OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Si Jésus Christ est un hippie, Charles Darwin est un punk http://owni.fr/2011/04/07/si-jesus-christ-est-un-hippie-charles-darwin-est-un-punk/ http://owni.fr/2011/04/07/si-jesus-christ-est-un-hippie-charles-darwin-est-un-punk/#comments Thu, 07 Apr 2011 06:30:24 +0000 Laurent Brasier http://owni.fr/?p=55493
Article publié sur OWNI Sciences sous le titre, Les origines des espèces de punks


Si Charles Darwin était vivant aujourd’hui, je pense qu’il serait très intéressé par le punk-rock.

(Greg Graffin, in Anarchy Evolution)

Une certaine remise en cause du dogme et de l’autorité, voilà ce qui lie deux mondes a priori très éloignés l’un de l’autre, celui de la biologie évolutionniste et celui du punk-rock. Il n’y avait qu’une personne pour faire le lien : Greg Graffin, chanteur du groupe Bad Religion depuis plus de 30 ans et par ailleurs Docteur en paléontologie et maître de conférence à UCLA à ses heures perdues. Il nous fait le récit de ce grand écart dans Anarchy Evolution (sous-titré Faith, Science and Bad Religion in a World Without god), publié en 2010 par It Books.

L’objet est étrange mais à l’image de la double vie de Greg Graffin, très jeune tombé dans deux marmites en même temps, celle de la musique et celle de la science. Ni véritable autobiographie, ni traité scientifique, ni manifeste punk, ni traité d’athéisme, mais un peu de tout cela en même temps, le livre pourrait facilement rebuter. Grâce à un équilibre de traitement plutôt judicieux et à des ponts savamment jetés entre les deux rives de l’existence compartimentée de l’auteur, il parvient plutôt à séduire.

Comment faire la cigale et la fourmi en même temps

Greg Graffin a déclaré avoir voulu devenir chanteur dès l’âge de neuf ans. Sa vocation scientifique, elle, nait véritablement avec un livre, Origins, de Richard Leakey et Roger Lewin, que sa mère lui offre au moment où, encore adolescent, il forme Bad Religion. Les dernières phrases de Origins lui inspireront l’un des titres du premier album de Bad Religion, “We’re Only Going to Die from Our Own Arrogance”. Le décor est planté. Greg Graffin mènera ses deux carrieres de front, sans jamais sacrifier l’une à l’autre.

Punk et enseignement, évolution biologique et évolution culturelle, la tentation du parallèle abusif est forte, mais Graffin met en garde son lecteur : “It’s important to note that the two processes [evolutionary biology and history of punk music] are quite different.” Difficile toutefois pour quelqu’un d’immergé dans les deux mondes de ne pas faire quelques rapprochements assez bLouguiens dans l’esprit, comme avec cette vision de son groupe comme organisme en lutte pour la survie :

I used to envision each Bad Religion concert as a unique environmental opportunity. We could try to increase our popularity trait by singing better songs and giving better performances, in which case our popularity would grow. Or we could suck and lose fans, causing eventual extinction.

Mais la plupart du temps, Graffin ne mélange pas les genres et parle – sérieusement – d’évolution. Graffin s’adresse à un public de profanes et souhaite faire passer un message plus que des connaissances. Pas de cours théorique structuré, donc, mais quelques notions et exemples distillés ici et là, au gré du récit, entre deux considérations très générales  : un peu d’histoire de la terre et de la lignée humaine, les gênes, des mastodontes, une fourmilière pour montrer que l’anarchie caractérise la nature plutôt que la perfection, et Tiktaalik comme exemple de fossile transitionnel entre deux lignées (poisson et tétrapodes, nantis de métacarpes).

Tiktaalik (Tiktaalik roseae ) : des nageoires avec des épaules, un coude et un poignet. Sans lui, tu ferais comment pour applaudir un concert de Bad Religion ?

Un point de vue naturaliste sur le monde

Forcément, la religion n’est pas en odeur de sainteté chez un auteur scientifique ET punk. Mais Graffin est loin d’être un esprit étroit. Il se définit comme naturaliste plutôt que athée. Définition qui a le mérite d’être positive :

I have problems with the word “atheism”. It defines what someone is not rather than what someone is. It would be like calling me an a-instrumentalist for Bad Religion rather than the band’s singer.

Et surtout, de placer la science au-dessus du lot :

I don’t promote atheism in my song or when I teach undergraduates. During my lectures about Charles Darwin, for example, I barely mention Darwin’s decisive reason for abandoning theism. Far more important is his theorizing about biological phenomena. The focus of students’ attention at the introductory level, where I teach, should be on the processes and interrelationships found in nature. The debate over whether species are specially created by a deity has only a secondary significance, and ther simply isn’t time to discuss it in introductory biology class.

L’expérience de la foi – version punk naturaliste

Sans être aussi virulent qu’un Richard Dawkins avec qui il semble avoir quelques accointances, Greg Graffin n’est pas franchement fan du NOMA (principe de non recouvrement des magistères de la science et de la religion, dont le bLoug aura un jour à causer). Pour lui, pas de raison pour que la religion échappe au crible du questionnement scientifique ; vouloir compartimenter, c’est fuir ses responsabilités et se discréditer.

Claims made by authorities with the tacit expectation that they should go unchallenged out of reverence to those in power are precisely the kinds of claims I like to investigate and challenge. After all, the basic practice of science requires us to test all claims by the same criteria: observation, experimentation, and verification. If scientists are willing to rule out an entire domain of human life as exempt from their methods, how can they expect anyone to respect those methods ? by trying to protect themselves from a public backlash against their overwhelmingly monist viewpoint, they undercut the very point they are trying to make.

Même rigueur sur la perspective d’un dialogue avec les créationnistes :

I am not at all interested in leaving the door open for discussions with advocates of the moderne “intelligent design” movement.

Portrait du scientifique en jeune punk

Avant d’être le distingué Docteur Graffin (@DoctorGraffin sur twitter), Greg Graffin a commencé jeune punk morveux trainant dans Santa Monica Boulevard, une zone connue pour « ses putes, ses camés défoncés, ses gays en chasse et toutes sortes de punks ».

Très tôt retiré du pit, n’ayant jamais pris de drogue d’aucune sorte (et ça a l’air vrai en plus), Graffin a un côté lisse et intello assez peu en phase avec son milieu (pour faire bonne mesure, il aide tout de même ses potes à se faire leurs shoots…).

Mais cette facette de sa personnalité le sauve probablement de la violence qui va gangréner et annihiler la scène punk du Los Angeles des années 80 pour le précipiter dans les bras rédempteurs de la science. Le témoignage sur cette transition est intéressant : il montre combien le système éducatif était défaillant en matière d’évolutionnisme. D’un simple point de vue quantitatif, tout d’abord, avec de maigres heures de cours, dispensés pour la forme :

As is the case with many high school biology classes, my school downplayed evolution; though it is the key to all of biology, we got only a one-week unit on the topic. So I had to educate myself. I bought a cheap paperback version of On the Origin of Species and set a goal of reading some of it each night before bed.

Sur un plan qualitatif également : Graffin explique comment le devoir final qu’il présente à sa classe et qui n’est qu’une suite de contresens sur l’évolution se voit récompensé par les louanges de son professeur :

I explained to my classmates that evolution was based on competition and that some forms of life were better at living than others. I told the class that all evolution tends toward perfection, and that, despite numerous false starts and dead ends, the most successful and elaborate evolutionary lineage was the human species. I said that all human attributes were originally adaptations to life on the savannah in Africa.

Much of what I said in that lecture was wrong. […] But I received an A in that class, and my teacher wrote on my report card “Gave a great talk on evolution”.

Anarchy in the UCLA – le côté obscur de la science

Le livre laisse quelques regrets, en particulier celui de ne pas aborder la vie universitaire actuelle de Greg Graffin. On peut toutefois lire en creux qu’elle n’a peut-être rien de bien excitant. Graffin effleure le sujet en mentionnant l’anecdote d’une groupie brésilienne qu’il éconduit poliment, parce qu’il doit se lever tôt le lendemain pour partir dans une quelconque expédition dans la jungle. N’importe quelle rockstar normalement constituée s’esclafferait. Mais pour un naturaliste digne de ce nom, si la nature propose, Darwin dispose :

What kind of man in the prime of his life would turn down the advances of beautiful Brazilian women and instead head out to look at birds, trees, reptiles and amphibians ? But this particular visit was the culmination of a dream that began in high school, when I read Darwin’s The Voyage of the Beagle.

Autre signe des rigueurs de la vie universitaire, l’expédition en Bolivie à laquelle le jeune Greg Graffin à le plaisir de participer et qui se transforme en un improbable fiasco. Ces passages du livre sont parmi les meilleurs, par leur drôlerie et ce qu’ils disent de la réalité du travail de scientifique.

et là je leur balance Bad Religion pour les amadouer

Dans le cadre d’un projet de réserve naturelle, Graffin est embauché en tant que « collector of birds and mammals ». Il comprend en fait que sa mission consiste à tirer, piéger, étrangler et tuer tout ce qui bouge. L’expédition oscille ensuite entre l’ennui profond et des pics de grotesque dignes de Redmond O’Hanlon (auteur dont le bLoug vous entretiendra prochainement). Un bateau surnommé El Tigre de Los Angeles et flanqué d’un tigre à dents de sabre pour logo, des compagnons taciturnes, dont un Canadien qui aura pratiquement pour seul parole un résigné ‘What the fuck am I doing here ?’, une rencontre avec des Indiens (« They boarded El Tigre de Los Angeles asi fi they didn’t need permission. I waved and said, “hola! Me llamo Gregorio,” to which they responded, “Missionarios?”), et pour finir, le délitement de l’expédition sur fond de coup d’état et une fuite à bord d’un avion flanqué d’un auto-collant ‘God is my co-pilot’ !

Être pris pour un missionnaire et devoir son salut au copilotage de Dieu, voilà qui était beaucoup pour le seul chanteur de Bad Religion.

Heureusement, Greg Graffin est un être double.


Article initialement publié sur Le bLoug sous le titre, L’origine des espèces de punks (insane lectures #2)

Anarchy Evolution – Faith, Science and bad Religion in a world without God , par Greg Graffin ; Steve Olson, It Books, Septembre 2010, 304 Pages, $22.99

À lire aussi : Une critique de Anarchy Evolution par sceptic.com

Illustrations Couverture du livre Anarchy Evolution, Tiktaalik BW de Nobu Tamura [GFDL, CC-BY-SA-3.0 or CC-BY-2.5], via Wikimedia Commons, The Adolescents de paxpuig AttributionNoncommercialNo Derivative Worksp373 AttributionShare Alike


Retrouvez notre dossier Évolution :


L’image de Une de Loguy en CC pour OWNI

Comment les poissons amphibies ont évolué

L’évolution par l’exemple: le pénis des mammifères

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L’origine des espèces de punks http://owni.fr/2011/04/05/l-origine-des-especes-de-punks/ http://owni.fr/2011/04/05/l-origine-des-especes-de-punks/#comments Tue, 05 Apr 2011 09:37:25 +0000 Laurent Brasier http://owni.fr/?p=34466

Si Charles Darwin était vivant aujourd’hui, je pense qu’il serait très intéressé par le punk-rock.

(Greg Graffin, in Anarchy Evolution)

Une certaine remise en cause du dogme et de l’autorité, voilà ce qui lie deux mondes a priori très éloignés l’un de l’autre, celui de la biologie évolutionniste et celui du punk-rock. Il n’y avait qu’une personne pour faire le lien : Greg Graffin, chanteur du groupe Bad Religion depuis plus de 30 ans et par ailleurs Docteur en paléontologie et maître de conférence à UCLA à ses heures perdues. Il nous fait le récit de ce grand écart dans Anarchy Evolution (sous-titré Faith, Science and Bad Religion in a World Without god), publié en 2010 par It Books.

L’objet est étrange mais à l’image de la double vie de Greg Graffin, très jeune tombé dans deux marmites en même temps, celle de la musique et celle de la science. Ni véritable autobiographie, ni traité scientifique, ni manifeste punk, ni traité d’athéisme, mais un peu de tout cela en même temps, le livre pourrait facilement rebuter. Grâce à un équilibre de traitement plutôt judicieux et à des ponts savamment jetés entre les deux rives de l’existence compartimentée de l’auteur, il parvient plutôt à séduire.

Comment faire la cigale et la fourmi en même temps

Greg Graffin a déclaré avoir voulu devenir chanteur dès l’âge de neuf ans. Sa vocation scientifique, elle, nait véritablement avec un livre, Origins, de Richard Leakey et Roger Lewin, que sa mère lui offre au moment où, encore adolescent, il forme Bad Religion. Les dernières phrases de Origins lui inspireront l’un des titres du premier album de Bad Religion, “We’re Only Going to Die from Our Own Arrogance”. Le décor est planté. Greg Graffin mènera ses deux carrieres de front, sans jamais sacrifier l’une à l’autre.

Punk et enseignement, évolution biologique et évolution culturelle, la tentation du parallèle abusif est forte, mais Graffin met en garde son lecteur : “It’s important to note that the two processes [evolutionary biology and history of punk music] are quite different.” Difficile toutefois pour quelqu’un d’immergé dans les deux mondes de ne pas faire quelques rapprochements assez bLouguiens dans l’esprit, comme avec cette vision de son groupe comme organisme en lutte pour la survie :

I used to envision each Bad Religion concert as a unique environmental opportunity. We could try to increase our popularity trait by singing better songs and giving better performances, in which case our popularity would grow. Or we could suck and lose fans, causing eventual extinction.

Mais la plupart du temps, Graffin ne mélange pas les genres et parle – sérieusement – d’évolution. Graffin s’adresse à un public de profanes et souhaite faire passer un message plus que des connaissances. Pas de cours théorique structuré, donc, mais quelques notions et exemples distillés ici et là, au gré du récit, entre deux considérations très générales  : un peu d’histoire de la terre et de la lignée humaine, les gênes, des mastodontes, une fourmilière pour montrer que l’anarchie caractérise la nature plutôt que la perfection, et Tiktaalik comme exemple de fossile transitionnel entre deux lignées (poisson et tétrapodes, nantis de métacarpes).

Tiktaalik (Tiktaalik roseae ) : des nageoires avec des épaules, un coude et un poignet. Sans lui, tu ferais comment pour applaudir un concert de Bad Religion ?

Un point de vue naturaliste sur le monde

Forcément, la religion n’est pas en odeur de sainteté chez un auteur scientifique ET punk. Mais Graffin est loin d’être un esprit étroit. Il se définit comme naturaliste plutôt que athée.

Définition qui a le mérite d’être positive :

I have problems with the word “atheism”. It defines what someone is not rather than what someone is. It would be like calling me an a-instrumentalist for Bad Religion rather than the band’s singer.

Et surtout, de placer la science au-dessus du lot :

I don’t promote atheism in my song or when I teach undergraduates. During my lectures about Charles Darwin, for example, I barely mention Darwin’s decisive reason for abandoning theism. Far more important is his theorizing about biological phenomena. The focus of students’ attention at the introductory level, where I teach, should be on the processes and interrelationships found in nature. The debate over whether species are specially created by a deity has only a secondary significance, and ther simply isn’t time to discuss it in introductory biology class.

L'expérience de la foi - version punk naturaliste

Sans être aussi virulent qu’un Richard Dawkins avec qui il semble avoir quelques accointances, Greg Graffin n’est pas franchement fan du NOMA (principe de non recouvrement des magistères de la science et de la religion, dont le bLoug aura un jour à causer). Pour lui, pas de raison pour que la religion échappe au crible du questionnement scientifique ; vouloir compartimenter, c’est fuir ses responsabilités et se discréditer.

Claims made by authorities with the tacit expectation that they should go unchallenged out of reverence to those in power are precisely the kinds of claims I like to investigate and challenge. After all, the basic practice of science requires us to test all claims by the same criteria: observation, experimentation, and verification. If scientists are willing to rule out an entire domain of human life as exempt from their methods, how can they expect anyone to respect those methods ? by trying to protect themselves from a public backlash against their overwhelmingly monist viewpoint, they undercut the very point they are trying to make.

Même rigueur sur la perspective d’un dialogue avec les créationnistes :

I am not at all interested in leaving the door open for discussions with advocates of the moderne “intelligent design” movement.

Portrait du scientifique en jeune punk

Avant d’être le distingué Docteur Graffin (@DoctorGraffin sur twitter), Greg Graffin a commencé jeune punk morveux trainant dans Santa Monica Boulevard, une zone connue pour « ses putes, ses camés défoncés, ses gays en chasse et toutes sortes de punks ».

Très tôt retiré du pit, n’ayant jamais pris de drogue d’aucune sorte (et ça a l’air vrai en plus), Graffin a un côté lisse et intello assez peu en phase avec son milieu (pour faire bonne mesure, il aide tout de même ses potes à se faire leurs shoots…).

Mais cette facette de sa personnalité le sauve probablement de la violence qui va gangréner et annihiler la scène punk du Los Angeles des années 80 pour le précipiter dans les bras rédempteurs de la science.

Le témoignage sur cette transition est intéressant : il montre combien le système éducatif était défaillant en matière d’évolutionnisme.

D’un simple point de vue quantitatif, tout d’abord, avec de maigres heures de cours, dispensés pour la forme :

As is the case with many high school biology classes, my school downplayed evolution; though it is the key to all of biology, we got only a one-week unit on the topic. So I had to educate myself. I bought a cheap paperback version of On the Origin of Species and set a goal of reading some of it each night before bed.

Sur un plan qualitatif également : Graffin explique comment le devoir final qu’il présente à sa classe et qui n’est qu’une suite de contresens sur l’évolution se voit récompensé par les louanges de son professeur :

I explained to my classmates that evolution was based on competition and that some forms of life were better at living than others. I told the class that all evolution tends toward perfection, and that, despite numerous false starts and dead ends, the most successful and elaborate evolutionary lineage was the human species. I said that all human attributes were originally adaptations to life on the savannah in Africa.

Much of what I said in that lecture was wrong. […] But I received an A in that class, and my teacher wrote on my report card “Gave a great talk on evolution”.

Anarchy in the UCLA – le côté obscur de la science

Le livre laisse quelques regrets, en particulier celui de ne pas aborder la vie universitaire actuelle de Greg Graffin. On peut toutefois lire en creux qu’elle n’a peut-être rien de bien excitant. Graffin effleure le sujet en mentionnant l’anecdote d’une groupie brésilienne qu’il éconduit poliment, parce qu’il doit se lever tôt le lendemain pour partir dans une quelconque expédition dans la jungle. N’importe quelle rockstar normalement constituée s’esclafferait. Mais pour un naturaliste digne de ce nom, si la nature propose, Darwin dispose :

What kind of man in the prime of his life would turn down the advances of beautiful Brazilian women and instead head out to look at birds, trees, reptiles and amphibians ? But this particular visit was the culmination of a dream that began in high school, when I read Darwin’s The Voyage of the Beagle.

Autre signe des rigueurs de la vie universitaire, l’expédition en Bolivie à laquelle le jeune Greg Graffin à le plaisir de participer et qui se transforme en un improbable fiasco. Ces passages du livre sont parmi les meilleurs, par leur drôlerie et ce qu’ils disent de la réalité du travail de scientifique.

et là je leur balance Bad Religion pour les amadouer

Dans le cadre d’un projet de réserve naturelle, Graffin est embauché en tant que « collector of birds and mammals ». Il comprend en fait que sa mission consiste à tirer, piéger, étrangler et tuer tout ce qui bouge. L’expédition oscille ensuite entre l’ennui profond et des pics de grotesque dignes de Redmond O’Hanlon (auteur dont le bLoug vous entretiendra prochainement). Un bateau surnommé El Tigre de Los Angeles et flanqué d’un tigre à dents de sabre pour logo, des compagnons taciturnes, dont un Canadien qui aura pratiquement pour seul parole un résigné ‘What the fuck am I doing here ?’, une rencontre avec des Indiens (« They boarded El Tigre de Los Angeles asi fi they didn’t need permission. I waved and said, “hola! Me llamo Gregorio,” to which they responded, “Missionarios?”), et pour finir, le délitement de l’expédition sur fond de coup d’état et une fuite à bord d’un avion flanqué d’un auto-collant ‘God is my co-pilot’ !

Être pris pour un missionnaire et devoir son salut au copilotage de Dieu, voilà qui était beaucoup pour le seul chanteur de Bad Religion. Heureusement, Greg Graffin est un être double.

Anarchy Evolution – Faith, Science and Bad Religion in a World Without god, par Greg Graffin & Steve Olson, It Books, Septembre 2010, 304 Pages, $22.99

À lire aussi : Une critique de Anarchy Evolution par sceptic.com

>> Article initialement publié sur Le bLoug

>> Illustrations Couverture du livre Anarchy Evolution, Tiktaalik BW de Nobu Tamura [GFDL, CC-BY-SA-3.0 or CC-BY-2.5], via Wikimedia Commons, The Adolescents de paxpuig AttributionNoncommercialNo Derivative Worksp373 AttributionShare Alike

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http://owni.fr/2011/04/05/l-origine-des-especes-de-punks/feed/ 2
Le regard Möderne de Bazooka http://owni.fr/2011/02/03/le-regard-moderne-de-bazooka/ http://owni.fr/2011/02/03/le-regard-moderne-de-bazooka/#comments Thu, 03 Feb 2011 11:16:10 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=45109 Jeunes gens de l’ère Numerik, saviez-vous qu’il y a plus de trente ans d’autres jeunes gens portaient un Regard résolument Möderne sur le monde ? Sans Mac, sans palette graphique ni Internet, à la colle et au ciseau, à la sérigraphie et à la ronéo, ils inventèrent un graphisme délibérément CyberPunk et Növo.

Prenant d’assaut le “Libération” baba cool des Seventie’s, le collectif Bazooka emmené par Kiki Picasso s’empara de la Une du journal pendant plusieurs semaines, multipliant les provocations Punk et Dada…

Anarchy in Libé, croix gammées et épingles dans le nez, esthétique fleurant bon la Propaganda des années 30 et le surréalisme socialiste, art de rue façon émeute white riot…Profondément marqué par le pop-art de Warhol et Roy Lichtenstein, et surtout par l’esthétique de la furia Punk déferlant d’outre-Manche, ces jeunes gens mödernes d’hier ont inspiré à leur tour toute une génération d’artistes underground des années 80 (MissTic notamment) jusqu’à aujourd’hui.

J’en parle, car leur univers visuel m’a profondément marqué ado, à la Une de “Libé” ou de “L’Echo des Savanes”, sur les affiches de concert et au Forum des Halles où trainaient toute la faune keupon du tournant des années 80. J’en parle aussi parce que d’une certaine manière, je retrouve un peu de l’esprit Bazooka chez mes jeunes amis d’Owni, où Vendredi c’est toujours Graphisme.

J’en parle enfin parce le travail de Kiki, Loulou et les autres est en vedette à la Villa Medicis de Rome dans le cadre de l’exposition “Europunk” (La culture visuelle en Europe 1976-1980). “Libé”, évidemment, y consacre un article avec ce diaporama en prime. Quelque 550 objets ont été rassemblés auprès de collectionneurs privés ou musées. Certains sont célèbres, tel le fameux portrait de la reine d’Angleterre les yeux barrés de la mention «God Save The Queen» créé par Jamie Reid pour les Sex Pistols. D’autres sont plus underground comme ces dessins, collages, fanzines et affiche de concerts réalisés par Bazooka.

“Dictature graphique”

Une de "Libé" sur la RAF (1977)

Pour autant, les graphistes destroy de Bazooka n’ont jamais vendu leur âme au veau d’or de l’Art Business. Christian Chapiron (Kiki Picasso), Jean-Louis Dupré (Loulou Picasso), Olivia Clavel (Electric Clito), Lulu Larsen, Jean Rouzeau et les autres sont tous sortis des fameux ateliers graphiques des Beaux Arts au mitan des années 70…ceux là mêmes où leurs aînés soixante-huitards avaient révolutionné une première fois l’art graphique avec leurs affiches du joli mois de mai. Après s’être fait les dents sur le fameux magazine “Actuel” de Jean-François Bizot, ils lancent dès 1975 leur Bazooka Production qui donnera naissance à une foule de fanzines bien barrés: “Bien dégagé autour des oreilles”, “Activité sexuelle normale” etc…

En 1977, c’est l’explosion Punk et nos jeunes gens mödernes deviennent carrément tendance: “Charlie”, “L’Echo des Savanes”, “Metal Hurlant”, “Hara Kiri”…tout la presse chevelue se les arrache pour se donner un coup de jeune: collages, sérigraphies, imagerie nazie ou soviétique détournées…tout est bon pour semer le chaos. Kiki Picasso parle de “dictature graphique” ! Concept poussé jusqu’au bout lorsque Serge July, toujours à l’affut des nouvelles tendances à la bonne ou mauvaise idée (c’est selon) de les contacter pour illustrer “Libé”. Choc des cultures entre ex-Maos et punks anarchisants bien décidés à foutre la merde chez les journaleux gauchos. Il en sortira quelques Une mémorables et surtout “Un Regard moderne”, un mensuel résolument novateur à tout point de vue, “Növo” comme on disait à l’époque, qui durera six mois…Las de leurs provocations, “Libération” finira par expulser les squatteurs graphiques.

La légende est née. Mais à la fin des années 70, le groupe éclate et les membres de Bazooka poursuivent chacun leur aventure individuelle, tombant un peu dans l’oubli au cours des sinistres années 80 marquées par la vulgarité clinquante de la Pub TV et des années fric. Mais en 2002, Loulou Picasso a relancé “Un Regard moderne” sur Internet et a ressuscité à sa manière le vieux collectif en l’ouvrant à Kiki Picasso et Olivia Clavel. De son coté Jean Rouzaud, qui fut exclut de Bazooka pour “conformisme”, travaille aujourd’hui à Radio Nova… On en est là.

Provocation-récupération, digestion par la société de consommation, consécration sous les ors de la République à la Villa Medicis…la boucle No Future est bouclée.

Cela mérite bien une bande-son made in 1977: “Anarchy in UK” des Sex Pistols:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et voici ce que cela donne version punk “made in France”.
“Hysterie Connective” de Metal Urbain (1978), un titre que l’on trouve précisément sur la compilation “Des Jeunes Gens Modernes” parue en 2008. Cela une bonne idée de l’ambiance musicale dans laquelle travaillaient les gens de Bazooka:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et pour conclure, voilà bien entendu une petite rétrospective en images du travail de Bazooka:

…et en bonus, cette rare apparition télé du collectif Bazooka (retrouvée par feu l’excellente émission “L’Oeil du Cyclone sur Canal +) où l’on voit Jean Rouzaud se défendre de faire de la bande dessinée (“en BD il y a des règles, pour nous il s’agit de ne surtout pas les respecter”), Lulu Larsen assurer “attendre la prochaine catastrophe aérienne pour en faire un dessin” ou encore Loulou Picasso expliquer “dessiner des images comme on en chante dans le rock”. Action !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Sinon Kiki et Loulou Picasso ont toujours un blog où l’on peut voir leur travail passé et récent. Allez y faire un tour…35 ans après les débuts de Bazooka, ils sont toujours résolument Mödernes !

>> Article publié initialement Sur mon écran radar

Voir aussi l’entretien entre de Loulou Picasso et L.L. de Mars à propos de Bazooka

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http://owni.fr/2011/02/03/le-regard-moderne-de-bazooka/feed/ 15
Les Ramones, l’analogique par excellence http://owni.fr/2011/01/13/les-ramones-l-analogique-par-excellence/ http://owni.fr/2011/01/13/les-ramones-l-analogique-par-excellence/#comments Thu, 13 Jan 2011 07:41:54 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=42183 Retrouvez cet article et bien d’autres, sur OWNImusic.

“Hey Ho Let’s Go !”…

Bientôt trente ans que leurs trois accords primitifs et supersoniques ont cueilli comme un uppercut le jeune keupon dingo que j’étais. Et le “One two three four” séminal qui lançait invariablement la machine sonique infernale des Ramones me donne toujours autant envie de pogoter comme un crétin… à 44 ans sonnés haw haw

Drôle de manière de commencer l’an 2011 que de vous parler d’un groupe fondé voilà plus de 35 ans, séparé il y a pile poil 15 ans et dont les membres fondateurs Dee Dee, Joey et Johnny sont tous trois occupés à descendre des bières au Paradis des punk-rockers.

Joey (de son vrai nom Jeffrey Hyman), le chanteur moins demeuré qu’il ne paraissait, s’est fait bouffer par un méchant crabe en 2001. Dee Dee (Douglas Colvin), bassiste et authentique voyou, a été retrouvé tout bleu une piquouze dans le bras en 2002 après une énième détox ratée. Johnny (John Cummings), le guitariste qui jouait plus vite que son ombre, a rejoint ses deux faux-frères en 2004, cancer bis repetita. Seul survivant de la formation originale, le quatrième Ramone, Tommy, qui tapait sur ses fûts comme un bûcheron a quitté le groupe dès 1978 (et poursuit aujourd’hui une paisible carrière de producteur de country… bluegrass). Une vraie série noire qui signait la fin d’une époque No Future.

Mais que viennent donc faire ces loosers proto-punks magnifiques sur ce blog en forme de “Chroniques du Big Bang Numérique”. Pas très raccord avec cette deuxième décennie de XXIème siècle. Plus analogiques que les Ramones ? Tu meurs ! Aucune accroche d’actu, les faux frères (pour les mal-comprenants Ramone était un pseudo-patronyme ;) ne risquent pas de se reformer… sauf dans un foutu film de Zombies de Romero. Et leur musique ? Préhistorique. Limités techniquement l’improbable quatuor a fait de cette faiblesse une force: renouer avec le rock primal des origines en le boostant au surf-garage et au doo-wop des sixties. Leurs morceaux c’étaient en général trois accords bègues joués à la vitesse de la lumière, guitare et basse omni-présente formant un mur du son à faire pleurer Phil Spector (qui les menaça d’une arme sur un enregistrement). Et cette voix de retardé “gabba gabba hey” irrésistible… Oh Joey. L’ensemble donnait une envie irrésistible de sauter en l’air en bousculant ses petits camarades et en souriant comme un abruti (pour les jeunes cette figure de danse s’appelle un Pogo.

Ils ont inventé le mot “Punk”

Un bon Ramones se déguste sur galette vinyle avec le son crade et les craquements vintage de rigueur. Oubliez ces saloperies de lecteurs MP3 totalement apocryphes. Ils ne restituent qu’une scie musicale métallique et froide là où la musique doit être brute, baignant dans son jus de l’époque. Bref moins numériques que les Ramones tu meurs aussi ! Ce groupe de prolos du Queens new-yorkais biberonné aux Stooges d’Iggy Pop et aux Beatles (si si) a juste INVENTE le mot Punk (“vauriens”) et l’attitude rien à foutre de rien qui va avec.

Et ce en trois albums fondateurs sortis à un rythme de mitraillette: The Ramones (1976), “The Ramones Leave Home” (1977) et “Rocket to Russia” (1977). Et une série de concerts immémoriels au fameux club CBGB où ils cotoyaient Patti Smith, Richard Hell et ses Voïvoids, j’en passe et des meilleurs. Sans leur furia new-yorkaise pas d’explosion Anarchy in the UK à Londres, pas de Sex Pistols ni de Clash. Et putain quel look…inimitable et tant imité. Un sacré leg à la mode des années 2000: jean’s slims troués, basquettes converse pourries, cuirs noirs et coupes au bol dans les yeux. On trouve même aujourd’hui des T-shirt portant l’aigle des Ramones chez H&M ou Uniqlo. De la marge underground à la récupération mainstream…cela faisait quelques royalties en plus pour ces vieux punk qui ne furent jamais des millionnaires engraissés par le rock business.

La nostalgie camarade

Les Ramones c’était la famille Pierrafeu jouant tête baissée de la Fender avec une massue, frange grasse dans les yeux. Foin d’échantillonnage et de réédition remastérisé qui tiennent avec ces quatre fous furieux de l’ère proto-digitale.
Alors comment expliquer cet étrange rétropédalage régressif au moment où tout blogueur un peu sérieux dégaine sa prophétie digitale annuelle, après le marronnier internet rétrospectif de rigueur. Et bien l’envie, la fulgurance irrépressible, la liberté du blogueur justement. Mon confrère blog-star Guy Birenbaum et quelques autres compères générationnels comme l’érudit KMS m’ont récemment encouragé sur Twitter dans ce projet de billet.

Bon c’est sûr, ce n’est pas avec ces grands échalas venus d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître que je vais faire de l’audience…

Mais “I don’t Care, I donnn’t Caaare” comme le chantait Joey. Que veux-tu, la nostalgie ça ne se monnaie pas camarade. Elle m’a chopé, la garce, à la faveur d’un cadeau d’avant Noël offert par mon frangin Fred, qui tout en me traitant de sale Geek, sait bien mon vieux penchant pour le rock paléolithique. Le bougre. Je déballe le papier kdo, et merde, je lis sur la jaquette du livre: “Mort aux Ramones” signé Dee Dee, le dit Ramone shooté fièrement (si j’ose dire) sur scène sa FenderPrecision en bandoulière. Et là tout me revient. La troisième, le lycée, mes quatre lads Sylvain, Cédric, Jérôme et Marc, la fièvre keupon du samedi soir… version petits-bourgeois se la jouant destroy (moins un cinquième Punk au premier degré, Pascal, qui lui a fait une OD en vrai). Mais l’amour de cette musique en forme de shoot d’énergie pure était 100 % sincère.

A quinze ans on a tous pris le Punk-Rock des Ramones et des Pistols comme une putain de Li-bé-ra-tion. A l’époque, trois chaînes télé qui se battent en duel (heureusement il y avait “Les Enfants du Rock” de Philippe Manoeuvre qui préface évidemment le bouquin de Dee Dee), pas encore de radio libre (heureusement il y avait Radio 7 concédée par Giscard pour faire patienter les jeunes), et bien sûr pas d’internet, de smartphones et de réseaux sociaux pour s’épancher, délirer et échanger avec ses amis boutonneux. Le téléphone, vraiment fixe pour le coup, était sous bonne garde parentale là haut dans l’entrée. Alors on se retrouvait #IRL à chaque fois que l’on pouvait pour écouter cette incroyable musique. Le “One, two, three, four” lancé par Dee Dee c’était quelque chose qui vous faisait vous sentir libre et vivant et vous donnait envie de tout exploser. Destroy vraiment pour le coup. Écoutez plutôt:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Victor Hugo Punk

Quelle claque isn’t it ? Mais revenons au livre de Dee Dee: “L’un des trois meilleurs bouquins rock de tous les temps” assène le préfacier de rigueur Philippe Manoeuvre. Et en plus traduit par Virginie “Baise Moi” Despentes, la seule plume made in France capable de restituer la fureur et l’obscénité d’une vie de Ramone. Un bouquin en forme de testament sorti en 2001 juste avant l’ultime bad trip de l’auteur (et en 2003 en France au Diable Vauvert) qui renvoie dans sa sincérité et pour la poésie de la rue au tout récent et très beau “Just Kids” de Patti Smith… hum Rimbaud en moins. Quoique. Le livre de Dee Dee débute lui aussi au fameux Chelsea Hotel, “ce que j’ai pu me défoncer dans cet hôtel, et aujourd’hui je suis là pour décrocher”, écrit le Ramone. Et d’envoyer, philosophe, cette phrase définitive comme s’il sentait la grande faucheuse venir :

Si jamais il existe une quelconque logique dans cette vie, alors je voudrais beaucoup la connaître.

Recoller les morceaux de sa pauvre vie en miettes, “renvoyer en enfers tous les souvenirs merdiques“, mais aussi entretenir la mémoire des Ramones et faire oeuvre de transmission avant de passer l’arme à gauche… Dee Dee le fait tout seul comme un grand, dès le début du livre, en pourchassant une libellule dans sa chambre qui devient le dragon imaginaire des femmes de sa vie. Celui de sa mère alcoolique qui était du genre à le poursuivre avec une batte de baseball (d’où la chanson “Beat on the Brat”, bastonne le morveux).

Et celui de sa petite amie mauvais génie Connie bien sûr, qui, était du genre à vouloir l’égorger avec un tesson de bouteille avant de lui dire “Va te faire enculer” en guise de bonne nuit. “C’était en 1974, ou en 1975. Connie était go-go danseuse, j’étais un Ramone. On était tous les deux des junkies”

“Mort aux Ramones” commence ainsi, passe par la prostitution pour la came, les bas-fonds de New-York façon Selby, avant le salut en forme de punk-band, les concerts, les disques, les tournées… le mépris des puristes du rock boursouflé et l’enthousiasme des Kids jusqu’à aujourd’hui qui allaient faire des Ramones une légende toujours vivante du rock’n roll. Je n’en suis qu’aux premières pages du livre alors je m’arrête là et je reviendrai ici pour vous rendre ma fiche de lecture une fois l’objet digéré.

Mais voilà ce qu’en dit Philippe Manoeuvre:

Une superbe tentative de Victor Hugo Punk (…) du Jules Vallès branché 220 volts (…) un livre à l’image de son rock: décapé, désossé, drit au but, phrases de quinze mots aussi courtes que définitives, pas moyen de reprendre son souffle avant la conclusion vicieuse du petit chapitre, tout est restitué en direct, baffes, lignes, shoots, marques d’amplis et accidents de bagnole…une vie.

Ca donne foutrement envie de lire n’est-ce pas ? Dee Dee était un voleur, un toxico, un bagarreur capable de rédécorer votre appart à coup de batte pour un mot de travers. Mais c’était aussi une belle gueule et un gentil garçon. Derrière sa basse il était aussi le compositeur des principaux tubes des Ramones, un peu éclipsé par la voix du géant myope édenté Joey. Voilà en sa mémoire “I wanna be a good boy”. Il aura essayé toute sa vie…sans succès:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les Ramones vous font penser à des personnages de cartoon ? Bingo. Voilà en bonus leur apparition dans un épisode des “Simpsons”. Plus crétins que nature dans une reprise de “Happy Birthday”:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et en deuxième bonus, je ne resiste pas au plaisir de vous offrir cet hommage de l’ex-Pixies Franck Black: “I heard Ramona Sing”…Une chanson dans laquelle il explique que les Ramones ont changé sa vie, “I heard Ramona Sing, and I heard everything, the speed they’re travelling…”:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Voilà bonnes gens c’était un fragment d’histoire des Ramones, une nouvelle réminiscence de l’ère analogique que j’avais envie de partager avec vous pour tirer un pont entre hier et aujourd’hui. Un pur moment de bruit et de fureur comme on n’en fait plus à l’heure du marketing musical standardisé et de la dématérialisation du rock et de ses poussières d’étoiles passées. Comme l’écrit Philippe Manoeuvre, l’industrie musicale, qui n’a jamais aussi bien porté son nom, peut dormir tranquille sur ses lauriers fanés:

Qu’on se rassure: dans le rock du troisième millénaire, on ne verra plus trop de voyous comme ce monsieur Dee Dee Ramone.

Belle épitaphe No Future que je fais mienne pour conclure ce billet. Sur sa pierre tombale, Dee Dee a fait plus sobre: “OK…I got to go now” (merci à l’incollable Ulrich pour cette chute encore plus rock’n roll).

*Pour en savoir plus sur les Ramones et leur discographie voir cet article très complet de Wikipedia et le site officiel post-mortem du groupe : Ramones World.

Article initialement publié sur “Sur mon écran radar”

Illustrations CC FlickR Affendaddy, Michael Markos

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http://owni.fr/2011/01/13/les-ramones-l-analogique-par-excellence/feed/ 7
Plus analogique que les Ramones? Tu meurs! http://owni.fr/2011/01/09/plus-analogique-que-les-ramones-tu-meurs/ http://owni.fr/2011/01/09/plus-analogique-que-les-ramones-tu-meurs/#comments Sun, 09 Jan 2011 14:00:10 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=29444

“Hey Ho Let’s Go !”…

Bientôt trente ans que leurs trois accords primitifs et supersoniques ont cueilli comme un uppercut le jeune keupon dingo que j’étais. Et le “One two three four” séminal qui lançait invariablement la machine sonique infernale des Ramones me donne toujours autant envie de pogoter comme un crétin… à 44 ans sonnés haw haw :D

Drôle de manière de commencer l’an 2011 que de vous parler d’un groupe fondé voilà plus de 35 ans, séparé il y a pile poil 15 ans et dont les membres fondateurs Dee Dee, Joey et Johnny sont tous trois occupés à descendre des bières au Paradis des punk-rockers.

Joey (de son vrai nom Jeffrey Hyman), le chanteur moins demeuré qu’il ne paraissait, s’est fait bouffer par un méchant crabe en 2001. Dee Dee (Douglas Colvin), bassiste et authentique voyou, a été retrouvé tout bleu une piquouze dans le bras en 2002 après une énième détox ratée. Johnny (John Cummings), le guitariste qui jouait plus vite que son ombre, a rejoint ses deux faux-frères en 2004, cancer bis repetita. Seul survivant de la formation originale, le quatrième Ramone, Tommy, qui tapait sur ses fûts comme un bûcheron a quitté le groupe dès 1978 (et poursuit aujourd’hui une paisible carrière de producteur de country… bluegrass). Une vraie série noire qui signait la fin d’une époque No Future.

Mais que viennent donc faire ces loosers proto-punks magnifiques sur ce blog en forme de “Chroniques du Big Bang Numérique”. Pas très raccord avec cette deuxième décennie de XXIème siècle. Plus analogiques que les Ramones ? Tu meurs ! Aucune accroche d’actu, les faux frères (pour les mal-comprenants Ramone était un pseudo-patronyme ;) ne risquent pas de se reformer… sauf dans un foutu film de Zombies de Romero. Et leur musique ? Préhistorique. Limités techniquement l’improbable quatuor a fait de cette faiblesse une force: renouer avec le rock primal des origines en le boostant au surf-garage et au doo-wop des sixties. Leurs morceaux c’étaient en général trois accords bègues joués à la vitesse de la lumière, guitare et basse omni-présente formant un mur du son à faire pleurer Phil Spector (qui les menaça d’une arme sur un enregistrement). Et cette voix de retardé “gabba gabba hey” irrésistible… Oh Joey. L’ensemble donnait une envie irrésistible de sauter en l’air en bousculant ses petits camarades et en souriant comme un abruti (pour les jeunes cette figure de danse s’appelle un Pogo;).

Ils ont inventé le mot “Punk”

Un bon Ramones se déguste sur galette vinyle avec le son crade et les craquements vintage de rigueur. Oubliez ces saloperies de lecteurs MP3 totalement apocryphes. Ils ne restituent qu’une scie musicale métallique et froide là où la musique doit être brute, baignant dans son jus de l’époque. Bref moins numériques que les Ramones tu meurs aussi ! Ce groupe de prolos du Queens new-yorkais biberonné aux Stooges d’Iggy Pop et aux Beatles (si si) a juste INVENTE le mot Punk (“vauriens”) et l’attitude rien à foutre de rien qui va avec.

Et ce en trois albums fondateurs sortis à un rythme de mitraillette: The Ramones (1976), “The Ramones Leave Home” (1977) et “Rocket to Russia” (1977). Et une série de concerts immémoriels au fameux club CBGB où ils cotoyaient Patti Smith, Richard Hell et ses Voïvoids, j’en passe et des meilleurs. Sans leur furia new-yorkaise pas d’explosion Anarchy in the UK à Londres, pas de Sex Pistols ni de Clash. Et putain quel look…inimitable et tant imité. Un sacré leg à la mode des années 2000: jean’s slims troués, basquettes converse pourries, cuirs noirs et coupes au bol dans les yeux. On trouve même aujourd’hui des T-shirt portant l’aigle des Ramones chez H&M ou Uniqlo. De la marge underground à la récupération mainstream…cela faisait quelques royalties en plus pour ces vieux punk qui ne furent jamais des millionnaires engraissés par le rock business.

La nostalgie camarade

Les Ramones c’était la famille Pierrafeu jouant tête baissée de la Fender avec une massue, frange grasse dans les yeux. Foin d’échantillonnage et de réédition remastérisé qui tiennent avec ces quatre fous furieux de l’ère proto-digitale.
Alors comment expliquer cet étrange rétropédalage régressif au moment où tout blogueur un peu sérieux dégaine sa prophétie digitale annuelle, après le marronnier internet rétrospectif de rigueur. Et bien l’envie, la fulgurance irrépressible, la liberté du blogueur justement. Mon confrère blog-star Guy Birenbaum et quelques autres compères générationnels comme l’érudit KMS m’ont récemment encouragé sur Twitter dans ce projet de billet.

Bon c’est sûr, ce n’est pas avec ces grands échalas venus d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître que je vais faire de l’audience…

Mais “I don’t Care, I donnn’t Caaare” comme le chantait Joey. Que veux-tu, la nostalgie ça ne se monnaie pas camarade. Elle m’a chopé, la garce, à la faveur d’un cadeau d’avant Noël offert par mon frangin Fred, qui tout en me traitant de sale Geek, sait bien mon vieux penchant pour le rock paléolithique. Le bougre. Je déballe le papier kdo, et merde, je lis sur la jaquette du livre: “Mort aux Ramones” signé Dee Dee, le dit Ramone shooté fièrement (si j’ose dire) sur scène sa FenderPrecision en bandoulière. Et là tout me revient. La troisième, le lycée, mes quatre lads Sylvain, Cédric, Jérôme et Marc, la fièvre keupon du samedi soir… version petits-bourgeois se la jouant destroy (moins un cinquième Punk au premier degré, Pascal, qui lui a fait une OD en vrai). Mais l’amour de cette musique en forme de shoot d’énergie pure était 100 % sincère.

A quinze ans on a tous pris le Punk-Rock des Ramones et des Pistols comme une putain de Li-bé-ra-tion. A l’époque, trois chaînes télé qui se battent en duel (heureusement il y avait “Les Enfants du Rock” de Philippe Manoeuvre qui préface évidemment le bouquin de Dee Dee), pas encore de radio libre (heureusement il y avait Radio 7 concédée par Giscard pour faire patienter les jeunes), et bien sûr pas d’internet, de smartphones et de réseaux sociaux pour s’épancher, délirer et échanger avec ses amis boutonneux. Le téléphone, vraiment fixe pour le coup, était sous bonne garde parentale là haut dans l’entrée. Alors on se retrouvait #IRL à chaque fois que l’on pouvait pour écouter cette incroyable musique. Le “One, two, three, four” lancé par Dee Dee c’était quelque chose qui vous faisait vous sentir libre et vivant et vous donnait envie de tout exploser. Destroy vraiment pour le coup. Écoutez plutôt:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Victor Hugo Punk

Dee Dee Ramone

Quelle claque isn’t it ? Mais revenons au livre de Dee Dee: “L’un des trois meilleurs bouquins rock de tous les temps” assène le préfacier de rigueur Philippe Manoeuvre. Et en plus traduit par Virginie “Baise Moi” Despentes, la seule plume made in France capable de restituer la fureur et l’obscénité d’une vie de Ramone. Un bouquin en forme de testament sorti en 2001 juste avant l’ultime bad trip de l’auteur (et en 2003 en France au Diable Vauvert) qui renvoie dans sa sincérité et pour la poésie de la rue au tout récent et très beau “Just Kids” de Patti Smith… hum Rimbaud en moins. Quoique. Le livre de Dee Dee débute lui aussi au fameux Chelsea Hotel, “ce que j’ai pu me défoncer dans cet hôtel, et aujourd’hui je suis là pour décrocher”, écrit le Ramone. Et d’envoyer, philosophe, cette phrase définitive comme s’il sentait la grande faucheuse venir :

Si jamais il existe une quelconque logique dans cette vie, alors je voudrais beaucoup la connaître.

Recoller les morceaux de sa pauvre vie en miettes, “renvoyer en enfers tous les souvenirs merdiques“, mais aussi entretenir la mémoire des Ramones et faire oeuvre de transmission avant de passer l’arme à gauche… Dee Dee le fait tout seul comme un grand, dès le début du livre, en pourchassant une libellule dans sa chambre qui devient le dragon imaginaire des femmes de sa vie. Celui de sa mère alcoolique qui était du genre à le poursuivre avec une batte de baseball (d’où la chanson “Beat on the Brat”, bastonne le morveux).

Et celui de sa petite amie mauvais génie Connie bien sûr, qui, était du genre à vouloir l’égorger avec un tesson de bouteille avant de lui dire “Va te faire enculer” en guise de bonne nuit. “C’était en 1974, ou en 1975. Connie était go-go danseuse, j’étais un Ramone. On était tous les deux des junkies”

“Mort aux Ramones” commence ainsi, passe par la prostitution pour la came, les bas-fonds de New-York façon Selby, avant le salut en forme de punk-band, les concerts, les disques, les tournées… le mépris des puristes du rock boursouflé et l’enthousiasme des Kids jusqu’à aujourd’hui qui allaient faire des Ramones une légende toujours vivante du rock’n roll. Je n’en suis qu’aux premières pages du livre alors je m’arrête là et je reviendrai ici pour vous rendre ma fiche de lecture une fois l’objet digéré.

Mais voilà ce qu’en dit Philippe Manoeuvre:

Une superbe tentative de Victor Hugo Punk (…) du Jules Vallès branché 220 volts (…) un livre à l’image de son rock: décapé, désossé, drit au but, phrases de quinze mots aussi courtes que définitives, pas moyen de reprendre son souffle avant la conclusion vicieuse du petit chapitre, tout est restitué en direct, baffes, lignes, shoots, marques d’amplis et accidents de bagnole…une vie.

Ca donne foutrement envie de lire n’est-ce pas ? Dee Dee était un voleur, un toxico, un bagarreur capable de rédécorer votre appart à coup de batte pour un mot de travers. Mais c’était aussi une belle gueule et un gentil garçon. Derrière sa basse il était aussi le compositeur des principaux tubes des Ramones, un peu éclipsé par la voix du géant myope édenté Joey. Voilà en sa mémoire “I wanna be a good boy”. Il aura essayé toute sa vie…sans succès:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les Ramones vous font penser à des personnages de cartoon ? Bingo. Voilà en bonus leur apparition dans un épisode des “Simpsons”. Plus crétins que nature dans une reprise de “Happy Birthday”:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et en deuxième bonus, je ne resiste pas au plaisir de vous offrir cet hommage de l’ex-Pixies Franck Black: “I heard Ramona Sing”…Une chanson dans laquelle il explique que les Ramones ont changé sa vie, “I heard Ramona Sing, and I heard everything, the speed they’re travelling…”:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Voilà bonnes gens c’était un fragment d’histoire des Ramones, une nouvelle réminiscence de l’ère analogique que j’avais envie de partager avec vous pour tirer un pont entre hier et aujourd’hui. Un pur moment de bruit et de fureur comme on n’en fait plus à l’heure du marketing musical standardisé et de la dématérialisation du rock et de ses poussières d’étoiles passées. Comme l’écrit Philippe Manoeuvre, l’industrie musicale, qui n’a jamais aussi bien porté son nom, peut dormir tranquille sur ses lauriers fanés:

Qu’on se rassure: dans le rock du troisième millénaire, on ne verra plus trop de voyous comme ce monsieur Dee Dee Ramone.

Belle épitaphe No Future que je fais mienne pour conclure ce billet. Sur sa pierre tombale, Dee Dee a fait plus sobre: “OK…I got to go now” (merci à l’incollable Ulrich pour cette chute encore plus rock’n roll).

*Pour en savoir plus sur les Ramones et leur discographie voir cet article très complet de Wikipedia et le site officiel post-mortem du groupe : Ramones World.

Article initialement publié sur “Sur mon écran radar”

Illustrations CC FlickR Affendaddy, Michael Markos

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http://owni.fr/2011/01/09/plus-analogique-que-les-ramones-tu-meurs/feed/ 3
Punk me I’m (not) famous! http://owni.fr/2010/10/19/punk-me-im-not-famous/ http://owni.fr/2010/10/19/punk-me-im-not-famous/#comments Tue, 19 Oct 2010 15:07:09 +0000 Catnatt http://owni.fr/?p=27151 Après avoir prêté sa plume à plusieurs publications en ligne, Catnatt a récemment ouvert son blog, Heaven can wait. Pour cette fine connaisseuse de la chose musicale, il était tout logique de se pencher sur un phénomène qui tient tout autant de la sociologie. Pourquoi donc certains ressentent-ils le besoin de s’approprier l’esprit punk alors qu’il savent à peine orthographier le mot ?

Je n’ai jamais été punk, je ne le suis toujours pas et je ne le serai jamais. On m’a surnommée « Fonzie » pendant des années, c’est dire (enfin.. pour être honnête, c’était surtout pour se foutre de ma gueule vu que j’avais un côté pas cool du tout). Je suis une petite bourgeoise de province, gauchiste de cœur, probablement par contradiction vis-à-vis de mon cher papa, je suis une bobo, coincée entre mon petit confort et de grands idéaux. De fait le punk est extrêmement loin de moi, tant de tempérament que de culture.

Pour autant, il y a une tendance qui m’agace prodigieusement depuis quelques temps, une mode qui consiste à se réclamer du punk sans vraiment réfléchir. Par contre, si l’on prend le temps d’observer qui ose prétendre à voix haute une hérésie pareille, bingo, c’est un bobo !

Je lis de-ci, de-là, « punk spirit » « punk inside » « punk machin » « punk truc ». J’ai envie de leur dire à ces gens-là…

« Faut vous dire, Monsieur que chez ces gens-là. On n’vit pas, Monsieur…On n’vit pas, on triche »… (Jacques Brel)

Oui j’ai envie de leur dire « leaaaaave the punk alone » (le summum étant atteint avec Lady Gaga « Je suis une punk classe », on croit rêver tant elle est impeccablement intégrée au système, celle-là.)

J’ai demandé à quatre personnes de me définir le mouvement punk. Ulrich de Shot by both sides m’a répondu ceci :

«Le punk ? Qu’est-ce que c’est ? Déjà soyons clairs, parlons-nous du mouvement punk ou du punk-rock ?

Nous avons tendance aujourd’hui à mélanger les deux et à ne mettre qu’en avant son pendant musical alors que le punk-rock n’est qu’une des nombreuses facettes artistiques du mouvement. Se revendiquer du mouvement punk, c’est tout d’abord être contre le système et l’ordre établi, réellement et profondément. C’est un mouvement contestataire qui répond par la violence à une violence sociale, économique et liberticide. Il faut savoir que le punk est la confluence de plusieurs courants politiques, philosophiques, littéraires et artistiques : l’anarchisme en premier lieu, le marxisme et le nihilisme dans un second temps. De même, on pourrait dire que les dadaïstes furent les premiers véritables punks ainsi que leurs héritiers : les surréalistes, les lettristes, les situationnistes et dans une moindre mesure les membres de la Beat Generation, Burroughs en tête..

Et si l’Angleterre a été le creuset du mouvement, il ne faut pas sous-estimer ce qui s’est passé au même moment, voire un peu avant, aux États-Unis et en Australie. Le mouvement punk est donc avant tout anglo-saxon et européen, ensuite. Le punk exprime visuellement et intentionnellement son rejet de la société dans laquelle il vit. Il se met en marge volontairement et n’hésite pas une seule seconde à manifester son dégoût, en provoquant sciemment l’ordre établi.

Au-delà d’un état d’esprit, être punk, ça se vit au quotidien. Un punk ne s’affiche pas, il fait et généralement, ça se sait. Qui aujourd’hui peut se revendiquer punk ? Personne. Dans une société comme la nôtre où la compromission est de mise à chaque seconde, se revendiquer punk est une imposture. Qui était hier punk ? Guy Debord, oui. Arthur Rimbaud, aussi. Netchaïev, certainement. Et en musique ? Les Sex Pistols, définitivement. Les autres se sont accommodés du système et sont responsables de sa récupération.»

De fait, j’ai envie de dire qu’un punk en général ne braille pas sur Twitter ou sur iChat ou sur Facebook qu’il l’est punk hein…

Benjamin de Playlist Society, lui a plutôt analysé le phénomène actuel :

« Qui : des enfants devenus adultes pour qui le mot punk n’est pas une culture mais une brique parmi tant d’autres de ce dans quoi l’être humain a le droit de piocher pour composer sa personnalité.

Quoi : un mode de vie qui est devenu une culture. Or toute culture s’accompagne d’attributs et de codes visuels. Aujourd’hui, la culture a disparu, il ne reste que des attributs et des codes. Se réclamer de la punk-attitude, c’est une méconnaissance du sujet et non un engagement social.

Comment : par les simples mécanismes de la société et par la récupération dorénavant systématique des contre-cultures.

Où : partout où les gens ont besoin de se positionner par rapport aux autres.


Pourquoi : parce que c’est dans la nature humaine de se revendiquer de quelque chose. D’autant plus quand ce quelque chose est lié à des notions qui flattent l’égo comme l’indépendance, la rébellion et l’anarchie.»

C’est pas une belle aberration, ça, de se flatter l’égo avec un mouvement qui tendait vers tout sauf l’égotrip, la flatterie, et la flagornerie ? On atteint des sommets dans le personal branding, tout est bon pour sur-exister, se démarquer des autres en étant conformiste à en pleurer. Je ne peux pas être d’accord, je trouve honteux de laisser récupérer ce mouvement par des bobos en mal d’identité. Tout a été recyclé, usé, dénaturé, je sais, je sais, mais de par sa violence de contestation, le punk devrait être respecté et laissé là où il est, mort et enterré. Il ne peut renaître de ses cendres en l’état, car il a été intégré par tous ou quasi depuis que le capitalisme est incontournable. Certains veulent réformer, adapter ce système mais le détruire, non. Il peut exister un mouvement social, musical, culturel de contestation, mais ayons la décence de ne pas se réclamer d’une lame de fond aussi importante qu’éphémère. Le grunge par exemple, à mes yeux, n’était que du punk délavé, passé à la machine, beaucoup moins radical, déjà fané, terni, fatigué.

Quand je vois un bobo afficher « punk », nous sommes automatiquement face à une escroquerie, car comme le dit Isabelle Chelley de Rock and Folk, qui m’a gentiment répondu :

« Pour moi, le punk c’est comme le cool, on ne le dit pas, on n’y joue pas, on ne le fait pas, on l’est… »

Qu’est-ce que ça ajoute en terme de valeur ajoutée, une jolie petite mention quasi légale « je suis punk » ? C’est glamour, c’est sexy, ça suppose qu’on est révolutionnaire ? C’est classe, c’est rock’n roll, ça suppose qu’on est un opposant planqué derrière son Mac, cheveux crados, mais fringues « The Kooples » ? C’est underground, follement hype, ça suppose qu’on manifeste depuis son loft à Montreuil ?

Mr Olivier va plus loin :

« Punk ou pas, mais le punk est un superbe exemple, les révoltes ont une furieuse tendance à s’avérer solubles dans les institutions. Mettez un révolté sous les projecteurs, offrez lui de la visibilité, puis observez : oh ce révolté a engendré tout plein de moins révoltés (mais plus exposés car trend setters). Et paf, ah y est : des badges à la con, des posters trop vindicatifs pour les murs des grandes chambres auxquels ils sont punaisés, des attitudes qui ne sont que postures, du… « total look , (exemple le fameux « no future » déformé puisqu’à l’origine c’était « no future for you » adressé à la reine d’Angleterre»). Il est déjà trop tard : la révolte est devenue lifestyle. Entendons « calibrée » « prémâchée » « markettée » et digne désormais de figurer en bonne place dans les pages Tendance/société, ou pire « look de la rentrée » (oui, je sais mais c’est vrai). Et si le punk est mort, il faudrait rappeler à tous ceux qui voudraient se servir que le cadavre est piégé. »

Si on les laisse faire, il y aura bientôt une série « Punk men », « Punk’s anatomy », déjà que pour les fringues, ça devient limite, et si une Lady Gaga prétend être punk, au niveau musical, du moins nous serons peinards. Mais le mouvement punk est politique. Profondément politique.Vous ne pouvez pas prétendre être punk et voter pour Ségolène Royal ou Bayrou, il y a des limites au foutage de gueule.

Ce qui me choque le plus dans cette tendance, c’est que ce sont des gens, pour la plupart cultivés et intelligents qui se réclament du punk. Je pourrais pardonner s’il s’agissait d’ignares, ou de djeunes en mal d’identité. Mais là, on est face à des trentenaires d’un certain niveau culturel et social, plus bourgeois que bohème, c’est navrant, relativement pathétique et impardonnable.

Pourquoi je tiens tant que ça à préserver le punk d’une quelconque récupération alors que je ne l’ai jamais été ? Parce qu’il y avait un aspect indéniablement pur malgré la crasse, la violence et les errances. Parce que c’était la première fois qu’une partie de la jeunesse explosait les codes à ce point-là. Parce qu’il était tant dans la destruction qu’il était voué à se détruire de lui-même logiquement.

Punk is dead. Laissons-le reposer dans sa tombe, en paix… Ou toujours en rage, oui, en rage, bouillonnant ; il renaîtra alors peut-être de ses cendres, violemment, toujours explosif, excessif et brutal pour hurler l’injustice du monde, faire table rase du passé et créer un monde, un champs de ruines où tout sera à construire. Et à cet instant mémorable, j’arriverai à entendre cette clameur, j’arriverai à la lire cette clameur surgie du néant et du fond des tripes, cette clameur qui dirait :

« Nous sommes des punks »

Je remercie Ulrich, Isabelle et Benjamin, qui ont largement contribué à ce texte ainsi que Mr Olivier pour son commentaire inséré dans le texte dans sa version finale. Ulrich vous a même concocté une bibliographie  et et je vous suggère de jeter un coup d’œil à cette vidéo  si vous voulez vraiment comprendre le mouvement punk.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Bibliographie :

Lipstick traces de Greil Marcus
Please kill me, the uncensured oral history of punk de Legs McNeil et Gillian McCain
England’s dreaming de Jon Savage

Article initialement publié sur Heavencanwait.fr

À lire aussi chez OWNI Néo-hippies & cyberpunks

Crédits photos : FlickR CC wind.com.my ; milesgehm ; LordKhan

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Néo-hippies & cyberpunks http://owni.fr/2010/05/21/neo-hippies-cyberpunks/ http://owni.fr/2010/05/21/neo-hippies-cyberpunks/#comments Fri, 21 May 2010 09:59:32 +0000 Florian Pittion-Rossillon http://owni.fr/?p=15347 Avatars boboïstes ou agents du capital honni ?

Enfant dégénéré du punk.

Les certitudes occidentales nées des Trente Glorieuses finissent de se dissoudre dans un magma balisé de crises financières remplaçant les guerres mondiales au rang de soucis planétaires. La tentation est grande d’injecter dans l’espace laissé vacant quelques utopies dont certaines, nourries de crypto-mysticisme numérique, se veulent libertaires et futuristes.

Il n’est d’ailleurs pas le moindre des paradoxes que les ultra-individualistes chantres de la révolution Internet (une par jour, 13 à la douzaine) veulent, eux aussi, être collectivement désignés par une étiquette qui fera bonne figure aux côtés de celle des résistants de 39-45 (papi), des soixante-huitards (papa), et de quelques autres (tontons).

Alors faut-il, pour s’aménager une place dans l’histoire, manier le corpus existant ? Ainsi, « néo-hippie » et « cyberpunk » : en quoi ces termes déjà anciens fondent-ils et/ou désignent-ils une réalité socio-culturelle maintenue au chaud par le vent de liberté soufflant du web ?

Nourrir les fantasmes occidentaux des enfants gâtés du confort moderne

À la racine de ces anciens néologismes, les deux derniers mythes rock. Deux mouvements qui n’en finissent pas de nourrir les fantasmes occidentaux des enfants gâtés du confort moderne. Point historique.

Les premiers hippies sont les tenants du Flower Power, apparu vers 1965, propulsé grâce au LSD vers le Summer of Love de 1967 et explosé en vol avec Altamont et Charles Manson en 1969. Les hippies mêlent pacifisme, tolérance et revendication de la liberté sous toutes ses formes, tout en refusant la politisation.

La naïveté des premiers temps fait le lit de tous les excès. L’héroïne se charge de nettoyer tout ça au début des années 70. L’utopie bêlante de l’amour universel devient le carburant toxique d’un hédonisme bordant à sa gauche le consumérisme triomphant. Depuis cette faillite, le terme « hippie » désigne tout chevelu assumant son deux de tension, pour qui s’habiller aux puces est l’acte militant fondamental.

Le punk tient dans une boîte encore plus petite : quelques groupes anglais, en 1975-76, se taillent cheveux et vêtements au sécateur et popularisent une formule musicale mise au point par les Américains (New York Dolls, Ramones). Un habile manager positionne quelques jeunes désœuvrés sur le créneau du bordel situationniste (« no future »), les baptise Sex Pistols, et leur fait dégoiser quelques horreurs devant les caméras. Jackpot. Derrière la pancarte punk s’agrègent pas mal de bourgeois énervés et quelques durs en mal d’excitation rock’n roll primitive, tout ça avec les cheveux dressés.

Mais dès 1978 l’affaire prend un coup dans l’aile avec la séparation des Sex Pistols, et sombre pour de bon avec la mort de Sid Vicious en 1979. Suite à cette faillite, le punk devient le ressort esthétique d’un salmigondis anarcho-libertaire autocomplaisant toutefois bienvenu pour les ventes de Doc Martens.

Pourtant, tout affadis qu’ils soient, ces deux mouvements gardent une puissance d’évocation extrêmement forte. La force et la pureté des élans originels se sont en effet diluées dans les cultures populaires pour devenir :

* des rites de passage à la vie adulte pour jeunes bourgeois ;
* des références de modes pour leurs petites sœurs.

Quid alors des néo-hippies et cyberpunks ? En l’absence de définition précise, il faut se tourner vers les usages pour circonscrire le sens de ces termes.

Le néo-hippie désigne le courageux qui, bravant les commandements de la métrosexualité, affiche crânement cheveux longs et vêtements flottants. Il s’agit d’une population composite, allant du baba branché Bouddha à l’écolo-macrobio, en passant par le gauchiste light dont les positions politiques tiennent dans l’affirmation capillaire et l’engagement associatif. Niveau discours, on oscille entre la spiritualité new age béate et l’énervement anti-civilisationnel permanent (une variante du « tous pourris », option terre du potager sous les ongles). Un ventre mou de la gauche alternative, que les pigistes de Elle aiment bien invoquer dès lors qu’il faut mettre un nom sur la tenue d’été de Vanessa Paradis.

Je roule à Vélib et je mange bio.

Le cyberpunk désigne un fantasme esthétisé de victime post-moderne plutôt qu’une population définie. Le monde cyberpunk relève d’un quotidien arrêté, noyé sous une pluie permanente, doublé d’une impossibilité mal définie de prise sur sa vie. Celle-ci s’avère mystérieusement régulée par des multinationales, corporations et autres forces obscures juchées au sommet de buildings en verre.

Ne reste à l’individu martyrisé par ce capitalisme ultra-technologique que d’assumer le « no future » originel en illustrant par ses vêtements ce destroy de synthèse un peu mollasse. Le kit de base : un cuir et un t-shirt orné du logo « Anarchy » (9,90 euros chez H&M). Tout cela est bien enraciné dans la théorie du complot et se pare d’un vernis futuriste. Côté mainstream, Matrix propose une version chewing-gum de l’univers cyberpunk, dans lequel l’individu est aussi connecté que réduit à pas grand-chose.

Autrement dit : déjà que « hippie » et « punk », on n’en avait plus grand-chose à battre, alors « néo-hippie » et « cyberpunk » : vide sidéral.

Il n’y a rien à attendre du télescopage de ces concepts vaporeux nés sur les cendres des derniers mythes rock, et de la première culture post-Trente Glorieuses.

Nul espoir à placer dans l’usage de ces termes pour désigner le monde à naître de la fornication fébrile de la myriade de réseaux numériques éphémères. Surtout si l’on attend qu’ils aient une action structurante.

Quels mots employer pour désigner les nombreux effets d’une culture atomisée, protéiforme, qui nourrit le paradoxe de la sublimation de l’individu et de son auto-engloutissement permanent par le flux qu’elle génère elle-même ?

Puisque cette culture favorise l’ultra-relativisme, elle devra donc accepter qu’aucun terme simple puisse la désigner, fût-ce à hérisser son narcissisme intrinsèque. Sans doute faut-il laisser aux historiens du futur le soin de donner un nom aux agitations contemporaines, ou ce qui en tient lieu (la somme des intérêts individuels ne formant pas tout le temps un tout qui façonne l’histoire).

La vérité est dans l’action.

Illustrations CC Flickr Jeremy Brooks et Vincent Boiteau

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Punk’s not dead? [en/1h30] http://owni.fr/2010/04/26/punks-not-dead-en1h30/ http://owni.fr/2010/04/26/punks-not-dead-en1h30/#comments Mon, 26 Apr 2010 16:58:01 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=13646 Punk: Attitude

Punk: Attitude est un documentaire sur l’histoire du mouvement, construit autour des témoignages de grands anciens, d’Henry Rollins à Mick Jones en passant par Jim Jarmusch, Jello Biafra ou encore John Cale.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

En fait de mouvement, il s’agissait plutôt d’un état d’esprit partagé. État d’esprit nihiliste et individualiste monté en épingle par des médias aux aguets et quelques producteurs et managers malins.

Là où les choses ont vraiment commencé à déconner, c’est dans les années 90. Nirvana est apparu, les majors ont suivi et on a eu le droit à Limp Bizkit, Blink 182 et Sum41.

La relève était plutôt à chercher du côté de At the Drive-in ou de Rage Against the Machine, qui, non contents de faire évoluer le genre, s’inspiraient des thématiques chères à leurs illustres aînés: anti-establishment, lutte contre l’autorité, etc etc.

Voilà le condensé de cette heure trente de bonheur et d’histoire en anglais. Il y a des sous-titres en allemand, pour ceux que ça intéresse.

Merci @virberg pour le lien et à Sean Quietus pour l’article et les vidéos >

La suite du documentaire, cliquez sur les flèches sur le côté du player pour avancer dans le documentaire:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

The Future Is Unwritten

Et en bonus, l’incontournable documentaire sur le Clash et plus particulièrement sur son leader Joe Strummer, The Future Is Unwritten (manque seulement la partie 8, vous pouvez utiliser les flèches sur le côté du player pour progresser dans le documentaire.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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Crédit Photo FLickr : mromega.

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