OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 [itw] Dr photographe et Mister Réal http://owni.fr/2010/10/04/itwdr-photographe-et-mister-real-canon5d/ http://owni.fr/2010/10/04/itwdr-photographe-et-mister-real-canon5d/#comments Mon, 04 Oct 2010 11:36:27 +0000 Julien Goetz http://owni.fr/?p=30304 Philippe Brault est photographe professionnel depuis 17 ans mais il a commencé par être assistant caméra pendant 5 ans avant de passer derrière le déclencheur. L’arrivée de la vidéo sur les boîtiers numériques professionnels, qui plus est avec la qualité d’un capteur full frame, lui donne enfin le choix entre photographier ou filmer un même sujet. Tout est une question de feeling et de sujet. Explications à travers son expérience notamment de co-réalisation aux côtés de David Dufresne du webdocumentaire “Prison Valley“.

En quoi l’arrivée d’un appareil comme le Canon 5D MarkII, avec les possibilités vidéo qu’il offre, a-t-elle modifié votre travail de photographe ?

Moi ça fait des années et des années que je me dis qu’il faut que je m’achète une caméra. J’ai toujours envie de filmer, tout le temps. Je ne l’ai jamais fait car je n’avais jamais vraiment le temps de me lancer dedans, je n’ai jamais trouvé l’outil qu’il fallait. Là en l’occurrence c’est arrivé un peu comme un cadeau du ciel : l’appareil arrive, il y a un mode vidéo et c’est pile le moment où j’ai besoin d’acheter un appareil numérique parce qu’avant je travaillais en argentique uniquement. Le mode vidéo ne m’intéressait que parce que c’était un capteur 35mm, c’était l’équivalent de ce que je faisais avant avec une caméra pro. Après ça piétiné, ça a mis du temps. Il y a eu les questions des mise à jour, le fait de filmer en 30 images/secondes.

Mais tout à coup j’avais la possibilité, moi sur le terrain, de me dire pour la première fois de ma vie : “là je peux faire des photos, là je peux filmer”.

Pour être plus précis, lors de tout les reportages que j’ai fait depuis que je suis photographe, j’ai toujours eu des moments de frustration énormes. C’est-à-dire qu’il y a des moments où je me disais “ça c’est une photo mais là il me faudrait un film pour raconter ça.” Il y a des moments de frustration comme ça où quelque part on se dit : “on est qu’un photographe” donc on ne peut pas s’autoriser à filmer car premièrement on n’est pas équipé et puis on a pas la diffusion possible non plus. Il y a cinq ou six ans, sur une actualité, on faisait nos photos mais si on allait filmer, nous photographes, où est-ce que l’on aurait pu diffuser ça ?

Aujourd’hui avec l’évolution du web, on peut se dire, si on a un site bien fait, on peut diffuser et avec le même outil, l’appareil, on peut filmer. À moindre coût et à moindre encombrement.

Comment choisir entre filmer et photographier ?

Une photographie, elle reste. C’est une image fixe, on va pouvoir la regarder, s’arrêter devant. Donc il faut que le contenu soit fort, qu’il y ait quelque chose de fort dans l’image saisie. En film, je ne dis pas qu’il ne faut pas quelque chose de fort mais on peut raconter du quotidien, on peut raconter des choses qui en photo ne seraient pas réellement intéressantes. En fonction de la situation, l’image filmée peut être un moyen plus fort de raconter.

Par exemple sur Prison Valley, on a assisté au repas des prisonniers dans la prison. C’est le moment le plus fort pour eux dans la journée puisque c’est le seul moment de “distraction”. Ils sont dans leurs cellules fermées par des portes électroniques, tout s’ouvre en même temps et les mecs sortent comme des zombies.

Pour raconter ça, je peux faire une photo. À mon avis la photo la plus juste c’est de faire “avant”, c’est-à-dire eux derrière leur vitre. Ça, c’est une photo forte. Après faire la photo quand ils sortent, en les voyant marcher, je ne sais pas si c’est fort mais je pense que ce qui est plus fort c’est de le filmer en plan séquence.

C’est dans ce genre de moments que j’ai pu ressentir des questionnements dans mon parcours de photographe, très souvent, en me disant : “là, si j’avais eu une caméra ça aurait été vraiment mieux”. C’est très subtil, ça dépend énormément de la culture de chacun, d’où l’on vient, quelles sont nos inspirations…

Photographe ou réalisateur votre regard est-il différent ?

En terme de regard, en terme de cadre, en terme de lumière, ça ne change pas. Par contre ce qui change fondamentalement c’est le positionnement par rapport au sujet. Quant on fait une photo, on essaie de trouver le plus vite possible le bon axe pour faire la bonne image.

Quand on filme, il faut penser au montage donc il faut penser à différents axes, à faire des entrées de champs, des sorties de champs, des contre-champs… En ça c’est une construction complètement différente, c’est une autre façon de réfléchir à son sujet.
La seconde chose c’est qu’on ne peut pas tout faire. Il existe une fonction sur le Canon qui pour moi est complètement absurde : c’est la possibilité de faire une photo quand on filme. Je n’y crois pas une seconde car je pense qu’on ne peut pas faire les deux en même temps.

Si je suis devant un sujet, il faut que j’ai choisi avant si je vais filmer ou faire des photos. Peut-être que certains peuvent le faire mais là on est dans l’histoire de l’homme-orchestre. Je pense qu’on est pas dans le même état d’esprit, on ne pense pas pareil quand on pense image fixe et quand on pense images en mouvement.

C’est vraiment deux choses que je sépare fondamentalement. C’est sûr que le fait de filmer demande plus de préparation, il faut anticiper par rapport au montage mais ça dépend de ce que l’on veut faire. Si la finalité de l’objet qu’on est en train de réaliser est quelque chose de très personnel, on peut tout à fait se passer des règles de base du cinéma. Sinon,effectivement, il y a des règles qu’il faut suivre pour que ça tienne dans un montage.

Sur l’exemple concret du webdocumentaire Prison Valley : comment avez-vous fait votre choix entre vidéo ou photos ?

En fait avec du recul le choix a été assez simple : lors du premier voyage en juin 2009, on a fait les interviews en vidéo et pour quasiment tout le reste on a fait que de la photo. Ce n’est qu’après la phase d’écriture qui s’est passée entre juillet et août 2009, avant le second voyage de septembre, que l’on s’est dit pour tel passage c’est mieux de faire de la vidéo et pour tel autre c’est mieux de faire de la photo.

Après ça a été vraiment du feeling. Arrivé dans certaines prisons pour raconter une certaine histoire, pour moi ce n’était que de la vidéo, à l’inverse dans une autre prison, pour raconter une autre histoire ce n’était que de la photo. Si je reprends la scène du repas du sheriff dans la prison : au mois de juin j’y suis allé et je n’ai fait que des photos. On y est retournés au mois de septembre et j’ai choisi de faire ce même sujet en vidéo parce que je savais, je sentais qu’en photo ça ne donnerait rien, il fallait qu’on le filme.

C’est là qu’est le gros avantage de ce type d’appareils : on peut passer simplement et rapidement de la photo à la vidéo en fonction de l’histoire que l’on veut raconter.

Crédit Photo CC FlickR par Zach Inglis

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Une nouvelle esthétique de l’info télé? http://owni.fr/2010/10/04/une-nouvelle-esthetique-de-linfo-tele/ http://owni.fr/2010/10/04/une-nouvelle-esthetique-de-linfo-tele/#comments Mon, 04 Oct 2010 08:40:19 +0000 Julien Goetz http://owni.fr/?p=30276 Décembre 2009, Lucas Menget, grand reporter pour France24, est en Afghanistan. Il a dans ses bagages un des derniers nés de la gamme professionnelle de chez Canon : le 5D Mark II. Ce boîtier numérique embarque une fonction vidéo full HD qui fait déjà parler d’elle depuis quelques temps, notamment du côté du webdocumentaire, des clips, de la pub ou même du cinéma. Mais, à cette époque, son utilisation en reportage, notamment au sein des rédactions télé, reste très isolée.

Retour sur le terrain. Ce jour là, Lucas Menget et le journaliste reporter d’images (JRI) qui l’accompagne suivent les troupes françaises du RPIMA et se retrouvent au milieu d’un affrontement avec les talibans. Ils choisissent alors de tourner à deux caméras : le JRI avec la caméra habituelle et Lucas Menget avec le Canon 5D.

De retour à Paris, en salle de montage, gros problème : la qualité des images provenant du Canon 5D est largement supérieure à celle de la caméra traditionnelle utilisée par le JRI (une Panasonic P2). Impossible de monter les deux angles de caméra en l’état, la différence serait trop flagrante. Il ne reste qu’une solution : altérer les images provenant de l’appareil photo. Au final, il leur faudra dégrader quatre fois les rushs du boîtier Canon pour arriver à une relative homogénéité d’images dans le reportage. Un comble.

Une révolution à moitié prévue

Dans la foulée, la rédaction de France24 est l’une des première en France à s’équiper massivement avec ce type d’appareils (c’est déjà le cas sur certains médias étrangers comme CNN). L’idée n’est pas de remplacer du jour au lendemain les caméras traditionnelles mais plutôt de tenter diverses configurations. Des reportages en longueur mêlant prises de vues traditionnelles et images tournées en full HD permettant varier en fonction des angles éditoriaux abordés, mais aussi des reportages tournés exclusivement avec le 5D, plus léger donc plus pratique pour un reporter qui doit partir seul, se faire plus discret, sans compter l’énorme capacité de rendu de ce boîtier quand il s’agit de tourner de nuit (la sensibilité peut monter jusqu’à 6400 ISO).

L’engin est donc une bête de course et offre des possibilités vraiment révolutionnaires en matière de vidéo en particulier grâce à son capteur plein format qui a fait sa renommée. Sans compter qu’associé aux optiques Canon, le jeu sur la profondeur de champs, la netteté des différents plans et la mise en valeur d’un sujet par rapport à l’ensemble apporte une vision complètement différente du journalisme vidéo tel qu’il est pratiqué au sein des rédactions des chaînes de télévision.

La petite histoire de cette révolution est qu’elle n’a été qu’en partie prévue par les équipes de Canon. En partie seulement car, si l’ajout de cette fonction vidéo n’est pas un hasard, elle n’avait pas spécialement été pensée pour une utilisation broadcast. Lucas Menget raconte :

Canon vendait plutôt ça comme un développement des appareils photos pour en faire des utilisations web mais pas tellement pour en faire des utilisations broadcast. Ce que Canon n’avait pas du tout imaginé c’est l’utilisation professionnelle en reportage télé. Du coup pour nous ça pose pleins de petits problèmes. La simplicité et la rapidité d’accès à certains menus qui sont particulièrement pratiques en reportage font défaut, le son également n’est pas franchement prévu pour des conditions de reportage. Et puis le gros inconvénient du 5D en reportage, c’est qu’il est très fragile et qu’il résiste très mal à la poussière et à l’eau.

Un outil avant tout pensé pour les photographes donc, dixit Pascal Briard, responsable de la communication chez Canon :

Au départ ce boîtier était conçu pour les photographes, pour les photojournalistes. Donc on a mis tout ce qu’il était possible de faire dans ce boîtier en terme de qualité, le tout en full HD 1080p. Ça a débordé ensuite sur le broadcast mais au départ ce n’est pas fait pour eux, c’est clair.

La naissance de l’idée

Au passage, petit historique de la naissance de cette fonction vidéo dans l’esprit des ingénieurs de chez Canon. Tout commence lors de l’édition 2008 du festival Visa pour l’image, à Perpignan, dont Canon est partenaire. Ziv Koren, photojournaliste israélien et ambassadeur de la marque, fait un détour par le stand Canon et montre aux équipes comment il travaille depuis quelques temps. Pascal Briard :

Il avait un réflex et il avait mis en-dessous la barrette permettant de tenir un flash-torche mais à la place du flash, il avait vissé un caméscope. Quand il couvrait le conflit israelo-palestinien, il avait pris l’habitude de laisser tourner le caméscope en continu et il faisait ses photos. Du coup il proposait aux rédactions ses clichés d’un côté et les images animées de l’autre pour une diffusion sur le site internet du journal.

Le prix d’achat des photographies par les journaux ayant clairement baissé depuis quelques années, Ziv Koren avait trouvé sa propre parade en imaginant ce système permettant de livrer un autre type de contenu aux rédactions et ainsi retrouver une rémunération plus juste. Il était clair pour les ingénieurs de chez Canon qu’il fallait intégrer cette fonction dans le boîtier.


Revenons à l’utilisation du 5D MarkII non pas par des photographes mais par des vidéastes ou des JRI. Cette utilisation n’ayant pas été anticipée par Canon, il faut nécessairement l’accessoiriser pour en faire une véritable caméra ce qui fait le bonheur d’un petit nombre d’entreprises qui ont rapidement envahi le marché de l’accessoire. Viseur, moniteur de contrôle, stabilisateur, micro et bien d’autres, les possibilités ne manquent pas et passer d’une caméra traditionnelle à ce type d’outil ne s’improvise pas.

Au final, l’utilisation de ce boîtier uniquement sur le mode vidéo dans des conditions de reportage traditionnel oblige à repenser totalement la méthode de travail.

On est obligé de penser le reportage avant, de savoir ce que l’on va tourner, pourquoi, comment on va le tourner, quel type d’objectif on va utiliser. On ne peut pas tout faire, selon Lucas Menget.

Penser autrement le reportage

Ce ne sont malgré tout que des détails face à l’apport considérable de l’appareil de chez Canon dans le monde de la télévision. En matière de journalisme, cela modifie jusqu’au rapport aux autres, à ceux qui sont au centre d’un sujet : les interviewés. Lucas Menget utilise surtout le 5D avec un grand angle, c’est là qu’il prend tout son sens selon lui et ça implique nécessairement de se rapprocher de son sujet.

Je pense que l’on a un intérêt aujourd’hui à aller le plus près possible des gens. On crée des distances avec la caméra vidéo parce que on peut se mettre très loin, avec les appareils photos, la petitesse et la discrétion de l’outil font que l’on va se rapprocher beaucoup. La plupart des gens ne se rendent même pas compte qu’on les filme.
Moi ce qui m’intéresse, c’est de continuer à faire du reportage en racontant d’une manière un peu différente. Et le 5D introduit une nouvelle forme de récit par ce qu’on est obligé de construire très en avance. Ça donne envie de penser le reportage différemment.

L’apparition de ce nouvel outil semble donc questionner en profondeur le travail du journaliste vidéo. En offrant de nouvelles possibilités techniques, il ouvre surtout à un nouveau regard et une nouvelle marnière de raconter l’actualité. Son image se rapprochant clairement d’une image cinéma, l’esthétique du journalisme vidéo devrait changer dans les temps qui viennent. D’autres secteurs du petit écran on déjà franchi le pas, notamment du côté des séries. À l’heure où se pose la question de la fusion des écrans (tv, internet, portables…), celle de l’esthétique de l’info filmée se profile aussi à l’horizon.

Crédits photos cc FlickR visiophone, Tor Hakon, roboston.

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