OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les data en forme http://owni.fr/2012/06/19/les-data-en-forme-episode35/ http://owni.fr/2012/06/19/les-data-en-forme-episode35/#comments Tue, 19 Jun 2012 14:05:25 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=113923 Owni.]]>

Une data viz en Une du Monde lemonde.fr/journalelectro…
— Eric Scherer (@EricScherer) Juin 11, 2012

Puisqu’on vous dit que vous êtes au bon endroit ! La “data” est partout, elle est même en “une” du Monde papier (bon, elle est un peu biaisée, mais l’idée est là) et ça ne va pas s’arranger. Rien que pour cette semaine, on vous parle vite fait de trois actualités Owni avant de passer à la veille proprement-dite.

Owni Actu

Primo, votre chronique hebdomadaire des Data en forme (35e épisode sous vos yeux) est désormais en “vedette” du Parisien (papier + web) le week-end. Alors oui, c’est un condensé, un extrait, un florilège, et ça vient quelques jours après la parution originelle de la veille des journalistes de données d’Owni. Mais on ne boude pas notre plaisir qu’un sujet a priori calibré pour les geeks et autres énergumènes à la marge figurent dans un canard aussi populaire, aussi grand public, aussi “mainstream” (brrrr) que Le Parisien. On va faire les Gramsci de bazar, là, mais la culture à portée de tous, etc.

Secundo, Owni soutient à 200% depuis hier et pour toute cette semaine une remarquable opération de journalisme participatif, ou média citoyen selon les goûts, bref de crowdsourcing : l’Opération Sodas des amis d’Open Food Facts (OFF).

Le principe de cet #opensoda d’OFF est très simple : libérer les informations nutritionnelles contenues dans ce que nous consommons chaque jour. Aujourd’hui, la transparence de ces informations est loin d’être acquise, notamment à cause des gentils lobbys qui s’occupent de pouponner notre santé. Avec Owni et TerraEco, OFF va changer la donne, en rendant parfaitement transparentes ces informations écrites en tout petit sur les emballages de notre quotidien, et cette opération à destination du bien-être général sera principalement propulsée par ses heureux bénéficiaires : les citoyens eux-mêmes.

Commençons donc avec les boissons gazeuses sucrées qui jalonnent notre petit parcours de consommateur : caramel et aspartame cancérigènes ? Sucres responsable de l’obésité ? Bulles qui piquent le ventre à en dévorer un steak ? À nous de jouer !

Tertio, Marie Coussin sera sur la scène ce mardi soir d’un Data Tuesday spécial #dataviz – dans le cadre de la manifestation Expoviz que nous vous avons déjà relatée. Marie y présentera le Véritomètre, plate-forme Open Data de vérification de la parole politique (“fact checking“) qu’Owni a réalisée avec i>TELE durant la présidentielle et qui a largement occupé les jours et les nuits de Paule d’Atha.

Infographie partout

Restons sur cette merveilleuse (et ancestrale) technique de visualisation de l’information. Dans notre sélection de la semaine – puisqu’il faut faire un choix – nous vous suggérons de vous pencher sur quatre projets très réussis.

Le premier est l’oeuvre de Power2Switch, une start-up de Chicago qui propose un outil de comparaison des différentes compagnies d’électricité et offre la possibilité au consommateur final de comprendre enfin ce qu’il paie grâce à un modèle de facture parfaitement original et inédit.

Le but : pas uniquement de faire joli, mais de parvenir à responsabiliser (et à faire économiser) le client en lui donnant une bien meilleure visibilité sur l’énergie qu’il consomme.

Le deuxième projet est l’oeuvre de Hyperakt pour la Fondation Thomson Reuters à l’occasion du G20. Après avoir pondu une série d’infographie l’an dernier afin de visualiser les cinq pays les plus dangereux de la planète, ce studio de design new-yorkais indépendant a remis le couvert avec les mêmes commanditaires pour mettre en lumière le “top 20 des meilleurs et des pires pays du G20 pour les femmes”.

Comme on peut s’y attendre, la France ne présente pas un visage époustoufflant – notamment sur les questions de représentation de la femme dans les instances et corps dirigeants du pays – mais en décrochant une 5e place derrière le Canada, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Australie, elle est en plus agréable posture… que l’hôte du G20 cette année, le Mexique, 15e du classement avec ses 300 femmes assassinées à Juarez l’an passé en toute impunité ou ses 25% de femmes abusées sexuellement par leur partenaire.

Le troisième travail choisi est une infographie (en anglais, encore une fois) déjà passée dans notre viseur mais qui circule de nouveau, démontrant qu’en matière de médias nous n’avons que “l’illusion du choix”. Où l’on y visualise, par exemple, que 90% des médias US étaient détenus en 1983 par 50 entreprises différentes, alors qu’aujourd’hui le contrôle est détenu par six mastodontes – dont le chiffre d’affaires annuel dépasse allègrement le PIB de la Finlande. Six géants qui gèrent aussi 70% de ce qui passe à la télé.

Où l’on y voit que la fusion de Comcast et NBC leur assure le contrôle de 20% des heures disponibles et le monopole de 11 marchés entiers dont New York et Chicago ; que 178 millions de personnes s’informent chaque mois avec des journaux appartenant à Time Warner ; que News Corp détient les plus gros journaux sur trois continents et ont “évité” de payer 875 millions de dollars en 2010 – ou encore que Clear Channel possède 1 200 stations de radio tandis que la loi lui interdit d’en posséder plus de 40, et que dans le Dakota du Nord elle possède même localement l’intégralité du réseau. Bref, une infographie qui est jolie et qui informe, et qui fait donc son boulot.

Dernière idée partagée cette semaine en matière de visualisation statique, celle du CV infographique. Le concept est au coeur d’une cogitation et d’une ferveur (ou inversement) depuis pas mal de temps, notamment avec une plate-forme comme Visualize.me. Ce précurseur se connecte à votre compte Linkedin pour vous pondre une représentation “épurée” (voire zen, hein) de votre parcours professionnel sous la forme d’une frise chronologique qui aurait avalé un mobile de Calder.

Dans le genre plus abouti – et surtout plus participatif – il existe donc, désormais CVgram. Alors attention : les goûts, les couleurs. Autant pondre un curriculum vitae ultrastylé pour en balancer plein les mirettes de son futur employeur, qui appréciera votre côté 2.0 (voire 3.0), pourrait être une merveilleuse idée, autant CVgram est également l’outil parfait pour réaliser un CV vraiment très très moche.

Tout est une question de finesse et de calibrage. Car – on le remet ici – une infographie qui fait son boulot est une infographie qui est jolie et qui informe. A bon entendeur, n’hésitez pas à vous inspirer chez les collectionneurs de CV infographiques, ce sont eux les spécialistes du bon goût (#oupas).

Streets of Philadelphia

Paule d’Atha est parfois sollicitée par des étudiants au cours de la rédaction de leur mémoire portant sur le journalisme de données. S’il est une question qui revient, souvent, c’est celle de la “nouveauté” du métier de data-journalist et précisément de la représentation “graphique” de l’information. Et la réponse, la même, inexorablement : bien sûr que non. Nous ne faisons qu’offrir un courant d’air frais et une régénérescence à une pratique qui existe depuis des lustres.

Pour preuve, ces cartes de la seconde moitié des années 30, qui démontrent comment, à cette époque, déjà, des firmes immobilières établissaient une cartographie discriminante (“redlining maps”) et comment cette pratique pourrait expliquer en grande partie la ségrégation résidentielle des grandes villes – ici aux États-Unis, à Philadelphie – mais l’idée est évidemment valable dans toutes les métropoles du monde.

Ciblée sur cette époque particulièrement critique, ce travail de cartographie discriminante déroule le spectre d’un racisme institutionnalisé : des zones à “prédomination” “italiennes”, “de couleur”, “juives” et des classes sociales (classées de “décadentes”, soit plus bas que les plus bas, jusqu’aux “classes les plus hautes”). Et la finalité, unique : cerner les quartiers “indésirables” afin de diriger les populations vers des bassins d’habitation qui “conviennent” à leur “groupe”.

Un bon gros pétage en règle du concept moderne de mixité sociale, poussé à l’extrême par ces Etats-Unis ségrégationnistes d’avant-guerre, puisqu’on découvre à travers ces cartes discriminantes qu’elles étaient accompagnées d’une autre “merveilleuse” pratique pleine d’humanité : note ton voisinage. Des “travailleurs” à “prédominance italienne” avec une “infiltration” de “nègres” : classe D. Les bailleurs et propriétaires s’y retrouveront pour éviter que les “nègres” en question puissent acheter leur maison, ou alors ailleurs.

Soyons sport

Une fois n’est pas coutume – et pour sauter du coq à l’âne – il nous est impossible de passer sous silence deux visualisations de données ayant trait au sport. Parce qu’elles le valent bien.

La première application est une version nettement améliorée (mais sans doute avec des moyens financiers très différents) de ce qu’Owni avait réalisé l’an dernier avec Eurosport autour du mercato de football. Cette année, une idée très semblable accompagne l’Euro2012 de l’UEFA : traquer le bruit généré sur Twitter par l’ensemble des joueurs participants à la compétition, une idée développée par la société Intactile Design avec l’aide de la technologie de Syllabs, une start-up française spécialisée dans l’analyse sémantique sur le web.

Aspect “social” couplé avec une grosse boîte à data (Opta, leader sur le marché), donne un résultat final (pour qui aime le foot, s’entend) qui s’appelle Stats n’Tweets et qui est plutôt convaincant : au moins l’application est-elle divertissante, ce qui est sans doute son objectif principal.

La seconde application cause basket US (NBA) mais elle joue, pour sa part, plutôt dans la Ligue des Champions de la data. Le méfait a été commis – pour changer – par trois journalistes de données du New York Times et l’analyse réalisée par un professeur… de géographie.

Le concept : démontrer grâce à un traitement de cartographie calorimétrique dans quelle zones du terrain les équipes finalistes de la NBA et leurs joueurs vedettes sont les plus dangeureux. C’est propre, c’est intelligent, c’est abordable aux profanes, c’est jQuery + CSS : c’est tout ce qu’on aime.

Effet papillon

Nous refermons cette veille hebdomadaire grâce à une vidéo dénichée par Eric Scherer, qui est “une infographie animée japonaise réalisée à partir de données publiques et illustrant l’activité sismique mondiale en 2011”. Le mois de mars au Japon se passe de commentaires.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Excellente data-semaine à tous !

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[interview] Le modèle des prisons ouvertes http://owni.fr/2010/11/23/itw-le-modele-des-prisons-ouvertes/ http://owni.fr/2010/11/23/itw-le-modele-des-prisons-ouvertes/#comments Tue, 23 Nov 2010 12:27:15 +0000 Julien Goetz http://owni.fr/?p=36676 Il existe aujourd’hui en France une prison qui n’est pas sur le modèle “traditionnel” des prisons fermées. Elle est en Corse, à Casabianda. C’est une prison construite sur un modèle ouvert. Tel que décrit lors du Congrès Pénal et Pénitentiaire International de La Haye en août 1950:

Le terme « établissement ouvert » désigne un établissement pénitentiaire dans lequel les mesures préventives contre l’évasion ne résident pas dans des obstacles matériels tels que murs, serrures, barreaux ou gardes supplémentaires.

Le modèle existe depuis plus de deux siècles et s’est répandu largement en Europe ces dernières décennies. Au Danemark ou en Finlande par exemple, plus de 30% des places du système carcéral sont en régime pénitentiaire ouvert, presque 25% en Suède, 16% en Suisse, 8% en Angleterre et au Pays de Galles. Et en France ? 0.37%.

En mars dernier, un rapport a été rendu au Ministère de la Justice à propos de ce régime particulier des prisons ouvertes, notamment sur la faisabilité de son développement au sein du parc pénitentiaire français. Interview avec Paul-Roger Gontard, auteur de ce rapport.

Historiquement, d’où vient le modèle des prisons ouvertes ?

Il serait né, d’après mes recherches, en Espagne dans le premier tiers du XIXieme siècle. C’est un espagnol qui aurait ouvert la première prison ouverte, au début des années 1830. Ensuite, un anglais expérimentera ce modèle dans une petite île, Norfolk Island, qui est bloquée entre la Nouvelle Zélande et la Nouvelle Calédonie. Elle avait la particularité d’accueillir les pires détenus d’Angleterre.

À cette époque là, on pratiquait encore la déportation, les détenus anglais étaient envoyés en Australie et ceux qui n’arrivaient pas à s’implanter et commettaient de nouveaux crimes étaient envoyés sur Norfolk Island. On les appelait les deux fois condamnés et pourtant, malgré cette particularité de détenus plutôt difficiles, c’est une des premières prisons ouvertes qui s’est installée sur cette île avec cette population pénale.

C’est un modèle très ancien, l’un des premiers modèles pénitentiaires. Il arrive quelques dizaines d’années après ceux de Philadelphie et d’Auburn. C’est un modèle très ancien et qui a fait ses preuves depuis très longtemps.

Quels sont les enjeux de ce type d’établissements ?

Les établissements qui utilisent le régime ouvert de détention ont en gros 4 gros avantages. Le premier c’est l’humanisation de la détention. Ce modèle d’établissement favorise le respect de la dignité humaine, des droits des détenus plus facilement que tout autre type de prison.

Ensuite, la réinsertion. C’est un établissement qui, par son fonctionnement, est propice au travail des détenus, à la formation, aux soins et, compte tenu de son fonctionnement qui est basé sur la normalisation – se rapprocher le plus possible de la vie libre – permet de réhabituer chaque individu à un quotidien avec des horaires, des contraintes, des objectifs, un travail en commun. Ce qui favorise évidemment la réinsertion.

C’est un modèle de prisons qui permet de dédommager plus facilement les victimes puisque le travail a une place extrêmement prépondérante. Les détenus sont incités à commencer à payer leur parties civiles lorsqu’ils passent une partie de leur détention dans une prison ouverte.

Enfin, c’est un mode d’établissement que l’on peut qualifier d’économique. Non seulement il coûte moins cher puisque les coûts d’encadrement sont souvent inférieurs aux autres types de modèle pénitentiaire. Les infrastructures sont beaucoup plus souples, moins imposantes : pas de murs, pas de glacis, pas de filets anti-hélicoptères. Donc tant par la construction que par son fonctionnement, c’est un mode de détention plus économe. Qui plus est, lorsque le fonctionnement de cette prison est basé sur une activité économique, c’est une prison qui peut rapporter de l’argent à la collectivité.

Comment les détenus que vous avez pu rencontrer vivent-ils ce passage en prison ouverte ?

Tout d’abord, ils se rendent compte le plus souvent que l’incarcération dans une détention de ce type est une exception et que comme toute exception, il faut prendre garde à ce qu’elle ne disparaisse pas pour eux-même ou pour les autres. Ils se rendent compte qu’il y a des règles à respecter et que si ces règles ne sont pas respectées par eux-même ou par les autres membres de la communauté pénitentiaire, on risque soit de les renvoyer eux-même dans des prisons fermées, soit de limiter les libertés que l’on peut trouver dans des prisons ouvertes.

C’est important de se rendre compte qu’ils s’approprient souvent le modèle et de considérer qu’ils considèrent que c’est une chance pour eux d’être dans une prison ouverte. Ils en tirent donc un bénéfice conscient.

Il y a un détenu qui m’a dit un jour : “on ne redresse pas un clou rouillé en le mettant dans une boîte fermée”. J’ai trouvé que le message était intéressant. Il considère que ce n’est pas en mettant quelqu’un dans neuf mètres carré, enfermé vingt-trois heures sur vingt-quatre, que ce n’est pas ce mode là qui va permettre à un individu de se redresser, de redevenir un homme libre, un homme conscient de sa responsabilité et conscient de ses choix, conscient des conséquences de ses actes.

Le régime d’exception est donc le garant de la réussite de ce type d’établissement ?

C’est certain. On ne peut pas imaginer que tout le champ pénitentiaire soit dans ce modèle là. Par contre, une proportion même sensible comme dans les pays du nord de l’Europe – ça peut être jusqu’à un quart voir un tiers de la détention – est propice à rendre compte de l’exception que c’est dans le champ pénitentiaire tout en permettant au plus grand nombre, en tout cas tout ceux qui peuvent en bénéficier, d’accéder à ce régime là.

Quels seraient les critères de sélection pour accéder à ce régime ?

Il y a deux grands ensembles de critères : les critères matériels et des critères individuels. Les critères matériels sont par exemple le quantum de peine (la durée de la peine qui a été prononcée par le juge) ou le reliquat de peine. On a en France, par notre code de procédure pénale, tout un dispositif d’aménagement de peine à partir d’une certaine durée qui rend accessible pour les détenus finalement plus une vie libre qu’un régime de détention fermé.

À ces deux éléments vous en rajoutez un troisième qui est, dans certains pays, le facteur infractionnel (quelle est l’infraction qu’a commis le détenu ?). Par exemple en Autriche, les détenus incendiaires ou les détenus pour infraction sexuelle ne sont pas autorisés à intégrer les prisons ouvertes.

Ensuite il y a des critères plus individuels qui nécessitent des évaluations, notamment la dangerosité du détenu, son parcours pénitentiaire, son volontariat (il faut être volontaire pour intégrer une prison ouverte), son comportement vis-à-vis de l’infraction qu’il a commis ou vis-à-vis des parties civiles.

Je vais vous donner un exemple. En Pologne, pour pouvoir rentrer en prison ouverte, pour les peines de perpétuité, il faut avoir exécuté au moins vingt ans de détention. En France, nous n’en sommes pas du tout à ces réflexions là, mais c’est pour vous donner des critères qui peuvent exister. On peut estimer par exemple que, pour les peines de réclusion criminelle, une exécution de la moitié de la peine en prison fermée pourrait être exigible.

Ce sont des principes qui doivent mériter des exceptions. Chaque cas est particulier et chaque dossier mérite d’être étudié individuellement. Poser ce principe, c’est finalement plus pour arriver à se donner un indicateur chiffré du nombre de détenus éligibles à ce régime que de dire “on exclura d’office tous ceux qui ne remplissent pas ces critères”.

D’après votre étude, combien de détenus seraient éligibles en France ?

Je me suis simplement basé sur les infractions et sur les reliquats de peine qui sont les indicateurs les plus faciles. En ce qui concerne les reliquats de peine c’était supérieur à deux ans et dont les infractions ne remplissent pas certains critères (infractions liées à la criminalité organisée, celles liées à des faits de violences, de dégradations volontaires, les infractions sexuelles qui ne sont pas commises dans le milieu intra-familial…).

Tout ces critères m’ont permis d’estimer à plusieurs milliers le nombre de détenus français éligibles théoriquement à ce régime. En retenant simplement 10% de cette masse comme pouvant être volontaire pour intégrer le régime pénitentiaire ouvert, j’ai estimé que l’on pourrait ouvrir assez aisément trois ou quatre nouveaux établissements pénitentiaires de ce régime. Chacun pouvant accueillir 150 détenus.

Vous parlez de volontariat, pouvez-vous m’en dire plus sur ce point ?

Le régime des prisons ouvertes fonctionne avec des contraintes non-négligeables. Devoir se lever le matin à 6h30 pour aller couper des sternes de bois, comme c’est le cas par exemple à Casabianda, tous les détenus ne sont pas prêts à le faire. Il y a des détenus qui considèrent que passer vingt-trois heures sur vingt-quatre dans l’oisiveté est parfois plus acceptable que de devoir travailler toute la journée.

C’est quelque chose d’inquiétant pour une société comme la nôtre d’avoir des individus autant désocialisés et autant marginalisés par rapport aux canons des comportements sociaux que l’on est en droit d’attendre mais c’est la réalité. Notamment dans des public plus jeunes et qui n’ont jamais véritablement eût accès à une activité économique, à un travail.

Aller en prison ouverte c’est accepter de travailler, d’avoir des horaires, d’avoir parfois des objectifs de production et le plus souvent (et c’est un facteur de resocialisation) de travailler en équipe avec des responsables qui vous donnent des obligations et qui vous responsabilisent. Tous ces facteurs là font qu’il y a des détenus qui disent “moi ça ne m’intéresse pas”.

Est-ce un modèle d’établissement compatible avec le champ pénitentiaire français ?

Le fait que Casabianda existe, le prouve. Sinon on en n’aurait aucune. Elle existe depuis soixante ans et depuis soixante ans il y a eu d’autres expériences ouvertes qui ont duré plusieurs années, voire plusieurs dizaine d’années.

Notre champ pénitentiaire est adapté à ce type d’établissement. Les choix politiques ont été simplement différents d’un pays à l’autre en Europe et nos choix politiques ont été le plus souvent de favoriser l’exécution des peines en milieu ouvert et non pas en prisons ouvertes. C’est la nuance qui explique que certains pays ont plus adopté les prisons ouvertes que d’autres. Si l’on ajoute à ça un fond culturel qui favorise ce modèle dans les pays du nord de l’Europe et vous comprenez pourquoi la France est passablement en retard par rapport à la moyenne européenne.

Sur le plan réglementaire, il y aurait quelques modifications qui rendraient le développement plus facile mais encore une fois s’il y avait des obstacles, Casabianda ne pourrait pas fonctionner.

Une distinction qui existait par le passé faisait que les centres de détention en régime ouvert étaient distincts des centres de détention en régime fermé dans le code de procédure pénale. Rétablir cette distinction mettrait en exergue qu’il y a deux types de prisons d’exécution de peine qui peuvent exister sur le territoire français.

Faire également un travail de dépoussiérage de certains articles du code de procédure permettrait de réadapter notamment l’utilisation des moyens de sécurité dans les prisons. Mais objectivement, si Casabianda existe, il n’y a pas d’obstacle ni légal, ni réglementaire au fonctionnement des prisons ouvertes en France.

Peut-on comparer le PSE (Placement sous Surveillance Électronique) et prisons ouvertes ?

C’est une question de profil. On peut considérer que certains individus sont plus aptes à réintégrer tout de suite le milieu ouvert et que d’autres pourraient passer par le sas de la prison ouverte avant de réintégrer la vie libre. La prison ouverte s’entend comme une étape entre le régime fermé et le monde libre. Elle est parfois même la base d’aménagements de peine.

C’est d’ailleurs son origine institutionnelle. Quand, au milieu du XIXieme siècle, Walter Crofton institue la prison ouverte dans le régime pénitentiaire irlandais, c’était la base de la libération conditionnelle. Un libéré conditionnel ne pouvait obtenir ce type de libération là qu’à condition d’être passé par le troisième degré pénitentiaire qui était une prison ouverte.

Aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’un modèle est mieux ou moins bien que l’autre entre le PSE ou la prison ouverte. C’est simplement en fonction d’un profil de détenu. Il faut le plus possible diversifier les offres d’exécution de peine pour que chaque individu trouve celle qui est la plus adapté à son profil.

Votre étude est sortie au printemps dernier, qu’en est-il en terme de volonté politique depuis ?

L’ancien secrétaire d’État à la Justice, Jean-Marie Boeckel, a missionné l’administration pénitentiaire pour lui faire des propositions concrètes. À l’horizon 2015 – 2017, il y a un nouveau programme immobilier et c’est dans le cadre de ce programme que l’administration pénitentiaire a proposé d’inclure les prisons ouvertes.

Actuellement, elle travaille sur l’élaboration d’un modèle d’interprétation à la française des prisons ouvertes pour qu’à l’horizon 2015 – 2017, un, deux ou trois établissements voient le jour avec ce fameux régime pénitentiaire ouvert, qu’ils soient autonomes ou rattachés à une prison fermée.

Crédits photos cc FlickR : Thomas Hawk, Funky64 (www.lucarossato.com), ƅethan.

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