian Brown, de l’Oxford Internet Institute, vont-ils également renverser la hype, remplaçant les mines affolées par une moue dubitative? La tâche s’annonce ardue: sur les douze derniers mois, le même New York Times a parlé 90 fois de cyberguerre en utilisant le mot “cyberwar”, (101 pour le Washington Post, et 240 pour le Wall Street Journal – même caché derrière un paywall).

Et les articles ne sont pas les seuls à se multiplier comme des petits pains. Aujourd’hui, les États-Unis disposent d’un Cyber Command et d’un “cybertsar” à la Maison-Blanche, Howard Schmidt; le Royaume-Uni possède un Office for Cyber Security and Information Assurance; l’Union européenne a l’ENISA, son agence dédiée mais esseulée; l’Estonie a hérité d’un Cooperative Cyber Defence Centre of Excellence après les incidents de 2007; l’OTAN réfléchit à son propre quartier général (que voudrait récupérer la Corée du Sud); et on ne compte plus les CERT, ces centres d’urgence chargés de répondre aussi vite que possible aux tentatives d’intrusion dans les systèmes d’information.

Le but de la commande de l’OCDE est clair: “Dans quelle mesure des dangers numériques peuvent-ils être aussi destructeurs que des pandémies mondiales ou la crise bancaire?” Pourtant, derrière ses atours prospectifs, l’étude britannique s’appuie sur des structures et des protocoles préexistants. Aussi ses deux auteurs identifient-ils les deux points cruciaux qui régentent l’analyse en vogue. D’un côté, la création du World Wide Web au début des années 90, qui a sensiblement modifié les usages en les fluidifiant. De l’autre, le tournant des années 2000, quand une bonne part (50%, avancent les chercheurs) du PIB des États occidentaux s’est mis à reposer sur les NTIC. Loin des préceptes de la nouvelle économie, ce second élément vise surtout à démontrer la porosité des systèmes gouvernementaux, qui prêtent de facto le flanc aux cyberattaques.

Harder, Better, Faster, Stronger?

“Il y a cette espèce de compétition entre les auteurs, pour dire ‘mon histoire est plus effrayante que la tienne’”, regrette Peter Sommer. Avec son acolyte Brown, il préfère questionner la notion de persistance. Est-ce que les risques pointés par certains auteurs tels que le très médiatisé Richard Clarke, ancien conseiller à la sécurité de trois présidents américains successifs, sont vraiment des chausse-trappes dans lesquels nous sommes susceptibles de tomber à tout moment? Et pour y répondre, rien de mieux qu’un peu de dialectique issue de ce bon vieux Clausewitz, inventeur de la notion de “friction” et géniteur de la fameuse citation “la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens”:

La plupart des cyberattaques seront ciblées et courtes dans le temps [...] Finalement, comme dans toutes les guerres, vous devez penser à la finalité: comme les analystes thermonucléaires pendant la Guerre froide, vous devez vous demander, que restera-t-il?

Plutôt que de répondre à cette épineuse question, les deux chercheurs dégonflent l’hystérie ambiante en énonçant une lapalissade qui arrache un sourire:

A une échelle moindre, si vous voulez que votre ennemi capitule – comment pourra-t-il le faire si vous avez coupé tous ses moyens de communication et son système de décision?

Le retour de Stuxnet

L’étude soulève un deuxième point, encore plus complexe et lourd de conséquences: celui de l’attribution. Il y a quelques jours, en prenant sa retraite, l’ancien chef du Mossad Meir Dagan a relancé le débat sur Stuxnet, en suggérant très fortement qu’il s’agissait d’une arme de conception israélienne, développée avec l’aide des États-Unis et de certains pays européens dont l’Allemagne. “L’Iran ne sera pas en mesure d’avoir l’arme nucléaire avant 2015”, se félicitait-il. Dans la foulée, le New York Times y allait de son affirmation, en titrant “le ver Stuxnet utilisé contre l’Iran a été testé en Israël”. Étayé, cet article n’en reste pas moins déclaratif, comme les allégations israéliennes. D’ailleurs, selon certains spécialistes, le régime des mollahs pourrait “fabriquer une bombe d’ici trois mois”.

Dans ces circonstances, la cyberguerre ressemble moins à une menace armée qu’à une forme moderne de soft power, un outil utilisé dans les administrations et les états-major pour influencer les rapports de force. Meir Dagan est par exemple un opposant notoire à une attaque militaire contre l’Iran. En annonçant fièrement le terrain (supposément) gagné grâce à Stuxnet, il peut servir la position qu’il défend.

Il existe aussi une raison technique à cette difficulté d’identification et d’attribution. “Les revendications d’attaques, par des groupes affiliés aux gouvernement chinois ou russe par exemple, peuvent être contrées en rappelant que leurs ordinateurs peuvent avoir été infiltrés par des tiers, ou qu’il s’agit de l’initiative de hackers patriotiques isolés”, peut-on lire dans l’étude. Aux yeux de ses auteurs, “l’attaque Stuxnet, qui visait apparemment les installations nucléaires iraniennes, pointent autant les difficultés que le futur”.

Cinétique contre numérique

Mais l’identité de celui qui appuie sur le bouton n’est qu’une conséquence. Comme l’écrivent les chercheurs anglais, “L’un des avantages des armes cybernétiques sur les armes conventionnelles, c’est qu’il est beaucoup plus facile de créer une ambiguïté autour de l’individu qui lance l’attaque”. Pour Sommer et Brown, il faut étudier la cyberguerre à l’aune de son aïeule sans préfixe, pour déterminer sa portée:

Pour définir un acte de cyberguerre, il faut montrer qu’il était équivalent à une attaque hostile conventionnelle, dans son intensité, sa durée, son contexte [...] La première considération que nous devrions avoir, c’est la raison pour laquelle un État ou une entité voudrait partir en guerre. Dès lors que l’hostilité existe, il y a fort à parier que les pays ne se limitent pas à des armes conventionnelles. Les armes cybernétiques ne sont qu’un moyen additionnel de mener ces assauts.

Pour l’heure, de telles armes sont encore mal maîtrisées, comme l’attestent les dommages collatéraux du ver Stuxnet, encore lui. C’est peut-être la raison pour laquelle, en guise de conclusion, les deux experts considèrent une “cyberguerre pure” comme “improbable”. Dans un autre cas de figure, celui populaire des attaques par déni de service (DDoS), elles ne sont qu’une munition supplémentaire, sûrement pas le canon de l’arme. La faute à leur faible intensité et leur courte durée de vie. Et si finalement, la fameuse cyberguerre d’après-demain, celle qui mettra les pays à genoux, résidait dans ce déséquilibre? Avant d’imaginer les bombes informatiques, regardons d’abord exploser quelques petits pétards.

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Crédits photo: Flickr CC obeyken, superfem, fixedgear

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Les institutions internationales au secours de la retraite par capitalisation http://owni.fr/2010/10/26/les-institutions-internationales-au-secours-de-la-retraite-par-capitalisation/ http://owni.fr/2010/10/26/les-institutions-internationales-au-secours-de-la-retraite-par-capitalisation/#comments Tue, 26 Oct 2010 13:29:28 +0000 Sylvain Lapoix et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=33649 Du jour au lendemain, l’âge de la retraite de 1,3 millions de Britanniques a été repoussée au delà de la limite légale, sans qu’aucun débat n’ait lieu, ni qu’aucune loi ne soit adoptée. Il a suffi que la bourse s’effondre et que leurs fonds de pension la suivent dans sa chute : entre avril et juin 2008, selon l’Office national de la statistique, les jeunes retraités ont représenté 46% des créations d’emplois du pays. Une aberration mathématique d’abord interprétée comme un mouvement spontané des personnes âgées appréciant la “stimulation et le sens de l’accomplissement”. Censé renfloué le passif des fonds de pension, le Pension Protection Fund accusait alors 0,5 milliards de livres de déficit. En 2009, il avait plongé à -1,2 milliards.

L’âge de la retraite n’est pas un critère absolu : si les pensions sont insuffisantes, les retraités sont obligés de continuer à travailler, au moins à temps partiel

, tranche Lucy Aproberts, chercheuse rattachée à l’IDHE. La question de la retraite par capitalisation pose donc, autant que la limite légale, la question de l’âge de départ en retraite.

Et, à en croire l’OCDE, la crise aura fait bosser les sexagénaires : en 2008, le rendement nominal moyen des fonds de pensions s’étalait de -35% à 10% et celui des fonds de réserve de -30% à 5%. Autrement dit, certains États ont vu leurs retraites par capitalisation diminuer d’un tiers en un an. Des mécanismes de sécurité ont été envisagés, comme aux États-Unis avec le 401k (épargne retraite collective équivalente du Perco) mais sans grande conviction. Avec le retour des rendements, la peur de la crise s’éloigne et les gardes-fous deviennent des rabats-joie : “quand un avion s’écrase et qu’on retrouve la boîte noire, on se dit qu’on devrait construire tout l’appareil de la même manière, métaphorise un cadre d’un organisme gestionnaire. Le seul problème, c’est que, un avion fabriqué comme une boîte noire, ça ne vole pas !”

Si la commission pour les retraites britanniques en conclu que les systèmes privés ne sont plus suffisants pour assurer une retraite décente aux Anglais, l’OCDE continue à encourager les pays dans le développement de la retraite par capitalisation… alors qu’il pointe lui-même les conséquences catastrophiques de la crise sur les fonds de pension. “La Banque mondiale est dans les coulisses de la généralisation de la retraite par capitalisation depuis les expériences menées au Chili dans les années 1980, détaille Lucie Aproberts. Elle a ouvert la voie en Europe centrale et orientale aux banques et assurances occidentales dans les années 1990 et l’OCDE a relayé les mêmes recommandations.”

Sous le nom de “3è modèle”, les deux institutions ont recommandé la libéralisation totale des secteurs de l’assurance vieillesse au sortir du communisme, instaurant la plus grande zone de retraite par capitalisation du monde. Mais l’explosion de la bulle Internet dans les années 2000 impose bientôt un repli stratégique dans le discours : “la ligne des deux institutions étaient un peu doctrinal: en 2004, la Banque mondiale a changé son fusil d’épaule et ne parlait plus de comptes individuels par capitalisation mais de comptes notionnés à la Scandinave”, détaille un cadre d’organisme gestionnaire. Mais le mal était fait.

Alors que certains États d’Europe centrale et orientale envisageaient de revenir à des systèmes par répartition centralisés, le rapport Le point sur le marché des pensions de décembre 2008 de l’OCDE tançait les contrevenants à la bonne doctrine : “de telles décisions prises dans la précipitation ne font que renforcer le sentiment de panique et ne rendent pas justice à l’intérêt que présentent les systèmes de pensions privées sur la durée d’une vie pour les participants.” L’interprétation de l’organisation : ceux qui ont subi le revers de la crise ont eu le tort de vendre trop tôt. S’ils avaient conservé leurs actifs, ils auraient pu profiter du rebond.

L’Allemagne, en revanche, a été saluée pour ses mesures en faveur de la capitalisation : depuis la réunification, les allemands ont mis en place de nombreuses réformes du régime des retraites dont la plus significative reste la réforme Riester votée en 2001 sous le gouvernement Schröder. Cette loi introduit des systèmes de retraite par capitalisation dans le système général et prévoit une baisse du taux de remplacement net jusqu’à 43% en 2030 qui devra être compensée par des contrats de retraites par capitalisation.

Face à la crise, le choix de l’Allemagne a été moins doctrinal que politique : afin de conserver la compétitivité de son industrie, le gouvernement a choisi de ne pas augmenter le taux de cotisation au delà de 22%. Pour compenser la baisse du taux de remplacement, l’État fédéral a joué carte sur table : cette réforme propose une substitution d’une part du régime de répartition par une dose de capitalisation.

Au delà des risques induits par les aléas boursiers, les systèmes à cotisation définie (CD, comme le 401k américain ou le Perco français), les plus répandus, font porter tout le poids du risque sur les épaules des salariés, par opposition aux systèmes à pension définie, qui obligent celui qui verse à abonder (l’employeur ou l’État). Côté banques et assurances, les perspectives sont florissantes: selon une étude Aviva (numéro 6 de l’assurance dans le monde), le “pension gap” à combler pour garantir un niveau de vie correcte aux retraités Européens s’élèverait à 1900 milliards d’euros par an. Face à ce trou béant, Andrea Moneta, directrice Europe d’Aviva a fait part de son désir de s’adresser aux politiciens “à tous les niveaux car les idées à mettre en place ne manquent pas.”

Voilà au moins une crise qui fait des heureux.

Illustration FlickR CC : acameronhuff

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Propriété intellectuelle et évasion fiscale http://owni.fr/2010/01/29/propriete-intellectuelle-et-evasion-fiscale/ http://owni.fr/2010/01/29/propriete-intellectuelle-et-evasion-fiscale/#comments Fri, 29 Jan 2010 17:32:43 +0000 Philippe Quéau http://owni.fr/?p=7398 GVEL_east_gaussave_111km_moll_small1Il y a un angle fort peu traité (publiquement) en matière de propriété intellectuelle, c’est celui de son rapport avec l’évasion et la fraude fiscales. Voici quelques faits éloquents à ce sujet. Selon l’OCDE plus de 60% du commerce international se fait entre des filiales d’un même groupe basées dans des pays différents. Il est donc extrêmement facile et tentant de manipuler les « prix de transferts » d’actifs vendus par des filiales de pays à fiscalité « normale » vers des filiales du même groupe enregistrées dans des pays à fiscalité très faible, voire inexistante. Les actifs ainsi cédés échappent du même coup à tout impôt.

Parmi les actifs utilisés à cette fin (l’évasion fiscale à grande échelle), ce sont les biens immatériels qui sont les plus faciles à manipuler, et notamment les brevets, les logiciels « propriétaires », et toutes les formes d’acquis immatériels pour lesquels n’existent aucun prix de marché — et pour cause: ils sont développés par les entreprises précisément pour servir de véhicule à la fraude et à l’évasion fiscales. Selon Le Monde daté du 28 janvier 2010, le Congrès des Etats-Unis a chiffré à 100 milliars de dollars annuels la perte fiscale due à l’évasion de ces « actifs » vers les paradis fiscaux, évasion dont une très grande part est liée à la manipulation des « prix de transferts ».

Cette « criminalité extraordinairement complexe à détecter et à poursuivre » (selon Mme Eva Joly, eurodéputée écologiste) ne cesse de prendre de l’ampleur. On estime ainsi qu’en France les grandes entreprises ne paient qu’environ 10% d’impôts sur leurs bénéfices, en moyenne, alors que les PME, qui ne bénéficient pas des mêmes relais paradisiaques, en paient 30%.

On voit donc à quel point la manipulation, l’évasion et la fraude sont généralisées, en toute impunité apparente, pour ceux qui savent exploiter à grande échelle les failles systémiques des Etats.

Il y aurait bien sûr des débuts de solutions, si la volonté politique était là. Par exemple, on pourrait durcir considérablement les règles de la vente d’actifs relevant de la « propriété immatérielle » entre filiales, sous quelque forme que ce soit.

Plus profondément, on pourrait s’attaquer au dossier encore plus stratégique de la définition même de la notion de « propriété intellectuelle », et de la perversion dont cette notion ne cesse de faire l’objet. Au moment où les parlementaires de divers pays, censés défendre « l’intérêt général », ne cessent d’octroyer, au dépens de ce qu’on pourrait appeler le « domaine public des informations et des savoirs », de nouveaux droits de propriété sur des entités qui semblaient hors d’atteinte de toute privatisation (comme les données brutes, les faits, les idées, les algorithmes, les méthodes de « business », etc.), il serait utile de poser la question de l’impact exact du renforcement actuel de la propriété intellectuelle sur l’évasion et la fraude fiscales.

De même que la criminalisation de la consommation d’alcool pendant la prohibition n’a fait que renforcer les maffias, de même l’extension continue de l’appropriation intellectuelle a comme effet collatéral de renforcer la fraude fiscale à l’échelle mondiale.

Le public, dont l’intérêt est bien mal défendu, se contente pour l’instant de rester sous-informé, manipulé et infantilisé.

» Article initialement publié sur Metaxu

» Image d’illustration en page d’accueil par 1suisse sur Flickr

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