Réactions des internautes Brésiliens face aux violences de Rio
Une vague de violence vient de terrifier les habitants de la ville de Rio de Janeiro. La blogosphère et la twittersphère commencent à s’interroger sur la raison de ces attaques, sur la véracité des faits et exigent des mesures.
Cet article a été initialement publié sur Global Voices, écrit par Debora Baldelli et traduit par Jean Saint-Dizier.
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Une vague de violence vient de terrifier les habitants de la ville de Rio de Janeiro. Outre des arrastões, des voitures incendiées, des bombes et des échanges de tirs, les bandits ont aussi attaqué des guérites de la police. Ces violentes attaques font ressurgir le vieux débat sur la sécurité dans la ville. Une grande vague de panique, en partie aggravée par les médias, met en lumière un nouveau problème, la grande prolifération de fausses rumeurs sur internet. La blogosphère et la twittersphère commencent à s’interroger sur la raison de ces attaques, sur la véracité des faits et exigent des mesures.
Voir la carte, constamment actualisée, des attaques répertoriées :
Visualizar Ataques no Rio a e reação da polícia em um mapa maior
La carte montre une répartition des attaques dans toute la ville, leur déplacement ou leur diminution, en fonction des opérations de la police. Une grande attaque a été annoncée pour samedi 27 novembre, ce qui a donné lieu a une accélération des opérations, principalement dans les favelas de Vila Cruzeiro et du Complexe do Alemão.
A 21 heure locale le 25 novembre, sept des dix trending topics [mots clés les plus souvent cités] sur Twitter au Brésil portait sur des thèmes en relation avec la situation à Rio de Janeiro, listés ici en ordre croissant :
- #BOPE [Bataillon des Opérations Policière Spéciales]
- #rio
- #paznorio
- #Vila Cruzeiro [quartier envahi par les trafiquants fuyant les attaques]
- #Pimentel [Capitaine Rodrigo Pimentel, commissaire et co-auteur du film Tropa de Elite]
- #Cabral [Gouverneur de l'État de Rio de Janeiro]
- #Marinha [La Marine, citée en raison de l'aide apportée au travers du prêt d'équipements tels que des tanks flambant neufs, semblables à ceux utilisés en Irak]
Dans les Trending topics mondiaux, #BOPE a occupé la troisième position, suivi par #Vila Cruzeiro et #Pimentel.
Les opinions divergent sur ce qui est en train de se passer à Rio :
mitsudiz Et pendant ce temps-là, la Tijuca (un quartier central de la ville) s’en contrefout de la panique médiatique. Les mecs sont entrainés, depuis 2001, à faire la différence entre psychopathie collective et guerre civile.
jasomcox Maintenant ont fait courir le bruit qu’il y a des arrastões et des fusillades dans tous les coins de RJ (Rio de Janeiro), oh! y en a un, là, dans la cour de mon immeuble.
@danielefranco: ça fait du bien de voir les amis disant sur Twitter qu’ils sont bien arrivés à la maison ! #Soulagement
@LiraBellaqua la violence est plus que présente. J’ai passé toute la journée à entendre les sirènes. ça, c’est la réalité
@celsoathayde demain nouvelle guerre annoncée dans le complexe (do Alemão). La police ira faire son travail, le crime va contre-attaquer et les habitants vont mourir #illogique
Le besoin de savoir ce qui est vrai ou pas, quel endroit est en train de subir une attaque ou pas, a permis au compte Twitter de @casodepolicia d’atteindre 10,000 followers au cinquième jour de terreur à Rio de Janeiro, en lançant deux hashtags (mots clés) : #everdade (#c’est vrai) et #eboato (#c’est une rumeur), où sont vérifiées en temps réel les informations annoncées sur le web.
La couverture des grande chaines de télé est de plus en plus critiquée sur Twitter. Le propre compte du BOPE, selon le blog du Knight Center, a critiqué la couverture de certaines télés, alléguant qu’elles gêneraient les opérations en court [les tweets sur le compte du BOPE auraient été supprimés]:
Des utilisateurs se sont servis du hastag #globocop pour commenter la couverture des télévisions sur le site de microbloging. “La #Globo est en train de dévoiler le schéma tactique du Bope!” se plaint un internaute. “Si le #globocop n’était pas là, l’hélicoptère du Bope pourrait arriver et tirer sur leurs cibles”
Parmi les possibles raisons de la récente augmentation des attaques, les représailles à l’installation des UPP (Unités pacificatrices de la Police). Les UPP ont commencé à être installées il y a bientôt deux ans pour tenter de débarrasser la favela de ses trafiquants et “d’apporter” la paix aux habitants, par le biais de l’implantation d’une unité de police à chaque point stratégique. Une partie de la population croit réellement que les UPP aident à contrôler le problème, mais d’autres se demandent si cela est si simple “d’expulser les bandits”. La principale question à se poser serait : “Où donc atterrissent ces bandits une fois expulsés par les UPP?”. Siron Nascimento, cité par le blog Vi O Mundo, répond :
Le gouvernement de l’état a “occupé” bien peu de favelas, avec dans certaines des résultats positifs, il a proclamé sa politique pacificatrice et s’est endormi sur ses lauriers. Allons, les bandits ont abandonné les favelas où étaient implantées les UPP et ils sont allés où ? Quelques uns dans la Baixada Fluminense et la Baixada Gonçalina. D’autres ont changé d’activité, ils sont passés du trafic à d’autres types de crimes. Agressions, invasions d’immeubles, arrastões comme ceux que l’on voit aujourd’hui.
Sur le même blog, le commentaire d’un lecteur sur les UPP :
Il faut se demander: les UPP, ça marche ? ça suffit ? sans intelligence, on combat le crime, on attrape les bandits et on leur retire leurs armes ?
Il faut passer aux rayons X la politique de sécurité publique de Cabral [gouverneur de l'État de Rio de Janeiro]. L’UPP n’est pas une affaire sociale. C’est une affaire militaire. Il n’y a aucun civil dans les UPP. Un concours était prévu pour sélectionner des assistantes sociales, des psychologues, des avocats etc. Il a été annulé. Et les bandits, ils ont fini où ? Et leurs armes ?
Certains ne sont pas d’accord avec la “thèse” selon laquelle les attaques seraient une réponse aux UPP, comme Gustavo Barreto, du blog Consciência :
Les principaux chefs de la police militaires de Rio et le département de la sécurité publique veulent vendre la thèse déplorable selon laquelle les attentats seraient une ‘réaction aux politiques des UPP’, et les vieux médias avalent simplement la couleuvre. Ce qui est curieux c’est que les UPP sont présentes dans 13 favelas, dans l’univers des 1000 qui existent à Rio et dans sa région métropolitaine. Imaginez quand ce chiffre atteindra les 20, 30 ! Il vaut mieux déménager à Miami dès à présent.
Le plus intéressant est qu’une bonne partie des violences dénoncées suite à cette série d’attaques étaient déjà devenues habituelles auparavant. Entendre une fusillade n’est pas exactement une nouveauté à Rio de Janeiro. Ce qui est nouveau cette fois-ci, c’est que tout arrive en même temps et que tout est raconté, dénoncé, vérifié, comme faisant partie d’un unique et grand problème. La population essaie de parler et d’être entendue (que ce soit par Allo Denonciation ou Twitter), d’être prise au sérieux et la police aussi. Quand quelqu’un dénonce quelque chose par un tweet, il voit sa dénonciation vérifiée, il sait que la police agit, cela ne stimule pas seulement la participation de la population, mais cela donne aussi de la crédibilité à la police. Tout le monde sort gagnant.
@MatheusXLima Super que la police agisse contre le trafic à#RiodeJaneiro
@cibele2011 J’aime Rio de Janeiro. C’est surréaliste ce qui passe dans les médias, mais arrive finalement ce qui devait arriver, la police agissant comme la police [doit le faire].
La population attend, en fait, que les forces de police réussissent vraiment à contenir cette série d’attaques et que cela serve de leçon pour solutionner les problèmes de violence dans la ville, que cette vague de violence aille au moins dans le sens d’un réajustement des actions du gouvernement avec pour résultat une réelle stratégie de pacification.
Les problèmes doivent trouver leurs solutions pour que la population de Rio cesse de vivre dans la peur et non pour que Rio puisse accueillir en toute sécurité de grands événements tels que la coupe du monde en 2014 ou les Jeux Olympiques en 2016, toujours cités par les médias internationaux lorsqu’ils parlent de la situation actuelle à Rio. L’heure est à la pensée locale et pas à la pensée globale.
@andersonaragao1 C’est marrant… RJ qui agonise sous la violence et la préoccupation la plus apparente du gouvernement et de la presse c’est l’image de la ville qui reçoit la coupe du monde…
@ALB_Whiite comment le Brésil peut-il organiser la coupe du monde s’il ne peut même pas se débrouiller avec la violence qui envahit Rio. Quelqu’un peut m’expliquer ça ???
@NOGALMEIDA Je sais pas comment le Brésil peut accueillir la coupe avec toute cette violence ! Les journaux révèlent seulement ce que nos chers gouvernants tentent de cacher !:)
Illustration FlickR CC : cokada
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