Les notes de la DGSE sur les intermédiaires balladuriens
Selon des notes de la DGSE, publiées ici en intégralité, les intermédiaires libanais cités dans le scandale Karachi sont toujours dans le business avec l'industrie française de l'armement.
Les deux intermédiaires libanais du dossier Karachi continuent de bénéficier de contacts à haut niveau dans les milieux de l’armement. C’est l’une des conclusions qui se dégagent à la lecture des notes de la DGSE qui les concernent, datées d’avril 2009 et de février 2010, et que nous publions ci-dessous. Ces notes des services secrets ont été déclassifiées dans le cadre de l’instruction judiciaire sur l’attentat de Karachi.
Les noms de ces deux intermédiaires d’origine libanaise, Ziad Takieddine et Abdulrahman al Assir, ont été cités à plusieurs reprises depuis que la justice a relancé ses investigations sur cette attaque terroriste perpétrée le 8 mai 2002 à Karachi. L’attentat avait pris pour cible un bus transportant des employés français du groupe d’armement DCNS (appelé alors DCN) qui travaillaient sur place à la construction de sous-marins. Ce chantier reposait sur un contrat d’armement signé au Pakistan le 21 septembre 1994 par le gouvernement d’Édouard Balladur. Sur un plan financier, l’affaire s’était peu à peu révélée entachée de multiples opérations opaques, voire illicites.
Le juge antiterroriste Marc Trévidic, qui cherche à reconstituer les conditions de signature de ce contrat d’armement, s’intéresse ainsi à ces deux hommes d’affaires, présentés par de multiples témoins comme les intermédiaires alors imposés par les réseaux balladuriens. Selon la DGSE, le premier d’entre eux et le plus mystérieux, Abdulrahman al Assir, se révèle proche de trafiquants d’armes et de trafiquants de drogue, tout en fréquentant le gotha de la politique et de l’industrie de l’armement. La note de quatre pages ci-dessous, datée du 29 avril 2009, a ainsi été rédigée pendant les dernières négociations militaires et commerciales entre la France et le Qatar (les parties blanchies l’ont été par l’administration, les quelques bandes noires ont été rajoutées par la rédaction pour protéger l’identité et les adresses de tiers).
Au printemps 2009, l’Élysée suivait de près de multiples projets de coopération entre la France et le Qatar, notamment dans le domaine militaire. Les dossiers du moment portaient sur la vente de missiles Exocet à l’émirat, sur la fourniture d’hélicoptères de combats Tigre, ou encore sur l’installation à Doha (capitale du Qatar) de la première succursale à l’étranger de l’École militaire de Saint-Cyr.
Ziad Takieddine, l’autre intermédiaire libanais intéressant la justice – et la DGSE – , a toujours, pour sa part, nié avoir participé aux négociations de 1994 pour la vente des sous-marins Agosta au Pakistan. Cependant, de multiples cadres de l’armement ont affirmé le contraire sous serment. Et le 31 janvier dernier, François Léotard, ministre de la Défense au moment de la signature du contrat, a clairement confirmé sa participation au négoce lors de son audition dans le bureau du juge Trévidic. Dans sa note de trois pages, ci-dessous, la DGSE relève, pudiquement « l’important réseau relationnel de Takieddine » en France.
Sur les trois pages de cette note au sujet de Ziad Takieddine, la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) a décidé d’en « blanchir » une en intégralité. Indiquant implicitement que cet homme d’affaire, naturalisé français en 1987, emporte dans son c.v, aujourd’hui encore, quelques secrets sensibles pour la République.
Avec le même esprit cachottier enfin, la CCSDN a transmis au juge une note de la DGSE du 6 juillet 1998 dont le titre est à lui seul une promesse : « Pakistan – France. Marchés de l’armement et affaires de corruption ». Mais sur les cinq pages déclassifiées, six paragraphes seulement n’ont pas été blanchis – comme vous le découvrir ci-dessous. Bien que très parcellaires, ces éléments mettent en évidence la corruption des militaires pakistanais sur ce contrat, et les tensions spécifiques que ces financements illicites ont provoquées à la fin des années quatre-vingt-dix sur place au Pakistan.
Globalement, ces liasses de la DGSE mettent en évidence l’importance des opérations occultes qui ont pu entourer le contrat de 1994. Qu’elles concernent les réseaux proches des balladuriens, ou qu’elles touchent des militaires pakistanais. Sans qu’il soit possible, à ce jour, de déterminer lesquelles auraient pu éventuellement représenter un mobile à l’attentat du 8 mai 2002.
Crédits de Une CC Elsa Secco
Retrouvez notre dossier du jour sur Karachi :
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