OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les barbouzes de l’e-réputation http://owni.fr/2012/04/24/une-cyberguerre-contre-usa-today/ http://owni.fr/2012/04/24/une-cyberguerre-contre-usa-today/#comments Tue, 24 Apr 2012 16:35:18 +0000 Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=107570 USA Today ont été victimes d'une violente campagne de dénigrement sur Internet, afin de les décrédibiliser, avant publication de leur article.]]>

Aux États-unis, deux journalistes du quotidien USA Today ont lancé un pavé dans la mare. Ils affirment avoir été la cible d’une campagne de dénigrement visant à détruire leurs réputations professionnelles sur la toile. Leur tort, avoir enquêté sur des sociétés privées, suspectées d’être employées par le département américain de la défense pour mener une guerre de propagande.

Début 2012, Tom Vanden Brook et Ray Locker s’engagent sur un terrain miné : les campagnes de propagande menées en Afghanistan ou en Irak par des cabinets de communication spécialisés travaillant pour le Pentagone.

Ces “psyops” sont comparables à des opérations d’influence, voire de manipulation, réalisées auprès des populations des pays dans lesquels est déployée l’armée américaine afin d’influencer la population par le biais de messages de propagande voire de manipuler l’opinion public pour faciliter les opérations militaires. Les deux journalistes supposent que la facture de cette guerre de propagande pourrait être salée pour le contribuable.

Compte-tenu du secteur au sein duquel leur enquête évolue, les deux journalistes sont repérés dès les premières prises de contact avec les sociétés engagées dans le programme du Pentagone, comme Leonie Industries qui a passé de juteux contrats avec l’US Army. Le sujet est suffisamment sensible pour que soit décidé de calmer ces deux journalistes un peu trop fouineurs.

Ainsi, le 7 janvier dernier, seulement deux semaines après les premiers coups de fils, les sites TomVandenBrook.com puis RayLocker.com sont créés. Rapidement, des comptes Facebook et Twitter eux aussi faux, viennent compléter le dispositif de propagande.

Ceux qui s’en prennent aux deux journalistes possèdent suffisamment de compétences en informatique pour masquer leurs identités à grands coups de serveur proxy et utilisent des adresses fictives localisées dans le Colorado. Les deux faux-sites s’emploient à altérer les réputations des vrais Tom Vanden Brook et Ray Locker en les accusants de travailler pour le compte des talibans. Cette première “e-agression” confirme au tandem qu’il se trouve sur une piste certes sinueuse mais néanmoins prometteuse. Ils décident de poursuivre.

Devant la témérité des gêneurs, une deuxième salve est tirée sur Vanden Brook, le 8 février 2012. Une page Wikipédia portant le nom du journaliste est créée et relaye de fausses informations sur son passé professionnel en lui attribuant, à tort, “une notoriété mondiale” pour “sa désinformation” dans la catastrophe de la mine de Sago.

Six années auparavant, en janvier 2006, une explosion a lieu dans une mine de charbon à Sago en Virginie-Occidentale piégeant treize mineurs sous terre. Un rapport contenant des informations erronées est remis au responsable de la mine puis transmis au USA Today ainsi qu’au New York Times. Pris dans la confusion,Vanden Brook annonce que douze mineurs sont sauvés. En réalité, seul un mineur en ressortira vivant.

Pour parfaire la manoeuvre, les auteurs du stratagème utilisent le faux compte Twitter de Vanden Brook (@TomVandenBrook) pour simuler la réaction et la défense du journaliste au sujet de l’accusation en s’arrangeant pour l’enfoncer encore un peu plus. Contacté par OWNI, Ray Locker, nous a expliqué que sa hiérarchie lui avait demandé de ne plus s’exprimer sur cette affaire. Dans une récente interview, il déplorait la manière dont l’histoire a été utilisée pour nuire à Vanden Brook :

Ils se sont servis de cette affaire pour tenter d’ébranler sa crédibilité. En 30 ans, je n’ai jamais vu cela.

Les comptes Twitter, Facebook ainsi que tous les sites internet usurpant les identités des deux journalistes ont été fermés depuis. L’affaire pourrait remonter jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat. USA Today n’exclue pas que les sites internet en question aient été lancés avec le soutien financier de fonds fédéraux. Un tel financement, en plus de poser la question des atteintes à la liberté de la presse aux États-Unis, violerait la loi fédérale américaine prohibant “la propagande à des fins domestiques”.

L’enquête des deux journalistes a été publiée le 29 février. Elle a révélé que le Pentagone avait versé des centaines de millions de dollars à ces entreprises privées pour qu’elles diligentent des opérations de “guerre psychologique“. Le Pentagone a assuré à l’AFP ne “pas être au courant” de telles activités de la part des contractuels qu’il emploit.

De son côté, Ray Locker préfère regarder cette affaire avec philosophie :

Je pense que c’est bien que nous ayons porté l’attention sur elle [la propagande NDLR]. Je suis content que les gens qui travaillent avec moi me soutiennent.


Illustration par PropagandaTimes (cc)

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Guerre psychologique pour le schiste http://owni.fr/2011/12/16/guerre-usarmy-gaz-schiste-propagande-psyops/ http://owni.fr/2011/12/16/guerre-usarmy-gaz-schiste-propagande-psyops/#comments Fri, 16 Dec 2011 14:56:18 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=90891

Des entreprises gazières font usage de techniques et de personnels issus des unités de guerre psychologique de l’armée américaine, pour convaincre les populations de l’intérêt de leurs opérations d’exploitation à grande échelle des gaz de schiste dans le nord-est des États-Unis.

L’information a émergé d’une banale conférence réunissant des responsables de la communication des gaz et pétrole de schiste. Rassemblés au Hyatt Regency Hotel de Houston (Texas), la Hydraulic Fracturing Initiative 2011 qui s’est tenue début novembre a donné la parole à plusieurs cadres du secteur. Parmi eux Matt Pitzarella, de la société Range Ressources, s’est vanté en ces termes des méthodes appliquées en Pennsylvanie pour briser la réticence des populations locales inquiètes des conséquences de la fracturation hydraulique sur leur cadre de vie :

Nous nous sommes particulièrement concentrés chez Range sur une démarche proactive vis-à-vis des populations. [...]
[Un responsable de la communication] a soulevé l’intérêt de se tourner vers d’autres secteurs économiques et industriels, en l’occurrence, l’armée et les Marines. Nous avons plusieurs gars des PsyOps [diminutif utilisé pour désigner les opérations de guerre psychologique dans l'armée américaine, NDLR] qui travaillent pour nous chez Range, car ils sont particulièrement à l’aise avec les problématiques globales et les gouvernements locaux. [...] [Ils ont passé une grande partie de leur temps] à aider à la compréhension des opérations de guerre psychologique que l’armée a mises en place au Moyen-Orient. Ce qui nous a été grandement utile en Pennsylvanie.

Éprouvées sur les insurgés irakiens, les méthodes de guerre psychologique étaient prêtes à être appliquées aux citoyens américains.

Iraqi Freedom en banlieue de Pittsburgh

Habitant de Mount Pleasant Township en Pennsylvanie, Dencil Backus a rencontré par deux fois Matt Pitzarella : lors de son cours de communication à l’Université de Californie de Pennsylvanie et quand le jeune homme a mené la campagne de forage pour les gaz de schiste pour la compagnie Range Ressources. Présente depuis 2005 dans cet État, la société fait partie de la myriade de startup lancées dans la ruée vers le schiste dans l’immense gisement géologique dit de Marcellus Shale. Dans cette chevauchée fantastique de tours de forage et de camions de liquide de fracturation, la commune de Mount Pleasant en banlieue de Pittsburgh a rapidement été le lieu d’un conflit ouvert avec la société, que décrit Dencil Backus :

Les relations avec les autorités locales étaient exécrables. Pour faire plier les petits habitants du coin, Range a commencé par boycotter les commerces et services du coin : ils louaient des excavateurs ailleurs, allaient déjeuner dans les restaurants de la ville d’à côté… Mais, quand la commune a envisagé en juin 2011 de passer un plan d’occupation des sols [a zoning ordinance], ils sont passés à la vitesse supérieure.

Avec une telle décision au niveau local, c’est l’expansion des opérations de forage de Range qui était menacée. Suivant le droit américain, qui attribue à chacun la propriété du sous-sol de la surface au centre de la Terre, la majeure partie de l’étendue de la commune était couverte par des “cessions de droits miniers” autorisant Range à extraire ce qui lui paraissait bon du sous-sol de 68 km². Soit l’essentiel de la surface totale de la commune, qui s’étend sur 93 km².

Ne voulant se priver d’aucune ressource potentielle, Range a alors envoyé deux lettres, chacune à une partie de la population. Aux habitants ayant cédé leurs droits et aux petits commerçants, la compagnie se plaignait du plan d’occupation des sols et de la mauvaise volonté des autorités locales qui l’obligeraient bientôt à abandonner ses opérations à Mount Pleasant. Dans le courrier parvenu à ceux qui n’avaient pas signé d’autorisation de forer sur leurs terrains, Range Ressources tenait un discours exactement opposé : la société se félicitait de l’exigence des autorités locales et de la bonne entente avec ses représentants autour de la question de l’exploration gazière. Six mois après, Dencil Backus perçoit encore les résultats de cette instrumentalisation de l’opinion :

L’arrivée simultanée de ces deux lettres a causé la confusion la plus totale, montant la moitié de la population contre l’autre, qui l’accusait d’empêcher l’exploitation pétrolière et de menacer l’économie locale. Les autorités locales ont été obligées de repousser le vote de plusieurs mois, après un échec de médiation avec Range Ressources.

Derrière cette zizanie, Matt Pitzarella se vantait notamment d’employer les services d’anciens soldats de la 303ème division de guerre psychologique de l’armée américaine. Contactés par OWNI, les services de l’US Army ont livré la description suivante des activités de cette unité :

La mission de la 303ème en Irak relevait de la dispersion de matériel aux populations locales. Le matériel était porteur de messages censés aider les populations locales à réagir à l’arrivée des troupes américaines sur le terrain dans le cadre de l’opération Iraqi Freedom. La 303ème était une unité de réserve et nous n’avons pas idée du nombre de troupes engagées en Irak, du fait que les opérations ont été menées il y a près de neuf ans.

Troupes américaines chargées à Bassorah de "décourager les habitants de harceler les troupes américaines et irakiennes" pendant l'opération Iraqi Freedom.

Basée à Fort Bragg, en Caroline du Nord, l’unité avait notamment pour tâche le largage massif de tracts et de radios à ondes courtes porteurs de message visant à briser les solidarités locales entre populations civiles et insurgés irakiens. Obligé d’abandonner sa ferme à Mount Pleasant après avoir vu son eau, ses terres et son bétails foudroyés par les liquides de fracturation fuitant des puits de gaz de Range, Ronald Gulla ne s’étonne pas que les gallons cliquètent autour des derricks :

Dès le début des opérations, en 2005, nous avons identifié d’anciens militaires dans les rangs de la communication et des négociateurs de ces boîtes. Ils frappaient à votre porte et vous disaient “vous ne voulez pas qu’on exploite votre gaz ? Vous n’êtes pas un patriote ?” Ils prétendaient que ce gaz réduirait les importations d’hydrocarbures du Moyen-Orient mais huit ports méthaniers ont déjà été convertis pour l’exportation. Ce sont des universitaires qui ont creusé leur CV et qui m’ont passé le mot. Mais je préfère ne pas citer de nom : beaucoup de professeurs ont payé cher d’avoir critiqué les gaz de schiste dans le coin.

Voté en 1948, le Smith-Mundt Act interdit formellement l’utilisation d’opération de guerre psychologique contre d’autres cibles que les troupes étrangères ennemies. Contacté par OWNI à plusieurs reprises, Matt Pitzarella n’a pas donné suite à nos messages.

“Nous faisons face à une insurrection”

Pour trouver d’autres exemples de la proximité entre industrie gazière et armée, pas besoin d’aller plus loin que la table où parlait Matt Pitzarella à la conférence Hydraulic Fracturing Initiative. Matthew Carmichael, responsable communication de la société Anadarko Petroleum qui fore en Pennsylvanie, a fait ses armes comme sergent du 3ème bataillon du 23ème régiment de Marine et affiche fièrement sur son profile LinkedIn son appartenance au “Semper Fi network”, club des vétérans de l’armée américaine. Après quelques années chez Chevron et avant les gaz de schiste, le gradé a fait un crochet par KBR, filiale du groupe Halliburton, remarquée eu Irak pour avoir employé le plus grand nombre de mercenaires, selon le Los Angeles Times. Le ton de son intervention à la conférence de communicants des gaz de schiste ne semblait rien avoir perdu de ces tumultueuses années :

Si vous êtes un responsable de communication dans ce secteur, je vous recommande de faire trois choses. Trois choses que j’ai lues récemment et qui me paraissent dignes d’intérêt :
Téléchargez le manuel de contre-insurrection du corps des Marines de l’armée américaine [étonnement dans la salle] car nous faisons face à une insurrection. Il y a beaucoup de bonnes leçons là dedans, provenant d’une expérience militaire. [...] Par ailleurs, il y a une formation organisée par Harvard et le MIT deux fois par an intitulé “Gérer un public en colère”. Assistez à cette formation [...] ; beaucoup d’officiers dans nos troupes le font déjà. Cela vous donne des outil, les outils médiatiques, pour gérer l’énorme polémique avec laquelle notre industrie se débat.
Troisièmement, j’ai un exemple des “Rumsfeld’s rules” (“règles de Rumsfeld”). Vous connaissez tous Donald Rumsfeld – c’est un peu une Bible, par ailleurs, pour guider ma façon d’opérer.

Contacté par OWNI, Anadarko Petroleum n’a pas donné suite à nos demandes. A Harvard, nous sommes dirigés vers le “Program on negociation” de l’école de droit de la prestigieuse faculté américaine. Depuis 15 ans, Lawrence Susskind et Patrick Field, spécialistes de la médiation, tiennent deux fois par an un séminaire de trois jours inspiré de leur livre Dealing with an angry public.

A raison de 2 999 dollars, avocats, cadres du privé ou de l’administration, voire militants venus des États-Unis, du Canada mais aussi d’Europe, peuvent participer au “Program on negociation for senior executives” (“séminaire de négociation à destination des cadres supérieurs”). Parmi les secteurs représentés figurent en bonne place l’industrie pharmaceutique, l’immobilier et l’énergie. Lawrence Susskind nous a décrit le déroulement d’un séminaire :

Nous organisons un jeu de rôle : chaque participant se voit distribuer un briefing basé sur une situation réelle issue d’une polémique liée à la santé, à l’énergie, au secteur bancaire ou autre.

Autour d’une quinzaine de tables, les participants endossent le rôle qui leur a été donné pour mener la négociation, certains sont le “public énervé”, d’autres se mettent dans la peau des industriels… Et au bout de deux heures, les lumières s’éteignent et un journaliste (qui est enquêteur pour un journal canadien) débarque avec sa caméra et filme chacun des participants, l’interroge… A la fin du séminaire, nous projetons un vrai-faux journal monté à partir des séquences filmées par le journaliste. Car notre formation a également pour objectif d’apprendre à gérer un journalisme invasif.

Interrogé sur le boum des gaz de schiste, Susskind relativise :

Les problématiques soulevées sont toujours plus ou moins les mêmes dans la gestion des conflits avec un public en colère. Nous parlons de terrain, de législation, de risque de fuite… Au final, rien de nouveau par rapport aux conflits autour de l’installation d’un pipeline ou d’une ligne à haute tension. Quant aux méthodes employées pour les résoudre, elles sont communes à bien des secteurs.

Le secteur des gaz de schiste va désormais piocher ses experts aussi loin qu’ils se trouvent. En addition des services de l’armée, différents lobbies et compagnies pétrolières et gazières ont désormais recours aux services de la prestigieuse agence new-yorkaise Hill&Knowlton. Devenue célèbre pour avoir lancé la première campagne dans les années 1950 pour rétablir la réputation du tabac contre les mises en garde pour la santé. Devenue polémique pour avoir mené, pour 10,8 millions de dollars facturé aux Koweït, une campagne de propagande visant au déclenchement du premier conflit Iran-Irak. À la guerre comme à la guerre.


Photos : FlickR CC-BY-NC NexusNovum ; DVIDSHUB ; SkyTruth.

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Les zolis dessins de Kim Jong-Il http://owni.fr/2011/08/27/dessins-animes-coree-nord-propagande/ http://owni.fr/2011/08/27/dessins-animes-coree-nord-propagande/#comments Sat, 27 Aug 2011 13:30:34 +0000 Alexandre Marchand http://owni.fr/?p=77140 Traîtres à la tête enflée”, “chiens enragés”, “vile lie humaine”… Dans un récent article, le New York Times se penchait sur le langage peu châtié de KCNA, l’agence officielle de la Corée du Nord, dans ses communiqués au reste du monde.

En réalité, le régime de Pyongyang veille à imposer un lexique belliqueux à l’ensemble de la population. En témoignent les dessins animés officiels à destination des enfants. Petits bijoux de propagande brut de décoffrage, ces films d’animation justifient cinquante ans d’une autarcie organisée entre paranoïa et agressivité, abnégation guerrière et militarisme. Ou, pour reprendre KCNA:

[Les dessins animés] sont faits pour implanter dans l’esprit des enfants un patriotisme brûlant et canaliser la haine envers l’ennemi

L’ennemi tu combattras

Exemple: dans la clairière d’un bois, un ours brun esquisse quelques pas de danse classique coréenne. Au gré d’innocents chœurs enfantins, il pousse la chansonnette devant une bande d’écureuils admiratifs :

Quelle que soit la manière, j’utiliserai ma force

Jusqu’à ce que l’ennemi ne soit plus que poussière dans le vent

Faites-les sauter, faites-les sauter

Bienvenue dans la série “L’écureuil et le hérisson”. Le village des écureuils est sous la menace d’une armée de belettes féroces. Heureusement, le grand ours de la colline veille au grain pour protéger les vulnérables créatures. Mais, usant de la ruse, les ennemis parviennent à soûler l’ursidé et mettent les cabanes à feu et à sang. Seul un écureuil parvient à échapper à la rafle et court rejoindre ses amis hérissons à l’organisation martiale, rompus au combat. La grande guerre de reconquête peut alors commencer…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

En Corée du Nord, les films d’animation servent un même objectif. Comme l’explique à OWNI la chercheuse Dafna Zur, spécialiste des éditions nord-coréennes pour les enfants, la représentation du combat contre un agresseur est essentielle:

La Corée du Nord a toujours fait face à de vrais défis économiques. Le rôle de la propagande est, notamment, de parvenir à mobiliser les Nord-Coréens en attisant une grande aversion de l’ennemi, quel qu’il soit.

Portraiturer l’ennemi sous des traits animaliers est une vieille tradition en Corée du Nord, remarque la chercheuse à l’université Keimyung (Corée du Sud). Dans les années 1950 déjà, Adong Munhak, le grand magazine pour enfants de l’époque, contenait inévitablement une parabole animalière sous forme de bande dessinée. Et les canons du genre n’ont guère évolué en l’espace de quelques décennies. En guise d’innocents Nord-Coréens, les animaux purs et intelligents de la forêt: le lion, l’ours, l’écureuil, le hérisson (véritable mascotte nationale)… À l’ennemi, la figure d’un animal sournois et détesté: la belette, le chacal… (faisant également référence aux surnoms donnés aux Américains).

La violence tu aduleras

Le “canon-crayon” est un grand classique qui tourne sur Internet depuis quelques années. Un garçon nord-coréen est assis à sa table de travail, à plancher sur son devoir de géométrie. Tombant de sommeil, il se laisse emporter dans un rêve.

Catastrophe, les tanks américains arrivent par la mer. Heureusement le héros et ses petits amis ont revêtu l’uniforme militaire et courent défendre les rivages du valeureux pays. Les engins américains (nez crochu, yeux vicieux) avancent, avancent. Le petit écolier et ses crayons-missiles sont le dernier espoir de la nation… “Tire, tire !” lui hurle un espèce de petit tyran. De guerre lasse: les projectiles ratent leur cible. Et l’ennemi qui approche…il sera bientôt là…il arrive…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Depuis la guerre de Corée (1950-1953), note Dafna Zur, l’une des principales caractéristiques des images à destination des enfants (affiches, bande dessinées ou films d’animation) est de jouer sur la synergie de la candeur et de la violence. L’enfant est représenté comme une figure éternellement innocente. Dans le “canon-crayon”, le héros est ainsi représenté sous les traits d’un petit garçon au teint diaphane, les traits purs et doux, sans la moindre ombre sur le visage, les cils recourbés…. Dénué d’humanité, l’enfant atteint le statut de symbole.

Et pourtant cette figure canonique se lance sans hésitation aucune dans la guerre (en l’occurrence bombarder les Américains de crayons-missiles). La violence ainsi esthétisée est présentée comme le simple jeu d’un enfant, un jeu naturel et désirable. Mais les dessins animés ne possèdent toutefois pas la crudité des bandes dessinées, où l’on voit les peaux déchirées, les corps déchiquetés, les armes ensanglantés. Si la violence est moins présente à l’écran, elle n’en est pas moins suggérée à tout bout de champ: uniformes, injonctions martiales, musique militaire récurrente… L’expérience semble même carthartique: en s’affrontant à un ennemi déshumanisé (belette, tank…), l’individu s’accomplit lui-même, il semble passer une étape salvatrice. Influencée par l’esthétique du Japon militarisé des années 1930, alors puissance colonisatrice de la Corée, cette apologie de la mort et de la violence joue sur son pouvoir mobilisateur, comme le remarque Dafna Zur:

La glorification de la violence est partie intégrante de l’identité nord-coréenne. Il y a quelque chose d’excitant dans la violence, dans le défi de l’ennemi. La brutalité est une émotion viscérale, une émotion forte qui unit le peuple

Pour la nation tu te sacrifieras

Pourquoi les écureuils ont-ils été défaits par les belettes ? Car ils n’étaient pas organisés militairement, trop confiants dans la protection du seul ours.

Pourquoi l’écolier n’arrive-t-il pas à repousser l’invasion des tanks américains? Car, n’ayant pas fait son devoir de géométrie, il se trompe dans l’angle du lancement de ses missiles

Dans chaque cas, la nation (ou sa représentation narrative) est mise en danger en raison d’une erreur. Le moindre faux pas d’un individu risque de compromettre la communauté toute entière. La morale est intangible : “sois irréprochable pour pouvoir défendre ton peuple”. Dans “L’écureuil et le hérisson”, tous les animaux s’allient ainsi ensemble pour créer une armée organisée et aller battre les belettes. Dans le “canon-crayon”, l’écolier se réveille en sursaut et retourne à son devoir de géométrie avant d’aller professer de lénifiantes leçons à ses camarades sur l’importance de l’apprentissage.

Parfois, la nation requiert même un véritable sacrifice. Un autre dessin animé, datant de 1993, met ainsi en scène un couple de jeunes épis de maïs assistant, héberlué, au combat héroïque d’un régiment de patates. À peine les nouvelles cultures mises en terre, voilà que des bactéries s’apprêtent à venir les dévorer. Heureusement, l’armée (de pommes de terre) est là pour défendre les futures récoltes. S’engage alors une lutte drolatique entre bactéries et patates, le tout sous le regard effrayé des deux épis de maïs. L’issue est favorable: les pommes de terre sortent victorieuses. À peine couronné de son succès, le régiment se jette dans une machine agricole pour en ressortir sous forme de paquets de chips ou de purée. Pour nourrir la nation, comprenez. Une nouvelle génération de pommes de terre, encore plus nombreuse, voit alors le jour grâce à l’abnégation de ses aînés.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Contrairement aux autres dessins animés, celui-ci ne donne pas (trop) dans la métaphore guerrière. L’accent est plutôt mis sur les sacrifices auxquels chaque individu doit consentir pour que la nation puisse connaître des lendemains ensoleillés où la nourriture foisonnera. Un message bien senti pour un film d’animation sorti au beau milieu des grandes famines des années 1990…

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L’information, nouvelle forme d’impérialisme? http://owni.fr/2011/07/28/linformation-nouvelle-forme-dimperialisme/ http://owni.fr/2011/07/28/linformation-nouvelle-forme-dimperialisme/#comments Thu, 28 Jul 2011 12:37:22 +0000 Adam Fish http://owni.fr/?p=74519

Article initialement publié sur SavageMinds et repéré par OWNI.eu ; tous les liens de l’article sont en anglais.

Selon un récent article du New York Times, le département d’Etat américain dépensera 70 millions de dollars avant la fin de l’année en technologies de communication furtive pour permettre aux activistes de communiquer loin des dictateurs. Les prototypes comprennent une valise capable de fournir rapidement une couverture wifi gratuite à toute une région, des appareils bluetooth qui peuvent partager des données silencieusement, des logiciels qui protègent l’anonymat des utilisateurs chinois, des réseaux mobiles indépendants en Afghanistan, et des téléphones portables enterrés dans le sous-sol nord-coréen pour permettre des appels désespérés pour la « liberté ».

Ces outils sont déployés pour promouvoir les priorités d’une nation sur une autre. Dès lors, comment aborder l’impérialisme de l’information ? L’utilisation d’outils de communication en réseaux pour déstabiliser les régimes révèle une inclinaison pour des interventions numériques visant à provoquer des actions révolutionnaires, des campagnes de propagande qui font la célébrité de bloggeurs, et des codes secrets de guerre. Regardons les utilisations de l’information pour comprendre les tenants et les aboutissants de son impérialisme.

Alphabétisation numérique et révolution

En 2007, avec mon collègue Ramesh Srinivasan, nous avons étudié le rôle du département d’Etat américain et des organisations philanthropiques américaines dans la promotion de projets d’alphabétisation numérique comme le blogging pro-révolutionnaire au Kirghizstan. Cette alphabétisation numérique s’est transformée en culture de la communication qui a aidé une révolution nationale, la Révolution des tulipes de 2005. Le Printemps arabe a provoqué de nombreux débats au sujet du rôle des réseaux sociaux.

Je ne souhaite pas contribuer à ce débat ici sans les données empiriques qui sont collectées en ce moment même par Srinivasan au Caire. Mais à la lumière de l’intervention des Etats-Unis sur le domaine de l’information, je m’interroge sur l’impact qu’ont eu en Tunisie, Syrie et Egypte les opérations d’alphabétisation numérique supportées par les Etats-Unis.

Bien entendu, les activistes à la base de la mobilisation qui ont mis leurs vies en danger sont plus importants que les entrepreneurs de la Silicon Valley ou les taupes du Département d’Etat, mais le rôle des intermédiaires soutenus par les Etats-Unis devrait intéresser les anthropologues et les activistes qui s’inquiètent de l’incarnation de l’impérialisme dans l’espace public de l’information.

Cyber-Célébrités

Quels sont les autres moyens pour le département d’Etat américain de promouvoir son agenda politique et l’utilisation d’Internet au niveau international ?

Je rentre tout juste de Netroots Nation 2011, l’événement clé de l’activisme Internet. Parmi les orateurs cette année, le pionnier de la levée de fonds en ligne, Howard Dean et l’avocat de la neutralité sur Internet, le sénateur Al Franken. J’ai assisté à un panel intitulé “Le Pintemps arabe : une étude de cas sur les nouveaux médias en tant que catalyseurs de changement” (“The Arab Spring: A Case Study for New Media as a Catalyst for Change”), qui rassemblé des bloggeurs irakiens, palestiniens, marocains et barheïnis.

Leurs histoires étaient captivantes et bien rodées. Une question m’intrigue : comment ont-ils pu s’offrir le voyage vers les Etats-Unis ? Je me demande s’ils n’ont pas été financés par le département d’Etat pour faire un tour de plusieurs villes et raconter leurs histoires d’activisme numérique pro-démocratie. Les institutions “pro-liberté” ont-elles quelque chose à gagner en rendant célèbres certains bloggeurs du Moyen-Orient ?

Je ne suis pas paranoïaque au point de penser que la nomenclature entourant la promotion de la “révolution Twitter” a été un moyen pour les compagnies de la Silicon Valley de se réclamer du printemps arabe, mais je pense vraiment que les États ont conscience du pouvoir de ces campagnes pour gagner les cœurs et les esprits. Ce tour des bloggeurs en est pleut être un exemple.

Le code est une arme

Pensez à Stuxnet, la première arme informatique médiatisée, implanté dans les infrastructures nucléaires et pétrolières iraniennes, en attente d’instructions pour plonger l’Iran dans le noir. Ou pire, créer une fusion nucléaire. Nul ne sait d’où vient Stuxnet mais Israël et les États-Unis sont les premiers suspects. Dimona est le centre de l’infrastructure “secrète” d’Israël et, selon un article du New York Times, l’efficacité de Stuxnet a été testée là-bas. Il est certain que la sécurité nationale et les aspirations impériales amènent au développement d’un Stuxnet 2.0. Après sa découverte, Stuxnet est sorti du secret pour devenir open-source. Si vous souhaitez créer un chaos mondial, vous pouvez télécharger et travailler dessus à partir d’ici. Cette vidéo montre également des hackers jouant avec le virus et le remodelant. Cela devrait inquiéter n’importe qui travaillant dans le domaine de la paix ou de la sécurité nationale.

Guérilla info-impérialiste ou promotion légitime de la démocratie ?

Le composant idéologique de l’impérialisme de l’information s’entendait dans le discours de la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, où elle blâmait la Tunisie, l’Ouzbékistan, l’Égypte, l’Iran, l’Arabie Saoudite et le Vietnam pour les  “piques menaçant la libre-circulation de l’information”. Le financement de ces réseaux parallèles et la promotion des voix dissidentes font partie de la stratégie américaine d’ouverture de ces pays pour favoriser l’émergence de la démocratie et d’autres libertés, comme la libre-entreprise. À l’inverse des remarques d’Hillary Clinton, le porte-parole du ministère des Affaires Étrangères chinois, Ma Zhaoxu, a défendu l’approche de la Chine. Un journal d’État chinois a étiqueté la citation de la secrétaire d’Etat américaine comme de l’“impérialisme de l’information”.

Il me semble que cette rhétorique et cette pratique de l’impérialisme de l’information appellent une étude anthropologique. Comme ces cas le prouvent, les institutions nationales déploient tout un ensemble de formules et de pratiques pour promouvoir leur programme. 70 millions de dollars ne représentent qu’une petite somme quand on les rapporte aux autres activités du département d’État. Ça ne paye même pas une cuvette de toilettes au Pentagone mais c’est quand même une ingérence publique dans l’autonomie d’autres nations. Maintenant, avec Internet dans une mallette, des cyber-célébrités révolutionnaires et des armes comme Stuxnet, l’impérialisme de l’information va bien au-delà du jargon menaçant et vaguement inspiré d’un bureaucrate chevronné.

En tant qu’universitaires et activistes, où nous situons-nous sur ces questions ? Comment le projet d’affirmer la souveraineté nationale ou ethnique est-il compliqué par l’euphorie autour du Web et de son rôle dans la promotion de la démocratie ? Le développement et l’usage de technologies de la communication relèvent-ils d’une guérilla info-impérialiste ou est-ce une forme intelligente et légitime de promotion de la démocratie ? Comment l’anthropologie peut-elle faire face à ces enjeux majeurs?

Illustrations : Flickr CC by-ncEric Constantineau – www.ericconstantineau.com

Traduction Marie Telling et Alexandre Marchand

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L’armée pakistanaise se paye sa série télé http://owni.fr/2011/07/22/larmee-pakistanaise-se-paye-sa-serie-tele/ http://owni.fr/2011/07/22/larmee-pakistanaise-se-paye-sa-serie-tele/#comments Fri, 22 Jul 2011 09:59:39 +0000 Alexandre Marchand http://owni.fr/?p=74463 Ralenti. Trois hommes en tenue d’aviateurs. Ils avancent sur le tarmac. Démarche grave. Mine sérieuse. Ray-Bans noires. Gants blancs. Armes apprêtées. Riffs acérés. Batterie énervée.

Non, vous ne regardez pas une rediffusion de Top Gun : vous êtes devant “Faseel-e-Jaan Se Aagay” (“Au-delà de l’appel du devoir”), la nouvelle série de l’armée pakistanaise ! Estampillé “histoire vraie”, le show décrit le combat (héroïque, bien sûr) des soldats contre les Talibans dans la vallée de Swat en 2009. Une saga qui fleure bon le nationalisme et le mélo. ““Esprits invincibles, âmes immortelles” proclame le sous-titre en toute humilité. Lancé en janvier, le feuilleton compte onze épisodes, divisés en deux “saisons”. PTV, la télévision d’État, en diffuse le deuxième volet depuis la mi-juin.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

De l’héroïsme bon marché

L’armée définit la trame de la série : le combat des soldats pakistanais, bravoure et idéaux en bandoulière, face aux Talibans autour de la ville de Mingora. Les militaires ont engagé une boîte de production pour réaliser les différents épisodes, tout en contrôlant strictement les scénarios et en se réservant le final cut.

Pas d’histoire linéaire au fil de la série, pas d’éternel héros invincible aux dents blanches, chaque épisode se concentre sur un nouveau fait d’armes glorieux. Que des évènements réels, paraît-il. Le premier épisode de la saison 2  met ainsi en scène deux soldats pakistanais s’emparant, en dépit des ordres, d’un canon anti-aérien détenu par les Talibans pour venger un de leurs camarades tombé au combat. “Une opération inouïe” s’enflamme le résumé rédigé par l’armée pakistanaise sur son compte Youtube. Tout d’abord réprimandés, les deux hommes se voient au final récompensés par un dîner en compagnie de leur commandant.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Propagande certes mais propagande à peu de frais. Chaque plan respire le manque de moyens. À peine 12.000$ de budget par épisode. Du coup on rogne où l’on peut : le casting par exemple. Plutôt que d’embaucher des comédiens, l’armée mobilise ses propres soldats. Nos deux héros précédemment cités sont par exemple joués… ô surprise… par eux-mêmes!

Je suis un soldat de cœur et d’esprit. J’ai seulement accepté de jouer ce rôle pour rendre hommage à mes confrères aviateurs et soldats

explique le major Zahid Bari, un de ces deux pilotes, interrogé par le Wall Street Journal.

Réhabiliter l’image de l’armée

C’est dans une grande opération de relations publiques que l’armée pakistanaise, véritable État dans l’État, a investi avec cette série. En diffusant son programme sur PTV, elle vise explicitement la masse de la population rurale, à peu près certaine d’obtenir ainsi des jolis chiffres d’audience. Malgré tout, l’enthousiasme est à pondérer.

Personne dans les grandes villes ne regarde PTV, ils ont beaucoup mieux avec les chaînes satellitaires. Il faut bien le dire : la télévision publique, c’est vraiment ennuyeux. Il n’y a que dans les campagnes que les gens regardent ça, ils n’ont juste rien d’autre.

confie Mariam Abou Zahab, spécialiste du Pakistan et de l’Afghanistan.

En regardant “Faseel-e-Jaan Se Aagay” et ses héros débordant de bons sentiments, de courage, d’intégrité, de patriotisme, de dévouement, de droiture, le spectateur crédule en oublierait presque à qui il a à faire. Et s’il conserve encore des doutes, la page Facebook du show intitulée “PakArmyZindabad” (“Vive l’armée pakistanaise”) devrait achever le bourrage de crâne…

La gentille armée contre les méchants Talibans

Dans le merveilleux monde manichéen de “Faseel-e-Jaan Se Aagay”, les “gentils soldats” sont opposés aux (très) “méchants islamistes”. Car le soap se veut bien une justification en prime time du retournement stratégique opéré par l’État pakistanais en l’espace de quelques années.

L’attitude du Pakistan envers les islamistes a toujours été teintée d’ambigüité. Malgré les troubles apportés par ces mouvements, certains s’avèrent bien utiles pour nuire à l’Inde, éternel ennemi,  très supérieur en termes démographiques et militaires. Les spectaculaires attentats de Bombay de 2009 avaient, par exemple, été perpétrés par un réseau basé sur le sol pakistanais, Lashkar-e-Taiba.

Mais la stratégie trouve ses limites lorsque ces militants se retournent contre l’État pakistanais et commettent des attentats sur le territoire national. Pressé par les États-Unis engagés dans leur “guerre contre la terreur”, le Pakistan s’est donc retourné contre certains mouvements en provenance de l’Afghanistan en lançant des opérations militaires au sein de la zone frontalière à partir de 2004.

Restait à justifier auprès de la population cette guerre souvent ressentie comme un conflit mené pour les bonnes faveurs des États-Unis. En transposant la victoire de Swat (considérée comme un tournant de la guerre) sur le petit écran, les militaires apportent leur part à cette campagne de communication. Profitant donc de l’occasion pour se payer une belle publicité cathodique.

À sa décharge, le Pakistan n’a pas la primeur des séries télés chantant les louanges de l’armée. Il y va juste avec la finesse d’un char d’assaut.

Illustrations: Affiches promotionnelles de la série

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Deux siècles de propagande en images http://owni.fr/2011/05/02/deux-siecles-de-propagande-en-images/ http://owni.fr/2011/05/02/deux-siecles-de-propagande-en-images/#comments Mon, 02 May 2011 08:00:14 +0000 david-c http://owni.fr/?p=59574 Petit dossier du jour, plein de poussières parce que retro au possible. Vous connaissez mon amour pour les pubs vintage et autres vieilleries publicitaires, présentes dans de nombreux articles, elles ont aujourd’hui le droit à un article entier.
Évidemment je vais pas m’éclater à faire un article : “Vieilles Pubs”, c’est inutile et pas très intéressant … Donc, après moultes réflexions, l’article d’aujourd’hui concerne tout un pan de l’histoire mondiale en deux siècles. Je cite : la propagande.

Le drapeau sublimé dans la propagande

En soit, ce n’est pas de la publicité pure et dure, mais ce fut de loin le modèle de communication le plus utilisé au XIXème siècle que ce soit en période de guerre comme de stabilité politique. Voici donc une petite rétrospective de la propagande comme vous ne l’avez jamais vu, pays par pays.

La gloire du communisme grâce à la propagande

La Corée du Nord : Bastion de la propagande actuelle

Dernière dictature communiste asiatique, la Corée du Nord est de loin le pays qui maîtrise le plus la propagande. Problématique : Comment faire croire à tout un peuple que ton pays est génial alors que même les rats tentent de fuir ?
Réponse : Mettez un petit bonhomme plein de style, embrigadez tout un peuple dans les mythes et prenez soin de votre communication via la propagande.

La Paysanne, heureuse dans ses champs

Les verts pâturages de la Corée du Nord (Actuellement en État de Famine)

Le sourire na-tu-rel

Évidemment, LE grand ennemi du communisme de type staliniste, c’est le capitalisme. Et qui est LE digne représentant du capitalisme ? Les États-Unis. La Corée du Nord élabore donc toute une propagande contre ses ennemis : les Américains. Et parfois c’est très violent.

Un pays ouvertement haineux envers l’Amérique


Au dessus : “Ne laissez pas les loups américains détruire vos vies”


Utilisation des symboles américains comme le Capitole …


… ou l’aigle, emblème du pays (Contre l’innocent bout de chou coréen)



Au dessus : “Rien n’arrêtera notre avancée !”

“Tous contre l’ennemi américain”

L’économie américaine symbolisée par le Capitole

Dans la même lignée, on a aussi toute une communication sur les avancées technologiques et matérielles du pays. Mais aussi sur les productions du pays qui seraient riches et suffisantes.

La Métallurgie performante du pays

Une technologie dernier cri, pour un pays compétent

Un système ferroviaire développé. Des mineurs héroïques

Même si ça fait très 70 – 80, ces affiches sont bien sorties durant les années 2000

La représentation de l’ennemi est très présente en Corée du Nord, tout comme ces capacités agricoles, techniques, mécaniques, productives, informatiques … Il reste cependant un élément qui est plus que mystifié : le parti (unique). C’est le fondement même de la société nord-coréenne.

Toutes les classes sont représentées pour la gloire du Parti

La gloire du communisme Nord-Coréen sans cesse célébré

Le Juche et le drapeau – Symboles du Pays – En haut”Le Brave Juche”

Le peuple Coréen, un peuple heureux

La Corée du Nord est l’un des derniers forts du communisme stalinien, connu pour sa propagande inimitable : joie des protagonistes, situations irréelles, mystification du pouvoir etc … Tout ça n’est pas sans rappeler l’un des principaux belligérants dans la guerre à la propagande : l’URSS.

L’URSS : La Propagande avec un grand P

Même si aujourd’hui elle n’existe plus, l’URSS a été LA grande puissance de la propagande. Des affiches par milliers, des représentations ultra-idéologiques, c’est en fait l’organisation qui a instauré les codes de la propagande moderne. Ancêtre des affiches Nord Coréennes, il y a tout de même la même structure partagée entre idéologie et embrigadement.

Les figures emblématiques du communisme de l’URSS : Lenine …

… et Staline”Comprenons le chef Staline, entrons dans le communisme”

Lenine mystifié

Contrairement à la Corée du Nord, on voit dans la propagande russe, la dominance du rouge et des symboles idéologiques avec une classe particulièrement représentées : les ouvriers. Représentation logique dans un contexte particulièrement tendu contre les États-Unis où l’apogée de l’URSS atteint des sommets.

La représentation de l’ouvrier et du prolétariat

Les paysans et paysannes, heureux.

La propagande de l’URSS est connue pour exposer ses capacités militaires et techniques, avec exhibitions d’armes et des transports. On chiffre, on veut faire peur, on veut rassurer le peuple. L’URSS est puissante et le montre.

L’importance de montrer des chiffres et du résultat, une spécialité propre à l’URSS

La compagnie nationale des chemins de fer

En haut : “Les ennemis sont au front, les Russes doivent résister aux ennemis de la révolution”

L’armée et la flotte aérienne

Ce type de propagande est aussi reconnaissable avec l’omniprésence des références au sang et à la guerre.

L’ennemi est capitaliste

“Défendons la ville de Lénine”

Tout le monde est réquisitionné, pour l’affrontement

Ce qui est propre à l’URSS c’est l’importance de la parole. Au fur et à mesure des années, il y a eu une évolution concernant la liberté d’expression, la propagande le révèle plutôt bien. De plus, la presse a son importance dans cette société, malgré sa large censure, elle est représentée, tout comme les livres et les diverses sources de savoir.

En bas : “Garde ta langue dans ta bouche”

“Rumeurs, mensonges, histoires, Parler”

L’appel aux connaissances – En bas : l’affiche revisitée par Franz Ferdinand (Second album)

Les dépêches russes, comme par exemple : la Pravda

L’affiche contre le Capitaliste (De préférence gros et bien habillé)

Célébration de la presse – 1926

Il est évident que comme la Corée du Nord, il y a une célébration inépuisable du parti et du communisme, fondement même de l’URSS (CCCP).

Au dessus : “10 ans de la révolution d’octobre”

Le Peuple armé prêt à défendre la CCCP (URSS)

Le Peuple armé prêt à défendre la CCCP (URSS)

En bas : “Tous, pour la victoire”

Ces différentes affiches, nous montre bien les différents codes présents dans la propagande russe et repris par la Corée du Nord. Ces codes sont utilisés par les deux puissances, mais une sous branche se détache et rend la propagande plus originale.

L’URSS Juive

En effet, avant la Seconde Guerre mondiale, l’URSS était l’un des principaux foyers de la population juive européenne. Aujourd’hui minoritaire, les juifs russes ont le plus souvent migré vers Israël ou les États-Unis. Cependant, on retrouve leurs traces culturelles dans la propagande avec de nombreux affichages tout en hébreu et ventant les mérites de l’URSS.

Le Prolétariat Russe Juif, représenté dans quelques affiches

Toujours les paysans juifs en URSS

Affiche qui montre la migration des Juifs Russes vers les États-Unis

Ces deux puissances communistes, nous montre bien l’importance de leurs codes dans leurs affiches : rouge, armée, pouvoir, prolétariat, réussite, ouvrier etc … Cependant, une troisième puissance communiste (Enfin aujourd’hui, communiste de marché, bonjour le paradoxe) se détache …

La Chine

Contrairement a ses consœurs, cette puissance a peu fait de propagande mais le peu qu’elle a fait diffère de l’URSS et de la Corée du Nord. On retrouve la majorité des codes MAIS représentée par des enfants, détail important qui permet à cette propagande d’être plus légère.

“Wrangly aime et respecte la maîtresse”

“Nous aimons les sciences”

“Paix et amitié”

Et évidemment, on retrouve tous les codes habituels du communisme, avec mystification du peuple, apogée du parti, drapeau et insignes …

Les insignes et symboles mais présentés de façon moins violente que l’URSS

L’honneur au drapeau et au labeur

La famille au premier plan

L’armée, moins de sang et plus d’armes

L’ouvrier et les paysans, dans des représentations plus “traditionnelles”

Le petit livre rouge – Propagande pro-Mao

On l’a vu avec ces trois pays que le communisme a été l’un des principaux acteurs du développement de la propagande. Faire oublier la réalité et se conforter dans l’image d’une puissance efficace qui fait peur devient désormais possible, grâce à la propagande.

Mais il ne faut pas oublier que les différentes guerres ont alimenté la propagande mondiale. Avec en tête : les États-Unis

Les États-Unis : L’armée au premier plan

La première puissance économique mondiale a bien utilisé la propagande. Entre les deux guerres mondiales, la guerre froide et les différentes crises géo-politique, le pays est devenu un acteur principal dans la propagande mondiale.

Le Mythique Oncle Sam qui vous pointe du doigt

Les valeurs : respect, honneur, patrie.

L’inimitable patriotisme américain

Avec les États-Unis, c’est simple : l’armée, les trois couleurs, les Marines et le drapeau. Rien en plus, rien en moins. Les Marines et la Navy sont particulièrement représentés.

Enlist in the Navy – Engagez-vous dans la marine

La Navy – Men & Young Men

Les couleurs américaines et le traditionnel uniforme – Navy

Le recrutement des Marines – “The Navy Needs you ! Don’t read American History, MAKE IT “

Tout en symboles : le drapeau, la statue de la liberté (Humanisée) et oncle Sam

Au delà de ces deux branches armées, on retrouve aussi l’armée de terre et l’armée aérienne, très présentes dans les conflits et fiertés des Etats-Unis. On les retrouve évidemment dans la propagande.

Army Air Force, typiquement masculine

Iwo Jima

She’s a WOW – La femme réquisitionnée

Les femmes au service du pays.

La propagande en pleine Seconde Guerre mondiale

Une production massive aux Etats-Unis

"Vole ! Pour sa liberté et la tienne"

La propagande américaine est donc essentiellement militaire et non pas idéologique (Bien qu’Oncle Sam en soit un bon vecteur). On retrouve cependant les fameux “Bonds” vendus lors de la Seconde Guerre mondiale pour financer le pays et le réarmement du Pays.

Oncle Sam, toujours là avec ses Bonds – Et en plus il pointe du doigt

“Repousser le barbare” grâce aux Bonds

Se battre ou acheter des Bonds

L'ennemi Japonais dans la propagande américaine

La propagande américaine reste donc 100% centrée sur l’armée et le combat sous toutes ses formes : via les bonds, les Marines, la Navy, les militaires, la flotte aérienne … L’ennemi n’a pas de forme précise à part celle des barbares. Ce type de propagande lui est propre car très patriotique (Voir là) et est totalement différente de la propagande européenne.

L’Europe

Cette dernière catégorie géographique concerne l’Europe. Bien moins important, voici un petit échantillonnage des différentes affiches de propagande sur deux siècles. On retrouve l’Espagne comme principal acteur de la propagande européenne, notamment à cause de la Guerre Civile.

France : Guerre Froide – Guerre d’Algérie

Allemagne – Hongrie

La propagande nazie : famille parfaite et ouvrier arien

Italie – Seconde Guerre Mondiale

Grande Bretagne – Caricature de Churchill – God Save The King

Portugal – Pays Basque

“Ayuda a la Evacuacion” : Aidez à l’évacuation

Le Socialisme forgera une nouvelle Espagne – L’implication des femmes pour la victoire

“L’unité de l’armée du peuple sera l’arme de la victoire”

Propagande des régions qui se veulent autonomes : Catalogne et Pays Basque

République Espagnole

Avec tout cet article, on peut voir que la propagande a été l’un des vecteurs des valeurs de chaque pays et idéologies au cours de ces deux siècles. En pleine apogée lors des différents conflits mondiaux ou internes, elle est aujourd’hui considérée comme une véritable forme de média pour l’époque. Cependant, une question subsiste : Reste t’il des traces de la propagande aujourd’hui ?

Et Maintenant ?

La propagande aujourd’hui est reconnaissable grâce à tous ses codes esthétiques, on en retrouve beaucoup dans certaines publicités. Résultat, l’art et la publicité réutilise les codes de la propagande.

L’utilisation par M&M’s des anciens codes soviétiques – L’art qui stylise Obama en propagande moderne

Juste pour le plaisir final, ce petit détournement très … actuel.

Un long article donc, qui nous montre que la propagande était une forme de communication comme une autre avec des codes et règles précises. Aujourd’hui on en retrouve des traces dans l’art mais aussi et surtout dans la publicité. Si vous avez des modèles, pas d’hésitation, proposez ;)


Publié initialement sur Advertisingtimes
Illustrations : via Advertisingtimes ; via Flickr par motobrowniano [cc-by-nc-sa]

]]> http://owni.fr/2011/05/02/deux-siecles-de-propagande-en-images/feed/ 20 Quand les abris anti-atomiques étaient en vogue http://owni.fr/2011/04/10/quand-les-abris-anti-atomique-etaient-vogue/ http://owni.fr/2011/04/10/quand-les-abris-anti-atomique-etaient-vogue/#comments Sun, 10 Apr 2011 18:36:08 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=56247

Les armes nucléaires et la possibilité d’une telle guerre sont des faits que l’on ne peut ignorer aujourd’hui. Vous pouvez déjà mettre en place beaucoup de choses pour vous protéger, et par là même, rendre plus forte, la nation américaine. Je vous encourage vivement à lire avec attention cette édition de LIFE magazine. La sécurité de notre pays et la paix dans le monde sont les objectifs de notre politique. Notre capacité et notre volonté de survie sont essentielles.

[Le Président Kennedy aux lecteurs de LIFE Magazine, 15 sept. 1961]

Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale et jusqu’à la fin de la guerre froide, l’administration américaine a éduqué ses citoyens sur les moyens à mettre en œuvre pour se protéger d’une attaque nucléaire. La plupart des pays de l’OTAN faisaient de même, notamment le Royaume-Uni ou l’Allemagne, tant la peur d’une guerre nucléaire était vivace.

Les publications officielles sont nombreuses, avec de jolis champignons atomiques en couverture, comme celle, impressionnante, de la revue gouvernementale, How to survive a nuclear attack, publiée par le gouvernement américain en 1950, juste après le premier essai nucléaire russe.

Les retombées radioactives (fallout) sont nocives pour la santé et souvent invisibles à l’œil nu. Un abri anti-atomique, collectif ou individuel, permet donc de se protéger pendant une durée variable, de deux semaines à un an, en fonction de son type de construction et du type de danger (retombées ou explosion nucléaires). Les citoyens sont encouragés à construire leur propre abri anti-atomique, les grandes villes privilégiant les abris collectifs.

La Shelter Mania

En août 1961, un an avant la crise des missiles de Cuba, le Président Kennedy décide de confier au Secrétaire de la Défense Robert McNamara, la mise en place d’un programme fédéral de défense civile afin d’informer et de protéger les citoyens en cas de guerre ou d’attaque nucléaire. S’en suivront une série de brochures officielles, dont la “Fallout Protection” publiée en 1961.

Le message est clair : une guerre nucléaire est imminente, construisez des abris anti-atomiques, protégez votre famille et la nation américaine. Des dossiers sont publiés dans la presse, des guides Do It Yourself (D.I.Y) pullulent, des publicités commerciales proposent même la construction de ces abris en mode “discount”. Dans un numéro du magazine LIFE, JKF s’adresse directement aux lecteurs (voir les photos). La Shelter Mania est lancée.

La culture populaire s’empare de ce thème : Stanley Kubrick sort en 1964, son film satirique, Docteur Folamour ou comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe, citons la série The Twilight Zone, certains James Bond, La Planète de Singes (1968), ou plus proche de nous, le comics Watchmen (1986), etc.

Le danger vient du Nevada

Les américains ont pourtant été plus touchés par les essais nucléaires effectués sur leur sol que par n’importe quelle (hypothétique) bombe A. L’Institut national du cancer américain a publié en 1997 une étude sur la contamination de ses populations par l’iode 131 suite aux multiples expérimentations nucléaires effectuées dans le désert du Nevada à partir des années 50. Conséquence : des dizaines de milliers de cancers de la thyroïde et la création d’un fonds de soutien au irradiés en 1990.

Quand les gens sont face à des situations terrifiantes, ils sont capables de prendre des précautions inimaginables, même si la menace perçue ne se réalise jamais.

Et le business ne s’arrête jamais. Depuis la guerre “contre le terrorisme” chère à l’administration Bush, et après le tremblement de terre japonais et l’accident de la centrale de Fukushima, l’abri anti-atomique reste un must. La compagnie Bomb Shelter vante ses 31 ans d’expérience dans la protection des “meilleurs et des plus intelligents” (sic), Rich et Annie du site Survival Ring proposent des méthodes D.I.Y et des pdf par douzaine à télécharger gratuitement sur le sujet. Le magazine Popular Mechanics listait en 2009 les six abris anti-bombardements “strong and chic dans lesquels investir… Certains se préparent déjà pour une troisième guerre mondiale.

Et maintenant, place aux images /-)

15 septembre 1961, Une du magazine LIFE : "Comment survivre aux retombées nucléaires"

De l'abri à la ville anti-atomique

Le D.I.Y de l'abri atomique, aussi simple qu'une notice IKEA

1950, Civil Defense Office : Comment survivre à une attaque nucléaire

Transforme ta cave en abri anti-atomique !

Le guide de l’abri anti-atomique

“Bombe Atomique ! Venez visiter un abri anti-atomique, dans un cadre… agréable”

Janvier 1962 : la ruée vers les abris communautaires

Décembre 1961 : Brochure du gouvernement américain sur les moyens de protection à mettre en oeuvre contre les retombées nucléaires
“EMERGENCY ATTACK KIT” : Un abri anti-atomique c’est bien, le garnir de victuailles, c’est mieux.

Protégez votre famille !

Vous n’avez pas de cave à transformer en abri anti-atomique ? “No problem” On vous aidera à le creuser dans le jardin !

“Vous pouvez construire un abri pour une somme modique et rapidement”

L’abri discount

En cas de guerre nucléaire, ce livre pourrait bien vous sauver la vie !
MEUH ! Les vaches ne sont pas oubliées…
À guetter : la signalisation de l’abri anti-atomique

Sources illustrations : Un Regard Moderne ; X-Ray Delta One via Flickr [cc-by ; cc-by-nc-sa] ; Wikipedia et Wikimedia Commons [cc-by ; Domaine Public]

La lettre de Kennedy aux lecteurs de Time Magazine :

Message de JFK dans LIFE, le 15 septembre 1961

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Sarkozy + Tf1 = l’exception européenne http://owni.fr/2011/02/12/sarkozy-tf1-exception-europeenne-paroles-francais/ http://owni.fr/2011/02/12/sarkozy-tf1-exception-europeenne-paroles-francais/#comments Sat, 12 Feb 2011 08:30:45 +0000 D.Dubuc, F.Tixier, G.Lucas, T. de Bourbon, C. Cornet (Myeurop) http://owni.fr/?p=46193 L’émission quasi-coproduite par TF1 et l’Élysée “Paroles de Français” avec un panel de citoyens triés sur le volet face à Nicolas Sarkozy, est inconcevable ailleurs en Europe. Il n’y a pas d’émissions spéciales pour les chefs des gouvernements et, pendant les campagnes électorales, les candidats s’affrontent en direct selon des règles très précises.

La preuve par neuf. Face à un panel de neuf personnes tout spécialement sélectionnées par TF1, Nicolas Sarkozy entend faire la preuve ce soir de sa proximité et de son intérêt pour les préoccupations des Français. De “vrais gens” avec de “vrais problèmes”.

Loin des polémiques sur les voyages “no cost” de François Fillon et de Michèle Alliot-Marie ou de la fronde des magistrats, le dispositif semble calibré au plus près pour lancer l’opération “reconquête de l’opinion”. Jamais à l’aise devant les journalistes, à qui il n’a consenti que trois conférences de presse depuis son élection, le président préfère le face-à-face avec ses concitoyens.

Merci TF1

D’autant que la contradiction ne devrait pas être trop vive. Pas même un syndicaliste comme l’an passé (fin janvier 2011), lors de la première émission “Paroles de Français”. François Bachy, le chef du service politique de TF1 et LCI explique ainsi sans sourciller que l’une des personnes qui dialoguera ce soir avec Nicolas Sarkozy est “une chômeuse qui a retrouvé du travail depuis quelque temps grâce, notamment, à l’opération Semaine pour l’emploi de TF1″. Objectivité garantie.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Promis-juré, pourtant, cette émission “n’est pas du sur mesure pour Nicolas Sarkozy”. C’est Jean-Pierre Pernaut, la voix de la France tous les jours au JT de 13h qui le dit. “La parole sera totalement libre. C’est un exercice très difficile pour le chef de l’Etat, ça se fait sans filet”, renchérit François Bachy.

Un panel idéal

Le casting de l’émission devrait pourtant lui faciliter la tâche et lui permettre de vanter son action. La Tunisie : “hors cadre”, a déjà prévenu Jean-Pierre Pernaut. La fronde inédite des magistrats? Seulement si le présentateur décide de relayer les questions des internautes.

Les neufs interlocuteurs d’un soir ne sont, en rien, représentatifs de la population française. Ils n’ont même pas été désignés par un institut de sondage indépendant pour être supposés l’être. Non, ils ont été choisis par la chaîne pour “illustrer” des thèmes validés par l’Elysée : une pharmacienne cambriolée plusieurs fois afin d’évoquer la sécurité ; un agriculteur pour vanter la volonté française de lutter (avec le G20) contre la volatilité des prix ; ou encore, un proche d’une personne dépendante, quelques jours après avoir lancé un grand débat national sur la question.

Un panel idéal donc, au moment où le gouvernement s’enlise dans les affaires. Au moment aussi où la côte de popularité de Nicolas Sarkozy atteint des profondeurs historiques : 24% en janvier (en recul de 3 points) selon le baromètre mensuel TNS Sofres Logica pour Le Figaro Magazine rendu public jeudi.

Promesses non tenues

Il faut dire que lors de la première émission “Paroles de Français”, l’an passé, le chef de l’Etat avait multiplié les promesses. Peu ont été tenues. Le chômage devait baisser : il a grimpé de 3% en 2010. La taxe carbone a finalement été recalée. Nicolas Sarkozy s’était également engagé à venir voir Martine Millet, infirmière à l’hôpital Victor Dupouy d’Argenteuil. Douze mois plus tard, elle attend toujours sa visite. La proximité a ses limites. Heureusement, ce soir, aucun journaliste ne sera là pour le rappeler.

Nulle part ailleurs

Il est certain qu’aucune émission aussi calibrée et formatée n’existe en Europe, et chez la plupart de nos voisins, il est même inconcevable que le chef de l’État ne soit pas interrogé par un journaliste. En Allemagne une telle émission est tout simplement impensable dans un pays où une partie de la population a été soumise à la propagande d’un parti unique pendant quarante ans.

Des programmes sur le modèle de la pseudo démocratie participative télévisuelle existent néanmoins en Espagne et en Grande-Bretagne, à la différence essentielle que les candidats ne contrôlent pas le casting de l’émission.

En Espagne, l’émission “J’ai une question à vous poser” que TF1 avait lancé pour la campagne électorale de 2007 et lors de laquelle tous les candidats à l’élection présidentielle avaient été invités, a été rachetée et adaptée. “Tengo una pregunta para usted”, et son pendant catalan “Tinc una pregunta per a vosté”, sont basées sur le même principe que leur grande sœur française : un panel de 100 personnes représentatives de la société, choisies par un institut de sondage indépendant, sont réunies dans un amphithéâtre et posent des questions à un homme politique qui se tient debout face à eux, au centre du plateau, accompagné du présentateur/modérateur.
Quelles différences avec la version française ?

Premièrement, c’est une émission de la RTVE, la télévision publique espagnole, et non d’une chaîne privée dont le propriétaire est un ami personnel du président. Nuance.
Deuxièmement, les personnalités invitées sont les représentants des forces politiques du pays mais aussi des responsables d’organisations syndicales, et non uniquement les candidats d’une élection.
Les émissions consacrées au chef du gouvernement José Luis Zappatero et au leader de l’opposition Mariano Rajoy ont enregistré des taux record d’audience, dépassant tous deux les 30% de parts de marché avec environ 6 millions de téléspectateurs.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

En tout une vingtaine d’émissions ont été réalisées, certaines avec des décrochages régionaux en Catalogne ou en Andalousie. D’après le présentateur de l’émission, le journaliste Lorenzo Milá, les personnes présentes sont complètement libres de poser les questions qu’elles veulent, il n’y a pas de sélection préalable : “J’ai rongé mon frein durant certaines questions de spectateurs, “J’ai une question à vous poser” est incontrôlable” confiait-il dans une interview à El Mundo en 2009. En 2007, l’émission à été sacrée meilleur programme de télévision lors des Premios Ondas qui récompensent chaque année les professionnels de la radio, de la télévision, du cinéma et de la musique en Espagne.

Pendant les élections seulement

Au Royaume-Uni une émission dédiée au chef du gouvernement et téléguidée par les communicants du 10 Downing Street est tout simplement inconcevable. La première émission confrontant des dirigeants politiques et le public a été réalisée au printemps dernier : du 15 au 29 avril, à l’occasion des élections générales, une série de trois émissions de 90 minutes avec les leaders des trois principaux partis politiques a été diffusée.

Pour le premier débat télévisé en direct jamais organisé en Grande-Bretagne, les candidats se sont mis d’accord, au terme de plusieurs mois, sur 76 règles : place sur le plateau, temps de réponse, temps de “débat libre”. Rien n’a été laissé au hasard.

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La première de ces soirées historiques a débuté par une très courte présentation de chacun des candidats – Gordon Brown, David Cameron et Nick Clegg – debout les uns à côté des autres derrière leur pupitre respectif. Toujours debout, afin d’apporter un peu plus de tonicité au débat, ils ont ensuite répondu pendant une heure et demi aux questions des 200 membres du public choisis par l’institut de sondage ICM.

Ces questions avaient été présélectionnées par des journalistes présents sur le plateau en fonction du thème de chaque soirée : politique intérieure, politique extérieure et économie. Autorisés à s’interrompre (contrairement aux grands débats entre les candidats à la Maison Blanche aux États-Unis) et à répondre aux propos de leurs voisins, les trois hommes politiques n’étaient ainsi, pas en état d’étaler des contrevérités et de jouer sur la gêne du public. Parallèlement, une page Facebook avait été créée pour donner en direct les réactions des téléspectateurs. Un véritable succès outre-manche qui avait attiré plus de 9 millions de spectateurs.

Berlusconi préfère le téléphone

En Italie, le fait que le chef du gouvernement est également propriétaire des principales chaines privées créé un contexte très particulier. Il contrôle également, de fait, les chaines publiques en temps que Président du conseil. Nul besoin donc, pour Silvio Berlusconi d’imposer des émissions faites sur mesure. Lorsqu’il n’est pas d’accord avec une émission, il décroche son combiné et explique au présentateur en direct, ce qui ne lui convient pas.

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Publié initialement sur MYEUROP sous le titre : Sarkozy sur TF1 un show inconcevable ailleurs
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Crédits photo : Via Youtube capture d’écran de l’émission Paroles de français

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Crise d’identité dans les Balkans http://owni.fr/2010/11/12/crise-didentite-dans-les-balkans/ http://owni.fr/2010/11/12/crise-didentite-dans-les-balkans/#comments Fri, 12 Nov 2010 16:24:09 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=35479 [NDLR] Il n’y pas que le tourisme qui fleurit en Croatie : libéré par les nouveaux canaux de communication, le nationalisme s’épanouit, empêchant la pacification avec les nouveaux voisins. Pour ouvrir notre dossier sur les identités dans les Balkans, Enikao nous offre un tour d’horizon des divers fronts de poussée de fièvre du nationalisme croate.

La Croatie a déclaré son indépendance le 25 juin 1991, souhaitant tourner la page de la fédération yougoslave et trouvant dans les premières élections multipartites de 1990 l’occasion propice pour cela. Ce petit pays de moins de 5 millions d’habitants, avant de redevenir une destination touristique à la mode, a connu la partition, une guerre avec son vieux voisin serbe qui souhaitait maintenir les États yougoslaves au sein de la fédération, l’occupation d’une partie de son territoire par l’armée Yougoslave, et surtout un processus de reconstruction identitaire particulièrement intéressant. Plusieurs acteurs jouent un rôle dans la recomposition identitaire, entre imaginaire collectif, fierté patriotique et messages politiques aux accents nationalistes.

Un divorce armé : les frères ennemis se séparent

La Yougoslavie, fédération comptant six républiques et deux autonomies (Kosovo et Voïvodine, afin de respecter les minorités albanaises et hongroises), a été un modèle complexe et multiculturel difficile à appréhender comme à gérer. Ce patchwork comportait plusieurs cultures que l’histoire a mis en conflit : Empire romain d’Orient et d’Occident, Venise, l’Autriche-Hongrie, l’Empire Ottoman, monde slave et monde latin, continent et Adriatique, chrétienté d’Orient et d’Occident… La population s’exprimait dans trois langues officielles (serbe, croate, slovène) et une espèce de melting pot construit progressivement baptisé serbo-croate, deux alphabets (latin et cyrillique), rassemblait quatre religions (orthodoxe, catholique, musulmane et une minorité juive) et vivait dans un régime communiste non-affilié au Pacte de Varsovie. La Yougoslavie de Tito se permit même en 1956 de proclamer, aux côtés de l’Egypte, du Cambodge et de l’Indonésie, son non-alignement avec les grandes puissances.

La chute du Rideau de Fer a entrainé à l’Est de nombreuses recompositions territoriales, et même des partitions comme la Tchécoslovaquie, qui donna pacifiquement naissance à la Slovaquie et à la République Tchèque. Dans le cas de la Yougoslavie, la partition se fit dans la douleur et par le réveil des nationalismes longtemps tus par la poigne du Maréchal Tito et de sa police politique. Le décès du dictateur en 1980 et l’instabilité politique qui a suivi en raison du système de présidence tournante instauré alors, ont laissé une chance et une place à prendre, sur l’échiquier politique croate, à la génération contestataire du printemps des peuples de 1971 et à ses revendications « patriotiques » réprimées jusqu’alors.

Alors qu’en Serbie les nationalistes diffusaient un discours panserbe, attisant les craintes des minorités installées dans diverses régions (au Kosovo, en Krajina), la Croatie connaissait de manière symétrique le début d’un processus de renationalisation des symboles et des esprits. Ces deux processus se sont effectué sur fond de revanche des deux précédentes guerres, mondiales, qui avaient vu les deux pays dans des camps différents à chaque fois. Langue, religion, structures de pouvoir, culture : plusieurs strates ont été travaillées par des entrepreneurs identitaires pour réveiller la fièvre patriotique. Le poids de l’histoire leur a simplifié la tâche et l’engrenage de la violence s’est déclenché rapidement, attisé par les radicaux de chaque camp.

Improviser une armée pour défendre la patrie

La guerre d’indépendance, que les Croates appellent « guerre patriotique », s’est étalée de 1991 à 1995, a causé plus de 20 000 morts et déplacé plus de 200 000 personnes en Croatie. Elle a bien évidemment laissé des traces physiques, mais aussi marqué durablement les esprits et contribué à forger et renforcer le nouveau sentiment d’appartenance. L’armée fédérale yougoslave étant très fortement encadrée par un état-major serbe centralisé, la Croatie dépourvue de structures a du improviser, faire le blocus des casernes pour récupérer du matériel, engager les volontaires et composer avec un pays occupé sur près d’un tiers de sa surface. L’armée fraîchement constituée a été la colonne vertébrale première d’un système de solidarité naissant, fournissant aux appelés vivres et vêtements, aux engagés volontaires des avantages plus importants comme le relogement dans des habitations de l’ancienne armée yougoslave et une couverture maladie efficace.

L’aura de l’armée croate a grandi encore suite à l’opération Eclair en mai 1995, puis à l’opération Tempête en août, deux blitz très bien préparés (d’aucuns y voient le soutien logistique et notamment l’appui d’images satellites de puissances étrangères) qui permirent à la Croatie de reprendre en quelques jours l’essentiel des terres occupées et de revenir à peu près dans ses frontières originelles. Ces faits d’arme restent présents dans les mémoires et sont régulièrement glorifiés dans les discours ou par des monuments et changements de noms de rues, de places. Nombre de cadres de l’armée de l’époque ont été accusés d’avoir participé à des exactions contre les Serbes et musulmans bosniaques durant cette période et inculpés par le Tribunal Pénal International de La Haye. Pourtant, la population les considère encore aujourd’hui comme des héros de guerre et voue un culte à son armée.

Le Général Ante Gotovina, en particulier, a joui du soutien actif de la population. Sa figure orne encore des bouteilles de vin blanc et des cartes postales visibles aux comptoirs des cafés. Certaines municipalités sont allées jusqu’à payer de grands panneaux indiquant qu’elles ne le livreraient jamais à des tribunaux jugés illégitimes et partisans. Certain de son impunité, l’ancien de la Légion Etrangère s’est même payé le luxe d’obtenir une audition papale durant sa cavale. Il a été dénoncé et arrêté en 2005 dans les îles Canaries, sa capture levant ainsi l’une des dernières barrières à une candidature officielle de la Croatie à l’entrée dans l’Union Européenne. Mais dans les esprits, Ante Gotovina reste le symbole d’un pays qui se bat seul. Faire partie des 500 000 vétérans de guerre officiels, un chiffre impressionnant (10% de la population !) masquant un clientélisme électoral du HDZ, demeure une source de fierté autant qu’un passe-droit.

Dieu et les croates, des retrouvailles politiques

Le Vatican fut un des premiers Etats à reconnaître officiellement la Croatie indépendante : Jean-Paul II vit là une occasion unique de renouer avec un pays catholique à plus de 90% et de signer un intéressant concordat. Le catholicisme est redevenu rapidement un ancrage très fort de l’identité croate, et même si le pays ne dispose officiellement pas de devise, l’expression Bog i hrvati (Dieu et les croates) reste très présente dans les esprits comme les écrits. Le catholicisme constitue un vecteur du renouveau nationaliste facile à mettre en œuvre car il distingue de l’orthodoxie du voisin serbe et de l’Islam des musulmans bosniaques. Le retour de la religion signe également une revanche contre l’époque communiste où la pratique et même l’affirmation de la croyance était socialement mal vue voire sanctionnée dans une carrière au sein de l’administration. L’Eglise croate a aisni pu s’imposer rapidement dans la sphère sociale et politique.

Dès 1992, le réseau Caritas (représenté en France par le Secours Catholique) a apporté une aide précieuse en nourriture, produits d’hygiène, aide aux blessés, veuves et orphelins, ce qui vint renforcer encore la popularité de l’Eglise. Celle-ci en a profité pour devenir un entrepreneur politique sourd et discret, appuyant sur divers leviers pour faire évoluer la société dans des sens nouveaux. Les Eglises furent parmi les premiers bâtiments à être rénovés dès la fin des bombardements, avant même les opérations de relogement des réfugiés. Les prêches des prêtres ont, pendant toute la guerre, pris des tournures étranges dans lesquels la justification de l’indépendance croate devenait un commandement divin voire une grâce mariale. Ces prêches aux accents politiques perdurent aujourd’hui encore.

On vit également apparaître au début des années 2000 des mouvements christiques et charismatiques, qui ont culminé avec la médiatisation d’un personnage étrange, le père Zlatko Sudac. Ce dernier cultive une apparence proche du Jésus popularisé par ses représentations traditionnelles en Occident et affirme avoir reçu des stigmates ainsi qu’une croix de sang sur son front. Le père Sudac (littéralement : le père Juge) a reçu un certain écho dans de nombreux médias grand public, ses messages traditionalistes en direction de la jeunesse ont été particulièrement repris au début des années 2000 et ont marqué une génération, contribuant à ancrer la religion comme valeur centrale de la société.

L’enseignement religieux à l’école obtenu grâce au concordat véhicule encore aujourd’hui, parfois jusque dans les manuels scolaires, des thématiques aux accents fortement nationalistes voire xénophobes, en particulier à l’égard des gitans et des musulmans. La critique systématique de l’avortement (dont la pratique est devenue dix fois moins courante en 20 ans) et de la contraception, l’homophobie et la stigmatisation des malades du SIDA ont été critiqués à plusieurs reprises par l’Union Européenne, sans effets. Quant à l’œcuménisme, il n’est clairement pas à l’ordre du jour.

Des carrés pour encourager le ballon rond

Parmi les héritages de l’époque yougoslave, le goût du sport, en particulier des sports collectifs (football, handball, basket, water polo) est demeuré très vif autant qu’il est devenu source de fierté et enjeu politique. Les sportifs yougoslaves, disposant de bonnes structures de formation et d’entrainement, ont longtemps été des « valeurs » recherchées par les équipes européennes. C’est ainsi par le sport que la Croatie a pu faire parler d’elle de manière positive à l’échelle internationale dans la seconde moitié des années 90, alors que la guerre venait de s’achever et que le pays cherchait à faire revenir les touristes sur ses côtes déjà célèbres à l’époque Yougoslave. La présence remarquée d’un Toni Kukoč dans l’équipe des Chicago Bulls ou d’un Dino Rađa chez les Cetics, le succès d’un Goran Ivanišević sur les cours de tennis, les excellents résultats de l’équipe de handball et surtout la troisième place de la Croatie à la coupe du monde de football en 1998 et le succès des joueurs emblématiques comme Zvonimir Boban ou Davor Šuker, constituèrent en réalité les premières brochures touristiques. Les grandes compétitions sportives firent également connaître un peu partout ces drôles de supporters portant des maillots à damier rouge et blanc, rappel du blason figurant sur le drapeau national.

Mais les succès sportifs masquent un double visage, en particulier dans le football. Les belles réussites ont vu naître en parallèle un comportement jusque là très marginal : le hooliganisme. En particulier, deux clubs se haïssent de longue date sur un mode ressemblant à la dualité PSG / OM en France. Le Dynamo de Zagreb, riche capitale administrative de l’intérieur des terres, et le Hajduk de Split, grande ville portuaire du Sud connue pour son « milieu » proche de la ‘Ndranghetta calabraise, s’affrontent sur les terrains comme dans les tribunes et sur les murs des villes. Ces violences touchent désormais les autres clubs que ces deux ville affrontent au cours des compétitions sportives.

Les ultras des deux clubs, radicaux et violents, sont composés en grande partie d’anciens militaires proches du grand banditisme, souvent impliqués dans le trafic d’armes et de stupéfiants. Les plus sages se sont reconvertis dans la sécurité privée dont les affaires fleurissent : les gardiens à l’entrée des banques et des sièges des grandes entreprises sont armés. Ce milieu bénéficie d’un certain soutien politique ou du moins d’un laisser-faire, les bandits d’aujourd’hui étant encore considérés par beaucoup comme des héros de la guerre d’hier.

Un air patriotique enflammé : la musique endurcit les mœurs

La musique a également servi de vecteur pour les messages nationalistes. Le cas le plus emblématique reste celui de Marko Perković dit « Thompson », en hommage à la mitrailleuse du même nom dit la légende. Chanteur rock très populaire auprès de toutes les tranches d’âge, Thompson a composé des chansons et ballades aux thèmes ouvertement nationalistes qui ont plu très rapidement. Ses déclarations fracassantes contre les communistes, les Serbes de Croatie ont reçu un fort écho dès le départ.

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Ce chanteur est véritablement né de la guerre et a participé en tant que soldat à l’Opération Tempête. Dix ans après la prise de Knin, ancienne place forte serbe de la minorité vivant en Krajina, la ville organisa une grande fête à l’occasion de la Saint-Roch et Marko Perković, qui fut l’un des premiers soldats croates à entre dans la ville, était le clou du spectacle. Le concert en plein air rassembla plus de 20 000 personnes, la sécurité était assurée par des gros bras au crâne rasé arborant des T-shirts faisant référence aux Oustachis, mouvement nationaliste fasciste fondé par Ante Pavelić qui s’allia avec l’Axe et participa au massacre et à la déportation des Serbes, Tziganes, Juifs, musulmans de Bosnie et Monténégrins qui fit environ 800 000 victimes de 1941 à 1945.

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Čavoglave, au stade Maksimir, Zagreb 2007. A 1’41’’ le spectateur qui arbore un drapeau porte clairement un T-shirt de la Légion Oustacha qui se porta volontaire pour le front de l’Est aux côtés de la Wehrmacht.

Le concert débuta d’ailleurs par un hommage appuyé à Ante Pavelić et à l’ancien président Franjo Tuđman, père de l’indépendance croate souvent accusé de révisionnisme et qui n’hésitait pas à déclarer « je suis heureux que ma femme ne soit ni serbe ni juive ». Son entrée en scène fut saluée par de nombreux bras tendus et saluts romains. Ces débordements sont monnaie courante et Thompson a l’intelligence de garder le plus possible ces moments de directs hors de portée des caméras et micros afin d’éviter les procès. A plusieurs reprises, ses concerts ont été annulés hors de Croatie et à l’occasion de matches de football. Il ya quelques mois encore, les fans du chanteur ont lapidé des journalistes et des Serbes à l’occasion du quinzième anniversaire de l’opération Tempête.

Une télévision très nationale

Les médias et les journalistes ne sont pas en reste dans le processus de reconstruction identitaire. En particulier, la programmation des deux chaînes de télévision nationale, HRT1 et HRT2, montre des choix partisans. Plusieurs émissions, sous couvert de culture ou de pédagogie, sont l’occasion de mettre en avant le folklore et c’est surtout dans les commentaires des présentateurs, dans la voix off ou dans les insinuations des invités en plateau que se niche le discours nationaliste.

Le « calendrier » quotidien, émission éducative diffusée avant le journal du midi, relate les temps forts de l’histoire du monde et inclut ainsi souvent une vision de l’histoire orientée. Autre exemple fort : les reportages de Goran Milić, qui prend différents angles pour partir micro à la main à la découverte du monde entier, des peuples et des cultures, sont autant d’occasion de glisser des idées infondées et des comparaisons partisanes sur le ton badin de la discussion avec ses interlocuteurs. Le travail d’implantation des idées par le soft power s’effectue ainsi depuis déjà près de 20 ans.

Des esprits maintenus dans le conflit

Ainsi, malgré des apparences paisibles, une économie assainie et un tourisme fortement reparti à la hausse autour des destinations phares de sa côte, la Croatie n’est pas devenue une nation apaisée. Les relations avec certains voisins comme la Serbie sont à peine normalisées, elles demeurent conflictuelles avec la Slovénie pour des raisons de zone de pêche dans le golfe de Piran. Les négociations d’adhésion à l’Union Européenne divisent fortement la société : une certaine élite y tient mais une large part de la population ne souhaite pas abandonner une souveraineté si récente. Sous couvert de particularismes locaux, la culture et les pratiques sont ainsi teintées d’un fort nationalisme lancinant et d’un sentiment de revanche.

Les entrepreneurs identitaires poursuivent un travail qui est assuré d’un certain succès populaire, mais qui mine par ailleurs le retour du pays sur la scène internationale et son insertion politique. Les dérives sont encore nombreuses et l’interpénétration des milieux nationalistes, sportifs, mafieux et politiques laisse planer une forte inquiétude pour l’avenir et la stabilité du pays, qui n’a toujours pas fait un pas en direction de son voisin serbe. La visite récente du Président Serbe à Vukovar et ses excuses publiques, dans une ville chargée d’un fort pouvoir symbolique, n’a pas été bien accueillie. Il n’y a pas eu à ce jour d’excuses réciproques. La réconciliation des anciens ennemis, qui fut pour l’Allemagne et la France un moteur de croissance et un projet politique engageant, n’est toujours pas à l’ordre du jour dans cette partie des Balkans malgré les bonnes intentions de certains courants politiques. Certains veillent activement à ce qu’elle ne le soit pas.

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Hadopi: “Ca rigole pas, hein!” http://owni.fr/2010/06/21/hadopi-ca-rigole-pas-hein/ http://owni.fr/2010/06/21/hadopi-ca-rigole-pas-hein/#comments Mon, 21 Jun 2010 10:01:13 +0000 Astrid Girardeau http://owni.fr/?p=19590 Alors que la loi Création et Internet a été votée il y a plus d’un an, et que les premiers mails n’ont toujours pas été envoyés, certains semblent craindre que l’aspect dit «pédagogique» et «dissuasif» de la loi ne soit plus efficace.

“Il est évident que cet effet psychologique initial d’Hadopi ne va pas durer si les internautes qui téléchargeaient retrouvent un sentiment d’impunité” a déclaré cette semaine David El Sayegh, directeur général du SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique), dans les colonnes de l’Expansion. De son côté, dans Télérama, Olivier Bomsel, professeur d’économie, qui fut l’un des membres de la mission Olivennes, qui mena à la loi Création et Internet, s’interrogeait : «Hadopi va-t-elle faire peur ?».

Faire peur. Notamment aux internautes les plus jeunes. C’est semble t-il l’objectif d’une vidéo publiée il y a quelques jours sur curiosphere.tv, un site de France 5 pour «l’éducation en images».

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Dans cette animation, classée dans “Education aux médias”, et intitulée « Qu’est-ce que la loi Hadopi ? », on voit s’affronter deux personnages : Super Crapule vs Super Hadopi. Les dialogues parlent d’eux-même. Extraits :

Super Crapule : «Aujourd’hui à l’heure de l’Internet et du haut débit, payer les artistes, c’est dépassé ! Alors si toi aussi si tu veux t’en mettre plein les yeux et les oreilles sans débourser un radis, suis les conseils de Super Crapule! Déjà cache-toi bien derrière ton ordinateur. Ensuite, y’a plus qu’à se gaver ! C’est aussi simple que ça !» (…)

Bien caché derrière mon ordinateur, je me gave comme un Oouuuf !”

Super Hadopi : “C’est pour éviter les magouilleurs dans ton genre qu’une loi a été mise en place. Hadopi que ça s’appelle.

Lâche mon slip, ça fait mal ! Et écoutes-moi deux secondes.

Primo, les ayants-droit des oeuvres que tu as piraté refourguent ton mail et ton adresse à la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet.Ou Hadopi ! D’où le nom de la loi : la loi Hadopi ! (…)

Parce que tu l’as bien cherché, tu recevras un E-MAIL D’AVERTISSEMENT ! (…)

Alors si tu continues ton souk dans les six mois suivants tu recevras une LETTRE RECOMMANDÉE ! (…)

Tu en veux encore ? Très bien. Alors un juge s’occupe ensuite de ton cas. Et tu peux être privé pendant un an de ton abonnement Internet ! Tu risques de raquer une amende de 300.000 euros ! Et tu peux même te choper deux ans d’emprisonnement ! Ah non mais ouais. Carrément. Ca rigole pas, hein ! (…)

Télécharger illégalement une oeuvre, c’est du vol ! Et le vol est passible de sanctions.
Et puis je déteste les mecs qui tirent sur mon slip. C’est très désagréable
“.

MAJ 20h34: Ecrans.fr a contacté Jean-Marc Merrieux, directeur des actions éducatives à France 5 qui s’est engagé à retirer la vidéo de la base du curiosphère. Encore un coup du “buzz” d’Internet.

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Pour lire des choses un peu plus sérieuses sur l’Hadopi, vous pouvez jeter un oeil sur notre Une traitant de Orange et de son logiciel anti-Hadopi.

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