Un lobbyiste des gaz de schiste chez les députés
Plusieurs documents obtenus par OWNI révèlent le lobbying du député Claude Gatignol. Il cherche à neutraliser la loi qui sera débattue le 10 mai prochain sur les gaz de schiste.
En toute discrétion, le député UMP, Claude Gatignol joue les lobbyistes en faveur des gaz de schiste. Dans l’un de ses courriers, que s’est procuré OWNI, transmis ce vendredi 6 mai à quelques membres du groupe UMP, le parlementaire propose neuf amendements qui vident de sa substance la proposition de loi contre l’exploitation des gaz et huiles de schiste. Un texte qui sera débattu le 10 mai prochain. Claude Gatignol, représentant la circonscription de La Hague, très sensible aux intérêts des industriels du nucléaire, écrit:
Chères Collègues, Chers Collègues
La commission ad hoc a débattu sur la PPL Jacob relative aux huiles et gaz de roche-mère appelés communément Huiles et gaz de schistes non conventionnels puisqu’ils se situent à 3000 m de profondeur dans le LIAS pour les géologues et dans des réservoirs”spongieux”.
L’article 3 a heureusement été supprimé mais l’interdiction totale des technologies a été maintenue.Les amendements que je propose avec plusieurs collègues à votre cosignature, veulent rééquilibrer le texte et, au delà de l’émotionnel de l’instant, veulent permette les travaux d’innovation, de recherche, d’exploration et les forages de géothermie en particulier.
La suspension, l’interdiction temporaire sera levée lorsque les conclusions des missions en cours parlementaire et interministérielle seront connues et présentées au Parlement.
A votre disposition. Amitiés
Claude GatignolPS les réponses doivent me parvenir impérativement avant 16h
Transmis à une poignée de membres du groupe UMP par la permanence du député, le texte est accompagné d’une série de neuf amendements portant sur le projet de loi de Christian Jacob qui sera débattu puis voté le 10 mai prochain, pour lesquels le dépôt d’amendement a été clos à 17 heures ce jour-même.
Balayer le chemin des schistes aux pétroliers et gaziers…
Censé interdire l’exploration et l’exploitation, du fait des risques de la technique de fracturation hydraulique pour l’environnement constatés aux Etats-Unis, il a déjà été atteint dans sa force par quelques aménagements de formules… Avec les neuf amendements de Gatignol, le projet de loi devient carrément jetable ! Le deuxième amendement de la liste propose ainsi la « suspension » plutôt que « l’interdiction » de cette technique, pour une durée de… un an à compter du vote de la loi !
« La suspension est à privilégier par rapport à l’interdiction totale car celle-ci ne saurait être justifiée à ce stade par le principe de précaution.
Il s’agit donc d’un délai visant à approfondir les connaissances scientifiques et à apporter une information claire sur ces divers points. »
Du début à la fin, la série d’amendements poursuit un même but : permettre, une fois le fameux « instant émotionnel » passé, de reprendre exploration et exploitation où on les avait laissés. Le 8è amendement ne propose d’ailleurs rien d’autre, puisqu’il suggère la levée de l’interdiction temporaire prévue à l’article 1 « lorsque seront connus les conclusions de la mission parlementaire, de la mission interministérielle, la rédaction nouvelle du code minier et l’avis du Haut Comité des Ressources Minières ». « Haut Comité des Ressources Minières » que se propose de créer le troisième amendement et dont la composition est fixée… par le gouvernement ! Lequel s’est montré plutôt moins réticent que l’Assemblée à ces exploitations. Quant à la mission interministérielle citée, le rapport d’étape remis à la mi-avril s’est montré beaucoup moins préoccupé des conséquences environnementales que ne l’espéraient les militants anti-gaz de schiste !
… et à une fracturation « à la française »
Mais il est net que ce ne sont pas les collectifs locaux qui ont glissé ces idées à l’oreille de Claude Gatignol : dans le mouvement de ces textes, on note une précaution appliquée à ne surtout pas empêcher la recherche technique permettant d’établir de « nouvelles techniques ». Le troisième amendement exclu ainsi les recherches expérimentales des interdictions de fracturation hydraulique, tandis que le quatrième exclu la géothermie… Depuis le début de l’affaire, le refrain entonné par les autorités ne voulant pas fermer la porte (depuis Nathalie Kosciusko-Morizet jusqu’au service des mines du ministère de l’Industrie) a été : « nous n’allons pas exploiter les gaz de schiste comme les Américains. » Dès lors, contourner cette inquiétude est simple comme un brevet : développons notre propre technique estampillée « propre » et les hydrocarbures de schiste du sous-sol français nous appartiendront !
Comme si le nouveau code minier ne facilitait pas déjà la vie aux pétroliers et gaziers, l’amendement 6 propose d’alléger encore les procédures, ôtant notamment les consultations publiques, demandées par la ministre elle-même… Seul politesse laissée à la population locale, l’amendement 9 prévoit une « Commission locale d’information », un format déjà bien connu du député Gatignol puisque la même formule et le même procédé est utilisé depuis des décennies… pour l’énergie nucléaire.
Les amendements que souhaite proposer Claude Gatignol pour projet de loi contre l’exploitation des gaz et huiles de schiste :
Amendement 1 — Amendement 2 — Amendement 3 — Amendement 4 — Amendement 5 — Amendement 6 — Amendement 7 — Amendement 8 — Amendement 9
Illustration Louison pour OWNI.
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