OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le Self-Tracking: Quand les chiffres parlent http://owni.fr/2010/10/15/le-self-tracking-quand-les-chiffres-parlent/ http://owni.fr/2010/10/15/le-self-tracking-quand-les-chiffres-parlent/#comments Fri, 15 Oct 2010 16:34:48 +0000 Stéphanie Vidal http://owni.fr/?p=31724 Assise à la terrasse d’un café, j’écoute Denis Harscoat de Quantter – site de self-tracking permettant à chacun de mesurer ses efforts – me vanter la beauté et l’utilité des nombres. Avec lui, je commence mon immersion dans la communauté des self-trackers : ceux qui collectent, analysent, visualisent et partagent leurs propres données.

Je ne lui cache pas mon scepticisme premier à l’égard de cette pratique que je cherche à connaitre et à comprendre. Denis me confie:

j’ai l’habitude qu’on nous prenne pour des tarés. J’entends toujours les mêmes choses. Les gens se demandent ce que l’on peut bien faire avec les chiffres.

Je n’arrive pas à contenir un sourire. Denis ne m’en tient par rigueur et continue : ” ils répètent que la vie ce n’est pas cela, que c’est la qualité qui importe et pas la quantité. La belle affaire ! Je pense que la vie c’est la quantité, que la qualité c’est la quantité. Quand une œuvre d’art ou une bonne bouteille de vin nous émerveille c’est parce qu’elles sont riches et qu’une vaste somme d’impressions affluent simultanément à notre cerveau. La qualité ce n’est que de la quantité”. Voilà le postulat de départ. C’est donc avec quantité de mots – et même d’anglicismes – que je vais vous parler des qualités des chiffres.

Le life-logging ou la mémoire de sa vie

Avant, l’agenda et le journal recueillaient rendez-vous notés à la va-vite, gribouillis en tout genre, ratures et pensées intimes. Ils étaient les seuls à conserver les vestiges du quotidien. Désormais, diverses méthodes permettent de garder une partie ou même l’ensemble des traces qu’on laisse derrière soi. Le life-logging en fait partie.

Kevin Kelly, rédacteur en chef du magazine Wired, le définit comme l’action “d’enregistrer et conserver l’ensemble des informations de la vie d’une personne. A savoir la totalité des textes, des images et des documents audios qui la concerne mais aussi le rapport qu’il entretient aux différents médias et l’intégralité de ses donnés biologiques relevées par des capteurs apposés à même le corps. L’information, archivée au profit du life-logger, peut être partagée avec d’autres à divers degrés et selon son bon-vouloir.”

Si l’est un nom qui doit être associé au life-logging c’est celui de Gordon Bell : pionnier de la pratique mais aussi détenteur des plus vastes archives personnelles au monde. Cet ingénieur américain a intégré le laboratoire  de Microsoft Research à San Fransico en 1995 et travaille depuis sur le projet MyLifeBits qui n’est autre que l’archivage exhaustif de sa vie. L’aventure a débuté quand il a décidé de se passer définitivement du papier et donc de faire scanner l’ensemble de ses documents. Plus le projet prenait de l’ampleur et plus il importait de l’implémenter encore. On y trouve aujourd’hui des photographies d’époque et des clichés pris automatiquement par un appareil photo qu’il porte sur lui, l’ensemble des sites web qu’il a parcouru et des applications qu’il utilise sur son ordinateur, l’intégralité de ses e-mails et de sa correspondance, ainsi que les enregistrements audio de toutes ses conversations.

Pratique extrême, le life-logging n’est que l’aboutissement d’un autre concept plus répandu, le life-caching – conserver des traces et les partager avec d’autres – permis par les technologies actuelles. En recommandant un lien sur Twitter, en mettant à jour son statut sur Facebook, en postant des photos sur Flickr, nous pratiquons tous le life-caching. Certains poussent même le vice à la démarche artistique, à l’instar de Joost Plattel qui prend et poste chaque jour un cliché à 20h36 précise ou encore de feu l’artiste new-yorkais Dash Snow dont les polaroids furent les seuls souvenirs de ses nuits sous héroïne.

Les self-trackers, des individus quantifiés

Même s’ils utilisent parfois la photographie, nos self-trackers sont généralement plus obnubilés par le compteur que par le déclencheur.

Collecter des données sur soi-même n’est rien d’autre que l’équivalent geek de tenir un journal

dit Andy Cotgreave de The Data Studio. Life-logger et self-tracker collectent ainsi données et reproches. Surnommés les data-freaks, ces gentils monstres dévoreurs de chiffres font parfois peur aux bien-pensants… et aux autres. Pour expliquer leur mode de vie – et le fait qu’ils ne soient pas si différents du reste de la population – ils font souvent l’analogie entre le journaling – tenir un journal – et le data-journaling – tenir un journal avec des données. Pour autant le data-journaling n’abandonne pas que le papier; dans certains cas il se passent tout simplement des mots.

A la différence des life-loggers – qui s’adonnent à l’écriture, l’audio ou encore la vidéo – les self-trackers se concentrent surtout dans les chiffres, leur grande marotte. En effet, le self-tracking (ou l’auto-monitoring ou le personnal informatics si vous appréciez les tags affiliés) consiste à compter des paramètres de sa vie, pour ensuite pouvoir les analyser et les partager. Le self-tracking est d’abord une affaire de collecte, et donc de procédures. Pour pouvoir bien se logger, et se compter ensuite, il est important d’avoir des outils fiables et adaptés à ses besoins. Quantité d’applications sont à disposition pour ce faire. Il en existe pratiquement une dédiée à chaque activité. On peut ainsi aisément trouver son bonheur si l’on souhaite suivre ses performances sportives ou sexuelles, surveiller sa nourriture ou ses humeurs, contrôler sa santé ou ses finances.

Ces applications ne prennent généralement en compte qu’un seul paramètre et parfois quelques uns tout au plus. Sur Daytum, une des plus plateformes les connues de self-tracking, les membre peuvent customiser leur pages. Ils choisissent dès lors ce qu’ils veulent tracker – nourriture consommée, nombre de cafés bus, programmes télé regardés par exemple – et la forme visuelle (histogrammes, camemberts, etc.) sous laquelle apparaitront leurs “résultats”.

Exemple de page Daytum

Smartphones et capteurs, des outils indispensables

Si la feuille de calcul Excel reste un must, le smartphone (surtout l’Iphone, même si l’Android commence à gagner du terrain) occupe une place centrale dans la vie du self-tracker. Toujours à portée de main, il lui permet d’actualiser ses données en temps réel. Aux dires des trackers, cette pratique, supposée chronophage, ne prendrait pourtant pas plus de temps que d’écrire d’un tweet: sur le site YourFlowinData, les updates se font en envoyant un DM à @yfd.

Même s’ils se défendent que le logging manuel soit si fastidieux, les traqueurs souhaitent évidemment plus d’automatisation dans la collecte de leur données. Les capteurs – ou sensors – existent déjà mais leur usage reste encore cantonné à certaines applications. On en trouve par exemple dans les semelles des Nike+ ou sur les vélos intelligents nommés The Copenhagen Wheel. Les self-trackers rêvent en fait du moment proche où ils pourront porter des sensors – sous la forme d’une montre par exemple – qui relèveraient en continu les données et les enverraient directement aux applications en vue de leur traitement.

Concrètement, ils veulent toujours plus de chiffres et de paramètres au menu et à la carte. Certains pris au jeu tombent parfois dans un véritable piège. L’histoire d’Alexandra Carmichael, fondatrice de la plateforme CureTogether et pionnière de la pratique est éloquente. Monitorant plus de quarante paramètres quotidiennement, elle a dû mettre un terme à son tracking pour se protéger de son emprise aliénante. Dans un un article à la prose syncopée posté sur le blog The Quantfied Self, elle écrit :

Comme n’importe quel outil, le self-tracking peut être utilisé pour aider ou pour blesser. Je ne le laisserai plus être un instrument de torture. Plus. Du tout.

Une pratique qui séduit de plus en plus

Entre mesure et démesure, les chiffres n’aidaient plus Alexandra. Pourtant, ils semblent servir la majorité de ceux qui débutent et poursuivent l’aventure. S’il n’en est qu’à ses balbutiement, le self-tracking séduit déjà beaucoup de monde. En fonction des centres d’intérêts, les self-trackers se comptent en centaines, en milliers et maintenant en millions. Au mois de mai dernier, l’application RunKeeper ( qui compte entre autre distance parcourue et calories brulées, nombres de minutes de l’effort et de battements de cœur pendant celui-ci ) a dépassé les deux millions de téléchargement. Le succès de la Wii-fit en est un autre exemple.

Au début de mes recherches, j’ai ouvert un compte sur Daytum pour y suivre des paramètres simples. Je n’ai pas tenu deux jours. J’en ai déduis que le self-tracking, avant d’être un mode de vie, est une histoire de motivation. Et je n’en démords pas, une inclinaison naturelle pour la rigueur ou un caractère obsessionnel et compulsif semblent être des avantages considérables voire des qualités indéniables dans cette pratique.

Les motivations qui poussent les self-trackers à commencer leur aventure et à la poursuivre sont individuelles. Pour la majorité d’entre eux, le self-tracking est un outil qui accompagne un projet de vie permettant de s’y tenir en s’auto-surveillant en permanence. Les sportifs voulant mesurer leur performances, les malades qui doivent surveiller leur paramètres vitaux, les dodus qui suivent un régime ou les travailleurs curieux de connaitre leur productivité, y trouvent leur comptent. Pour d’autres, le self-tracking permet la réalisation de projet graphique. C’est par exemple le cas pour les designers Nicholas Felton rendu célèbre par ses “Annual Report” (voir interview) ou Florent Guerlain et son projet “Hyper, Consommation Alimentaire”.

La connaissance de soi par les nombres

Au delà de leurs motivation divergentes, les self-trackers considèrent cette méthode comme une véritable aventure. Ils font de leur vie une expérience, dont ils sont à la fois le cobaye et la blouse blanche. En confrontant les résultats de différents paramètres, ils cherchent à découvrir des choses sur eux-mêmes, à être surpris par leur comportement, à les comprendre et à les infléchir. Ils démentent vouloir correspondre à une norme mais entrer dans une communauté d’individus dans laquelle prouesses et imperfections seraient montrés avec honnêteté, ne craignant pas le regard de l’autre et le cherchant.

Car le self-tracking, pratique on ne peut plus personnelle, se déploie aussi dans l’interaction avec les autres et les trackers aiment à partager leur résultats sur le net ou en comité. Nées aux Etats-Unis, les réunions “The Quantified Self”- du nom du blog monté par Kevin Kelly et Gary Wolf de Wired – commencent à arriver en Europe. Après Londres et Amsterdam en septembre, un meeting parisien ne devrait pas tarder. Lors de ces réunions, les membres échangent des informations et présentent outils et méthodologies. Armés de présentation PowerPoint richement pourvues de graphiques, les self-trackers font le récit de leurs péripéties devant un auditoire attentif. Intérêt pour autrui ou comble du narcissisme ? A la place d’une réponse voici une autre question : peut-on parler d’exhibitionnisme dans un camp de naturiste ?

Les self-trackers rejoignent Walter Benjamin dans sa définition du bonheur : être heureux, c’est se connaitre soi-même sans avoir peur. Si The Quantified Self devait être légendé, Gary Wolf opterait pour “la connaissance de soi par les chiffres”. Le self-tracking se revendique comme une nouvelle facette de la fameuse devise socratique “connais-toi toi-même”. Les trackers envisagent à travers les chiffres, un accès inédit à soi-même, une alternative à la démarche psychanalytique. Ils préfèrent la machine au divan trouvant leur méthode bien plus féconde et efficace du fait qu’elle se passe de mots; ces mots soumis à l’équivoque, qui peuvent tromper, trahir et mentir.

L’universalité du langage mathématique

Pour les trackers le chiffre pallie les défaillances du mot, le suppléé et peut-être même le supplante. C’est même le langage dans son intégralité qui est jugé trop limité et qui est critiqué à cause de sa linéarité, sa longueur, sa subjectivité, sa capacité à être excluant. Car les langues, à contrario du langage mathématique, ne sont pas communément partagées par tous. Elles cloisonnent et limitent la communication entre les hommes, mais aussi entre les espèces. Grâce aux capteurs, les trackers espèrent même pouvoir parler numériquement avec les plantes et les animaux.

Avec les nombres, les trackers visent à une meilleure connaissance d’eux-mêmes et du monde qui les entourent. A l’instar des pionniers d’internet, ces fanas de chiffres croient qu’il faut d’abord envisager de modifier les comportements individuels avant de pouvoir bouleverser l’ordre du monde. Qu’il faut œuvrer soi-même et ensemble, pour améliorer sa qualité d’être humain, pour tendre à de meilleure conditions de vie… si ce n’est à une meilleur humanité.

Les chiffres regroupent les individus par la pratique et le partage. La confrontation des données d’un groupe de personnes volontaires peuvent être parfois bénéfiques à la communauté. Dans le domaine de la santé, les initiatives se font de plus en plus nombreuses. Grâce à des sites comme PatientsLikeMe, les malades s’organisent pour mener leurs propres études. Alexandra Carmichael rapporte par exemple que des patients souffrant de sclérose latérale amyotrophie ont décidé d’observer l’effet du Lithium sur la progression de leur maladie. Qu’ils en prennent ou non, les malades ont répertoriés leurs données. La comparaison des progrès des deux groupes n’a pas été concluante mais jamais aucune étude médicale sur la SLA n’avait réuni autant de patients, et n’avaient obtenu de résultats aussi rapidement, pour si peu d’argent.

De la vie privée à l’attention publique


Il existe aujourd'hui d'autres moyens de tout enregistrer

Agir sur soi-même pour agir sur le monde, c’est aussi remettre en cause les systèmes établis et non pas uniquement celui de la langue. Les feuilles de calculs sont généralement le pré-carré des scientifiques, des économistes, des comptables, des gouvernants et des commerciaux. En s’emparant des méthodes de ces derniers et en pistant eux-mêmes leurs chiffres, les self-trackers prétendent en fait désamorcer la tyrannie d’un système qui nous demande de faire toujours plus de chiffres ou qui nous en affublent sans cesse.

Quittes à être trackés par les gouvernements et chiffrés à mauvais escient par les entreprises, les self-trackers préfèrent autant le faire eux-mêmes. Considérant le self-tracking comme une subversion, les datactivistes ont décidé de prendre le contrôle de leur données. C’est le cas par exemple de l’artiste Hasan Elahi (voire l’article) qui à mis l’ensemble de ses données personnelles sur le site Tracking Transience permettant au FBI de tout savoir sur lui tout en dévaluant ces informations par leur nombre et leur accessibilité.

Mais on peut légitimement se demander si les chiffres utilisés pour contrecarrer le système ne pourraient pas se retourner contre les self-trackers. Mark Zuckerberg co-fondateur de Facebook annonçait au début de l’année 2010 que l’époque de la vie privée était révolue. Les questions concernant la vie privée sur Internet ne cessent d’être posées sans pour autant trouver de réponses. Mais qu’en est-il de la vie privée quand celle-ci s’exprime par des chiffres? Y-a-t-il des paramètres qui doivent rester confidentiels, quand d’autres peuvent être largement communiqués ? Encore une fois, les réponses sont à inventer car la pratique est encore neuve et nous n’avons rien d’autres à offrir que des suppositions.

Les self-trackers, eux, ne paraissent pas très inquiets de ce qui pourrait advenir des chiffres qu’ils partagent avec tant de générosité, franchissant sans aucune difficulté l’état de data-loggers à celui de data-bloggers. D’après le critique Hal Niedzviecki  les self-trackers n’ont que faire de la vie privée et n’accordent que peu de valeur à ce concept désuet. Ils lui préfèrent celui d’attention, ce qui est un véritable changement de paradigme culturel.

Le meilleur des mondes

Dans cette histoire, la vraie question tient surtout à savoir si les self-trackers ne se moqueraient pas de la vie privée pour la bonne raison que la leur – s’exprimant en chiffres – n’a pas encore affectée. Imaginons que je me sois appliquée à tenir mon compte Daytum. En un click, n’importe qui, aurait pu découvrir mon penchant pour le chocolat et la nicotine ainsi qu’une certaine irrégularité dans ma pratique sportive. N’importe qui dont mon père, mon assureur ou un chef de projet dans l’industrie agro-alimentaire. J’aurais pu alors recevoir les trois mails que voici :

Je viens de voir tes chiffres sur Daytum. Ta mère et moi sommes très déçus. Encore plus que la fois où nous t’avons vu ivre sur YouTube. J’espère que tu vas arrêter de fumer, c’est mauvais pour toi. Tu devrais le savoir c’est inscrit sur le paquet que tu fumes chaque jour. J’ai décidé d’enlever un euro sur ton compte épargne chaque fois que tu cliqueras sur +1. Je fais ça par ce que je t’aime. Bisous

Mademoiselle, ayant constaté la faible qualité de vos chiffres, j’ai le regret de nous annoncer que nous ne pouvons accepter de vous couvrir. Le mode de vie que vous menez ne peut en aucun cas vous permettre de bénéficier d’une assurance-vie dans notre compagnie. Votre tabagisme – vous conduisant à une mort prématurée – et votre attrait pour le chocolat combiné à de faibles performances sportives – faisant de vous une personne potentiellement en sur-poids et hypothétiquement sujette à des maladies cardio-vasculaires – vous classent dans la catégorie des individus à risques. Risques, Mademoiselle, que nous se sommes pas en mesure de prendre. Cordialement

Bonjour, je vous écris car je voudrais vous vanter les mérites de notre toute nouvelle barre chocolatée et nicotinée low-carb : Chococlop. Chococlop vous permettra d’assouvir votre gourmandise sans culpabilité ! Vous pourrez grignoter tout en gardant la ligne et même diminuer votre consommation de cigarettes : ) Sachez qu’en plus pour l’achat de 8 cartons de Chococlop vous ferez partie de nos clientes privilégiées et aurez droit à un bon de réduction de 50% sur un vélo d’appartement chez notre partenaire Les Machines de Machin. Super non ?

Personnellement, cela me donne la chair de poule. D’autres histoires de ce genre restent à imaginer, et peut-être nous les expérimenterons dans un futur proche, si nous les vivons pas déjà.

Pratique numérique, pratique magique

Au contact des self-trackers – et par delà les motivations concrètes qui les ont amenés à le devenir – il m’a semblé qu’ils ne cherchaient pas uniquement des nombres mais aussi des valeurs. En instaurant des manières inédites d’être et d’agir pour soi et pour les autres, ils ont crée un système dont chacun est à la fois le centre et une des multiples particules périphériques qui le composent.

En s’imposant une ligne de conduite rigoureuse, les trackers semblent vouloir ancrer leur quotidien dans des rites et donner du sens à leur actes. Y aurait-il du spirituel dans les chiffres ? Les trackers sont affirmatifs. En investissant leurs données, ils ont découvert un monde fait de nombres, traversés de flux de données que les graphiques donne à voir partiellement.

Nos self-trackers l’expérimentent et l’explorent à foison sans pour autant connaître le précis but de leur quête. Qu’ils soient datafreaks, savanturiers ou maitres ignorants, les self-trackers nous apprennent avec leurs feuilles que l’émancipation de soi peut s’envisager à travers les chiffres et que notre environnement est une élégante équation remplie d’inconnues, de mystères et de magies.

Crédits photos CC FlickR par theskinimin, Heartbeatbox

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Métamorphoses de l’évolution. Le récit d’une image http://owni.fr/2010/03/25/metamorphoses-de-l%e2%80%99evolution-le-recit-d%e2%80%99une-image/ http://owni.fr/2010/03/25/metamorphoses-de-l%e2%80%99evolution-le-recit-d%e2%80%99une-image/#comments Thu, 25 Mar 2010 10:56:11 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=10801 Illustration de couverture de la traduction hollandaise de louvrage de Stephen Jay Gould, Ever Since Darwin (Honderd jaar na Darwin, 1979).

Illustration de couverture de la traduction hollandaise de l'ouvrage de Stephen Jay Gould, Ever Since Darwin (Honderd jaar na Darwin, 1979).

Dans La Vie est belle, le paléontologue Stephen Jay Gould note que “l’iconographie au service de la persuasion frappe (…) au plus profond de notre être”. Pour introduire à une réflexion d’envergure sur l’histoire de la vie, le savant s’en prend à une illustration: la fameuse “marche du progrès”, dont il reproduit plusieurs parodies. La succession des hominidés en file indienne, “représentation archétypale de l’évolution – son image même, immédiatement saisie et instinctivement comprise par tout le monde”, propose une vision faussée d’un processus complexe.

“L’évolution de la vie à la surface de la planète est conforme au modèle du buisson touffu doté d’innombrables branches (…). Elle ne peut pas du tout être représentée par l’échelle d’un progrès inévitable.”

(Gould, 1991, p. 26-35, voir également Bredekamp, 2008).

Spécialiste de l’usage des modèles évolutionnistes, Gould est conscient que “bon nombre de nos illustrations matérialisent des concepts, tout en prétendant n’être que des descriptions neutres de la nature”. Ce problème qui caractérise l’imagerie scientifique trouve avec la “marche du progrès” un de ses plus célèbres exemples.

Mais au contraire des nombreuses références que mobilise habituellement le savant, celle-ci n’est ni datée ni attribuée. Quoiqu’il en critique l’esprit et en regrette l’influence, Gould ignore quelle est sa source. Comme beaucoup d’autres images issues de la culture populaire, celle-ci s’est dispersée dans une familiarité indistincte, et a perdu chemin faisant les attributs susceptibles de situer une origine.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Il y a une bonne raison pour laquelle Stephen Jay Gould n’a pas été confronté à la source de l’illustration dont il traque les reprises. Lorsque celle-ci est publiée, en 1965, le jeune étudiant en géologie a 23 ans, et une formation déjà bien trop spécialisée pour avoir consulté ce livre destiné à l’éducation des enfants et des adolescents.

Rudolf Zallinger, The Road to Homo Sapiens, illustration pour The Early Man, 1965 (dépliant fermé).

Rudolf Zallinger, "The Road to Homo Sapiens", illustration pour The Early Man, 1965 (dépliant fermé).

Dessinée par Rudolph Zallinger (1919-1995) pour l’ouvrage de Francis Clark Howell (1925-2007), The Early Man, cette image prend place dans la plus ambitieuse collection de vulgarisation jamais publiée: celle des éditions Time-Life, qui s’étend sur 51 volumes entre 1961 et 1967 (collections “Young Readers Nature Library” et “Life Science Library”).

Traduite dans de nombreux pays, cette collection s’inscrit dans la longue tradition inaugurée par Les Merveilles de la Science de Louis Figuier (1867), qui fait reposer sur une illustration abondante le récit des “connaissances utiles” nécessaires à l’instruction de la jeunesse.

Volumes de la collection Time-Life (en traductions françaises).

Volumes de la collection Time-Life (en traductions françaises).

Elle se caractérise par la qualité des textes, confiés à des spécialistes, mais aussi par le soin sans précédent apporté à l’iconographie.

Inspirée des principes qui animent le magazine Life, la collection est le premier ouvrage de vulgarisation scientifique à pousser si loin le rôle de l’image. Les éditeurs ont voulu proposer une illustration haut de gamme, très largement en couleur, servie par une impression irréprochable, en faisant appel aux meilleurs dessinateurs et photographes.

Exemples diconographie de la collection Time-Life.

Exemples d'iconographie de la collection Time-Life.

L’iconographie est souvent spectaculaire. Elle offre une large variété de styles et témoigne d’une constante préoccupation pédagogique. L’image doit fournir une synthèse claire et lisible d’une information dense. La collection développe un savoir-faire élaboré en matière de schémas narratifs, combinaison de la représentation tabulaire des données scientifiques avec une mise en scène visuelle forte.

La contribution de Rudolph Zallinger fournit un exemple particulièrement abouti de ce genre. Anthropologue spécialiste de préhistoire, professeur à l’université de Chicago, Francis Clark Howell est également un vulgarisateur convaincu. C’est en connaissance de cause qu’il s’adresse à l’un des plus fameux illustrateurs de sciences naturelles, auteur de la fresque “L’Age des reptiles” pour l’université de Yale, exécutée entre 1943 et 1947, panorama chronologique de l’évolution des dinosaures du Devonien au Crétacé, longue de 33,5 sur 4,9 mètres.

Rudolph Zallinger, Lâge des reptiles, fresque murale, université de Yale (détail).

Rudolph Zallinger, "L'âge des reptiles", fresque murale, université de Yale (détail).

Zallinger sera contacté par Life en 1952 pour participer à l’illustration du feuilleton “The World We Live In”, aux côtés de Chesley Bonestell, Alfred Eisenstaedt ou Fritz Goro.

La composition de The Early Man s’inspire du précédent de Yale. Il s’agit de disposer sur un dépliant de 5 pages – la plus longue illustration de la collection – la série ordonnée des reconstitutions de fossiles de quinze espèces anthropoïdes sur une durée de 25 millions d’années. Les schémas chronologiques en haut de page sont dus à George V. Kelvin.

Rudolf Zallinger, The Road to Homo Sapiens, illustration pour The Early Man, 1965 (dépliant ouvert).

Rudolf Zallinger, "The Road to Homo Sapiens", illustration pour The Early Man, 1965 (dépliant ouvert).

Sous le titre “The Road to Homo Sapiens”, la représentation synthétique de Zallinger innove par rapport aux formes existantes de figuration évolutionniste, le plus souvent disposées de façon tabulaire. Sa proposition peut être rapprochée de trois sources iconographiques. La première est une gravure due au grand peintre naturaliste Waterhouse Hawkins, publiée en frontispice de l’ouvrage de Thomas Henry Huxley, Evidence as to Man’s Place in Nature (1863), qui associe à fins de comparaison les squelettes du gibbon, de l’orang-outang, du chimpanzé, du gorille et de l’homme.

Waterhouse Hawkins, Skeletons of the Gibbon, Orang, Chimpanzee, Gorilla, man, frontispice de louvrage de Thomas Henry Huxley (1863).

Waterhouse Hawkins, "Skeletons of the Gibbon, Orang, Chimpanzee, Gorilla, man", frontispice de l'ouvrage de Thomas Henry Huxley (1863).

“L’homme descend du singe”. La fameuse formule de l’évêque d’Oxford symbolise la polémique issue de la publication de L’Origine des espèces (1859), dont la relecture biologique du destin humain fait scandale. Défenseur de Darwin, Thomas Huxley utilise l’œuvre de Hawkins dans le cadre d’un ouvrage qui propose la démonstration zoologique et anatomique de la proximité des différentes espèces hominoïdes. Quoiqu’elle n’ait aucun caractère paléontologique, cette illustration qui rapproche l’homme du singe prend bel et bien place dans l’histoire du débat évolutionniste.

Cet exercice comparatif n’offre encore qu’une simple juxtaposition. Pour trouver une articulation plus étroite, il faut remonter à une source plus ancienne: le thème des différents âges de l’homme, qui nourrit la peinture et la gravure depuis la Renaissance. Le ressort visuel sur lequel s’appuie cette iconographie, le principe de la métamorphose, en fait un motif séduisant pour les artistes, qui trouvent l’occasion d’y montrer leur virtuosité, comme pour le public, qui en apprécie la dimension curieuse et ludique.

Hans Baldung Grien, Les trois âges de la vie, v. 1510 (Vienne, Kunsthistorisches Museum); A. F. Hurez, Degrés des âges, Cambrai, 1817-1832 (Paris, musée des arts et traditions populaires).

Hans Baldung Grien, "Les trois âges de la vie", v. 1510 (Vienne, Kunsthistorisches Museum); A. F. Hurez, "Degrés des âges", Cambrai, 1817-1832 (Paris, musée des arts et traditions populaires).

Une version de ce thème, attestée dès le 16e siècle, sera notamment popularisée par François Georgin en 1826 pour l’imagerie d’Epinal, sous le titre de “Degrés des âges”. Celle-ci latéralise et ordonne le motif en paliers, facilitant le jeu des comparaisons. Gravure à succès durant tout le 19e siècle, celle-ci connaîtra d’innombrables reprises dans toute l’Europe (Day, 1992) .

Différentes versions des Degrés des âges.

Différentes versions des "Degrés des âges".

La transposition de ce thème dans l’univers paléontologique n’est pas que l’emprunt d’une forme. Dans les “Degrés des âges”, malgré les altérations qui affectent leurs avatars, ce sont les mêmes personnages que l’on retrouve du premier au dernier échelon. L’application de ce motif au schème évolutionniste constitue une simplification implicite, qui rapporte les transformations des espèces au développement de l’individu, rabat l’ontogenèse sur la phylogenèse. C’est cette opération iconographique qui créé la perception de l’évolution comme un développement unifié et linéaire, aussi homogène que s’il s’agissait de la vie d’un être humain.

Cette impression est encore renforcée par la troisième source de Zallinger: la chronophotographie de la marche d’Etienne-Jules Marey, qui a inspiré une imagerie abondante à partir de 1882 (Braun, 1992). A cette vision cinématographique, l’illustrateur emprunte le dynamisme de la déambulation, qui anime la fresque évolutionniste d’un pas décidé. Le motif de la marche unifie et fluidifie la succession des espèces, désormais métamorphosée en séquence. Plutôt que sous la forme de la juxtaposition tabulaire, le modèle chronophotographique suggère de lire l’image comme la décomposition d’un seul et unique mouvement.

Etienne-Jules Marey, locomotion de lhomme, chronophotographie sur plaque fixe, 1883, coll. Collège de France (détail).

Etienne-Jules Marey, locomotion de l'homme, chronophotographie sur plaque fixe, 1883, coll. Collège de France (détail)

Unification, latéralisation, dynamisation: les choix de l’illustration sont fondés sur l’intention pédagogique, qui veut produire une information synthétique, immédiatement lisible. Cette composition si efficace peut-elle l’être un peu trop? Le texte en regard apporte d’utiles précisions, qui contredisent son apparente homogénéité:

“Ces reconstitutions sont donc en partie hypothétiques, mais même si des découvertes ultérieures imposaient des changements, elles auraient atteint leur but en montrant ce que pouvait être l’aspect de ces primates disparus.” Ou encore: “Bien que les “ancêtres de singes anthropomorphes” aient été quadrupèdes, tous sont ici figurés debout, pour faciliter la comparaison”

(Howell, 1965, p. 41).

Couverture de louvrage de J. Wells, Icons of Evolution. Science or Myth?

Couverture de l'ouvrage de J. Wells, Icons of Evolution. Science or Myth?

Peu importent ces nuances. L’image de Zallinger est si forte qu’elle balaie toute incertitude. La généalogie idéalement linéaire qu’elle figure s’impose à l’esprit avec l’évidence d’un fait objectif. En fournissant un support visuel au rapprochement de l’homme et du singe, l’illustration de Life ravive le scandale de L’Origine des espèces et s’attire les foudres des créationnistes:

“Malgré l’absence de preuves, la vision darwinienne des origines humaines s’est trouvée bientôt enclose dans des dessins montrant l’évolution d’un singe qui, marchant sur ses phalanges, se redresse par paliers pour devenir un être humain debout. Ces dessins ont ensuite été reproduits dans d’innombrables livres, expositions, articles et même dessins animés. Ils forment l’icône ultime de l’évolution, parce qu’ils symbolisent la signification profonde de la théorie de Darwin pour l’existence humaine”

(Wells, 2002, p. 211).

Le succès de l’icône, dont une recherche sur internet permet aujourd’hui de prendre la mesure, se vérifie en effet par ses copies et ses parodies. Ces reprises sans nombre témoignent de ce que cette image est d’abord un récit. Comme le montrent les altérations qui, en modifiant le dernier stade ou en inversant la logique de la progression, jouent à changer le sens de la série, elle fonctionne comme une structure narrative autonome, immédiatement compréhensible. Elle incarne exemplairement cette connaissance par l’image favorisée par les ouvrages illustrés.

Graffiti, Vali-ye-Asr Avenue, Téhéran, photo Paul Keller, 2007 (licence CC).

Graffiti, Vali-ye-Asr Avenue, Téhéran, photo Paul Keller, 2007 (licence CC).

Les reprises constituent également la seule trace accessible de la réception de l’illustration. Elle apportent la preuve de sa fécondité imaginaire, en même temps qu’elles en entretiennent les progrès. Elles montrent que l’icône est partie prenante de la culture visuelle, au sens où son exposition universelle garantit à l’auteur de la reprise un haut degré de connivence et d’interprétabilité.

Diverses parodies de The Road to Homo Sapiens.

Diverses parodies de "The Road to Homo Sapiens".

La discussion sur l’efficacité de l’image prend parfois des aspects tortueux. Pourtant, son agency n’a rien de mystérieux. Dans le cas de “The Road to Homo Sapiens”, les facteurs de son influence sont: 1) l’importance de la diffusion, qui assure une exposition maximale au contenu; 2) la puissance du contexte de l’instruction populaire, qui légitime la connaissance par l’image; 3) l’empreinte du débat évolutionniste, qui structure notre compréhension du monde; 4) l’élégance de la formule graphique inventée par un illustrateur, qui est l’auteur d’une œuvre.

Mis à part une page sur Wikipédia, et sauf erreur de ma part, cet article est le premier consacré à l’analyse iconographique d’une des plus célèbres images de la seconde moitié du 20e siècle. Une icône si profondément intégrée à notre culture visuelle que sa répétition avait fini par effacer le souvenir de son auteur et de son origine. Il s’agit pourtant d’une œuvre, au sens strict du terme, dont on a pu retrouver les sources, expliquer le contexte et les intentions, suggérer l’influence et la fortune critique. En d’autres termes, on a démontré ici qu’on peut faire sur une image issue de la culture populaire un travail d’interprétation qui ne diffère en rien, dans les outils et les méthodes qu’il mobilise, de celui de l’histoire de l’art. Un pas de plus pour l’histoire visuelle.

Couverture du disque de Encino pour le film California Man, (Les Mayfield, 1992); publicité pour le JT de M6, septembre 2009; page du groupe Flickr "March from Monkey to Man" .

Et en bonus spéciale soucoupe, ce magnifique clip réalisé pour le morceau “Do the Evolution”, par Pearl Jam.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Références: sources

> Charles Darwin, L’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle(1859, éd. D. Becquemont, trad. de l’anglais par E. Barbier), Paris, Flammarion, 1992.
> Louis Figuier, Les merveilles de la science, ou Description populaire des inventions modernes, éd. Furne et Jouvet, 6 vol., 1867-1869.
> Thomas Henry Huxley, Evidence as to Man’s Place in Nature, New York, Appleton & Co, 1863.
> Francis Clark Howell, The Early Man, Time-Life, 1e éd., 1965 (trad. française: L’Homme préhistorique, 1966).

Références: études

> Horst Bredekamp, Les Coraux de Darwin. Premiers modèles de l’évolution et tradition de l’histoire naturelle (trad. de l’allemand par Ch. Joschke), Dijon, Les Presses du réel, 2008.
> Marta Braun, “Marey, Modern Art and Modernism”, Picturing Time. The Work of Etienne-Jules Marey, 1830-1904, Chicago, University of Chicago Press, 1992, p. 264-318.
> Barbara Ann Day, “Representing Aging and Death in French Culture”, French Historical Studies, Vol. 17, n° 3, printemps, 1992, p. 688-724.

> Stephen Jay Gould, La Vie est belle. Les surprises de l’évolution (trad. de l’américain par M. Blanc), Paris, Seuil, 1991.

> Jonathan Wells, Icons of Evolution. Science or Myth? Why Much of What We Teach about Evolution is Wrong, Washington, Regnery Publishing, 2002.

Iconographiehttp://www.flickr.com/…

Intervention présentée dans le cadre du séminaire “Mythes, images, monstres“, le 26 novembre 2009, INHA.

> Article initialement publié sur Culture Visuelle (lisez les commentaires!) /-)
> photo de Lego Kaptain Kobold


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http://owni.fr/2010/03/25/metamorphoses-de-l%e2%80%99evolution-le-recit-d%e2%80%99une-image/feed/ 2
Photoshop, anatomie d’un désastre http://owni.fr/2010/03/19/photoshop-anatomie-dun-desastre/ http://owni.fr/2010/03/19/photoshop-anatomie-dun-desastre/#comments Fri, 19 Mar 2010 10:03:07 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=10303 parisbloodyhilton

PhotoshopDisasters rassemble des images retouchées à la truelle avec le logiciel d’édition. C’est drôle et révélateur de la façon dont la société occidentale construit et impose des normes esthétiques.

Elles sont parmi nous, invraisemblablement réelles. Glissées dans un magazine, placardées dans un métro. Vous ne vous en rendez peut-être pas compte.
Heureusement, des yeux avertis veillent pour vous et les réunissent sur un site : PhotoshopDisasters, comme son nom l’indique, est une galerie d’images générées à l’aide du logiciel d’édition qui présentent des aberrations au regard de Mère Nature.

Lancé en 2008, le site trie les clichés selon des catégories au nom évocateur. Inadvertent amputation rassemble les photos où un membre a été coupé, comme ça, en douce :

rockbloodyit

Inversement, la victime d’une lame possède une pièce (mal) rapportée, une tête par exemple :

discountdance

Pour le collagène pixellisé, on tapera dans mutton dressed as lamb :

donnasummer

À côté des mannequins étiquetés baroque anatomy, les petites gymnastes chinoises passent pour des manches à balai :

evenlybloodygorgeous

Bon, passée la bonne poilade ludique sur le mode “cherchez l’erreur”, PhotoshopDisasters est aussi révélateur de la façon dont la société occidentale représente le corps et modèle à son tour notre vision de la norme, comme l’explique Alexie Geers, doctorante et chargée d’enseignement en histoire de l’art et des représentations à l’Université Paris Ouest Nanterre-La Défense, et doctorante associé au Lhivic.

Quand nous parcourons le site, les aberrations physiques nous sautent au yeux. Dans leur contexte, les verrions-nous ?

Alexie Geers : Les images qui ont subi de « mauvaises » retouches ou des erreurs de retouche, le lecteur peut les déceler en étant un peu attentif. Un bras ou un pied oublié est visible, cependant ces images étant faites pour être regardées rapidement, très souvent le lecteur ne s’en rend pas vraiment compte. Les autres images, « bien » retouchées, et ce sont les plus nombreuses, ne sont pas remarquées forcément comme telles. Bien que nous sachions l’image retouchée ou travaillée, nous ne savons pas à quel point.

Que racontent ces photos sur la façon dont notre société construit une représentation normée du corps ?

Ces images, issues par exemple de la presse féminine, montrent des corps uniformisés, correspondant aux canons de beauté contemporains, toutes les étapes de la fabrication des images (car il ne faut surtout pas oublier qu’il n’y a pas que la retouche qui permet de fabriquer une photographie) permettent de gommer les aspects d’individualité (grains de beauté, nez légèrement tordu…) et de mettre en avant certains autres aspects, plus idéalisés (peau lisse, minceur, cheveux brillants…).

Des retouches aussi déformantes sont-elles courantes ?

Oui, mais la plupart du temps, la retouche est « bonne », c’est-à-dire qu’on ne la voit pas, on peut l’imaginer certes, mais la technique n’est pas visible. Les exemples de PhotoshopDisasters sont des exemples d’erreurs, de « mauvaises » retouches. Un corps peut être entièrement transformé, remodelé sans que le lecteur ne le voit, n’ayant jamais rencontré le modèle ! Souvent la rupture est visible lorsqu’il s’agit de quelqu’un de connu, voir Monica Belluci ou Sharon Stone avec des visages de jeunettes de 25 ans surprend toujours.

Quels secteurs y recourent le plus, et qui s’adressent à quels publics ?

La publicité, la presse féminine et aussi l’affiche de cinéma sont les plus gros consommateurs de ce type d’images, ceci s’expliquant aussi par leurs budgets, très importants. Car des images comme ça coutent chères, elles demandent beaucoup de travail.

Mais je dirais qu’aucun secteur n’y échappe, je crois qu’aujourd’hui toutes les photographies sont retouchées, même a minima. D’ailleurs il faut se poser la fameuse question : où commence la retouche ? Est-ce au moment où on opère une légère chromie ? Ou au moment où l’intervention est plus grosse ? Il est assez amusant de voir que la retouche est toujours définie à côté de la photographie alors qu’elle fait entièrement partie d’elle.

Quel est le risque d’une telle pratique ?

Je ne vois pas vraiment de « risque » dès l’instant qu’on est bien conscient que ce qu’on a sous les yeux est une image et non la réalité. Une photographie de publicité cosmétique n’est pas moins conforme à la réalité qu’une Vénus d’Ingres ! Il faut comprendre que l’image photographique n’est pas la réalité et balayer une bonne fois pour toute l’idée qu’elle comporte l’objectivité. La photographie est une composition et dans ces exemples, elle est travaillée autant qu’un dessin. Elle se situe, de la même manière, entre la réalité et l’imaginaire, et pas forcément plus près de la réalité.

Marie-Claire a annoncé un numéro « 100% sans retouches », la députée Valérie Boyer a proposé une loi qui obligerait à signaler les photos retouchées…, pensez-vous que l’on va revenir vers plus de naturel dans la représentation des corps ? Ou nous avons besoin de représentation idéalisée du corps ?

La démarche de Marie-Claire dans ce numéro est différente de la proposition de loi de V. Boyer, car le magazine veut montrer que, sans retouche, le magazine n’est pas si différent qu’avec (et donc essayer de dire qu’il n’use pas de la retouche). La députée veut écrire sur l’image photographique : « attention ceci est retouché, ceci n’est pas la réalité ».

À mon sens être éduqué à l’image serait une bien meilleure solution pour avoir un regard critique face au flot d’images qui nous entoure ! Apprendre qu’en effet l’image n’est pas la réalité ! (et ce n’est pas Magritte qui dirait le contraire.)

Si l’on regarde les images de presse féminine cette dernière année , on peut voir une idéalisation très prononcée. Où allons-nous ? Vers plus de naturel ? Je ne le pense pas. Car n’oublions pas que derrière toute ce système de représentation (presse féminine, publicité), il y a des industries cosmétiques, qui ne sont pas prêtes d’abandonner leurs moyens de convaincre. Surtout que le corps idéalisé est un moyen diablement efficace. Vous avez raison, en quelque sorte « nous avons besoin de représentation idéalisée ». Pour preuve la campagne Dove qui utilisait des modèles différents, des femmes rondes, plus âgées, des femmes comme « tout le monde », la campagne a beaucoup plu aux femmes, mais n’a pas eu de bons résultats commerciaux…

L’éducation à l’image, un vaste chantier auquel quelques ouvriers s’attellent…

Toutes les photos sont reprises de PhotoshopDisasters.

Quelques liens pour aller plus loin :

> sur l’image

Le blog d’Alexie Geers, L’Appareil des apparences, consacré entre autres aux photographies de corps féminin dans la presse féminine, et en particulier son billet sur le numéro “100% sans retouches” de Marie-Claire

Métamorphoses de Valentina Grossi, aborde la retouche numérique.

Les deux blogs d’André Gunthert sur Culture visuelleTotem et spécialement cette analyse et L’atelier des icônes ; et cet article paru sur Etudes photographiques

> sur l’éducation aux médias

Cellulogrammes, un atelier pédagogique sur à l’éducation à l’image, auquel s’est associé Curiosphere.tv, la web-tv éducative de France 5.

Le site de l’association Paroles d’images, présidée par Rémy Besson, et son blog.

Zéro de conduite

Le Clemi

Passeursdimages

Et pour finir, une vidéo montrant comment on transforme une jolie femme en une image publicitaire pour Dove.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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Marie-Claire sans retouches ? http://owni.fr/2010/03/19/marie-claire-sans-retouches/ http://owni.fr/2010/03/19/marie-claire-sans-retouches/#comments Fri, 19 Mar 2010 10:01:13 +0000 Alexie Geers http://owni.fr/?p=10313 Quand le magazine féminin promet un numéro d’avril 100% sans retouches, qu’entend-il par là et que veut-il démontrer ? Alexie Geers, auteur du blog L’Appareil des apparences sur Culture visuelle, et nouvelle venue sur Owni, analyse l’opération.

Un an tout juste après Elle et ses stars photographiées «sans fards, sans maquillage, sans retouches» par Peter Lindbergh, Marie-Claire, nous promet, pour son numéro d’avril 2010, un numéro «100% sans retouches».

Elle, avril 2009, "Stars sans fards, sans maquillage, sans  retouches" (Monica Belluci)

Elle, avril 2009, “Stars sans fards, sans maquillage, sans retouches” (Monica Belluci)

Marie-Claire, avril 2010, Une, "Numéro 100% sans  retouches" (Louise Bourgoin)

Marie-Claire, avril 2010, Une, “Numéro 100% sans retouches” (Louise Bourgoin)

Selon Christine Leiritz, directrice de rédaction et éditorialiste, « nulle retouche, pas de tricherie »[1] dans ce numéro, pensé comme un pied de nez à la proposition de loi de Valérie Boyer[2]:  «Ce que nous voulons montrer est limpide. Marie-Claire n’offre pas une «représentation erronée de l’image du corps dans notre société» comme le craint la députée, à grand coup de logiciels de retouche, de castings de filles maigrissimes et d’injonctions à maigrir. Marie-Claire, pas plus, n’offre à ses lectrices une image réductrice d’une beauté unique et d’une jeunesse éternelle».

Une petite observation dudit magazine s’impose au regard de ce discours.

La directrice de rédaction mentionne que «les publicités ne sont pas concernées» par la non-retouche, seules les photographies dites éditoriales participent au défi. Or sur les 322 pages que comporte ce numéro, 123 sont des publicités pleine page: 30% du magazine échappe donc à la «non-retouche», donnant au numéro un aspect visuel tout à fait proche de ce dont on a l’habitude.

L’éditorialiste en a d’ailleurs parfaitement conscience «Pas sûr, même, que si nous n’avions pas ajouté la mention “photos non retouchées” vous auriez perçu un quelconque changement»…

Prêtons attention au 70% restant et aux «photographies non retouchées».

Tout d’abord, que signifie «sans retouche»? A quel moment commence la retouche d’une photographie? Au moment de l’éclairage qui unifie le visage et qui gomme les pores? Au moment du choix d’un noir et blanc légèrement surexposé? Au moment de la chromie qui elle aussi peut se révéler avantageuse? Ou plus généralement avec l’utilisation de la palette graphique et des outils de modifications numériques?

Bien entendu la rédaction de Marie-Claire entend la retouche dans son acceptation la plus courante (voir le débat sur le Worldpress[3]), la retouche numérique soit toutes les modifications que l’on peut faire sous Photoshop, mincir les modèles, effacer rides et boutons…

Pourtant les photographes n’ont pas attendu Photoshop pour donner à leurs modèles l’apparence la plus avantageuse. Ainsi si l’on regarde de plus près  la page 227 (dossier mode), bien que l’image n’ait peut-être pas subie l’action d’une gomme Photoshop, il est certain que par le travail du photographe, une partie des “défauts” si souvent traqués dans la presse féminine, disparaissent d’eux-mêmes sous l’effet de l’éclairage et du noir et blanc. Sans évidement parler du choix du modèle, lui aussi capital.

Dossier mode "Peps un the city", in Marie-Claire, avril  2010, numéro 100% sans retouches, page 227

Dossier mode “Peps un the city”, in Marie-Claire, avril 2010, numéro 100% sans retouches, page 227

Ainsi on comprend aisément que la construction d’une image photographique se fait autrement qu’en retouchant.

A la lecture de l’éditorial de Christine Leiritz, un second point me semble intéressant:  c’est la volonté de prouver que le magazine ne donne pas d’ «injonctions» à maigrir ou à l’éternelle jeunesse. Cependant, quels articles peut-on lire: “Nouvelles crèmes minceur” (p. 193), “Médecine esthétique, des nouveautés futées” (p. 204 ), ou encore “Aides minceur à dévorer” (p. 285)… soit des articles en complète opposition avec le discours de la rédaction voulant montrer des femmes qui s’assument et qui sont bien dans leur peau.

D’ailleurs, en regardant l’illustration de l’article sur “les nouvelles crèmes minceurs” (p. 193), on peut voir une image de quatre modèles très minces, qui dans un numéro traditionnel et “retouché” auraient subies un remodelage des cuisses pour les …rendre plus rondes! En définitive, dans cet exemple, la version sans retouche montre des corps plus minces que si l’image avait été retouchée.

"Nouvelles crèmes minceur", in Marie-Claire, avril 2010,  numéro 100% sans retouches, page 193.

“Nouvelles crèmes minceur”, in Marie-Claire, avril 2010, numéro 100% sans retouches, page 193.

Ce qui fait réfléchir à la place du discours. Si l’image a une place importante dans la presse féminine, il ne faut pas oublier la diversité du discours proposé par celle-ci. Comme nous l’avons dit plus haut, il y a 123 pleines pages de publicités, dont par exemple 49 pages pour la cosmétique (crèmes, maquillage, complément alimentaires “beauté”) vantant les mérites de produits censés «activer la jeunesse» ( Lancôme, Généfique), «camoufler les imperfections» (Séphora, BareMinerals), lisser les capitons et resculpter (Elancyl, Offensive cellulite),  «amincir jusqu’à 20%» (Somatoline Cosmetic, Traitement amincissant intensif )…

On peut alors se demander ce que retient la lectrice du feuilletage de ce magazine «spécial»?

Car si les images ne sont pas «retouchées», au sens «modifiées sous Photoshop», elles sont pourtant bel et bien travaillées, fabriquées, composées. D’autre part la coexistence d’article sur la minceur, sur la quête de perfection n’a pas disparu, ni les publicités du même ordre. Ce qui remet a priori en question l’idée de la rédactrice selon laquelle «Ce ne sont pas les images qui créent des schémas sociaux, comme cette proposition de loi veut nous le faire croire, mais les schémas sociaux qui se reflètent sur ces images».[4]


[1] LEIRITZ Christine, “Pas (re)touche!”, edito in Marie-Claire, avril 2010, page 30.

[2] Proposition de loi relative aux photographies d’images corporelles retouchées, http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion1908.asp

[3] GUNTHERT André, “Le détail fait-il la photographie”, L’Atelier des icônes, 7 mars 2010, http://culturevisuelle.org/icones/447

[4] LEIRITZ Christine, “Pas (re)touche!”, art. cit.

Billet initialement publié sur L’Appareil des apparences, blog de Culture visuelle

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http://owni.fr/2010/03/19/marie-claire-sans-retouches/feed/ 4
Si les gamers cartographiaient le monde http://owni.fr/2010/03/08/si-les-gamers-cartographiaient-le-monde/ http://owni.fr/2010/03/08/si-les-gamers-cartographiaient-le-monde/#comments Mon, 08 Mar 2010 06:55:17 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=9615

Comment l’expérience vidéo-ludique peut-elle influencer notre perception de l’espace ? Croisement de passions oblige, je m’interroge depuis longtemps sur les connexions entre la carte et les jeux vidéo. La carte serait un « voyage immobile », disent les géographes… Mais n’est-ce pas tout autant le propre des univers virtuels ?

Comme beaucoup, j’ai parcouru mes premières cartographies numériques en explorant des mondes virtuels, bien avant les Google Earth et consorts de ces dernières années. Ah, les joies du mode 7… (quel dommage que vous n’entendiez pas la musique qui va avec !)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

En travaillant sur le sujet pour Chronos, j’ai été amené à m’interroger sur l’impact que pouvaient avoir eu ces jeux sur notre génération de gamers. Google Street View aurait-il existé sans développeurs bercés à la vue subjective ? La lecture d’un billet chez Transit-City1 a achevé de me convaincre du potentiel des jeux vidéo dans le renouvellement de l’imaginaire cartographique. « Et si être un tueur aidait à mieux naviguer dans la ville ? »

« [GTA 4] est, selon moi, le véritable révélateur de nos nouvelles façons de penser la ville et ses mobilités. C’est, en effet, dans ce jeu que nous testons ce que sera notre mobilité connectée de demain.

Une fois que vous aurez joué plusieurs heures à GTA 4, et que vous serez donc devenu une véritable crapule, vous n’aurez plus aucun mal à vous adapter avec votre mobile à Street View ou EveryScape.

Bref, toute cette pop culture si souvent méprisée et qui irrigue pourtant, aujourd’hui, totalement nos imaginaires et nos façons d’envisager la mobilité des années à venir. »

Les cartographies de demain puiseront directement dans notre culture pop&geek. On peut d’ores et déjà lancer quelques problématiques prospectives. 1., dans quelle mesure la pratique de l’espace virtuel transforme celle de notre environnement urbain réel ? J’y reviendrai dans un prochain dossier, autour de la question des jeux en réalité alternée ou continue dans la ville (réflexion déjà entamée ici).

2., plus concrètement : comment les cartographes peuvent-ils s’inspirer du jeu vidéo ? Nicolas Nova, expert des services géolocalisés et grand explorateur des cultures pop, proposait quelques pistes dans un bel entretien réalisé par Jean-Christophe Plantin pour le Hub :

« Comment peut-on concevoir des cartes aujourd’hui en tirant les leçons du numérique (des usages de la carte numérique, de la culture de la navigation dans les jeux vidéos), et comment peut-on les adapter au papier ? En partant de toutes les recherches sur l’orientation dans les espaces virtuels (jeu vidéos, mondes 3D, le Web…), il me semble que tout un ensemble de principes de conception et de mécaniques d’interaction peuvent être « sortis du numérique ».

Here and There de BERG [voir ci-dessous] est un projet que je trouve assez intéressant à cet égard. Le but des designers graphiques consistait à justement transférer ces principes de conception de cartes provenant du numérique. La carte « Here and There » est une projection égocentrée [Une "First Person Map", en quelque sorte], c’est-à-dire qui représente les distances de manière différente selon les individus. La projection la plus proche de l’usager propose une représentation 3D et plus l’on s’éloigne de celui-ci, plus la carte reprend un mode « plan ». Ce type de cartographie original permet de mieux connecter l’environnement immédiat de l’usager à une représentation des lieux plus éloignés.

uptown

D’autres principes venant du jeu vidéo pourraient ainsi être appliqués. C’est le cas notamment du « Fog of war ». Il s’agit de représenter sur la carte vue du ciel uniquement l’environnement autour du joueur et non ce qui est distant. Des cartes papiers égo-centrées (donc situées dans certains lieux) pourraient ainsi appliquer ce principe. »

Pour les moins connaisseurs, le Fog of War – ou « Brouillard de guerre » – est un élément de gameplay principalement utilisée dans les jeux de stratégie militaire afin de rendre plus imprévisibles les mouvements de l’intelligence artificielle. Il est alors impossible de voir les unités ennemi dissimulées dans la partie ombragée, laquelle se dissipera en partie avec l’envoi d’une unité d’éclaireur.

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Un bel exemple dans Advance Wars

A quoi ressemblerait un service géolocalisé mimant ce « Fog of War » ? Une telle fonction trouverait à mon avis toute sa place dans un « buddy finder »2, où ne seraient indiqués que les amis situés dans un périmètre limitée centré sur l’utilisateur.

Un « brouillard de géolocalisation » pourrait alors limiter la dimension intrusive des applications géolocalisées, ou favoriser l’exploration du territoire dans une perspective de « sérendipité« . Les pistes sont nombreuses, basées sur le « Fog of War » ou d’autres procédés ludo-cartographiques. Laissons les gamers cartographier le monde, il n’en sortira que du bon… Venez en discuter dans les commentaires !

EDIT : Merci à Nicolas Nova qui vient de me partager cette carte expérimentale de Julian Bleecker mettant en scène un effet « brouillard de guerre » sur une Google Maps. Le résultat est probant, invitant à explorer l’environnement urbain méconnu.

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  1. On ne se refait pas ! []
  2. Application permettant de voir en temps réel la présence de son réseau social sur un carte, comme Google Latitude ou dans une certaine mesure Foursquare. Voir ici. []

Billet initialement publié sur pop up urbain

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