OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Que Choisir disqualifie Free http://owni.fr/2012/12/04/que-choisir-disqualifie-free/ http://owni.fr/2012/12/04/que-choisir-disqualifie-free/#comments Tue, 04 Dec 2012 15:00:17 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=126946
La guerre des tuyaux

La guerre des tuyaux

Derrière la lecture d'une vidéo YouTube sur votre écran, c'est la guerre. Fournisseurs d'accès à Internet et éditeurs ...

Un résultat “accablant”. L’association UFC Que Choisir dénonce “la qualité des connexions internet” sur le réseau fixe à la suite d’une enquête menée auprès d’internautes, le 19 novembre dernier. Et vise en particulier le trublion du secteur, Free.

L’opérateur décroche en effet le bonnet d’âne de ce questionnaire, qui a rassemblé plus de 16 000 réponses en 24 heures (“75 % des réponses émanent d’abonnés Free, 9 % des répondants sont des abonnés Orange, 7 % de SFR, 5 % de Numéricâble et 3 % de Bouygues Telecom”). “83 % des abonnés de Free ayant répondu en nombre à notre sondage confirment qu’ils sont dans l’incapacité [...] d’utiliser correctement YouTube”.

Le problème, qui est devenu un cas d’école pour expliquer les rapports souvent houleux entre les opérateurs français et les géants du web, concernerait aussi Orange et SFR, indique UFC Que Choisir. “Plus de 45 % de leurs abonnés ayant répondu au questionnaire se plaignent également de l’accès à YouTube (47 % pour le premier et 46 % pour le second)”.

Les autres services en ligne ne sont pas en reste. Et là encore, Free est plus que jamais dans le viseur :

En effet, parmi 13 services proposés (streaming, etc.), Free est l’opérateur le plus problématique sur 6 d’entre eux et premier ex-aequo sur un autre.

Le streaming vidéo, la télévision de rattrapage posent particulièrement problème. Du côté d’Orange et de SFR, le streaming n’irait pas non plus de soi, “puisqu’environ 20 % des consommateurs sont critiques vis-à-vis de la qualité de ce service”, poursuit UFC-Que Choisir.

“L’ensemble de ses résultats démontre qu’il y a un bel et bien un problème de qualité des connexions internet”, conclue l’association de consommateurs, qui appelle les “pouvoirs publics” à “se saisir de la question de l’interconnexion”, autrement dit, des modalités selon lesquelles opérateurs et acteurs du web se relient entre eux.

En avril dernier, le gendarme des télécoms (Arcep) avait manifesté son intention d’en savoir plus sur ces accords très opaques, le plus souvent conclus de manière informelle, sur un coin de table. Il avait alors dû faire face à une levée de boucliers d’une partie du secteur, notamment en provenance de l’étranger : ATT et Verizon l’ont d’ailleurs attaqué devant le Conseil d’Etat.

La société civile contrôlera aussi le Net

La société civile contrôlera aussi le Net

Initialement, la qualité du service proposé par vos fournisseurs d'accès à Internet devait être contrôlée par... ces ...

L’UFC demande également la définition de “règles permettant de maintenir un accès à internet de qualité, et cela sans pénaliser l’innovation et la concurrence”. Pour y parvenir, elle souhaite que l’Arcep mette en place “sans délai, et de manière totalement indépendante, un observatoire de la qualité de service (QoS) pour les réseaux fixes et mobiles”.

Pour mémoire, l’autorité des télécoms s’est lancée il y a un an dans un chantier visant à mesurer la qualité de l’accès à l’Internet fixe. La démarche avait suscité de nombreux doutes, notamment du côté de l’UFC, quant à la neutralité du protocole de mesure choisi. L’Arcep avait fini par appeler à davantage de moyens pour pallier ce biais et parvenir à accomplir cette mission.

Une pétition a été ouverte par l’association de consommateurs afin de “permettre aux internautes de faire entendre leurs voix en vue d’une meilleure qualité de service.” L’organisation attend la réaction du cabinet de Fleur Pellerin, ministre de l’économie numérique, à qui a été transmis les résultats de l’étude.


Gif qui rame par ici

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Des mobiles et des hommes http://owni.fr/2012/06/28/free-guerre-au-mobile/ http://owni.fr/2012/06/28/free-guerre-au-mobile/#comments Thu, 28 Jun 2012 19:14:46 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=114129 Owni vous raconte les dessous et les batailles de ce conflit sans merci, duquel il est dit que Bouygues Telecom s’apprêterait à annoncer un plan social dès juillet.]]>

C’est une partie qui démarre sur les chapeaux de roues. Avant de sérieusement se corser. Récit de la quête du Saint-Mobile, dans l’impitoyable contrée des Télécoms, en un texte… et une infographie (voir en bas d’article), par Loguy.

L’Iliad et l’Odyssée

Le 10 janvier 2012, Xavier Niel, président d’Iliad et co-fondateur de Free, s’avance sur une estrade installée dans son QG, près du métro Madeleine à Paris. Casque-micro vissé sur la caboche, dégaine à la fois offensive et fébrile. Il ne lance pas Free Mobile : il le propulse tel un missile dans le monde des télécoms. Et au-delà.

Free frime

Free frime

Un Xavier Niel au bord des larmes, une communauté surexcitée sur Twitter et une couverture médiatique unanime. C’est le ...

“Rocket is on the launch pad”. Le mystérieux message, signe du lancement imminent du quatrième opérateur mobile français, circulait depuis quelques jours sur Internet et annonçait déjà la couleur. Chauffant à blanc l’attente de toute une communauté, les “freenautes”, déjà lancée dans un jeu de piste effréné, consistant à trouver les détails des futurs forfaits de Free Mobile. Énigme savamment orchestrée par l’opérateur : pas d’affiches ni de spots, juste quelques indices disséminés sous forme de lignes de code sur Internet. Miser sur le silence et la rareté pour faire monter la sauce. Jusqu’à l’explosion : la présentation des deux forfaits. L’“illimité” à 19,99 euros, le “social” à 2 : une rupture avec les pratiques du secteur.

Niel s’enflamme : Free Mobile est une affaire de transparence, de justice, de probité. “On vient pas là pour gagner de l’argent on vient là pour foutre le bordel.” Un marketing de robin des bois, de chevalier blanc, qui n’est pas sans rappeler une certaine marque à la pomme. Et qui marche. Vivas dans la salle et couverture médiatique euphorique. Free explose les highscores : carton d’audience pour les sites de presse en ligne, mais aussi affluence record sur la plate-forme commerciale de l’opérateur. Xavier Niel évoque le chiffre de 3 à 4 millions de demandes d’information. Le site tombe dans la journée. La machine à gagner Free Mobile est en surchauffe : c’est le début des bugs.

Fight !

Dès le surlendemain, l’organisme en charge du transfert des numéros des clients souhaitant changer d’opérateur (“le GIE portabilité”), annonce le triplement des demandes. Free, qui s’était engagé à livrer les cartes SIM sous 24 heures, ne peut tenir ses promesses. Embouteillage dans le traitement des dossiers, mini pépins techniques… les soucis s’accumulent et le ton change dans la presse, qui se fait le porte-voix des clients mécontents. Sous les articles, néo-Freenautes désabusés et Free-fans convaincus s’affrontent à coup de commentaires. De son côté, Xavier Niel met en cause la portabilité des numéros, accusant le GIE de mal faire son travail. Et crie au complot à mots à peine voilés :

Tous les moyens sont bons pour discréditer le petit nouveau […] mais nous sommes peut-être parano chez Free…

Free Mobile crie au complot

Free Mobile crie au complot

Free Mobile : mytho, parano ou réglo ? Xavier Niel semble débordé par le buzz qu'il a lui-même provoqué avec son offre ...

Il faut dire que la bataille commence à faire rage du côté des concurrents. Parallèlement aux couacs commerciaux, Free Mobile connaîtrait des dysfonctionnements techniques. Pire, son réseau ne serait conformes aux obligations que l’opérateur est censé remplir. Soit une couverture effective de 27% de la population française. Free, hors des clous ? La question enfle dans les médias. Les témoignages à charge “d’ingénieur des télécoms” pleuvent. Sans qu’il soit possible de démêler l’info de l’intox, la défaillance de l’enfumage. Expertises, contre-expertises, constats d’huissiers : le pouls des télécoms français bat au rythme de Free mobile. Complot ou non, le pari est d’ores et déjà gagné pour le petit dernier du secteur : mieux vaut la désinformation à l’indifférence.

Une confrontation sanglante dans laquelle Xavier Niel a été le premier à sonner la charge. Non content de briser leur rente de situation, il s’est moqué de ses concurrents, rappelant la condamnation d’Orange, Bouygues et SFR en 2005 pour entente, et mettant en doute leur virginité nouvellement acquise. Et prononçant cette phrase devenue célèbre :

Si vous ne passez pas chez Free Mobile, vous êtes des pigeons !

Une agressivité qui n’aurait donné suite à aucun procès. Et dont Xavier Niel serait revenu. A en croire une récente interview à Challenges, le patron de Free aurait raccroché les gants… ou presque, taclant encore les pratiques “inavouables” de ses camarades.

Player 1 : Orange, opérateur à papa

Seul épargné du pugilat, Orange. L’opérateur à papa, comme aime à le désigner Xavier Niel, a finalement été peu accroché dans la bataille. Parce qu’on ne tape pas sur celui qui, bon gré mal gré, vous soutient.

L’actuel patron d’Orange, Stéphane Richard, s’est lui-même montré bienveillant envers Free et son ambition de décrocher la quatrième licence mobile. C’était dans une autre vie, alors qu’il était directeur de cabinet de la ministre de l’Économie Christine Lagarde. Ce qui lui a tout de même valu quelques remerciements chaleureux de la part de Xavier Niel.

Sans compter qu’en concluant un accord d’itinérance avec Free, Orange a mis à sa disposition une infrastructure solide, sur laquelle le quatrième opérateur a pu s’appuyer pour parer à ses défaillances.

L’Arcep et Besson se disputent sur Free

L’Arcep et Besson se disputent sur Free

Free Mobile est officiellement le trublion du secteur des telecom. A tel point que l'autorité de régulation et le ...

Peut-être un peu trop : constatant qu’une grande partie du trafic de Free circulait par ses antennes, et redoutant que les pannes touchant ce dernier ne l’affecte aussi, Orange a fait les gros yeux, menaçant de rompre l’accord. L’affaire semble aujourd’hui apaisée, avec une réévaluation à la hausse des gains qu’Orange est susceptible de tirer de cette affaire. D’abord estimés aux alentours de 1 milliard, ils pourraient rapporter plus du double. Juteux pour l’opérateur historique, qui se défend de vouloir aider Free : “c’est la meilleure protection pour l’entreprise, ses salariés, ses actionnaires, que je pouvais trouver face à l’arrivée du quatrième opérateur”, explique Stéphane Richard.

Il n’empêche. Arroseur arrosé, les soupçons d’entente entre Orange et Free gonflent. Et Xavier Niel n’arrange rien, en présentant les deux opérateurs comme les plus “légitimes” du secteur. Orange comme historique un peu chicos, Free comme petit dernier provocateur. De quoi provoquer la colère de SFR, Bouygues et des autres joueurs de la partie télécom. Ils dégainent les coups spéciaux. Selon Le Parisien, une plainte serait déposée auprès de la Brigade financière. Et SFR réfléchirait à une action auprès de Bruxelles.

Arcep vs Besson

Face aux critiques visant son réseau, Free n’a pas non plus hésité à brandir la carte justice. “A compter de ce jour, Free Mobile attaquera en justice toute personne dénigrant la réalité de sa couverture (réseau) ou de ses investissements” tonne l’opérateur dans un communiqué en date de mars 2012. Une menace qui aurait selon lui eu son petit effet : aujourd’hui, la polémique sur la couverture de Free Mobile semble s’être dégonflée comme un soufflé mal cuit. Mais dans l’intervalle, elle a secoué les plus hautes instances de la République. Ravivant de vieilles querelles qu’on croyait éteintes.

En l’occurrence, entre le ministère de l’Industrie et l’Arcep, le gendarme des télécoms, qui a encadré l’introduction de Free Mobile sur le marché. Ou plus précisément, entre le cabinet d’Éric Besson et l’Arcep, alors en froid depuis un an. Le premier tapant sur le second, en lui reprochant d’avoir mal vérifié le réseau et en le sommant de recommencer. Le second s’en défendant, fustigeant les pratiques de certains opérateurs. Le tout nappé d’une crise d’autorité, dans laquelle chacun tente de publiquement prouver qu’il a la main sur le dossier. En résulte une guerre de communiqués, des accusations de courrier anti-daté et des réponses par voie de presse interposée.

Free Mobile couvert

Free Mobile couvert

Oui, Free Mobile couvre bien 27% de la population. Et c'est le gendarme des télécoms qui le dit, tentant ainsi de mettre un ...

Fin janvier, le régulateur des télécoms décide néanmoins de vérifier une seconde fois le réseau de Free. Pour le valider à nouveau, un mois plus tard.

En marge de l’Arcep, l’Industrie somme l’Anfr (Agence nationale des fréquences), instance directement placée sous ses ordres, de procéder également à une vérification de la couverture du quatrième opérateur. Là encore, le constat va dans le même sens, l’agence estimant que Free peut couvrir 30,8 % de la population métropolitaine [PDF].

Try again : level Emploi

Besson parti, l’histoire des réseaux en grande partie derrière eux, les télécoms n’en ont pourtant pas fini avec Free Mobile. Une nouvelle bataille s’intensifie. Cette fois-ci, pas question d’antennes, de cartes SIM ou d’entente, mais d’emplois. D’une vague de licenciements dans le secteur mobile dont Free, et sa prestation que la concurrence qualifie de “low-cost”, seraient seuls responsables.

Et s’ils ont chiffré l’hémorragie de leur clientèle, Orange, Bouygues et SFR sont autrement plus réticents à parler d’éventuelles saignées dans leurs rangs. Stéphane Richard l’a d’ailleurs assuré au micro de BFM : pas de plan social en perspective. Pourtant, les chiffres pleuvent : le président de l’Arcep Jean-Ludovic Silicani avance un chiffre de 10 000 pertes, le syndicat Force ouvrière table lui sur 30 000 disparitions de postes en France. Une récente étude a fait état de plus de 70 000 destruction d’emplois. Il y a quelques années, Orange, SFR et Bouygues eux-mêmes, n’hésitaient pas à agiter le chiffon rouge des licenciements massifs pour dissuader les autorités de donner une quatrième licence mobile. Intox ou réelle menace ?

Affaiblis dans cette guerre du mobile, les opérateurs historiques disposent peut-être d’une carte Joker sur le volet de l’emploi : Arnaud Montebourg. Dans une interview à Challenges, le ministre du redressement productif fraîchement installé s’est fendu d’une sortie contre l’Arcep. Et, en creux, contre Free Mobile, estime de nombreux observateurs. Déclarant notamment :

Pour le gouvernement, la concurrence doit trouver sa limite dans la préservation de l’emploi.

Aujourd’hui à Bercy, l’intérêt du secteur prime sur celui des consommateurs et Montebourg le fait savoir. Ouvrant une brèche dans laquelle s’engagent -sans surprise- opérateurs (Thierry Breton et Stéphane Richard, respectivement ancien et actuel patrons de France Telecom) et ayants-droits, par la voix de Pascal Rogard, pour qui forfaits à bas prix riment avec pillage des œuvres sur Internet. En face, l’intéressé a déjà riposté dans Les Échos, lançant que les pertes d’emplois s’étaient amorcées avant Free Mobile…

Les troupes se reforment donc et fourbissent leurs armes. La saga est loin d’être terminée. Et risque d’être sérieusement relancée dès juillet, quand Bouygues Telecom devrait selon nos informations annoncer un plan social touchant plusieurs milliers d’employés. Contacté par OWNI, l’opérateur ne souhaite pas faire de commentaires. N’infirmant, ni ne confirmant. Le jeu vient de se relancer. “Other players are ready to play”.

Baladez votre souris et découvrez dans les cercles gris les liens qui font l’histoire de la guerre aux mobiles !



Full disclosure : Xavier Niel est actionnaire, à titre personnel, de la SAS 22Mars, maison mère d’OWNI (à hauteur de 6%). Suite à la scission de 22Mars et OWNI, j’ignore ce qu’il advient de son investissement. Mais comme le dit justement Manhack, OSEF.


Illustrations par Loguy (CC)

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La société civile contrôlera aussi le Net http://owni.fr/2012/05/07/la-societe-civile-controlera-aussi-le-net/ http://owni.fr/2012/05/07/la-societe-civile-controlera-aussi-le-net/#comments Mon, 07 May 2012 11:00:14 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=109089 OWNI. Mais, sous la pression de plusieurs associations, le régulateur des télécoms (Arcep) ajuste le tir dans son projet de mesure de la qualité du Net français, selon des informations que nous avons recueillies auprès de proches du dossier. Un début de bonne nouvelle pour les consommateurs.]]>

Branchements internet de trois opérateurs différents - (cc) Nicolas Nova

“Très positif”. En plaçant des garde-fous dans le dispositif visant à mesurer la qualité de l’accès à l’Internet fixe, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a marqué des points. Surtout auprès de certains représentants de la société civile, dont la voix devrait porter plus que prévu. Une caution non négligeable, même si tout reste à faire pour prendre le pouls du Net français en toute transparence.

Gardiens de la transparence

Désormais, les structures pressenties pour auditer la qualité du Net en France ne sont plus les seuls opérateurs. Aux côtés de France Télécom, SFR, Bouygues Telecom, Free, Numericable, Darty Telecom – qui couvrent plus de 100.000 foyers- et de la Fédération Française des Télécoms (FTT), qui les représente pour la plupart, l’Arcep a décidé d’ajouter les “représentants d’associations d’utilisateurs et des experts indépendants ayant manifesté leur intérêt pour le travail.”

Free, SFR, Orange et Bouygues en autocontrôle

Free, SFR, Orange et Bouygues en autocontrôle

Accorder à Orange, Free, SFR et Bouygues le luxe de devenir les seuls juges de la qualité de leurs offres d'accès à ...

Une décision présentée il y a quelques jours dans les locaux de l’Autorité, qui rompt avec les premières orientations des travaux. Ces derniers mois, la ligne suivie par l’Arcep laissait en effet aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) la maîtrise de la mesure d’un bout à l’autre de la chaîne : choix de la méthodologie, du responsable des mesures…

Certaines associations (Afnic, La Quadrature du Net, UFC Que Choisir) avaient pointé du doigt les risques d’une telle orientation, qui confie aux FAI le double rôle avantageux de juge et partie : fournissant une prestation d’un côté, lui donnant une note de l’autre. Pour en faire au final une utilisation commerciale, vantant les bons résultats de la mesure.

Face à la levée de boucliers de la société civile, l’Arcep a donc changé de cap. Une décision qui va plutôt “dans le bon sens” nous confie-t-on du côté des opérateurs, qui souhaitent dénouer “le fantasme sur la relation entre l’autorité et les opérateurs.”

Encadrement et contrôle

Concrètement, le “comité technique” ainsi installé a la lourde tâche de définir et d’installer le système permettant de mesurer la qualité du réseau français à l’horizon 2013. Le tout dans un souci de “transparence de la démarche”, ainsi que de “sincérité et [d’]objectivité des mesures”, indiquent les documents de travail que nous avons consultés.

Des paroles suivies d’encadrements stricts. A priori. Dans une “charte de fonctionnement”, l’Arcep indique que “les opérateurs s’engagent” à justifier le choix du prestataire unique chargé de mesurer la qualité du réseau. Expliquer les raisons de leur préférence mais aussi incorporer les éventuelles remarques adressées par les autres membres du comité technique. A savoir, la société civile. Une nouveauté que les opérateurs disent accepter, sous réserve de “proportionnalité”. Autrement dit, hors de question qu’ils prennent en charge un dispositif, qu’ils sont déjà obligés de financer, trop coûteux. La distinction entre les précautions nécessaires et superflues seront à coup sûr au centre de tous les débats.

Internet se fera sonder en profondeur

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Rencontre avec Luc Saccavini, principal responsable technique du futur observatoire d'Internet de l'Inria. Avec ce ...

Les opérateurs et l’Arcep s’orienteraient vers la mise en place de “lignes dédiées”, sur lesquelles le prestataire effectuerait 24 heures sur 24 une batterie de mesures. Débits descendant et ascendant, temps de chargement d’une page web ou qualité de visionnage de vidéos devraient être passés au crible.

Pour encadrer le dispositif, le gendarme des télécoms s’engage également à financer un système de mesures parallèles. En janvier, l’organisme de recherche Inria proposait de s’associer à l’initiative. Difficile à ce stade d’en savoir davantage, mais l’Arcep favoriserait le volontariat, des internautes effectuant eux-mêmes des tests à domicile. Contactée par OWNI, l’autorité s’abstient de tout commentaire, indiquant qu’elle ne communiquerait que lorsqu’elle aura “une annonce finalisée à faire.”

Reste à savoir comment les résultats de ce contrôle individuel pourra être comparé à ceux du prestataire, sur les “lignes dédiées”. Autrement dit, sur des lignes privées de tous les biais liés à un usage quotidien et normal du Net : performances du poste, accès en WiFi…

Gestion de trafic dans le viseur

Plus intéressant encore, l’Arcep réintègre dans son dispositif les mesures de gestion de trafic. Ces pratiques des opérateurs, qui permettent de dégrader ou même de bloquer un site ou un service -à tout hasard, le peer-to-peer-, avaient été d’abord écartées du chantier. Chantier visant pourtant à juger la qualité de la prestation des FAI. Une aberration pour La Quadrature du Net, qui avait signalé à l’Arcep la nécessité de leur prise en compte dans un chantier visant à garantir la neutralité des réseaux :

Pour pallier aux graves carences de son approche de la notion de qualité de service, l’Arcep doit faire évoluer ses indicateurs, de manière effective, vers la mesure des pratiques de gestion de trafic et de la dégradation sélective [...]. Pour ce faire, elle doit réfléchir urgemment à un calendrier et à une méthode adéquats. Il n’y a qu’ainsi qu’elle pourra contrôler les dires des opérateurs quant à leurs pratiques de gestion de trafic et contrôler le respect de leurs obligations de transparence.

Pas sûr néanmoins que le résultat de ces mesures atterrissent dans le grand public. L’affaire est soumise à de multiples précautions. Car si l’on constate une dégradation de service sur un réseau, l’opérateur qui en a la charge risque d’être mis au ban des consommateurs. Or il peut pâtir des mauvaises pratiques d’un concurrent, plaident les FAI :

Sur le peer-to-peer par exemple, il suffit qu’un maillon fasse une restriction pour qu’elle soit identifié sur l’ensemble de la chaîne.

L’Arcep va donc prendre ces mesures avec des pincettes, en n’effectuant dans un premier temps que des tests très simples sur les débits. Afin de déterminer si les offres vendues par les opérateurs correspondent à la réalité.

Les autres mesures quant à elles devraient faire l’objet de publication semestrielle. Les consommateurs pourront les retrouver à la fois sur le site des opérateurs et sur le site de l’Arcep.

Rien n’est cependant arrêté, puisque le régulateur prévoit de lancer une nouvelle consultation publique sur le sujet. Mais les réajustements du gendarme des télécoms rendent optimistes certains participants, qui ”n’attendaient plus rien ou très peu” de ce groupe de travail. S’ils reconnaissent les efforts de l’Arcep, d’autres en revanche se montrent plus prudents. A l’UFC Que Choisir, le responsable des dossiers numériques Édouard Barreiro reconnaît ainsi la “bonne volonté de l’Arcep” tout en regrettant que “la collecte et le premier traitement des informations issues des mesures demeurent au main des opérateurs.” “Il y a toujours une suspicion”, conclue-t-il. Difficile en l’état de s’assurer que les mesures de contrôle seront suffisantes. Surtout au vu de la charge de travail, que les représentants de la société civile auront le plus grand mal à suivre. L’un d’entre eux confie : “ils ouvrent les portes, mais nous n’avons pas les moyens de participer à toutes ces réunions. À l’inverse des opérateurs.”

Pour le comité technique en effet, la tache s’annonce chronophage : deux réunions par mois sont à prévoir jusqu’en 2013. Puis d’autres, pour assurer le suivi du dispositif. Un fardeau titanesque mais nécessaire, pour faire en sorte que cette mesure donne aux 22 millions de foyers branchés en haut ou très haut débit une véritable chance de contrôler la prestation de leur FAI. Et pour que ce projet ambitieux ne devienne pas un simple miroir aux alouettes.


Photo par Nicolas Nova (CC-by)

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La guerre des tuyaux http://owni.fr/2012/04/04/interconnexion-arcep-tuyaux-guerre/ http://owni.fr/2012/04/04/interconnexion-arcep-tuyaux-guerre/#comments Wed, 04 Apr 2012 15:33:31 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=104515

L’Arcep veut fouiller les entrailles du net ! Le gendarme des télécoms cherche à comprendre les accords qui se nouent dans l’ombre, entre les différents acteurs de l’Internet, des plus connus (fournisseurs d’accès à Internet et sites) aux plus anonymes (tels que des intermédiaires techniques), afin que les octets circulent entre eux et jusqu’à l’internaute. Une décision [PDF] en ce sens a été publiée vendredi pour “la mise en place d’une collecte d’informations sur les conditions techniques et tarifaires de l’interconnexion et de l’acheminement de données” sur le réseau.

L’internaute, au bout de la chaine, a rarement conscience de ce business de coulisses. Pourtant, dès que ça bloque dans les tuyaux, l’effet peut vite se faire sentir sur sa navigation et déterminer ce à quoi l’utilisateur a ou non accès sur Internet. Ainsi pour les abonnés de Free, qui ont parfois du mal à lire une vidéo sur YouTube : une bisbille d’interconnexion ! Un cas concret à l’image d’un rapport de force bien plus large, qui oppose les opérateurs aux titans du web tels que Google ; les premiers exigeant des seconds qu’ils mettent davantage la main au porte-monnaie afin d’entretenir les infrastructures d’Internet. Car dans les tuyaux comme ailleurs, l’argent est le nerf de la guerre.

Résultat, la petite spéléologie appliquée au réseau que souhaite l’Arcep divise les forces en présence. Les seuls opérateurs nationaux à avoir répondu, Orange, SFR (dont la réponse n’a pas été rendu publique à sa demande) ou Free, y sont plutôt favorables quand d’autres, en majorité représentants des sites Internet, s’opposent à une telle initiative.

Petite spéléologie appliquée au réseau

Pour l’Arcep néanmoins, la question ne se pose pas : il faut étudier ces “prestations d’interconnexion et d’acheminement de données”, qu’elle juge au “fondement” même de l’Internet. En particulier parce qu’elles renvoient à des“usages et [des] contrats partiellement non écrits et souvent non publics” peu propices à une compréhension limpide du marché. Historiquement en effet, ces accords d’interconnexion se concluent de façon informelle, au coin d’une table, autour d’une bière, et font l’objet de clauses de confidentialité.

La neutralité cachée d’Internet

La neutralité cachée d’Internet

Alors que le gendarme des réseaux, l'Arcep, présente ses travaux en conférence de presse ce vendredi matin, OWNI ...

Par ailleurs, aussi étonnant que cela puisse paraître, en matière d’interconnexion la règle n’est pas à la rétribution. Mais plutôt au troc : les raccordements au réseau n’entraînent en général aucune contrepartie sonnante et trébuchante. On parle alors de “peering”. Et à en croire une étude du Packet Clearing House relevée par Google [PDF] dans sa réponse [ZIP] à l’Arcep sur le sujet, ce serait encore majoritairement le cas à plus de 99%. Un modèle d’autorégulation, spécifique à Internet, et à la base même de sa construction. L’idée étant que chaque acteur, de taille équivalente, a intérêt à se relier à un autre. Et qu’il ne sert à rien – sauf à engendrer des frais administratifs inutiles – de facturer cette liaison, puisque le trafic envoyé par l’un est équivalent au trafic envoyé par l’autre. En somme, du gagnant-gagnant, dans lequel les trafics se compensent. Mais où il est difficile pour une institution comme l’Arcep d’y voir clair.

Pour autant, hors de question de réguler ex ante ce marché si particulier : la Commission européenne a d’ailleurs déjà communiqué en ce sens. L’autorité des télécoms française déclare simplement désirer étendre sa connaissance des usages d’interconnexion via la mise en place d’un questionnaire, auxquels certains acteurs auront l’obligation de répondre “au plus tard deux mois après la fin de chaque semestre, à compter du premier semestre 2012.” Première échéance : 31 août prochain, prévient l’Arcep, qui exige des informations très précises : “nom et coordonnées du partenaire”, “informations sur le point / site d’interconnexion” ou bien encore “conditions financières” de la liaison.

Une curiosité qui fait frémir les parties concernées, quelque soit leur bord, opérateur ou éditeur. Dans une synthèse [PDF], l’autorité indique ainsi :

La quasi-totalité des contributeurs souligne le caractère hautement confidentiel des informations demandées et invite l’ARCEP à garantir pleinement, notamment sur le plan réglementaire, la confidentialité des  données collectées (secret des affaires) et à expliciter l’utilisation effective qu’elle entend en faire.

Internet, c’est pas français

D’autant qu’un autre problème de taille s’oppose à la divulgation de ces informations : si le régulateur peut demander de telles informations à des acteurs nationaux, il paraît beaucoup plus compliqué de le faire au niveau international. Problème : qui dit Internet, dit portée mondiale. L’Arcep en a d’ailleurs pleinement conscience puisqu’elle déclare vouloir étudier “les conditions de l’interconnexion et de l’acheminement de données susceptibles d’avoir un effet sur le territoire français, et ce quel que soit l’endroit où la personne concernée est établie.” On voit mal néanmoins comment elle peut parvenir à ses fins. Ce qui ne l’empêche pas d’essayer.

Ainsi, seuls les opérateurs de communication électronique qui ont “l’obligation de se déclarer à l’Arcep” sont tenus de répondre au questionnaire. En clair, des acteurs comme les FAI (Orange, Free, etc.) ou les hébergeurs tel OVH explique l’Autorité interrogée par OWNI. Quant aux autres, en particulier les sites étrangers, le régulateur se réserve le droit de les consulter afin de “vérifier ou compléter les informations recueillies” dans le questionnaire. Entre notamment en ligne de compte les acteurs ayant développé une “démarche active” à l’égard des internautes français : outre être établi dans l’Hexagone, détenir un site Internet en .fr, proposer des contenus en français ou bien encore proposer des services fournis en France. Ce qui fait pas mal de monde.

Dans le tas, certains ont déjà fait comprendre au régulateur français qu’il était hors de question de le voir mettre son nez dans leurs affaires. Ainsi l’opérateur Verizon, l’un des principaux opérateurs aux États-Unis, conclue sa réponse [ZIP] par un cinglant :

Verizon France apporte la démonstration que le projet de collecte trimestrielle d’informations sur les conditions techniques et tarifaires d’interconnexion et d’acheminement de données [...] est dépourvu de toute base légale lui permettant de l’imposer aux opérateurs. C’est pourquoi Verizon France sollicite de l’Autorité le retrait pur et simple de ce projet.

Même fin de non recevoir du côté des anglais du LINX, ou London Internet Exchange, échangeur londonien où s’interconnectent près de 400 acteurs de l’écosystème Internet. “Il y a tellement de pays dans le monde, si la responsabilité des opérateurs venait à être étendue aux autorités de toutes les pays concernés par leurs opérations, y compris ceux qui sont indirectement affectés, ils supporteraient une charge insupportable et le conflit juridique serait impossible à résoudre”, explique [ZIP] le responsable juridique de LINX, en qualifiant le projet de l’Arcep d’“obligation extra-territoriale” qui ne saurait s’appliquer aux opérateurs non établis en France. Y compris s’ils sont connectés à un réseau français.

Impasse juridique

Du côté des frenchies, on refuse aussi de jouer le jeu. France Telecom a indiqué [ZIP] qu’il ne donnerait pas d’informations concernant les acteurs étrangers avec qui il est en relation. Une alternative qui aurait pu s’avérer pratique pour contourner l’impasse juridique. Mais pour l’opérateur historique, “aucune obligation relevant de la réglementation sectorielle ne peut contraindre un opérateur national, à révéler l’identité ou des informations relevant strictement du secret des affaires portant sur un contractant, ne disposant d’aucune activité de fournisseur de services de communications électroniques sur le territoire national.” Sauf éventuellement dans le cas d’une enquête formelle menée par le régulateur français, qui peut être saisie de différends opposants certains acteurs du secteur. Mais pas dans le cadre d’une simple collecte d’informations.

Sans compter que le dispositif est lourd et contraignant. De nombreux acteurs, opérateurs comme éditeurs de contenu, s’en inquiètent, signalant qu’un relevé de données trimestriel engendrerait un coût non négligeable, en particulier pour les acteurs plus modestes d’Internet. Ce qui pousse les représentants des sites Internet tels que Google ou Facebook à plaider en faveur d’une démarche plus hiérarchisée au sein de l’Arcep. Le lobby Voice on the Net (VON) Europe, qui regroupe en son sein Google ou Skype, accuse [ZIP] ainsi le régulateur français de trop se disperser, laissant de côté des problèmes prioritaires, tels que “les pratiques discriminatoires mises en place par les opérateurs en France” sur les réseaux mobile et fixe :

VON s’étonne par ailleurs de voir que, alors que des projets précédents lancés dans le cadre de la neutralité des réseaux n’ont pas encore abouti de façon concrète, l’ARCEP se concentre maintenant sur l’interconnexion et les accords de peering entre les différents acteurs. Le fameux proverbe ‘Qui trop embrasse, mal étreint’ nous vient quelque peu à l’esprit.

La guerre du net

Un marché opaque, qui a le défaut de s’étendre au monde entier et sur lequel l’Arcep n’a que peu de prises. Pourquoi alors avoir publié cette décision, qui ne semble avoir qu’une portée très relative et bien maigre sur le vaste monde de l’Internet ?

Difficile d’en savoir plus en interrogeant directement l’Arcep. Il semblerait néanmoins que l’autorité veuille mettre son nez dans “un désaccord profond” qui “s’est installé et s’exprime de plus en plus concernant le financement de l’acheminement du trafic”. Désaccord qui s’assimile davantage à une guerre de position entre FAI et géants du web. Pour les opérateurs, les sites générateurs de contenu, tels que YouTube, encombrent leurs réseaux sans pour autant mettre la main à la poche. Pour les seconds, si les FAI disposent d’autant d’abonnés, c’est parce que les internautes veulent consulter les contenus que les sites mettent à leur disposition. Les forfaits doivent donc financer en contrepartie l’entretien des tuyaux du net, afin que les octets arrivent à bon port, sans encombres.

Le modèle d’interconnexion à la bonne franquette a donc du plomb dans l’aile. Les opérateurs, écrivait encore l’Arcep en 2010, souhaitant “une refonte des mécanismes d’interconnexion” afin de mettre en place un système plus formalisé, contrat et rémunération à l’appui, “sur le même modèle que la terminaison d’appel vocal.”

En France, cette guerre de tranchée a un emblème : l’affrontement de Free et YouTube, qui dure depuis des années. Les abonnés à Free savent qu’il est parfois difficile de consulter les vidéos du site de Google, en particulier à l’heure où la demande est la plus grande, le soir venu. Difficile en revanche de savoir qui en est responsable. Du côté de chez Free, on plaide que YouTube sature le réseau, et qu’il doit faire le nécessaire pour acheminer correctement ses vidéos jusqu’aux internautes. Le nécessaire étant un investissement dans les infrastructures du réseau. Et si Google garde le silence en la matière, des associations le représentant, telle que l’Asic, a déjà eu l’occasion d’expliquer sa position sur le sujet : les sites aussi contribuent au financement des tuyaux, pas la peine d’en rajouter. Résultat : chacun se renvoie la patate chaude. Et en attendant, les internautes se voient bénéficier d’un accès restreint à une partie d’Internet.

Bien plus qu’une seule question de techniciens ou d’argentiers, la guerre de l’interconnexion met donc la nature même d’Internet en jeu. Au même titre que les groupes de travail sur la qualité de service de l’accès à Internet, ou sur la transparence des pratiques des opérateurs sur Internet : toutes ces réflexions entrent dans le grand chantier neutralité des réseaux dans laquelle l’autorité s’est lancée fin 2010. Un rapport était attendu au Parlement et au Gouvernement “début 2012″ [PDF]. Il se fait toujours attendre.


Illustrations via FlickR: Quelqueparsurterre [cc-by-nc] et AndiH [cc-by-nc-nd]

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http://owni.fr/2012/04/04/interconnexion-arcep-tuyaux-guerre/feed/ 8
La neutralité cachée d’Internet http://owni.fr/2012/03/23/lintrouvable-neutralite-du-net/ http://owni.fr/2012/03/23/lintrouvable-neutralite-du-net/#comments Fri, 23 Mar 2012 07:02:47 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=103049 OWNI dresse un bilan critique du chantier de la neutralité d'Internet et des réseaux. Un sujet stratégique pour l'avenir du numérique. Pour l'heure, les multiples compromis du moment portent en germe les compromissions de demain. ]]>

La neutralité des réseaux : “La moitié du travail du régulateur sur les deux années à venir”. Selon le patron de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) Jean-Ludovic Silicani, le sujet est le gros morceau qui occupera le gendarme des télécoms à l’avenir. Et qui le tourmente déjà.

L’autorité devait initialement rendre un rapport sur le sujet “au Parlement et au Gouvernement début 2012″. Fin mars de cette même année, l’affaire patine encore, saucissonnée en plusieurs groupes de travail, eux-mêmes répartis entre Paris et Bruxelles.

Pas facile d’y voir clair, mais l’Arcep nous l’assure : la neutralité sera au menu de sa conférence de presse de ce matin. Sans l’attendre, nous avons anticipé en réalisant une première inspection du chantier de la neutralité. Pour un résultat foutraque et opaque : peu d’informations filtrent sur l’avancement des travaux. Du côté des opérateurs, on refuse de communiquer sur le sujet, redoutant de voir la polémique de l’été dernier, sur la fin de l’Internet illimité, renaître. Pourtant, sous des apparences technocratiques et emberlificotées, ce débat a tout intérêt à être porté à la connaissance des usagers. Car c’est la définition même d’Internet qui est en jeu. Une définition susceptible de considérablement rogner les prés carrés de Bouygues, Orange et consorts…

Juge et partie

La fin de l’Internet illimité

La fin de l’Internet illimité

Des opérateurs veulent mettre un terme aux forfaits Internet illimités dans les foyers français. Un document de la ...


Premier volet du chantier neutralité : la “qualité de service de l’accès à Internet”. Bien avancé, ce groupe de travail a pour objectif de prendre le pouls du réseau français, afin d’apprécier la qualité des prestations des plus gros fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Et pour éventuellement fixer, dans un second temps, un seuil au-dessus duquel le service des FAI sera jugé “suffisant”. L’enjeu est donc de taille pour ces derniers. C’est leur cœur de métier qui est ici évalué.

Si l’initiative est saluée de toute part, opérateurs, associations, experts réseau ou scientifiques s’accordant sur la nécessité de dresser un panorama de l’état du net français, de nombreux écueils sont pointés du doigt. Le plus gros étant le risque de mainmise des FAI sur la mesure, l’Arcep leur accordant en la matière des avantages considérables. Comme le choix du prestataire en charge de cette tâche ; confiant peu ou prou aux FAI un rôle de juge et partie. Un avantage sous le feu des critiques, dont OWNI s’est fait l’écho dès le démarrage de ce groupe de travail.

Dans sa réponse à la consultation publique [PDF] lancée par l’Arcep sur le sujet -et désormais clôturée-, l’association de défense des libertés sur Internet La Quadrature du Net s’en alarme :

Le fait que les opérateurs aient le choix du prestataire réalisant les mesures pose problème du point de vue de l’objectivité et de la sincérité des ces dernières, et les orientations fournies pour contrôler ces aspects n’apparaissent pas suffisamment convaincantes.

Les opérateurs juges et parties du net

Les opérateurs juges et parties du net

Le régulateur des télécoms cherche à déterminer la qualité du réseau français. Pour mettre en place le dispositif de ...

Pour remédier à ce problème, l’Afnic, qui a également publié sa réponse à la consultation du régulateur, préconise que les mesures soient effectuées “par un tiers réellement indépendant, s’appuyant sur des logiciels ouverts et publics, et en suivant une méthodologie transparente.”

Interrogée par OWNI, l’association UFC-Que Choisir, qui avait déjà alarmé l’Arcep à ce sujet, va plus loin : en l’état, les orientations du régulateur pour définir la qualité du réseau français “ne peuvent pas permettre d’atteindre cet objectif.” “Les méthodes choisies ne peuvent aboutir à une information transparente, objective et indépendante pour le consommateur” ajoute Édouard Barreiro, responsable du numérique à l’UFC.

Car outre le choix du prestataire, les opérateurs garderaient également la main sur la définition de la méthodologie employée pour la mesure, ou “référentiel commun”. De même, la solution préconisée par l’Arcep, qui consiste en la pose d’une “sonde matérielle” sur la ligne des utilisateurs, peut être contournée. “Le risque existe en effet que les opérateurs biaisent les mesures, par exemple en offrant une qualité de service supérieure aux abonnés « tests » ainsi repérés”, prévient La Quadrature du Net. Là encore, des mesures de contrôle indépendantes sont préconisées.

Les télécoms perdent toute autorité

Les télécoms perdent toute autorité

Hier matin, le régulateur des télécoms a tenu sa conférence de rentrée. L'occasion de poser les questions qui fâchent ...

Pour le moment, difficile de connaître les intentions des opérateurs. Contactés par OWNI, la majorité se refuse à donner son avis sur la question avant que le gendarme des télécoms ne publie officiellement les réponses. De même pour la Fédération française des télécoms, qui réunit les FAI (à l’exception notable de Free et Numericable) et qui n’a pas souhaité nous en dire plus, tout en confirmant avoir répondu à l’appel de l’Arcep.

Laquelle devrait donner la date de publication de ces contributions après la conférence de presse de ce vendredi, sans donner plus de précisions. Il y a quelques mois, nous avions demandé au patron du gendarme des télécoms Jean-Ludovic Silicani de réagir à ces critiques : visiblement irrité, il nous avait renvoyé à ” l’auto-responsabilité des entreprises”. “Nous faisons confiance aux opérateurs, sans pour autant exécuter leurs ordres” avait-il ajouté.

Opaque transparence

Pas sûr que ces déclarations suffisent à dissiper les inquiétudes. D’autant qu’un autre groupe de travail, toujours sur la neutralité des réseaux, vient corser l’affaire.
En collaboration avec l’Arcep, deux délégations du ministère de l’Industrie (la DGCIS et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), planchent parallèlement sur la question de la “transparence relative aux pratiques de gestion de trafic” mises en place par les opérateurs.

A priori, l’enjeu est de faire en sorte qu’Orange, Free, SFR ou Numericable communiquent sur la réalité de leurs offres Internet, en indiquant clairement pour quels services leurs clients paient. Une approche particulièrement importante sur le mobile, sur lequel le peer-to-peer ou la voix sur IP (par exemple Skype) ont été historiquement bannis des abonnements.

L’Internet illimité au purgatoire

L’Internet illimité au purgatoire

L'idée de brider Internet était promise aux enfers. À en croire les opérateurs, en particulier Orange, le projet aurait ...

Mais là encore, difficile d’en savoir davantage. Côté Arcep et DGCCRF, c’est motus et bouche-cousue. “Il n’est pas opportun de communiquer là-dessus” nous affirme-t-on du côté de Bercy, sans toutefois préciser la nature de cette inconvenance. Il semblerait que l’ombre de l’été dernier plane sur le groupe de travail : les opérateurs redoutent en effet de voir se répéter la sortie médiatique sur la fin de l’Internet fixe illimité. Pour éviter ce fiasco, hors de question que le moindre élément filtre. Drôle de situation pour un groupe qui travaille à rendre plus transparente la communication des opérateurs . Chez ces derniers, certains expliquent qu’un tel silence est moins dû à l’enjeu des discussions qu’à leur nature. En bref : tout ce qui touche à la neutralité suscite passions et polémique, quelques soient les intentions, bonnes ou mauvaises, des FAI.

En attendant, communiquer sur les modalités des nombreux forfaits offrant un accès à Internet, c’est aussi prendre le risque de voir sauter l’appellation “Internet”. Si tant est que l’on veuille protéger le principe de neutralité des réseaux, qui affirme que les contenus doivent être traités de manière égale sur Internet – à de rares exceptions près. Une orientation que semble vouloir prendre l’Arcep, à en croire ses dix recommandations sur le sujet [PDF], en date de septembre 2010. Le régulateur préconisait alors qu’en dehors de certaines exceptions strictement encadrées, le terme Internet ne saurait être utilisé.

En théorie, les opérateurs risquent donc de perdre le précieux label pour certaines de leurs offres. Des offres fixes et mobiles sans le mot “Internet” : une option peu souhaitable pour faire commerce. Mais que les opérateurs se rassurent. Car des “pratiques de gestion de trafic”, il devrait être assez peu question au sein de ce groupe de travail. L’intitulé lui-même aurait déjà sauté. L’expression, plus large -et donc plus vague- de “groupe de travail sur la différenciation technique et tarifaire” ayant été privilégiée dès les premières réunions.

En bref, pas ou peu de soucis pour les FAI. La réflexion ne devrait pas dépasser la seule mise en place d’une signalétique, qui vise à indiquer aux abonnés à Internet la nature de leur forfait. Un progrès déjà notable pour ces derniers. Mais qui laisse de côté un détail majeur, voire central : l’encadrement des pratiques de gestion de trafic elles-même. Soit en somme, la définition d’un Internet jugé acceptable. Et à l’inverse, d’un Internet qui n’en est tout simplement pas un.


Illustration par Viktor Hertz (CCbyncsa) remixée par Ophelia Noor pour Owni /-)

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Free Mobile couvert http://owni.fr/2012/02/29/free-mobile-couvert/ http://owni.fr/2012/02/29/free-mobile-couvert/#comments Wed, 29 Feb 2012 10:30:13 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=100134

Le président de l'Arcep Jean-Ludovic Silicani

L’Arcep a tranché : Free Mobile n’est pas en tort. Son président, Jean-Ludovic Silicani, a donné l’information “en exclusivité” aux députés qui l’auditionnaient hier soir: après vérification, le dernier né du secteur couvrirait bel et bien 27% de la population, conformément aux obligations fixées par le régulateur.

Un joli coup de com’ pour le gendarme des télécoms, qui cloue d’un même geste le bec de la concurrence, fortement suspicieuse à l’égard du réseau Free Mobile, et d’Eric Besson, ministre en charge du numérique, avec qui il se disputait la reprise en main du dossier.

Free dans les clous de l’Arcep mais pas d’Orange

Free frime

Free frime

Un Xavier Niel au bord des larmes, une communauté surexcitée sur Twitter et une couverture médiatique unanime. C’est le ...

Mené début février, le contrôle a établi que Free détenait 753 antennes “allumées” sur un total d’un millier installées et susceptibles d’être utilisées, a indiqué le patron de l’Arcep. Un déploiement qui “se poursuit”, a précisé un communiqué de presse envoyé dans la foulée, et qui devrait à ce jour compter plus de 800 stations en activité, a ajouté Jean-Ludovic Silicani.

Suite à son lancement tonitruant, début janvier 2012, Free Mobile a connu des moments plus difficiles ; un ensemble de dysfonctionnements commerciaux et techniques étant reprochés à l’opérateur. Dont un en particulier : la réalité de son réseau. Free s’est vu accuser de ne pas avoir installé les infrastructures suffisantes pour supporter ses nouveaux abonnés et de ne compter que sur le réseau d’Orange pour distribuer ses appels. Les deux opérateurs sont certes liés par un accord d’itinérance, qui vise précisément à combler les carences de Free Mobile en matière de couverture réseau. Mais cet accord n’est valable que si le quatrième opérateur couvre au minimum 27% de la population. Et il en va de même pour sa licence d’opérateur mobile…

C’est là que ça se complique. Car si Free remplit ses objectifs de couverture, le régulateur ne nie pas néanmoins que la majorité de son trafic passe bel et bien sur le réseau d’Orange, jugé “plus efficace” par Jean-Ludovic Silicani. En d’autres termes, il y a une différence entre le déploiement des antennes et la qualité du service rendu. “Dans la licence et les obligations [de Free], il y a une exigence de couverture, pas de qualité” a expliqué le patron de l’Arcep. Pour les consommateurs, le résultat est le même : portés par Free ou Orange, les appels arrivent à destinations. L’opérateur historique en revanche, peut pâtir de cette surcharge de trafic, qui ne correspond pas aux termes de l’accord d’itinérance. C’est à lui qu’incombe la responsabilité de rétablir un équilibre, a poursuivi Jean-Ludovic Silicani, qui a déclaré savoir que les deux opérateurs étaient en pourparlers.

“Faire courir des rumeurs sur le net, ce ne sont pas des méthodes très correctes”.

Free Mobile crie au complot

Free Mobile crie au complot

Free Mobile : mytho, parano ou réglo ? Xavier Niel semble débordé par le buzz qu'il a lui-même provoqué avec son offre ...

La déficience présumée du réseau Free Mobile avait fait les gorges chaudes des médias ces derniers mois. C’est pour cette raison et “dans un souci de transparence et de sérénité [que] l’Arcep a décidé de renouveler ses mesures sur le réseau de Free Mobile ”, indique le communiqué de presse. Rien ne l’y obligeait, a renchéri Jean-Ludovic Silicani, l’Autorité ayant déjà inspecté le réseau de l’opérateur en décembre dernier, à la suite d’une première batterie de mesures. Une validation formelle qui avait inauguré l’entrée de Free dans le marché mobile.

Sur ce dossier, la concurrence a officiellement misé sur la retenue, laissant tout au plus planer un doute, à l’instar d’un Stéphane Richard, patron de France Télécom, qui déclarait fin janvier au JDD : qu’il existait “grande confusion” sur l’état du réseau Free mobile. Une communication officielle doublée néanmoins d’une pluie de témoignages anonymes, dans la presse, d’ingénieurs de SFR, Orange et Bouygues Telecom.

Un double jeu dénoncé hier par le président de l’Arcep :

Faire courir des rumeurs sur le net, en parlant aux journalistes, ce ne sont pas à mon sens des méthodes très correctes.

Les opérateurs, qui avaient la possibilité de faire part au régulateur de leur doute quant à la fiabilité du réseau Free Mobile, ont finalement décidé de ne lancer aucune procédure. Seuls des syndicats d’opérateurs de téléphonie mobile ont formellement saisi l’ARCEP “d’une demande d’enquête concernant le respect par Free Mobile de l’obligation de déploiement d’un réseau 3G dans des conditions conformes à son autorisation”, indique l’Autorité.

Mais si les attaques n’étaient pas explicites, les trois premiers opérateurs mobiles n’ont pas épargné Free. Bien au contraire : sa campagne publicitaire, son service client, son aptitude à créer des emplois en France, et bien sûr, sa capacité à investir dans un réseau d’antennes pérenne : tout est passé dans la moulinette de la concurrence. Egalement auditionnés par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, les patrons des opérateurs n’ont pas mâché leurs mots : Stéphane Richard avait appelé “l’Arcep à faire son travail” tout en dénonçant la violence des propos de Xavier Niel, patron d’Iliad (maison-mère de Free), qui avait qualifié de “pigeons” les clients de ses concurrents ; chez SFR, Franck Esser a mis en doute la “pérennité [des] innovations tarifaires” du quatrième opérateur, estimant qu’il était “impossible” de soutenir les investissements nécessaires au déploiement du réseau mobile avec des abonnements si peu élevés. Un modèle synonyme d’un “réseau au rabais” pour Olivier Roussat de Bouygues Telecom, interrogé par les députés peu de temps avant le patron de l’Arcep.

Faire la nique à Éric Besson

L’Arcep et Besson se disputent sur Free

L’Arcep et Besson se disputent sur Free

Free Mobile est officiellement le trublion du secteur des telecom. A tel point que l'autorité de régulation et le ...

Avec cette communication imprévue -l’Arcep avait indiqué par voie de communiqué qu’elle ferait la lumière sur le réseau Free Mobile début mars à l’occasion d’une conférence de presse -, le régulateur des télécoms bénéficie d’un double effet Kiss Cool. A l’encontre d’Orange, SFR et Bouygues Télécom, déjà, qui peuvent aller se rhabiller. Mais aussi à l’encontre du ministre de l’Industrie et de l’économie numérique, Eric Besson, avait qui l’Arcep s’était lancé dans un bras de fer sur le dossier.

Les inimités entre le cabinet du ministre et l’autorité administrative indépendante ne sont pas nouvelles, mais se sont renforcées avec l’émergence de cette polémique. L’enjeu ? Savoir lequel des deux s’est saisi le premier de cette affaire au potentiel explosif. Et, par voie de conséquence, lequel des deux a laissé s’envenimer le bousin. En résulte une guerre de communication, faite de courriers, de communiqués et d’articles de presse, laissant entendre l’un que Bercy a saisi l’Arcep du problème, l’autre que l’Arcep a informé Bercy de sa volonté de s’auto-saisir du dossier. Dernier épisode en date de ce drama made in administration, une lettre d’Eric Besson à une autre institution, rattachée à son ministère : l’Agence nationale des fréquences (ANFR), qu’il a chargée de vérifier le réseau mobile de Free. En marge de l’audit effectué par l’Arcep. Les résultats de ce contrôle étaient attendus ce jour même. Le régulateur des télécoms a donc grillé la priorité au ministre, tout en se disant en excellents termes avec l’ANFR. Devant les députés, Jean-Ludovic Silicani a d’ailleurs nié toute concurrence avec cette agence : “je veux bien me coordonner avec qui veut bien communiquer avec moi”, a-t-il lancé, évasif, à la commission des affaires économiques. Poursuivant séchement :

Je lui avais demandé [NDLR : à Eric Besson], par une lettre envoyée directement, et non par voie de presse, d’associer l’ANFR à notre initiative.

Reste à découvrir les résultats de cet audit, prochain numéro de la (déjà) grande saga Free Mobile.


Illustration Arcep © Dominique Simon

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L’Arcep et Besson se disputent sur Free http://owni.fr/2012/01/27/larcep-et-besson-se-disputent-free-mobile/ http://owni.fr/2012/01/27/larcep-et-besson-se-disputent-free-mobile/#comments Fri, 27 Jan 2012 19:28:47 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=96163

Eric Besson pendant le forum e-G8 à Paris en mai 2011 - cc Ophelia Noor

Mise à jour

Ce 30 janvier, la passe d’armes se poursuit entre le régulateur des télécoms et le ministre de l’Industrie. En jeu : savoir qui des deux instances s’est saisie en premier de la polémique Free mobile (voir ci-dessous). Un bras de fer qui se fait aujourd’hui par l’intermédiaire du journal Le Figaro.

Un article publié ce week-end a suscité une vive réaction de l’Arcep, qui s’est fendue d’un communiqué de presse visant à en “préciser et [à en] compléter les informations”. Intitulé “Free mobile: bras de fer entre Besson et l’Arcep”, le papier revient sur les bisbilles qui occupent Éric Besson et le régulateur autour du contrôle de la couverture du réseau Free Mobile. Selon Le Figaro, Eric Besson aurait “envoyé un courrier au gendarme des télécoms (Arcep) lui demandant de vérifier que le réseau de Free Mobile couvre effectivement 27% de la population, conformément aux engagements de sa licence.” Une formulation qui “peut laisser croire que ce n’est qu’à la suite de la demande du ministre que l’ARCEP a décidé de procéder à un contrôle de la couverture du réseau de Free.”, regrette le régulateur, qui rappelle que le 26 janvier, il n’avait “été saisie d’aucune [...] demande du Gouvernement”. Et d’enfoncer le clou en écrivant qu’Éric Besson a demandé l’intervention du gendarme des télécoms bien après que ce dernier n’en prenne, seul, la décision.

SI l’Arcep signale dans ce même communiqué que “le régulateur et le Gouvernement partagent une totale convergence de vues sur l’action à mener”, elle n’en poursuit pas moins les hostilités avec Bercy. Vendredi déjà (voir ci-dessous), elle indiquait cette même chronologie à OWNI, mettant en avant l’antériorité de sa décision dans le dossier Free Mobile.

Après la vague d’enthousiasme médiatique, l’opérateur a été au cœur d’une polémique sur la qualité réelle de son réseau, sans que des preuves solides puissent toutefois étayer les accusations. Sabotage de la concurrence pour les uns, arnaque de Free pour les autres, la situation provoque l’émoi dans le secteur des télécoms. Vendredi, c’est un Xavier Niel fébrile qui interpelait directement le ministre de l’Industrie sur Twitter : “Free a fait son job: des centaines de milliers d’abo libérés et ravis, qui ont divisé leur facture, sur un réseau qui fonctionne. Au Ministre de faire son job: agir dans l’intérêt du consommateur en imposant le respect de la loi (porta en 3j / desimlockage immédiat).” Réponse d’Éric Besson : “Je le fais, Xavier. Nous en reparlerons.” Et son cabinet de renchérir, toujours sur Twitter, en taclant le fondateur de Free sur son investissement relatif au sein du GIE en charge de la portabilité des numéros (voir à ce sujet : “Free Mobile : mythe, parano ou réglo ?”) et sur le respect du délai légal de rétractation. Ambiance…


Free Mobile crie au complot

Free Mobile crie au complot

Free Mobile : mytho, parano ou réglo ? Xavier Niel semble débordé par le buzz qu'il a lui-même provoqué avec son offre ...

Nouveau rebondissement dans l’affaire Free mobile. Depuis l’arrivée du petit dernier dans l’univers “impitoyable” du téléphone portable (dixit Free, lui-même), le monde des telecoms est animé d’un joyeux bordel. Sur lequel se sont penchés aujourd’hui le régulateur des télécoms (Arcep) et le ministre de l’Industrie et de l’Économie numérique. Successivement. A moins que ce ne soit l’inverse : en coulisses, ministère et régulateur se disputent la reprise en main du dossier Free mobile.

A 14h10, nous certifie l’Arcep, un communiqué de presse répond aux inquiétudes relatives à la qualité du réseau Free mobile. Depuis quelques jours en effet, la presse se fait le relais d’accusations portant sur la couverture déficitaire de Free mobile, sans que la concurrence ne se prononce officiellement sur le sujet. Tout en rappelant les difficultés inhérentes au déploiement d’un réseau mobile -tâclant au passage SFR, Bouygues Telecom et Orange, rappelés à l’ordre au moment de leur lancement-, et précisant avoir déjà validé le réseau de Free en décembre dernier , le régulateur déclare :

Toutefois, dans un souci de transparence et de sérénité, l’ARCEP a estimé utile de demander à la société Free Mobile d’actualiser les informations relatives à l’état de son réseau, incluant notamment une liste des sites installés, des sites effectivement activés, et des motifs qui auraient pu la conduire, le cas échéant, à l’extinction de certaines stations de son réseau. L’ARCEP examinera ces éléments avec la plus grande attention.

En tenant compte des éléments fournis, l’ARCEP engagera une vérification sur le terrain, selon la même méthode que celle utilisée pour les précédents contrôles. Les résultats seront rendus publics.

A 14h27, Le Figaro publie une lettre en date du 25 janvier 2012, dans laquelle Éric Besson demande au patron du régulateur du secteur Jean-Ludovic Silicani de “vérifier que le réseau de Free Mobile ouvert le 10 janvier dernier couvre effectivement 27 % de la population, conformément aux engagements de sa licence.”

Free frime

Free frime

Un Xavier Niel au bord des larmes, une communauté surexcitée sur Twitter et une couverture médiatique unanime. C’est le ...

Du côté de l’Arcep néanmoins, on est formel : “le courrier est parti à 14 heures aujourd’hui de l’Industrie, et est arrivé à 14h20. Et à 14h10, nous publiions notre communiqué.” Sur le fond en revanche, le régulateur se refuse à tout commentaire.

En clair, de lourds soupçons pèsent sur la date réelle du courrier d’Éric Besson. Son cabinet nous certifie que la lettre a bien été signée le 25 janvier et envoyée par La Poste le même jour. Voyant en fin de semaine que le courrier n’avait pas été réceptionné à l’Arcep, il aurait été renvoyé par coursier ce 27 janvier. En clair, pour Bercy, il est arrivé avant la publication du communiqué du régulateur. Sur le site du Figaro, ce document est d’ailleurs présenté en tant que “réponse” à la lettre d’Éric Besson, sans que cette information soit clairement écrite par l’Arcep.

Ces bisbilles de calendrier révèlent les tensions, déjà anciennes, qui existent entre le ministère de l’Industrie et l’Arcep. En particulier sur le dossier brulant de Free Mobile. Si la couverture du réseau du nouvel opérateur pose réellement problème, personne ne veut endosser la responsabilité du laissez-faire. Et chacun tente de prouver qu’il a été le premier à se saisir des inquiétudes qui bruissent, sans pour autant être étayées par des éléments tangibles. Officiellement, Orange, SFR et Bouygues Telecom n’ont pour le moment réalisé aucune action auprès de l’Arcep, quand leurs ingénieurs dénoncent sous couvert d’anonymat la déficience de l’infrastructure de Free.

Dans sa lettre, le ministre de l’Industrie ne manque pas de rappeler à l’Arcep sa responsabilité en terme de validation du réseau :

Selon l’article L36-7 du code des postes et des communications électroniques, l’ARCEP est chargée de contrôler le respect par les opérateurs des obligations résultant des autorisations dont ils bénéficient et de sanctionner les manquements
constatés.

“Autorisations” qui, commente Eric Besson, ont été attribuées par l’Arcep le 13 décembre dernier. De son côté, le régulateur réclame dans son communiqué l’aide de l’ANFR (Agence nationale des fréquences), “pour faciliter les contrôles de couverture des réseaux des opérateurs mobiles menés par l’ARCEP”. Un établissement placé sous la tutelle… du ministre de l’Industrie.

Jusque dans ses instances de régulation, la bonne ambiance des telco semble avoir gagné l’ensemble du secteur.


Photo d’Eric Besson par Ophelia Noor pour Owni pendant le forum e-G8 à Paris en mai 2011

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Free Mobile crie au complot http://owni.fr/2012/01/27/free-mobilise-par-sa-parano/ http://owni.fr/2012/01/27/free-mobilise-par-sa-parano/#comments Fri, 27 Jan 2012 11:28:04 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=95955

Xavier Niel en décembre 2011/LeWeb11

Que se passe-t-il chez Free mobile ? Ces derniers jours, la presse aligne les articles pointant l’un les dysfonctionnements techniques, l’autre les couacs d’une arrivée de clientèle massive et mal gérée. Laissant derrière elle l’euphorie (l’hystérie ?) des premiers jours du lancement de l’offre mobile de Free.

Du côté de l’opérateur, on crie au complot à mots à peine voilés. Auditionné mercredi matin à l’Assemblée nationale, le désormais iconique patron de Free Xavier Niel a attribué les difficultés rencontrées à la malveillance de ses “petits camarades” :

Tous les moyens sont bons pour discréditer le petit nouveau(…) mais nous sommes peut-être parano chez Free…

Le réseau du plus fort est toujours…

Pour ce qui est de son réseau, Free est formel : rien à signaler, il est irréprochable. “Allumé depuis le premier jour, il fonctionne de façon significative” a appuyé Xavier Niel devant les députés de la commission des affaires économiques. Unique concession : sur le millier d’antennes déclarées actives, seul le déploiement sur Paris laisse à désirer. La faute à la concurrence : “on pense que nos petits camarades bloquent le déploiement. Ailleurs, nous déployons sans grande difficulté”, a poursuivi le patron d’Iliad (maison-mère de Free).

L’opérateur est tenu d’assurer la couverture de 27% de la population avec son infrastructure, déployée en amont de son arrivée sur le marché mobile. Pour le reste, il a signé un accord d’itinérance avec Orange, d’un montant de 1 milliard d’euros, lui permettant de s’appuyer sur les antennes de l’opérateur historique. Problème : selon des observateurs cités chez nos confrères, le réseau de Free serait éteint. L’intégralité du trafic généré par les nouveaux clients Free mobile passerait sur l’infrastructure de France Telecom. Ce qui pourrait mettre en péril l’accord d’itinérance, valable uniquement si les 27% sont assurés. Et remettre en cause la capacité de Free à tenir le rôle tant attendu de quatrième opérateur.

Free frime

Free frime

Un Xavier Niel au bord des larmes, une communauté surexcitée sur Twitter et une couverture médiatique unanime. C’est le ...

Le Figaro, qui a dégainé le premier, écrit que l’information émane de “certains concurrents” de Free. Sans plus de précision. Même son de cloche ailleurs : on fait appel à des “ingénieurs”, des “sources internes” aux autres opérateurs. Pour Free, l’affaire est trop belle pour ne pas y voir une tentative de déstabilisation de la concurrence. Quant à cette dernière, elle oscille officiellement entre bouche cousue et déclarations ambiguës. Interrogés par OWNI, Bouygues Telecom et SFR n’ont pas souhaité faire de commentaires. Du côté d’Orange, son président Stéphane Richard explique qu’il existe une “grande confusion” sur l’état du réseau Free mobile, sans toutefois en dire davantage. Contre-attaque de l’ancien monde mobile pour certains, arnaque de Niel pour d’autres, l’incertitude pèse et pousse à disséquer le moindre élément présenté comme preuve de la déficience de Free mobile.

Seul fait établi : les opérateurs n’ont pour le moment rien mis en œuvre pour faire constater l’éventuelle défaillance. “Qu’ils poursuivent l’Arcep !” avait lancé Xavier Niel devant les députés, rappelant qu’en décembre dernier, le régulateur des télécoms avait validé la couverture de son réseau mobile, donnant ainsi son feu vert à l’arrivée des offres de Free sur le marché. “Sauf à considérer qu’elle n’est pas indépendante, l’autorité l’a constaté. [...] Elle produira un jour un très bel audit si on lui demande”, avait poursuivi le fondateur de Free. Du côté du régulateur, on confirme qu’aucune “réaction officielle” n’a été enregistrée : “nous n’avons été formellement saisi par aucun opérateur” a déclaré l’Arcep à OWNI.

Les syndicats CFE-CGC et UNSA des opérateurs mobiles se sont en revanche adressés à l’autorité, lui faisant part de leur “forte préoccupation relative au respect par FREE MOBILE de ses obligations réglementaires”. Ils demandent l’ouverture d’une enquête. Sans pour autant être soutenu par leur direction. “C’est surréaliste, regrette Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC/UNSA de France Télécom-Orange, ils n’osent pas prendre position, ils ont peur d’être lynchés par l’opinion publique !”

Pas de portabilité dans les portables

“Dans le monde des télécoms, il y a beaucoup de coups bas”, estime Edouard Barreiro de l’UFC-Que Choisir. “Mais ça n’excuse pas tout.” En particulier quand les tentatives de sabotage des uns et des autres laissent l’utilisateur au bord de la route. Peu affecté par le drame qui se joue autour du réseau de Free mobile, ce dernier pâtit en revanche de la mise en service laborieuse des offres de l’opérateur. Le service après-vente serait injoignable, le délai d’attente des cartes SIM interminable. Et les nouveaux clients laissés en rade, leur numéro ayant été transféré de leur ancien opérateur vers Free mobile, avant même réception de la carte SIM (procédure de “portabilité” du numéro).

Devant les députés, Xavier Niel a plaidé des difficultés à l’allumage tout en minimisant. “Nous avons été débordé par les demandes” a-t-il expliqué, se déclarant victime du succès de Free mobile des tout premiers jours. La seule journée de lancement aurait généré 3 à 4 millions de demandes d’information, mettant ainsi hors service le site prévu à cet effet. Mais aujourd’hui, tout va bien. Ou plus exactement, la cause des autres dysfonctionnements est à chercher dans le camp d’en face.

FreeMobile : combien ça coûte ?

FreeMobile : combien ça coûte ?

Etrangement, FreeMobile ne propose pas de calculette permettant d'estimer les économies que l'on pourrait réaliser en ...

Pour les cartes SIM retardées, Xavier Niel pointe vers La Poste, sans la nommer : “certains courriers ont été perdus, sur des centaines de milliers, c’était inévitable” a-t-il répondu lors de son audition à l’Assemblée. Pour les problèmes de portabilité, c’est de la responsabilité du GIE-EGP, l’organisme qui regroupe une trentaine d’opérateurs mobile, entre lesquels il assure le transfert des numéros. Pour le fondateur de Free, ce groupement ne suivrait pas la montée en charge. “Le maximum de traitement de ce service est de 30.000 par jour et va monter à 40.000, a-t-il détaillé. Ils promettent 80.000 d’ici la fin de la semaine. Ca ne va pas très vite.”

Réponse agacée du berger à la bergère : Free n’avait qu’à mieux estimer ses besoins ! “Ils n’ont pas anticipé cette hausse de la demande et le fait qu’elle causerait un goulot d’étranglement”, rétorque le directeur opérationnel du GIE Nicolas Houéry. “On avait prévu une augmentation avec l’arrivée de Free mobile, mais on ne s’attendait pas à autant. Nous avions fait des estimations mais Free n’a pas réagi.” L’opérateur est membre du GIE depuis décembre 2010. Ensemble, ils avaient opéré des tests techniques “qui se sont bien passés”, poursuit le directeur opérationnel, qui assure faire le nécessaire pour ajouter du matériel visant à accélerer la portabilité.

Un joyeux bordel donc, dans lequel chacun se renvoie la balle dans un climat de suspicions et de mauvaise foi. Sur la portabilité toujours, Xavier Niel n’a d’ailleurs pas manqué de répéter sa complainte du soupçon, déclarant espérer que le GIE, et ses opérateurs de membres, “sont de bonne foi”. Ambiance.

Mésaventures

Dans cet embrouillamini, seul le retour des utilisateurs semble dessiner plus honnêtement les contours de la situation. Et force est de constater que de nombreux convertis Free mobile se plaignent des retards. Sur Twitter, Facebook ou les forums de Free (pour ne citer qu’eux), les commentaires pleuvent. Y compris de la part des Freenautes, cette communauté si proche de la marque de Xavier Niel. Un de nos lecteurs, se décrivant comme “un de ces passionnés qui on attendus Free mobile comme le ‘messie’” raconte ses mésaventures :

Inscription le 11/01 à 8h30 (passionné ! Galvanisé par cette conférence de presse !)
Envoi de la carte SIM le 13/01.
Portabilité effective le 16/01 et coupure de tout service.
Je n’ai jamais reçu de SIM.
Visiblement, il y a eu un bug dans l’adressage.
Le service client est joignable au bout d’une heure d’attente. La seule solution proposée est d’attendre…
Ils refusent de communique votre RIO [NDLR : l'identifiant permettant le transfert du numéro vers un autre opérateur] permettant de quitter Free mobile.
Suite à mes réclamation, une seconde SIM est envoyée le 20/01.
A ce jour, 25 janvier aucunes nouvelles.
Je suis en relation avec @freemobile. Je leur réclame mon RIO, il me demandent mes coordonées… Rien à faire, je me sent complétement coincé.
10 jours sans portable. Le pigeon, c’est moi !

Pour autant, la lune de miel semble encore durer. Chez Free, on nous dit être “serein”, expliquant que si les problèmes étaient aussi graves que présentés dans la presse, la colère de la communauté virerait en “émeute”. Du côté de l’association UFC-Que Choisir, on fait état de réclamations portant sur l’annulation de la portabilité, difficile à mettre en œuvre, ou sur des litiges sur les sept jours de rétractation obligatoires. “Ils ont merdé sur la gestion” lâche Edouard Barreiro. Sans toutefois parler d’émeutes.


Photo de Xavier Niel par LeWeb11/Flickr (CC-by)

Full disclosure : Xavier Niel est actionnaire, à titre personnel, de la SAS 22Mars, maison mère d’OWNI, mais, comme dirait @manhack, #OSEF.

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Free, SFR, Orange et Bouygues en autocontrôle http://owni.fr/2012/01/06/operateur-fai-free-orange-sfr-bouygues-arcep-internet-qos/ http://owni.fr/2012/01/06/operateur-fai-free-orange-sfr-bouygues-arcep-internet-qos/#comments Fri, 06 Jan 2012 07:26:24 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=93144

Les opérateurs en futurs gardiens de la qualité du net ! C’est le scénario ubuesque que le régulateur des télécommunications français s’apprête à réaliser.

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) est chargée de mettre sur pied un système permettant de déterminer la qualité du service de l’accès à Internet. En d’autres termes, à prendre le pouls du réseau français en fonction de plusieurs critères – débit, temps de réponse des sites… Un suivi censé aider les internautes à mieux comprendre, et surtout à comparer, les offres Internet des différents fournisseurs d’accès (FAI). Pour ces derniers, cette observation du net peut donc constituer un argument commercial et stratégique. Problème : selon des documents de travail consultés par OWNI, les opérateurs principaux, Free, Orange, SFR et Bouygues, sont à la fois juges et parties. L’Arcep leur donne notamment la possibilité de “sélectionner le prestataire” responsable des relevés de mesure. Leur offrant ainsi le luxe de s’auto-évaluer.

“Les opérateurs doivent être mis au centre des travaux”


Pour l’Arcep, la répartition des tâches est claire : “les opérateurs doivent être mis au centre des travaux”, peut-on lire en conclusion d’une présentation en date du 30 novembre 2011. Ils choisiraient le prestataire en charge des mesures sur le réseau. Et seraient responsables des “travaux sur le référentiel commun”, qui, peut-on lire plus tôt dans le document, spécifie “précisément les mesures à effectuer”.

Les FAI, objets de la mesure, décideraient donc à la fois de l’inspecteur et des critères d’inspection. L’Arcep serait simplement en charge du “pilotage”, validant notamment les “évolutions du référentiel commun”. Quant aux “autres parties prenantes” (sic) – représentants des consommateurs, équipementiers, experts et chercheurs- ils devraient se contenter d’une “concertation”. Et encore, “périodique” :

Coordination périodique du groupe technique (ARCEP – opérateurs) avec les autres parties prenantes (représentants des utilisateurs, PSI, équipementiers…) au sein d’un groupe général.

Dépendance officielle


Les opérateurs juges et parties du net

Les opérateurs juges et parties du net

Le régulateur des télécoms cherche à déterminer la qualité du réseau français. Pour mettre en place le dispositif de ...

Fin septembre dernier, à la suite d’une première réunion de travail au sein de l’Arcep, OWNI se penchait sur les risques et les enjeux qui relèvent d’une mission visant à “mesurer” Internet. Les orientations d’alors laissaient déjà craindre une mainmise des FAI sur une opération pourtant censée lever l’opacité sur la qualité de leur prestation. La dégradation excessive et arbitraire du trafic Internet devait en particulier être passée à la loupe.

Tout en insistant sur le bien-fondé d’une telle observation du net, experts et professionnels engagés dans la réflexion insistaient sur l’importance de procéder à une mesure “véritablement ouverte et objective”. Suite à cette première réunion, l’association UFC-Que Choisir alertait également l’Arcep sur la nécessité d’une observation indépendante et détachée des FAI :

L’information relative à la qualité de service ne peut être pertinente que si elle est objective. Ce qui signifie que les mesures doivent être réalisées par des organismes indépendants mandatés par le régulateur (l’ARCEP). Les opérateurs ne doivent en aucun cas intervenir dans ce processus. De plus, un contrôle régulier du prestataire doit être réalisé pour être certain qu’il travaille de manière totalement indépendante. En effet, les organismes de mesure travaillent également pour les opérateurs, dès lors, il s‘agit d’éviter qu’ils tordent les résultats pour ne pas courroucer leur client.

Des chercheurs de l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique), présents au sein du groupe de travail, ont ainsi proposé d’associer leur projet d’un “observatoire de l’Internet” aux efforts de l’Arcep pour sonder le réseau.

Les mises en garde sont restées lettre morte : le rôle prépondérant des opérateurs dans l’évaluation du réseau français n’est pas seulement confirmé, il est aujourd’hui officialisé. Écrit et encadré dans les documents de travail. Contactée par nos soins, l’Arcep nous renvoie à sa conférence de presse du 11 janvier.

Miroir aux alouettes


Certes, le régulateur essaie de faire bonne figure, en affichant son ambition de produire des mesures “transparentes” et “objectives” ou en ouvrant la réflexion à une consultation publique [PDF]. Des tentatives aux allures de miroir aux alouettes.

Pour assurer “l’objectivité et la comparabilité des mesures”, l’Arcep explique ainsi dans le document en date du 30 novembre que le “prestataire externe” ne doit pas être “lié aux opérateurs”. Et se contredit quelques pages plus bas. Elle affirme également la nécessité de voir des “mesures précisément définies dans le référentiel commun”. Un référentiel établi, donc, par les opérateurs.

Difficile alors de croire que l’Arcep prendra effectivement des “dispositions particulières [...] pour assurer l’objectivité, la sincérité des mesures réalisées”, comme elle l’indique dans le communiqué de presse annonçant le lancement d’une consultation publique sur le sujet. De même, difficile d’accorder du crédit à cette consultation, qui sera suivie de la définition d’un “cadre général du dispositif de suivi de la qualité de service d’accès à l’internet”, tant les hypothèses de travail semblent déjà claires, définies et arrêtées dans l’esprit du régulateur. Et des opérateurs. Selon nos informations, l’Arcep a réaffirmé dans un échange confidentiel récent, que cette consultation publique précède bien la mise en œuvre du dispositif. Durant laquelle, quoiqu’il arrive, “les opérateurs seront amenés à choisir un prestataire de mesure”.


CC Marion Boucharlat

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Les vrais Net-goinfres, ce sont les FAI http://owni.fr/2011/08/22/les-vrais-net-goinfres-ce-sont-les-fai/ http://owni.fr/2011/08/22/les-vrais-net-goinfres-ce-sont-les-fai/#comments Mon, 22 Aug 2011 16:39:05 +0000 Henri de Bodinat http://owni.fr/?p=76636

Monsieur Lévy [Jean-Bernard Lévy, ndlr], le patron de Vivendi (SFR), celui de Deutsche Telekom, et celui d’Alcatel ont récemment planché devant la Commission européenne, et ont récemment publié dans Le Monde une tribune libre, expliquant onctueusement que pour le bien de tous, pour permettre de financer les investissements épouvantablement lourds en fibre optique, et pour permettre un accès sans problème aux sites Internet consommateurs de bande passante, comme YouTube, il fallait… faire payer les opérateurs de ces sites Internet…

Derrière ces grands démonstrations quasi-humanitaires, il n’y a qu’une idée, très simple : essayons de gagner encore plus, en utilisant notre position de monopole pour faire payer non seulement le client final de notre service d’accès Internet, mais aussi les grands sites Internet eux-mêmes. Derrière le rideau du bien commun, la cupidité pure. Quand Neelie Kroes demande à ces dirigeants leur position sur l’Internet du futur, c’est un peu comme demander au renard comment gérer le poulailler…

L’idée de faire payer le transport de données Internet aux sites eux-mêmes est un serpent de mer qui revient périodiquement dans le discours des opérateurs de réseaux télécoms, toujours à l’affut de leviers leur permettant de gonfler leurs profits déjà considérables et parfois injustifiés.

Faire payer ceux qui leur ont permis de réaliser des profits importants

Cette proposition est à la fois indécente et destructrice de valeur.

Elle est indécente car les grands opérateurs télécoms, qui sont essentiellement des opérateurs de réseaux fixes ou mobiles, obtiennent déjà une rentabilité très élevée en facturant le service d’accès Internet aux client final, ménage ou entreprise. Le paiement de l’accès Internet, de 30 à 100 euros par mois voire plus pour les entreprises, a même sauvé les opérateurs de réseaux fixes de la chute brutale de leurs revenus quand les appels sur mobile ont cannibalisé les appels sur le fixe. Cette chute de la voix sur le fixe a été plus que compensée par l’utilisation du fil de cuivre ou de la fibre pour transporter non pas des conversations mais des données. Internet et ses contenus ont sauvé les opérateurs de réseaux fixes et sont aujourd’hui en train, avec les smartphones, de booster les revenus des réseaux mobiles, grâce à l’Internet mobile.

Pourquoi un ménage ou une entreprise s’abonnent-ils à l’accès Internet de Deutsche Telekom, de SFR ou de Comcast ? Tout simplement pour avoir accès aux contenus ou aux services qui leur sont apportés gratuitement par les grands fournisseurs de contenu Internet, de Google à Facebook. SFR ou Comcast veulent aujourd’hui faire payer les entreprises Internet qui leur ont permis de réaliser des profits importants en facturant au client final l’accès à ces sites. Mais sans Google, Amazone, YouTube ou Facebook, qui s’abonnerait à Free ou à SFR ?

C’est un peu comme si Canal +, qui fait aussi partie du groupe Vivendi, demandait aux producteurs américains de films et de séries, qui représentent l’essentiel de son offre de fiction, ou à la Ligue française de football, de payer pour être transporté par satellite ou câble jusqu’au consommateur final. J’aimerais voir la tête du patron de Paramount quand Monsieur Lévy lui expliquera pourquoi il doit payer pour monter sur Canal Sat, au lieu d’être payé pour son contenu exclusif.

Si quelqu’un devait payer quelqu’un d’autre, il serait d’ailleurs plus logique que SFR ou Comcast partagent avec YouTube ou Facebook les revenus considérables d’accès Internet payants, qui n’existeraient pas sans ces grands sites, comme Canal + paie les producteurs de contenus permettant de recruter des abonnés payants.

Un nouveau clou dans le cercueil de nos économies

Cette position surréaliste des rentiers des réseaux cherchant à tout prix à augmenter leur rente de monopole est par ailleurs destructrice de valeur. L’Internet s’est développé très rapidement car il a été essentiellement un modèle gratuit. On ne paie pas pour utiliser Google, YouTube ou Facebook, et Google, Facebook et YouTube ne paient pas pour être amenés jusqu’au client final. C’est ce qu’on appelle la « neutralité du Net » qui a permis son éclosion et son développement. La floraison des sites Internet, cette économie vibrante et entrepreneuriale, est aujourd’hui l’un des principaux ressorts de croissance et de qualité de vie dans les économies occidentales délabrées par la mondialisation. Faire payer les sites pour la bande passante freinerait cet essor créatif et bénéfique pour tous, qui permet l’accès facile et riche à l’information, aux services ou même aux produits grâce au e-commerce.

C’est comme si une bande de rentiers riches et peu créateurs de valeur proposaient de faire les poches à un groupe de jeunes entrepreneurs. Transférer des ressources de l’entrepreneuriat du Net aux rentiers des réseaux reviendrait à transformer l’investissement dans de nouvelles entreprises en dividendes pour des actionnaires passifs et serait une colossale erreur qui handicaperait durablement les économies occidentales. Nous avons déjà observé un transfert massif de ressources de l’économie productive vers l’économie financière, qui a plombé les économies occidentales pour permettre de gaver les banquiers de bonus. Un péage permettant aux opérateurs de réseaux de faire payer les producteurs de contenus Internet, en risquant de casser l’essor d’Internet, serait un nouveau clou dans le cercueil de nos économies, dont le seul intérêt serait de gonfler les dividendes et les bonus d’oligopoles déjà riches.

Et l’argument du financement des réseaux de fibre est creux. Un opérateur de réseaux a pour rôle de… financer des réseaux. Et si la fibre optique ou la 4G ne sont pas rentables, eh bien restez à la 3G et au fil de cuivre, messieurs les opérateurs. Dans la réalité, la fibre va permettre une augmentation considérable de la bande passante, donc du trafic, et des facturations différenciées du client final en fonction de son utilisation. La fibre va permettre d’augmenter l’ARPU (Average Revenue Per User) de l’accès Internet, ARPU qui est le Graal des opérateurs de réseaux. Le financement de la fibre, rentabilisé par cette augmentation de l’ARPU, et largement aidé par les États, n’est ainsi qu’un prétexte transparent pour tenter d’instituer un péage illégitime sur les contenus.

Que la cupidité puisse ainsi de façon quasi institutionnelle menacer un secteur économique entier et s’opposer aussi frontalement à l’intérêt général en dit long sur la dérive du capitalisme actuel, et contribue peut-être à expliquer pourquoi nous sommes entrés en crise durable. Pour aggraver cette crise, rien de plus facile : faisons droit aux demandes des opérateurs télécoms en instituant un péage sur les fournisseurs de contenus Internet, et étouffons ainsi lentement Internet…

Billet initialement publié sur Stratégies, un blog de Challenges sous le titre « Association de malfaiteurs »

Image CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialeCaptPiper

Les autres articles de notre dossier :
Internet illimité : les opérateurs s’agitent
Internet illimité : les opérateurs s’agitent
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