/b/razil
Allez savoir pourquoi, en ce moment, les mags s’intéressent à 4chan. De ce genre d’intérêt sans curiosité qui enfante des articles écrits du bout des doigts, sans passion. Peut-être la faute à Twitter, qui a popularisé la culture mème en réduisant le laps de temps qui existait entre la création d’un nouveau mème et sa prolifération sur le réseau ?
Allez savoir pourquoi, en ce moment, les mags s’intéressent à 4chan. De ce genre d’intérêt sans curiosité qui enfante des articles écrits du bout des doigts, sans passion. Peut-être la faute à Twitter, qui a popularisé la culture même en réduisant le laps de temps qui existait entre la création d’un nouveau mème et sa prolifération sur le réseau ?
Hier, on a donc eu droit à  un papier de Fabrice Ebelpoin, lui-même inspiré d’un mini-dossier de Mathias @Fluctuat, lui même sourcé sur d’innombrables posts de blogs relatant les exploits de la communauté. Deux articles assez mauvais, généreux en confusions et en procès d’intentions. Avec néanmoins un bon point pour Mathias dans sa volonté de dresser un historique fidèle de la board, et un très vilain point pour l’Epelboin qui part en couille sur une parano de l’anonymat à deux balles. Remember Titiou de Bienbienbien qui, dans une moindre mesure, nous tapait un débat de principe bien creux en assimilant la board à un commando d’anonymes organisés.
Messieurs tous, vous qui mourrez d’envie de noircir de la page Word en causant mauvais goût, je vais vous présenter cinq erreurs à ne pas répéter pour ne pas immédiatement gicler sur vos lecteurs votre évidente newfagness. Ecoutez bien.
1/ 4chan est une board qui poste du porno, du gore et des lolcats
Mais non putain ! Vous êtes allés voir comment ça s’organisait au moins ? 4chan est le site qui regroupe une cinquantaine de boards. Ces boards sont thématiques et la plupart du temps innoffensives. Elles vont de l’anime (/c/) aux comics (/co/), jusqu’à la fameuse random board qui fait tant s’émouvoir les âmes sensibles : /b/.
On aurait bien du mal à trouver un lien de familiarité valable entre la photo d’un cosplay méca sur /m/ et un transsexuel à quatre pattes léchant l’anus d’un chien sur /b/.
On pourrait naïvement penser que l’architecture en cascade, pourtant habituelle du Web, aurait permis à ceux qui s’en croient suffisamment spécialistes pour écrire dessus d’éviter cette erreur de débutant : confondre 4chan et /b/, comme si on disait que Doctissimo était un site sur les perversions sexuelles. Bah non.
2/ L’utilisateur type est du genre adolescent boutonneux, tendance geek, doublé de nerd, représentant de ce qu’il est convenu d’appeler l’âge ingrat.
Celle-ci, c’est la meilleure. L’aspect hAUTAIN, le cliché décomplexé et l’invention de la réalité – le cocktail du n’imp.
Selon quelles sources ? Depuis quelles stats ? C’est comme ça parce que tu l’as décidé tout seul ? C’est juste honteux d’écrire ça. Qu’est ce qu’on a là -dedans à part le fantasme de la cave adolescente ? Puante, haineuse & geek par le saint pouvoir de la frustration sexuelle.
L’utilisateur type de /b/ et de 4chan, on le connaît pas. On se doute que ce sera pas la ménagère de moins de 50 ans, mais ça va regrouper de l’ado rigolo, du jeune fonctionnaire vénère, des vieux vétérans du Web, des journalistes et des graphistes qui se lâchent un coup, des communiquants et des pubeux qui cherchent l’adresse de memegenerator…
On est loin des standards de l’âge ingrat.
Concernant /b/, on est loin de tout ce qu’on peut concevoir en termes de publics. La board est une catharsis morale et esthétique permanente. Autrement dit un espace où virtuellement tout le monde peut venir contempler et se réjouir de débordements moraux (majoritairement) inoffensifs. Comme un épisode de South Park. Il n’y a pas que des ados boutonneux et haineux qui matent South Park, si ?
3/ Une incitation au racisme et à la pédophilie
Les mecs ont fait arrêter un vrai pédophile et Moot (le Moe local) sort d’une grosse opération de nettoyage des spams pédos qui polluaient les boards. Peut-on honnêtement d’interpréter ça comme une incitation ?
Certes, la position est délicate : détourner un sujet ultra-sensible pour en faire une joke au premier degré avec tous les débordements possibles – y compris l’absence de recul de l’observateur et du participant sur ce qu’ils voient/font. Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce détournement (car il s’agit bien de détournement) participe à cette quête constante du mauvais goût que la board s’est fixée comme mission. Rire de tout, méchamment de tout, et sans limites : comme une application stricto sensu de la liberté d’expression.
Effectivement, /b/ va poster du CP (aka Child Porn) par provocation, essentiellement des pages et des pages de mangas pornos super limites. Une grosse représentation de l’imaginaire sexuel japonais, qui a toujours été très glauque sur le sujet. Ces posts sont rarement des accusations – plutôt une forme d’admiration béate de l’esthétique et de l’attitude complètement jobarde des Nippons sur ce thème.
Mais de là à qualifier l’acte d’incitation ? Non. Il y a une vraie fascination de la représentation : voir le tabou sauter, trouver du plaisir à être choqué par ces dessins – et dans certains cas extrêmes, sans doute un vrai plaisir sexuel – mais globalement, ces actions vont dans le sens de la board : la subversion au prix de toutes les conventions morales.
L’accusation de racisme est beaucoup plus simple à expliquer… Puisque c’est une connerie.
Se moquer des gens à cause de leur couleur, de leurs rîtes ou des clichés associés à ces deux éléments, est un sport que tout le monde pratique pour rigoler en privé. Les blagues ethniques sont parmi les premières qu’on apprend en cour de récrée, et si plein de gens y voient une forme fondamentale et absolue de racisme, plein d’autres vous soutiendront qu’elles participent à exorciser des pensées qu’on garderait enfermées sans cette expiation.
En d’autres termes : rire du racisme, c’est lui faire plus de mal que de l’ignorer.
Passons aux images postées sur /b/.
Exemple no.1 :
Une blague de poulet frît. Qualifier ça de raciste, c’est faire insulte aux gens qui combattent le vrai mal. Jouer d’un code culturel et le tourner en dérision, ce n’est pas du racisme, c’est utiliser le racisme pour en rire.
Exemple no.2 :
Une blague pour les geekos de Photoshop, détournement d’un poème satirique du 16e siècle et passé dans la langue anglaise : « Roses are red, violets are blue, sugar is sweet and so are you« . Ici, notre /b/tard joue sur les couleurs de façon mi-poétique mi-grasse, mais pas bien méchante. Qu’on se rassure : le résultat sera le même avec des blancs (ou des juifs).
4/ La poubelle du net
Oui et non.
Certes, on trouvera sur /b/ ce qu’on peut trouver de pire comme image sur le web. Mais on y trouvera également l’une des sources principales de la culture internet : quasiment tous lesmêmes passés, présents et futurs ; pas mal de buzz en avance (les /b/tards sont sur Chatroulette depuis un an) ; et les opérations de détournement qui font les choux gras de la presse Web (du porno sur Youtube, la défonce de la scientologie, des crétins chez les chrétiens, etc…).
/b/ est une board de création continue, utilisée par des mecs rompus à tout ce qui se fait de drôle sur la Toile, et dédiés à en repousser les limites. Ils sont sur tous les sujets – de Haïti aux Pokémons – à filtrer, créer et corriger pour tirer le substrat humour de n’importe quel évènement et en faire un jpeg rigolo destiné à être passé. Aucune autre communauté sur la Toile n’atteint un tel niveau de dévouement à la culture Web.
Simplement : ces mecs sont l’élite culturelle de l’internet.
Ce genre de choses peut faire chier Finkelkraut, d’où son célèbre « Le Net est l’instrument du n’importe quoi« , mais si pour vous, cette phrase ne sonne pas comme une brillante déclaration d’indépendance – ou au moins comme une définition valable de n’importe quel média – vous avez sans doute un problème plus profond que le jugement moral impliqué par le terme « poubelle ».
5/ Un tas de fils de putes omnipotents venus du trou de balle de l’Internet
Pas mal, pas mal. Ca pourrait être une tag-line !
La dernière chose principale à piger de /b/, c’est qu’il ne s’agit pas d’un collectif. Il s’agit bel et bien d’une communauté, dont chaque membre anonyme vient avec sa morale (relative) et son talent pour 1° les blagues 2° photoshop 3° le hacking.
Mais globalement, certaines valeurs semblent être partagées par tous les utilisateurs :
- torturer des animaux c’est mal.
- les sectes & les religions c’est mal.
- faire des crasses à un looser attachant c’est mal.
De fait, dès que la possibilité leur est offerte, les /b/tard vont s’infiltrer sur les profils numériques des gens qu’ils n’aiment pas pour leur faire faire des cauchemars. Ils vont transformer les profils de chrétiens cul-cul en invitation à la partouze satanique, faire livrer 50 vibromasseurs en forme de bites noires au domicile d’une born-again christian raciste, traquer et publier toutes les infos persos d’un gamin qui se filme en train de tabasser son chat et qui colle ça sur Youtube…
S’ils décident de vous reprocher quelque chose, et que ça botte suffisamment de gens sur le site, une centaine de /b/tards peuvent décider – pour le lulz mais pas que – de pourrir la vie de n’importe quelle personne  qui a fait preuve de laxisme sur le partage de ses données persos sur le réseau, ou d’aller s’attaquer n’importe quel site un peu faiblard côté sécurité. Un juste retour des choses, selon le point de vue.
Pas très moral mais efficace. Imaginez les en Batman.
Evidemment, ça ne fait pas rire tout le monde.
Mais bon, ça a toujours été le cas.
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