La démocratie Internet selon Dominique Cardon
Dans son dernier ouvrage, Dominique Cardon analyse la forme politique qui se dégage d'Internet. Le réseau ne permet pas seulement de communiquer davantage, il est la source d'un élargissement de l'espace public qui transforme la nature même de la démocratie.
Sociologue au Laboratoire des usages d’Orange Labs et chercheur associé au Centre d’études des mouvements sociaux (EHESS), Dominique Cardon étudie attentivement les transformations de l’espace public résultant de la massification de l’usage des nouvelles technologies.
Dans son dernier ouvrage, “La démocratie Internet, Promesses et limites”, il revient sur l’immense laboratoire politique à ciel ouvert que constitue Internet. De Perry Barlow à Wikipedia en passant par le fameux Code Is Law de Lawrence Lessig, le chercheur livre une analyse des principes fondamentaux de ce qu’il appelle “La démocratie Internet” et de ses acteurs:
Développeurs de logiciels libres, activistes des biens communs immatériels, prophètes de l’intelligence collective, avocats des téléchargeurs-remixeurs, apôtres de la liberté d’expression et des travestissements identitaires, militants d’une information alternative ont été les premiers théoriciens de la forme politique d’internet
En autorisant de nouveaux acteurs à prendre la parole, Internet suscite régulièrement les réactions outragées des habitués d’un espace public restreint et codifié. Perturbant les circuits traditionnels de l’information, ce que Dominique Cardon se plaît à appeler “le réseau des réseaux” est bien loin d’être assimilable au “tout-à -l’égout de la démocratie”. Au contraire, il s’appuie sur des principes fondamentaux tels que la présupposition d’égalité (illustrée par une analyse des mécanismes de contribution à Wikipédia), la force des liens faibles, l’auto-organisation, la libération des subjectivités, la coopération, la délibération qui aboutit au consensus dans la prise de décision etc.
Ces principes avaient déjà été dégagés par l’auteur au long d’un essai intitulé “Vertus démocratiques de l’Internet” et publié sur la Vie des idées. L’occasion d’en relire (au moins) l’introduction, avant de se plonger dans un ouvrage qui permettra aux lecteurs assidus d’OWNI de prendre du recul sur leurs pratiques quotidiennes, et d’engranger arguments et exemples visant à prouver que la forme politique qui se dégage d’Internet contient plus de promesses qu’elle ne connaît de limites.
À la question de la place d’Internet dans le renouvellement des figures de la démocratie, beaucoup de réponses très diverses et contradictoires peuvent être apportées. Car, à considérer Internet comme un tout, à la fois objet technique, média, espace public, support ou instrument politique, on prend le risque de fondre ensemble des choses si différentes que toute généralisation glisse sur cet improbable objet, sans parvenir à le spécifier. Je voudrais cependant prendre ce risque en avançant, sans beaucoup de précautions, six propositions relatives à l’expérience de la démocratie sur Internet.
Du fait de son histoire, des choix technologiques qui ont présidé à sa conception, de la manière dont les communautés de développeurs ont imaginé sa gouvernance, des types d’usages qui s’y sont développé, Internet a incorporé un code politique particulier, une forme de vie démocratique qui lui est, si ce n’est propre, du moins suffisamment idiosyncrasique pour lui être associée. Il va de soi que la diversité des pratiques politiques qui se déploient sur le réseau des réseaux interdit d’en faire un modèle unique. Mais il nous semble que, au sein de cette multiplicité, on peut dégager une infrastructure d’ensemble, un horizon normatif commun, et que cet exercice de pensée ne sera pas vain, s’il peut nous aider à identifier les caractéristiques les plus vertueuses de la forme politique de l’Internet face aux changements en cours.
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Crédits photos CC FlickR par Gunthert, ElDave
Illustration de la Une en CC par Loguy pour OWNI
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