OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Quand mon minou est tout doux, il fait miaou http://owni.fr/2011/05/05/minou-tout-doux-miaou/ http://owni.fr/2011/05/05/minou-tout-doux-miaou/#comments Thu, 05 May 2011 09:16:05 +0000 Alexie Geers http://owni.fr/?p=61107 NDLR : Suite à la polémique créée par le site “Mon minou tout doux”, Veet a décidé de suspendre sa campagne publicitaire.

Attention, une vidéo (bruyante) se lance automatiquement au chargement de la page. Cliquez ici pour l’arrêter /-).

Ce matin, en faisant ma revue de presse quotidienne, je tombe sur l’article de Dariamarx, “Minou, Chou, Hibou, Caillou” et celui d’A dire d’ellesQuand mon minou est tout doux” au sujet de la nouvelle campagne de publicité Veet. Toutes les deux évoquent la nouvelle campagne de la marque intitulée étrangement “Mon minou tout doux”.

Vous aurez compris la métaphore de bon goût…

Le site Internet prend la forme d’un jeu dans lequel l’internaute peut choisir un “minou” et l’épiler grâce aux différents produits proposés. Après l’épilation, le “minou” épilé passe un test, celui du “matou” qui vérifie la bonne épilation de votre minou. Le matou considère à peu près à chaque fois que votre minou n’est pas assez épilé.

En images :

Capture d'écran, site Mon minou tout doux, mai 2011.

Capture d'écran, site Mon minou tout doux : le choix du produit, mai 2011.

Capture d'écran, site Mon minou tout doux : épilation du minou, mai 2011.

Capture d'écran, site Mon minou tout doux : vérification de l'épilation par le matou, mai 2011.

Capture d'écran, site Mon minou tout doux : le minou bien épilé selon le matou, mai 2011.

Cette campagne pour des produits dépilatoires évoque par le truchement de la métaphore la question de l’épilation intime. Pas d’aisselles ou de jambes à épiler mais bel et bien un minou, un chat ou plutôt une chatte.

Rien de bien nouveau dans la quête du glabre mais du nouveau dans la manière de l’aborder.

Dans les années 30 où apparait plus fortement le souci de l’épilation, on peut voir des publicités qui aujourd’hui nous font sourire “d’avant-après” (Pub Desfossés, juillet 33). Dans les années 60, “l’avant” a disparu et laisse place à l’après épilation, soit une peau lisse et brillante (Veet, mars 60).

Pub Desfossés (juillet 33, Votre Beauté) ; publicité Veet (mars 60, Marie-Claire)

Plus récemment, dans les clips publicitaires pour la télévision, des jambes lisses discutent entre elles (clip Veet, 2009) :

L’épilation, dans ces exemples, est liée aux aisselles, aux jambes, on peut trouver également des produits d’épilation pour le visage (sourcil, lèvres supérieures) mais encore jamais pour l’épilation intime. Ou plutôt : jamais vendus comme des produits pour l’épilation intime.

Pourtant la mode de l’épilation du pubis est loin d’être nouvelle : après avoir été appelée “épilation du maillot” évoquant le port du maillot de bain, l’épilation intime a pris de plus en plus d’ampleur, passant de la forme “brésilienne” à celle du “ticket de métro” pour arriver à l’épilation dite “intégrale”.

Cette nécessité de l’épilation créée par les rédactions de presse féminine pour conforter l’apparition sur le marché d’un nombre de produits dépilatoires toujours plus grand est devenue une nouvelle norme.

Et pourtant, alors que les produits vantés sont parfois destinés à ce type d’épilation, les publicités ne la citent jamais directement jusqu’à cette campagne Veet “Mon minou tout doux” : pour la première fois, la publicité évoque cette pratique jusqu’ici reléguée dans l’intimité.

Revenons à la forme de cette campagne. Il s’agit d’un jeu interactif dans lequel le pubis est symbolisé par un petit chat qu’il faut épiler à l’aide d’un des produits. Après l’opération, le matou, soit l’ordre masculin apporte son jugement sur l’épilation du minou. On note ici l’apparition de la figure masculine de la même manière que dans l’article d’Elizabeth Alexandre pour Marie-Claire “Gazon chéri : comment préfèrent-ils notre pubis ?”.

Article d'Elizabeth Alexandre "Gazon chéri : comment préfèrent-ils notre pubis ?", Marie-Claire (date non précisée)

L’épilation intime est présentée non pas comme une pratique individuelle mais comme une pratique destinée à la gent masculine. Le jugement de l’épilation est sanctionné par la préférence des hommes-matous. Il n’est pas si fréquent, dans une publicité cosmétique, de mentionner directement le destinataire de l’opération de séduction. D’ordinaire, le bien-être de la femme est d’abord prôné, même si la séduction est le but final. Chez Veet et ses minous, aucune mention de la pratique féminine de l’épilation mais seulement sa destination.

À cela s’ajoute le choix de l’univers visuel, du rose bonbon, des petits animaux, une musique entêtante, qui n’est pas sans rappeler le jeu préféré des 5-8 ans, Littlest Pet Shop (figurines d’animaux). Jeux dont on peut voir une version sur Internet, sur le site  Jeux 2 filles.

Capture d'écran jeux Pet Shop, site www.jeux-2-filles.com, mai 2011.

L’usage de produits dépilatoires s’adresse à une cible, certes larges mais d’adultes (plus ou moins) consentants tandis que le choix du jeu sur fond rose et petits nœuds semble évoquer l’univers (construit comme tel) de l’enfance.

Veet a fait le choix de la métaphore pour évoquer une pratique intime, ce qu’on peut assez bien comprendre puisque placarder des pubis glabres sur des affiches dépasserait les cadres de la loi. Cependant pourquoi avoir choisi des chatons enfantins ? Un jeu enfantin ? Des couleurs enfantines ? Une musique enfantine ?

Et plus qu’enfantin, un univers “petite fille” ? Car il s’agit bien de rose et de “jeux de filles”. Pourquoi faire de l’épilation du sexe féminin un jeu d’enfant ? Un jeu de petite fille ?

L’épilation des aisselles, du maillot ou des jambes appartiennent à la quête de beauté, à une recherche esthétique. Elle concerne le corps en société, le corps qui se dénude au début du siècle en même temps que se développe les loisirs de plein air. L’épilation du pubis est un peu différente puisqu’elle concerne le champ de la sexualité, cette pratique vient d’ailleurs de la pornographie où la pilosité est une exception à la norme du glabre.

Cette campagne est tiraillée entre l’hypersexualisation des enfants et l’infantilisation des adultes, l’une comme l’autre sont problématiques, même sous des dehors rose bonbon.

Au sujet de l’hypersexualisation des petites filles, voir :


Billet initialement publié sur L’appareil des apparences, un blog de Culture visuelle

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Sociologie du sexe: enlarge votre point de vue sur l’Europe http://owni.fr/2011/04/04/sociologie-du-sexe-enlarge-votre-point-de-vue-sur-leurope/ http://owni.fr/2011/04/04/sociologie-du-sexe-enlarge-votre-point-de-vue-sur-leurope/#comments Mon, 04 Apr 2011 09:16:34 +0000 Capucine Goyet http://owni.fr/?p=54994 Depuis plusieurs années, l’Union Européenne s’intéresse de près à la question sexuelle. Déjà en 2002, dans le cadre d’un rapport du Parlement, Van Lancker proposait d’utiliser la technique des bonnes pratiques (« peer review ») en matière de droits sexuels et génésiques. Depuis 2008, cette technique a été reprise par Gisèle Halimi, avocate et défenseur des droits de la femme, afin de dégager une « clause de l’Européenne la plus favorisée » à partir des meilleures lois existantes.

En fait, grâce aux nouvelles données statistiques, à la libéralisation de la société et aux progrès scientifiques, ce sujet peut désormais être mieux analysé. En décembre dernier, il fut d’ailleurs l’objet d’une conférence organisée par les Jeunes Européens-Universités de Paris à la Maison de l’Europe sur la thématique « La sexualité des jeunes en Europe. Pratiques, genres et minorités »

De nombreux ouvrages et articles s’interrogent sur l’idée d’un modèle social européen, d’une politique étrangère européenne… Mais qu’en est-il du modèle européen de sexualité ?

Grâce aux enquêtes nationales, Nathalie Bajos, sociologue à l’INSERM, a pu synthétiser l’évolution des pratiques sexuelles. Il convient d’emblée de souligner qu’un idéal égalitaire s’est dessiné non seulement dans le temps, mais aussi dans l’espace européen. Par exemple, l’entrée dans la sexualité a suivi une évolution spectaculaire entre la période précédant la Seconde Guerre mondiale et la période contemporaine : d’un écart de quatre ans, on est aujourd’hui passé à quatre mois. Ainsi, l’âge moyen d’entrée dans la sexualité est d’environ dix-sept ans pour les hommes, et dix-sept ans et demi pour les femmes.

Une dualité des normes persistante

Géographiquement parlant, des distinctions peuvent être faites au sein de l’Europe. Une dualité des normes continue d’exister au Sud à travers un contrôle des relations préconjugales des femmes. Alors qu’au Nord et dans d’autres pays, l’égalitarisme prime. Dans les pays nordiques, l’initiation sexuelle des femmes est même légèrement plus précoce que celle des hommes. En fait, cette tendance à l’abaissement de l’âge au premier rapport sexuel est partie du Nord dans les années 60, avant de gagner l’Europe occidentale et centrale dans les années 70, puis l’Europe du Sud et de l’Est à partir des années 80-90.

Dans la même perspective, l’âge moyen au mariage des femmes est plus court en Europe orientale (22-24 ans) qu’en Europe occidentale (27-30 ans). Enfin, les campagnes de prévention du VIH, la sécularisation de la sexualité et la libéralisation des attitudes ont permis un mouvement à la baisse des grossesses d’adolescentes et des infections sexuellement transmissibles (IST) en Europe occidentale.

Ce mouvement demeure plus faible en Europe orientale en raison de la réduction des ressources de santé publique et du manque de contraceptifs. En ce qui concerne les IST, on peut également déplorer l’absence d’un système européen de surveillance. Ainsi, malgré quelques disparités géographiques, une convergence des pratiques sexuelles, existe bel et bien en Europe. Elle s’affirme d’année en année, et ne peut qu’être encouragée par la libre circulation des jeunes, des étudiants et de leurs modes de vie.

Droits des femmes

Parmi les thèmes relatifs aux droits de la femme, deux touchent directement à la sexualité : d’un côté, le choix de donner la vie à travers les questions de la contraception et de l’avortement, et de l’autre, la lutte contre les violences sexuelles.

Le droit à l’avortement reste une question délicate en Europe. Il est vrai que sa pratique est dépénalisée dans la majorité des pays, et soutenue par la position pro-avortement des institutions européennes. Toutefois, certains pays majoritairement catholiques, comme l’Irlande, la Pologne et Malte, restent attachés à la protection de l’embryon.

C’est pourquoi ils bénéficient de protocoles additionnels, annexés à leur traité d’adhésion ou à celui de Maastricht, qui leur garantissent une indépendance nationale en matière de législation sur l’IVG. Les ressortissantes de ces pays ont néanmoins la possibilité d’aller avorter dans un pays où une telle pratique est légale, sans risque de pénalisation.

En permettant une meilleure connaissance des moyens de contraception et des droits, elle peut faciliter l’épanouissement sexuel et assurer une meilleure adéquation entre le corps et l’esprit. Ainsi, les différentes enquêtes nationales ont montré que les femmes les plus diplômées avaient une sexualité plus diversifiée, pratiquant volontiers la masturbation et l’oralité, tout en demeurant réticentes à la pornographie et à l’analité.

La tendance inverse touche les femmes les moins socialement dotées. De plus, l’éducation à l’école et les campagnes d’information permettent de lutter contre un phénomène présent dans l’ensemble des pays européens et des classes sociales : c’est celui des violences domestiques. En 1999, l’eurobaromètre indiquait que « dans l’UE, une femme sur cinq, a été, au moins une fois dans sa vie, victime de la violence de son compagnon ».

Depuis, la Commission européenne a décidé d’enrayer ce phénomène. Le programme d’action communautaire pluriannuel Daphne a alors vu le jour en 2000. Il a pour tâches d’organiser des grandes campagnes de sensibilisation à travers la diffusion de messages de tolérance zéro (« La violence domestique est un crime »…), d’assurer l’échange d’informations et de bonnes pratiques entre les pays et d’élaborer des programmes d’assistance aux victimes.

Le programme Daphne III, mis en place par décision du Parlement européen et du Conseil en juin 2007, couvre actuellement la période 2007-2013. Un rapport intermédiaire d’évaluation des projets et de leurs résultats doit être remis par le Parlement au plus tard le 31 mars 2011. Des résultats qui approchent à grands pas…

Défendre la cause LGBT

On a précédemment observé une convergence des pratiques sexuelles entre les pays et entre les sexes. Toutefois, cette convergence ne signifie pas unité des pratiques sexuelles. La diversité continue d’exister. Parler de la sexualité en Europe, c’est donc parler de toutes les sexualités qui existent, y compris celle des LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transsexuels), souvent victimes de discriminations.

Lors de la Conférence sur « la sexualité des jeunes en Europe », Pierre Serné, membre du bureau exécutif d’Ilga-Europe (International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association), est venu commenter l’action de son association. En tant que lobby présent dans 45 pays européens et financé par la Commission européenne, Ilga-Europe fournit de l’expertise auprès des institutions européennes et dans le cadre de l’élaboration des stratégies européennes, comme l’actuelle « Europe 2020 ». Elle surveille également l’application concrète de certaines directives. Avec la présence de partis homophobes au Parlement européen, il n’est pas toujours facile de faire avancer la loi.

Toutefois, des progrès sont à souligner. Par exemple, des pays, telle que la République tchèque, ont inscrit les droits des LGBT au sein de leur Constitution. Et en 2004, Ilga-Europe a empêché que Rocco Buttiglione, homme politique italien ouvertement homophobe, ne devienne commissaire européen.

Régulièrement, l’association rappelle que discriminer des personnes pour des motifs sexuels, c’est aussi limiter le potentiel économique non négligeable qu’elles constituent. A l’arc-en-ciel de poursuivre son chemin dans le bleu étoilé.

Article initialement publié le 16 mars sur Le Taurillon sous le titre “Europe, sexe and fun”

Crédits Photo FlickR CC : kozumel / Alain Bachellier / Pauline K.

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“Enfermer des gens en prison et les priver de sexe est un acte criminel” http://owni.fr/2011/03/29/enfermer-des-gens-en-prison-et-les-priver-de-sexe-est-un-acte-criminel/ http://owni.fr/2011/03/29/enfermer-des-gens-en-prison-et-les-priver-de-sexe-est-un-acte-criminel/#comments Tue, 29 Mar 2011 09:30:33 +0000 Linda Maziz (Zélium) http://owni.fr/?p=53860

Jacques Lesage de La Haye, 72 ans, ex-taulard et doctorant en psychologie, dénonce depuis plus de quarante ans le caractère destructeur de l’univers carcéral. À commencer par la privation de relations affectives et sexuelles en détention qu’il considère comme “une castration pure et simple de l’être humain”.

Assimilée aux châtiments corporels, dénoncée par la Commission européenne des droits de l’Homme, le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants, la privation de sexe engendre chez les détenus des dégâts considérables, identifiés et connus depuis bien longtemps par les autorités publiques.

Et pourtant, la France, dans ce domaine, fait toujours figure de lanterne rouge. Une actualité toute relative (une entreprise qui voulait offrir mille sextoys à des taulardes pour leur Saint-Valentin) nous a donné envie de remettre le sujet sur la table.

Et pour en parler, on s’est évidemment adressé au grand spécialiste de la question. Rencontre avec l’auteur de La Guillotine du sexe et de L’Homme de métal, et l’animateur de l’émission Ras-les-murs, diffusée chaque mercredi à 20h30 sur Radio-Libertaire.

Zélium : Pour la Saint-Valentin, une entreprise a voulu offrir 1.000 sextoys à des détenues, mais l’administration pénitentiaire a rétorqué “que le recours à cet accessoire relève de la sphère privée” et que “l’administration n’a pas à le proposer elle-même hors cadre de demandes expresses”.
Cette réponse, ça vous inspire quoi ?

Jacques Lesage de La Haye : En l’occurrence, il s’agit d’un coup médiatique d’une entreprise qui a voulu tirer profit de la misère sexuelle en prison pour essayer de récolter un nouveau marché. Déjà ça, c’est crapuleux.

Mais ce qui me scandalise le plus, c’est que l’administration pénitentiaire ose donner une réponse aussi lénifiante, hypocrite et ambiguë, laissant entendre que ce type de commerce était possible dans l’enceinte de la prison.

L’administration n’a donc pas évolué sur la question du sexe en prison ?

J. L. de La H. : Les seuls progrès enregistrés à ce jour sont extrêmement partiels et insuffisants. On est pourtant quelques-uns à harceler l’administration sur cette question depuis quatre décennies, mais la France en est toujours à un point qui est désespérément grotesque et ridicule.

La problématique de la sexualité en prison a été mise sur le tapis en 1971. À cette époque, il y avait déjà 25 où 30 pays qui s’étaient emparés du sujet à bras le corps.

Avec Michel Foucault et d’autres, intellectuels et taulards, on a créé le Groupe Information Prison, qui a posé le problème. Surtout moi, puisque c’était mon sujet de thèse de doctorat de psychologie et que je voulais qu’on en parle pour que ça change.

Je n’étais pas le seul à avoir constaté les dégâts causés par la frustration affective et sexuelle. Déjà, à ce moment-là, il était urgent de trouver des solutions qui permettraient une prévention et une neutralisation de la souffrance pour que les dégâts ne soient pas aussi considérables qu’ils ne l’étaient.

C’était pas trop compliqué de mettre le dossier sur la table ?

J. L. de La H. : La sexualité en prison, ça a toujours été un sujet tabou qui met tout le monde mal à l’aise. J’ai même des copains qui par souci de dignité me disent “moi j’ai fait 18 ans, j’ai pas eu de problèmes”. Je trouve ça idiot, ce n’est parce qu’on est un homme, qu’on a pas de problèmes.

Et celui qui le tait est un imposteur. Ça peut paraître dévalorisant de dire qu’on a souffert, qu’on a été cassé, qu’on a eu du mal à s’en sortir mais ce n’est qu’en disant la vérité qu’on pose le problème et qu’on peut trouver des remèdes.

Qu’est-ce que vous avez entrepris ?

J. L. de La H. : J’ai continué à m’occuper et à débattre de cette question-là, j’ai publié la première édition de La Guillotine du sexe en 1978 qui reprenait l’essentiel de ma thèse. Il y a eu ensuite la commission architecture prison, où Badinter m’avait chargé en 1984-85 d’interviewer des prisonniers pour savoir s’ils souhaitaient l’équivalent des parloirs intimes. Autant dire qu’on enfonçait une porte ouverte, mais c’était une étape de plus qui amenait cette fois-ci le problème au niveau gouvernemental.

Je me souviens notamment du directeur du centre pénitentiaire de Mauzac en Dordogne qui avait appliqué nos recommandations. Il avait demandé de son propre chef aux gardiens de regarder par terre ou en l’air mais surtout pas à l’intérieur lorsqu’ils surveillaient les parloirs. Derrière cette consigne, il y avait le respect de l’intimité des gens. Sachant qu’il n’y avait pas de regards inquisiteurs, les gens ont pu faire l’amour. Je le sais parce que de septembre 86 à juin 89, il y eu la naissance de huit “bébés parloirs”.

Ça s’est ensuite arrêté avec l’arrivée d’une nouvelle directrice ultra-conservatrice qui s’est empressée de suivre les directives de la droite. De nouveau et comme partout ailleurs, s’ils étaient surpris, les prisonniers risquaient d’être privés de parloir ou d’être mis au quartier disciplinaire.

Pourtant, depuis, il y a bien eu la mise en place des parloirs intimes, les unités de vie familiale ?

J. L. de La H. : La première unité de vie familiale a été mise en route pour la première fois en 2003. Pour l’occasion, j’ai été invité sur un plateau télé où on m’a demandé si j’étais content.

À ce moment là il y avait 187 prisons et une seule équipée. On lance le combat en 1971. C’est déjà urgent et ça devrait être fait depuis longtemps. On commence seulement à les mettre en place en 2003 et on ose me demander si je suis content ? Non, je ne suis pas content, je suis indigné, je suis révolté, je suis scandalisé. Et aujourd’hui, on est en 2011, et les choses ont très peu avancé.

C’est une très belle vitrine, mais ce n’est pas la panacée dont on parle. Soyons clairs, les unités de vie familiale ne concernent que très peu d’établissements et elles ne bénéficient qu’à un pourcentage infime de détenus. La majorité n’en profite pas et la France continue de faire figure de lanterne rouge.

Vous comparez la privation affective et sexuelle à la castration pure et simple de l’être humain ?

J. L. de La H. : Enfermer des hommes et des femmes dans les prisons et les priver officiellement et matériellement de relations affectives et sexuelles est un acte criminel. C’est quelque chose qui les castre, qui les détruit et qui en fait, pour une partie d’entre eux, des obsédés sexuels et affectifs.

Quand j’ai réalisé mon enquête à Caen, la privation engendrait des conséquences incroyables. Un détenu sur trois avait eu une ou plusieurs relations homosexuelles. Évidemment, l’homosexualité me semble être une des choses les plus naturelles, par contre je reste très réservé sur une homosexualité de “circonstance” et donc forcée.

Quand on ne peut pas aller vers le sexe qui nous est habituellement complémentaire, il est bien légitime de retrouver ses partenaires sexuels chez des personnes du même sexe. Il y en a qui y trouvent leur bonheur, mais pour beaucoup, ça se fait dans un climat de honte, de colère, avec une culpabilité prégnante et massive et, à l’intérieur de soi, une haine, une rage et un réel désir de vengeance qui ne présagent pas de lendemains qui chantent à la libération.

Quelles sont les autres conséquences ?

J. L. de La H. : J’ai relevé qu’il y avait aussi 97 % des détenus qui recourraient de manière systématique à l’onanisme. J’ai des témoignages de détenus qui se masturbent huit, dix fois en une journée, pendant des mois et des années. Il faut voir à la longue dans quel état ils se retrouvent.

D’autres avaient développé à l’intérieur de la prison un comportement déviant que l’on va retrouver ensuite à l’extérieur. Il y en avait qui faisaient de l’exhibitionnisme à travers les barreaux en se persuadant qu’on les observait, d’autres qui espionnaient des femmes avec des lunettes optiques.

Je me suis aperçu qu’il existait des tas de moyens de compensation et de substitution pour faire face à cette frustration. Il y avait notamment un jardinier qui était devenu le proxénète d’une truie et qui la louait aux détenus. Il y avait aussi l’histoire d’un jeune qui avait attrapé une chatte et qui avait agrandi son vagin avec un canif pour pouvoir la violer, sans parler de celui qui avait éduqué un serpent pour qu’il lui fasse des fellations…

Quand la relation qu’il peut y avoir entre deux êtres humains prend la forme d’une simple éjaculation dans la gueule d’un serpent, c’est bien que la personne en est réduite psychologiquement, affectivement et émotionnellement à quelque chose de l’ordre d’une désorganisation totale de son psychisme.

En gros, au lieu de réinsérer les détenus dans la société, on crée des monstres ?

J. L. de La H. : C’est sûr que si on veut décapiter symboliquement les être humains, les décérébrer et les détruire émotionnellement et affectivement, il suffit de les enfermer et de les priver de sexualité pendant des années. C’est comme ça qu’on produit des robots et des espèces de monstres détraqués.

Quand ils sortent, les détenus ne sont plus dans le désir, mais dans le besoin. Le désir, c’est la rencontre de l’autre, le besoin, c’est un manque viscéral qui détruit le corps humain, qui écartèle le psychisme et qui rend la relation pathologique.

Si on regarde les sujets “normaux”, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas des criminels sexuels, donc la grande majorité des détenus, cette espèce de destruction psychologique va créer un état permanent de surexcitation et de frustration, que moi j’ai appelé le “syndrome de sursollicitation”.

En fait, ils sont tellement sous-sollicités sur le plan affectif, émotionnel et donc sexuel, qu’une fois sortis du contexte de l’isolement carcéral et remis en circulation dans la société, ils ont l’impression d’être sursollicités : une fille qui passe dans la rue, une publicité avec un corps dénudé, un film avec une scène érotique, ça les perturbe énormément, parce que ça les renvoie à leur frustration.

Et pour les criminels sexuels alors ?

J. L. de La H. : Si le sujet est de surcroît perturbé au départ, parce que c’est un psychopathe, un paranoïaque ou un pervers, non seulement il ne sera pas guéri en sortant, parce que quoi qu’on raconte dans les médias, il ne sera pas suivi, mais en plus, cela va aggraver ces désirs de vengeance et de haine.

Il faut d’ailleurs s’étonner qu’il y en ait si peu qui récidivent. Bien souvent, ils sont dans l’incapacité de recommencer, non pas parce qu’ils sont guéris, mais parce qu’ils sont bien trop traumatisés, dans un état grave d’angoisse, de désespoir, voire d’implosion psychologique.

Il y en a néanmoins qui récidivent et on ne cite que ceux-là, pour nous faire croire que les prisons en sont peuplées. Mais si on regarde la moyenne des peines, en France, c’est huit mois et quelques jours, ce qui prouve bien que ce ne sont pas eux qui sont les plus nombreux en prison.

Tout ce que vous racontez, les politiques le savent très bien. Pourquoi les choses n’avancent pas ?

J. L. de La H. : Pour considérer les choses au point de vue politique, il faut s’intéresser au sens politicien et non pas au sens de gestion de la cité, qui serait une prise de conscience qui nous amène à réfléchir collectivement sur la façon dont on va s’organiser socialement.

La politique, c’est un désir de pouvoir, d’argent, de notoriété et de reconnaissance. C’est quelque chose qui monte à la tête, qui donne du prestige et un quotidien sans le moindre souci matériel. Pour se faire élire et garder le pouvoir, les politiciens savent qu’ils ont intérêt à caresser dans le sens du poil une humanité peureuse, conservatrice et moralisante. En gros, leur discours c’est : “Vous avez peur ? J’en ai conscience, mais ne vous inquiétez pas, je vais vous protéger. Avec moi, vous serez en sécurité et d’ailleurs ce qui crée l’insécurité, ce sont les jeunes, les étrangers, les drogués, les homosexuels”, et tout un tas de gens qui sont des boucs émissaires désignés.

Donc diviser pour mieux régner, mettre de la discorde et ensuite apparaître comme le sauveur. Ces stratégies font que sont élus successivement des droites très réactionnaires et des gauches conservatrices obligées de s’aligner sur le moule sécuritaire pour s’attirer les faveurs des électeurs.

C’est pas ça qui va aider à faire baisser le taux de récidive…

J. L. de La H. : Si au lieu d’augmenter les effectifs de surveillants dans les prisons pour faire plaisir à l’opinion publique, on se disait, il faut multiplier les alternatives à la prison, prévoir davantage d’éducateurs, de psychologues et de travailleurs sociaux pour les aider à surmonter leurs problèmes psychologiques, à acquérir de la culture, à préparer des professions, c’est sûr qu’il y aurait beaucoup moins de récidive.

On a des exemples d’expériences menées dans d’autres pays, où les taux de récidives ont dégringolé. Manque de chance, ce sont des solutions humanistes, progressistes et futuristes, donc on va les décréter “utopistes”. Peut-être qu’elles le sont aujourd’hui, mais comme toujours avec l’utopie, c’est ce qui est impossible aujourd’hui et possible demain.

À partir de là, ceux qui sont élus sont représentatifs d’une opinion publique caressée dans le sens de sa propre peur. C’est pour ça qu’on se retrouve avec des gens très agressifs, rigides et autoritaires comme Hortefeux, Sarkozy, MAM, Rachida Dati… Des gens qui n’ont aucune réflexion, aucune prospective, aucune espérance en l’être humain, aucun sens de l’entraide et de la solidarité. L’inconvénient, c’est que ces politiques à courte vue sont celles qui fabriquent de la récidive.

Et c’est mal parti pour s’arranger…

J. L. de La H. : Effectivement. Les États-Unis, qui détiennent le record du monde, avec plus de 2 millions de détenus, nous proposent un modèle qu’on est en train d’enfourcher comme un dada : les prisons privées, un formidable système pour permettre que les prisons soient rentables.

En gros, on laisse la construction, la gestion, la logistique et l’intendance à des entreprises type Bouygues, La Lyonnaise des eaux ou la Sodexo et il n’y a au fond plus que la surveillance qui reste la propriété de l’administration pénitentiaire.

Autant dire que si les prisons sont confortées par des idées capitalistes de rentabilité, c’est évident que la logique moralisante et sécuritaire ne va pas s’arrêter comme ça. Au contraire. Alors c’est sûr que les centres privés apportent un confort incontestable par rapport aux prisons classiques. Mais, c’est encore moins la prise en compte de l’intérêt des individus, parce que c’est de la recherche de rentabilité.

On a l’impression d’avoir des conditions plus favorables parce qu’il y a un frigo et une douche dans la chambre ou parce qu’il y a une carte d’identité interne bidon, mais pour moi, cet enfermement, c’est le même, sauf qu’il est plus pervers, parce qu’il est moins brutal et moins frontal.

En vérité, l’incarcération devient totalement inhumaine, puisque tout est informatisé et électronique, et à la fin les types ne s’en sortiront pas mieux que ceux qui sont passé par les prisons d’État, parce que ce n’est qu’une espèce de soumission à l’autorité par le biais d’un confort économique.

Propos recueillis par Linda Maziz

Billet initialement publié sur le blog du journal satirique Zélium

Image CC Flickr Colourless Rainbow, lucborell et Gueorgui Tcherednitchenko, etgeek (Eric)

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Non, elles n’ont pas rencontré leurs agresseurs sexuels sur Internet http://owni.fr/2010/03/29/non-elles-n%e2%80%99ont-pas-rencontre-leurs-agresseurs-sexuels-sur-internet/ http://owni.fr/2010/03/29/non-elles-n%e2%80%99ont-pas-rencontre-leurs-agresseurs-sexuels-sur-internet/#comments Mon, 29 Mar 2010 06:45:39 +0000 Emmanuelle Erny-Newton http://owni.fr/?p=10961

En tant que pédagogue œuvrant pour l’éducation aux médias, je ne peux que me réjouir du fait que l’Ontario ait décidé d’inclure à son cursus scolaire des leçons sur la sécurité sur Internet.

Le court article du Globe and Mail rapportant ce changement m’a cependant laissée confuse ; en effet, l’article ajoutait « Ce changement est annoncé le jour même où la police de l’Ontario vient d’interpeller trente-cinq personnes pour possession de pornographie infantile » (c’est moi qui traduit).
Ah ? Le message subliminal de l’article est en substance : ceci (danger de pédopornographie) explique cela (leçons de sécurité sur Internet). Le coup de filet de l’Ontario aurait-il donc montré que les jeunes victimes ont rencontré leurs bourreaux en ligne ? me dis-je in petto…

Pour en avoir le cœur net, je remonte jusqu’au communiqué de presse diffusé par les services de police. Là, plutôt qu’une réponse directe à ma question, j’y trouve la citation suivante de l’inspecteur Scott Naylor, chef de la Section de l’exploitation sexuelle des enfants de la Police provinciale de l’Ontario : « Les parents et les tuteurs doivent s’informer eux-mêmes sur la technologie que leurs enfants utilisent afin de les protéger comme il convient. Malheureusement, la plupart des parents et des tuteurs sont loin de comprendre la technologie du Web aussi bien que leurs enfants. »
Si suite à l’arrestation de prédateurs sexuels, l’inspecteur Scott Naylor prend la peine d’exhorter les parents à « protéger les enfants en ligne », cela semble indiquer que les jeunes victimes ont bien été trouvées sur Internet.

Ce qui me gêne, cependant, c’est que ma conclusion n’est qu’une inférence. Afin d’aller au fond des choses, je décide d’appeler le sergent Pierre Chamberland, Coordonnateur des relations avec les médias, dont les coordonnées se trouvent sur le communiqué de presse.

Moi : « Pouvez-vous me dire si les victimes dont vous parlez avaient rencontré leurs agresseurs sur Internet ? »

Lui : « Non, elles n’ont pas rencontré leurs agresseurs sur Internet. »

Moi : « Mais alors, pourquoi la citation de l’inspecteur Scott met-elle l’emphase sur la sécurité des enfants en ligne ? »

Lui : « Parce que c’est souvent en ligne que les victimes d’abus sexuels rencontrent leurs prédateurs. »

Heu… non. Les recherches sur le sujet montrent de façon consistante que les prédateurs sexuels prennent généralement leurs victimes dans leur cercle familial ou relationnel. C’est à l’évidence bien plus simple pour eux.

Une grande partie du discours sécuritaire sur Internet est de la désinformation

Dans son rapport Techno-Panic & 21st Century Education: Make Sure Internet Safety Messaging Does Not Undermine Education for the Future, Nancy Willard, du Center for Safe and Responsible Internet Use, note qu’une grande partie du discours sécuritaire sur Internet est de la désinformation : on y présente le Web comme un lieu où les jeunes sont à haut risque de prédation sexuelle, alors que la recherche et les statistiques d’arrestations témoignent du contraire. Au Canada, les statistiques combinées de 2006 et 2007 révèlent que le nombre d’individus déclarés coupables de leurre d’enfants sur Internet s’est élevé à… 89, et ce sur tout le territoire canadien. Voilà qui met certainement en perspective la panique morale à propos du Web comme premier pourvoyeur de prédation sexuelle.

Mais alors pourquoi forces de l’ordre et les journalistes dans la foulée continuent-ils à entretenir l’idée qu’Internet est un haut lieu de prédation sexuelle ?

Pour les journalistes, tout du moins, il semble qu’il y ait souvent confusion entre le Net comme lieu de diffusion de pédo-pornographie et lieu de prédation sexuelle. Voyez par exemple l’article du Devoir Cyberpédophilie – Les plus jeunes sont les plus maltraités . L’article traite de la diffusion de pédo-pornographie sur la Toile, mais l’image et le sous-titre qui accompagnent l’article (« Le Canada reste un des refuges préférés des prédateurs de la Toile ») créent la confusion en illustrant le thème de la prédation sur Internet.

Quant à la vision erronée du web comme lieu de prédation, chez les forces de l’ordre, Nancy Willard l’explique ainsi : « D’une certaine façon, ceci est compréhensible. Chercher à appréhender ce problème complexe rappelle la parabole des sages aveugles essayant de décrire un éléphant. La police, malheureusement, a la responsabilité de se tenir au niveau de « l’arrière-train ». Il n’est donc pas surprenant que leur perception de l’éléphant ait été influencée par les excréments qu’ils voient régulièrement. Cependant, l’analyse même de leurs propres données montre qu’ils ne décrivent pas correctement l’excrément.»

Les prédateurs en ligne mentent rarement sur leur âge

Voyons donc ce que disent les données, afin de « décrire correctement l’excrément », pour reprendre Willard.
Dans les cas débouchant sur des poursuites, les individus accusés de leurre d’enfants sur Internet étaient le plus souvent des hommes de 18 à 34 ans. Les données montrent également que les prédateurs sexuels mentent rarement sur leur âge ou leurs motifs, lorsqu’ils prennent contact avec un jeune en ligne. Leur tactique n’est pas la tromperie mais la séduction : ils manifestent beaucoup d’attention, d’affection et de gentillesse envers les jeunes, les amenant à croire qu’ils sont réellement amoureux. La plupart des jeunes qui acceptent alors une rencontre en personne le font en sachant qu’ils vont s’engager dans une relation sexuelle – relation sexuelle qui sera d’ailleurs répétée dans 73% des cas. Très peu de cas (5%) sont de nature violente, selon le Crimes Against Children Research Center.

Or ce portrait est très éloigné du portrait typique du « cyber-prédateur », tel que les parents se le représentent au vu de ce que disséminent la police et les journalistes dans leur foulée ; lorsque, durant mes présentations, je pose la question « Quel est à votre avis le profil d’un prédateur sexuel sur Internet ? », je n’ai jamais encore obtenu d’autre réponse qu’une description en règle du « pervers pépère » tel que Gotlib le croquait dans les années 80. Comment pourrait-il en être autrement lorsque les gouvernements mêmes propagent cette image erronée : voyez par exemple cette campagne (dite) d’intérêt public diffusée dans de nombreux pays (le « pervers pépère » apparaît à la toute fin).

La représentation inexacte des « cyber-prédateurs » n’est pas anodine : elle débouche hélas sur une réponse éducative inadaptée. Finkelhor insiste sur le fait que pour outiller les jeunes contre les prédateurs en ligne, il ne s’agit pas de les inciter à se méfier de tout le monde sur le Net, mais bien plutôt à débusquer ceux qui jouent sur la « naïveté émotionnelle » des adolescents pour les entraîner dans une relation prétendument « amoureuse ». De fait, la recherche montre que les jeunes les plus à risque sont ceux qui ont des problèmes émotionnels tels que de mauvaises relations avec leurs parents, ou des difficultés à trouver ou accepter leur identité sexuelle.

Dresser un portrait erroné des « prédateurs en ligne » n’est vraiment pas un cadeau que l’on fait à nos jeunes ; il leur fait courir un risque réel, celui de ne pas repérer le danger lorsque (et si) il se présente –et même de se méprendre sur le danger lui-même : mettre en garde nos enfants contre des quinquagénaires obsédés cachant leurs intentions et leur âge pour mieux violenter leurs victimes récalcitrantes, laissera la part belle aux prédateurs réels : ceux qui parlent ouvertement de sexualité à des adolescents en train de découvrir la leur ; des individus qui suscitent et cultivent les sentiments de leurs victimes ; des hommes jeunes qui n’auront en rien, de par les standards médiatiques, la gueule de l’emploi.

Pour de plus amples informations sur le sujet, je vous invite à consulter la section Risques et préjudices sexuels de notre site Web Averti.

Billet initialement publié sur le site  du Réseau Education-Médias sous le titre “La gueule de l’emploi : Internet, risques sexuels et représentation médiatique”

Photo CC Flickr sankax

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