Les élections de 2012 se gagneront sur les réseaux sociaux (ou presque ?)
On a beaucoup parlé du rôle des réseaux sociaux lors de l'élection de Barack Obama en 2008. Le même phénomène va-t-il se passer lors de la prochaine présidentielle française ?
En parler n’avait pas suffi en mai 2007. La faible notoriété des réseaux sociaux à l’époque (moins de 700.000 Français inscrits sur Facebook, à peine quelques milliers sur Twitter) n’avait pas été perçue comme une menace (ou dans le meilleur des cas, comme une opportunité) par les différents partis politiques, et très clairement, la bataille des urnes se gagnait plutôt à coup de débats télévisés, de meetings et d’opérations de street marketing (via des tracts, notamment). Les élections sénatoriales du 2 novembre 2010 aux États-Unis ont cependant donné un avant-goût de ce que l’on pourrait connaître courant 2012, lors des prochaines élections présidentielles en France. Les réseaux sociaux ont en effet joué un rôle relativement important dans un pays où l’on estime que 42% des 18-24 ans sont influencés par les réseaux sociaux (selon Echo Research).
Il fut un temps ou les électeurs ne se nourrissaient que des dires des médias traditionnels, en particulier la télévision, et donc à travers un seul écran. Aujourd’hui, les citoyens se focalisent de plus en plus sur les données accessibles via plusieurs écrans, à savoir la télévision, mais également leur ordinateur ou leur téléphone portable. Ces nouveaux médias offrent de nouvelles opportunités, et une récente étude confirme son poids : selon Echo Research toujours, près de la moitié des Américains sont allés se renseigner sur les différents politiciens sur les réseaux sociaux, faisant ainsi de cette source celle qui enregistre la plus forte croissance en terme d’influence par rapport aux dernières élections présidentielles de 2008. Facebook et Twitter ne jouissent désormais plus seulement des répercussions d’un effet de mode : ils doivent faire partie intégrante d’une campagne électorale.
Si ces réseaux sont aussi attractifs à première vue, c’est surtout parce qu’ils permettent de mêler nouvelles méthodes de communication et propagation auprès de différentes sphères sociales. Facebook permet par exemple non seulement de présenter un argumentaire ou une prise de position à son entourage, mais également de dialoguer, de partager, d’échanger des points de vue avec des amis ou les amis de ses amis. Autrefois particulièrement attentistes et spectateurs, les citoyens deviennent peu à peu des acteurs d’une campagne, capables de véhiculer un message et de l’argumenter auprès de centaines d’autres individus. Ne dit-on pas que Twitter est le pouls de la nation ? Les principaux acteurs des différents médias traditionnels l’ont d’ailleurs bien compris, et ont pour la plupart élaboré des présences sur les réseaux sociaux.
Outre cette approche plutôt théorique, les chiffres et les différentes actions parlent d’eux-mêmes. Aux États-Unis toujours, le 3ème débat télévisé en 2010 a généré 154.342 tweets relatifs à différents termes proches du débat sur Twitter, soit près de 27 tweets par seconde, par 33.095 individus, selon le compte Twitter officiel @Tweetminster. Sur Facebook, des groupes pro-Républicains ont rassemblé jusqu’à 136.000 personnes, jusqu’à 126.000 pour les pro-Démocrates. The Washington Post a acheté la tendance de recherche promotionnelle « #Elections », le New York Times a créé une cartographie [en] affichant le tracking des discussions au sujet des différents prétendants, Twitter a appelé à l’utilisation des hashtags #Votereport et #NYCvotes, Foursquare a créé le badge « I voted », une application Facebook a été spécialement conçue afin d’appeler les plus réticents à voter et Facebook a appelé au vote et proposé un outil de localisation du bureau de vote le plus proche de chez soi.
Cependant, bien que cela puisse paraître alléchant à première vue pour les différents partis politiques, les chances pour que les réseaux sociaux jouent un rôle aussi important en France sont toutefois à relativiser. Tout d’abord, le taux de pénétration de ces réseaux dans les ménages de l’Hexagone est à relativiser. Selon une récente étude de Karalys, seuls 225.000 des 150 millions d’inscrits à Twitter sont français, pire, seuls 18 à 35.000 d’entre eux seraient actifs. Or, très clairement, une élection présidentielle se joue très rarement sur quelques dizaines de milliers de votes. Facebook, de son côté, reste très utilisé mais peine encore à séduire les différents acteurs francophones : l’UMP rassemble aujourd’hui moins de 6.500 fans, le Parti socialiste 12.600, et rien ne garantit que des efforts seront apportés d’ici à 2012.
Un indicateur pas très fiable
Parallèlement, l’histoire nous montre que les réseaux sociaux ne sont pas toujours très représentatifs et que des prévisions issues des différentes discussions ou de la taille des communautés s’avèrent périlleuses. Par exemple, en 2008, Obama avait plus de 2 millions de fans sur Facebook contre 600.000 pour son adversaire McCain, 112.000 followers contre 4.600 pour McCain sur Twitter (selon les auteurs de Throwing sheep in the boardroom: how online social networking will change your life). Pouvait-on alors supposer que bien plus supporté, il jouirait probablement d’une victoire relativement facile ? Il ne gagnera finalement qu’avec 52,9% des voix, ce qui mène à penser que même en politique, « la taille ne compte pas » sur les réseaux sociaux. Les principaux partis politiques français sauront-ils alors prendre soin de se tourner vers des indicateurs (et donc des méthodes) plus pertinents ?
La victoire d’Obama a clairement été boostée par ses nombreuses campagnes d’emailing qui ont généré un nombre très important de petites dotations indispensables pour payer les publicités à la télévision. La logique voudrait donc que d’ici au premier trimestre 2012, différents prétendants élaborent des présences sur Facebook et sur Twitter, mais sans forcément faire reposer leur stratégie globale sur celles-ci. Bien que plus utilisés qu’en 2007, ces réseaux devraient donc jouer un rôle moins important que l’on ne pourrait le souhaiter, à moins que l’art de la persuasion via les plateformes sociales soit profondément accentué ces prochains semestres. Quel est votre avis sur le sujet ? Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry pourraient-ils par exemple créer la surprise et redorer le blason de la gauche dans le cœur des français via Facebook et Twitter ?
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Billet initialement publié sur My community manager ; Christophe Ramel tient le blog kriisiis.fr
Image CC Flickr clementine gallot et Zooomabooma
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