Soldats privés mais pas désarmés
Selon les documents obtenus par OWNI, l'encadrement du PDG de L'Oréal et d'un convoi d'Alstom au Brésil faisait flirter la filiale brésilienne de Géos avec la légalité.
Quand on les interroge, les responsables des sociétés militaires privées françaises aiment à affirmer que leurs employés ne portent jamais les armes. Loin des discours officiels, la réalité offre un spectacle plus nuancé. En témoignent des courriers que nous avons obtenus et qui ont été échangés entre différents représentants de Géos, la plus importante entreprise française du secteur. Ils retracent les discussions entre la filiale brésilienne de Géos et le siège parisien au sujet des escortes armées pour accompagner des responsables d’Alstom et le président de L’Oréal, Jean-Paul Agon (ici orthographié Hagon).
Dans la troisième page de ce document, l’un des directeurs des opérations, Thierry Clair, avertit Michel Campioni, alors secrétaire général de Géos, et le général Jean Heinrich, président du directoire du groupe Géos, des risques encourus pour la filiale si elle accepte ces deux contrats. Il pointe aussi l’absence d’assurance des salariés, confirmant ce que nous avions déjà rapporté quant aux conditions de travail et d’embauche.
Selon plusieurs témoignages, la filiale brésilienne s’est placée à différentes reprises dans une situation délicate au regard de la législation sur le port d’arme et sur l’encadrement de personnels armés. Dans un courrier adressé au Consul Général de France à Sao Paulo, un ancien salarié du bureau brésilien évoque lui aussi “les activités illégales de cette entreprise” citant la “supervision accompagnement armé” sans donner plus de détails.
Des familiers de la filiale ont expliqué à OWNI que les entreprises de sécurité étrangères pouvaient obtenir l’autorisation du port d’arme auprès de la police fédérale à deux conditions. La filiale doit être créée avec des fonds brésiliens, et le directeur doit être lui-même de nationalité brésilienne. Jean-Pierre Ferro, chargé de développement du groupe Géos en Amérique latine et fondateur du bureau brésilien, nous a expliqué que ces conditions étaient respectées, le directeur étant Fausto Camilo. Celui-ci affirme quant à lui avoir occupé la position de responsable juridique et se refuse à faire tout commentaire sur les activités de Géos au Brésil, qu’il a quitté à l’automne 2010. D’autres sources nous ont affirmé que la plupart des sociétés présentes sur place n’avaient pas les habilitations nécessaires.
Sous-traitance
Pour assurer la sûreté des personnes ou des installations dans les pays à risque, les sociétés de protection ont deux options. Elles peuvent faire appel à des prestataires locaux armés en accord avec la législation en vigueur. En Irak, où de nombreuses sociétés militaires privées, y compris françaises, sont implantées, le ministère de l’intérieur est chargé de délivrer les autorisations de port d’armes. Elles peuvent aussi faire appel aux autorités du pays, aux forces de police ou militaires, pour assurer l’encadrement armé. “Les managers employés par les sociétés françaises ou leurs filiales locales sont chargés de l’organisation, de la coordination entre les différents acteurs” nous explique un ancien security manager, fin connaisseur des schémas d’encadrement.
La question de l’utilisation de moyens armés est centrale pour qualifier l’activité de ces sociétés. “Les sociétés militaires privées, sur le modèle anglosaxon, possèdent des chars et des avions de combats” assure le général Jean Heinrich (ancien chef du Service action de la DGSE) invoquant son expérience en Bosnie lors d’un entretien qu’il nous a accordé. Les sociétés françaises revendiquent quant à elles la qualité de “sociétés de sûreté”. Pas d’armée privée donc, ni d’armes pour les employés. Centrale, la question de l’armement n’en demeure pas moins une question épineuse. Surtout quand les demandes viennent des clients comme dans cette affaire entre L’Oréal, Alstom et Géos Brésil. Mercredi, le général Heinrich nous avait expliqué, formel :
Géos n’est pas une société militaire privée. Nos personnels de sûreté ne sont jamais armés.
Photo Flickr CC BY-NC-SA 2.0 par Dunechaser
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