Crédibilité: Hollande 56% Sarkozy 44%
À une semaine du second tour, les journalistes de données d'OWNI ont vérifié 132 déclarations chiffrées de Nicolas Sarkzoy et François Hollande prononcées au cours de leurs derniers débats ou discours. Voici le bilan détaillé de leurs erreurs et approximations. En passant par l'Espagne et le RSA (pour lequel les deux se trompent). Au classement de crédibilité OWNI i>Télé, François Hollande creuse l'écart avec Nicolas Sarkozy, avec 56% de déclarations exactes contre 44% pour le président sortant.
Depuis quelques jours, les deux candidats, Nicolas Sarkozy et François Hollande abreuvent à nouveau leurs discours ou interviews de références chiffrées. Avec un sens de l’exactitude très relatif. Au classement du Véritomètre, l’application web qui vérifie l’exactitude des déclarations chiffrées des deux candidats à la présidentielle, l’écart se creuse : François Hollande reste en tête avec 56 % de crédibilité, quand Nicolas Sarkzoy se situe à près de 12 points derrière lui, à 44,3 %.
Durant cette dernière semaine, l’équipe du Véritomètre a vérifié 132 citations chiffrées de ces deux candidats1. Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention (l’intégralité des 132 vérifications est accessible ici, sur les pages du Véritomètre).
Le président et son bilan
Les Français ont été mieux protégés de la crise que leurs voisins européens : c’est l’un des arguments phare de la campagne de Nicolas Sarkozy. Sauf qu’il exagère parfois nettement l’impact de ses mesures. Ainsi affirmait-il sur France Info le 25 avril :
Le RSA a permis à 600 000 familles de sortir de la pauvreté.
Faute de référent clair, la “pauvreté” évoquée par Nicolas Sarkozy correspond sans doute aux personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté – fixé à moins de 60 % du revenu national médian, soit 956 euros en 2010. Selon le rapport final du Comité national d’évaluation du RSA publié en décembre 2011, 78 000 foyers ont dépassé le seuil de pauvreté en raison de l’apport induit par le RSA.
Le candidat de l’UMP prend donc de fortes libertés avec les chiffres, en multipliant par 7,7 le nombre de familles sorties de la pauvreté grâce au RSA.
Autre exagération sur une autre radio du service public. Jeudi 26 avril, invité de la matinale de France Inter, Nicolas Sarkozy évoque son bilan en matière de retraites :
J’ai veillé à augmenter la pension de réversion, qui avant que je ne sois Président de la République était à 54 % et qui maintenant est à 60 %.
Pas tout à fait : la pension de réversion correspond à la fraction de la pension qu’un(e) retraité(e) peut toucher à la mort de son(sa) conjoint(e). Comme l’indique le Haut conseil à la famille dans une note du 8 juillet 2010, le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 a institué une hausse dans le montant de la pension de réversion du régime général, qui est passée de 54 à 60 % du montant de la pension du conjoint décédé. Si ce taux de 60 % a été effectivement atteint le 1er avril 2012, comme le précise le site Internet du ministère du Travail, cette majoration n’est accessible qu’à certaines conditions : pour les personnes de 65 ans et plus et ne touchant pas plus de 841,45 euros de réversion par mois. Au-delà de ce montant, la majoration de la pension de réversion est diminuée proportionnellement, ce qui implique que tous les retraités ne profitent pas d’une majoration à “60 %”.
La formulation utilisée par Nicolas Sarkozy est floue : elle sous-entend que la pension de réversion a été “augmentée” pour tous les retraités, alors que seule une part d’entre eux profite effectivement de cette majoration.
François Hollande taxe Nicolas Sarkozy
Le candidat socialiste s’est attaqué à l’une des promesses de Nicolas Sarkozy en 2007, qui consistait à ne pas augmenter les prélèvements obligatoires durant son quinquennat. François Hollande comptabilise cependant, lors de son passage à “Des paroles et des actes”2 sur France 2 le 26 avril :
Y’a eu 40 taxes qui ont été créées [par le Président sortant].
Nos confrères du Monde ont recensé, dans un article datant du 25 octobre 2011, le nombre de taxes créées, de hausses de taxes et de niches fiscales supprimées durant le mandant de Nicolas Sarkozy. Pour ce qui concerne les taxes uniquement, ils arrivent à un total de 31, y compris en comptant les taxes votées mais non encore appliquées (comme l’éco-taxe poids lourds qui sera généralisée dans tout le pays en 2013). Il reste encore un peu de marge avant d’atteindre le nombre de 40 taxes créées.
Décidément, le RSA ne réussit pas aux candidats. Alors que Nicolas Sarkozy exagérait considérablement le montant des personnes sorties de la pauvreté grâce à cette mesure, François Hollande surestime le montant de cette allocation, ou tout du moins manque de précision dans sa formulation. Il évoquait, toujours à “Des paroles et des actes” :
Le RSA, c’est 700 euros.
Or, comme de nombreuses allocations, le montant du RSA est calculé en fonction de la situation familiale des personnes. Selon les montants valables pour 2012 publiés sur le site Internet de la CAF, une personne en couple avec un enfant ou une personne seule avec deux enfants vont effectivement toucher 712,40 euros, mais une personne en couple peut monter jusqu’à 997,36 euros alors qu’une personne seule sans enfant ne touchera que 474,93 euros. Les propos de François Hollande sont donc imprécis car ils supposent que l’allocation du RSA est de 700 euros pour tout personne bénéficiaire.
Le retour des favoris
On pourrait l’appeler le “kit-chiffres de survie” ou le “set des données chéries”. Tant le candidat PS que le candidat UMP ont leur série de démonstrations chiffrées favorites, qu’ils ont ressortie très régulièrement pendant la première semaine de l’entre-deux-tours.
Le candidat socialiste a ainsi évoqué à Lorient le 23 avril, sur TF1 le 24 avril ou encore lors de l’émission “Des paroles et des actes” sur France 2 le 26 avril :
“Il (Nicolas Sarkozy) avait dit que si le chômage atteignait 5 % c’était la réussite de son quinquennat, c’est le double (…) il laisse un pays avec un taux de chômage de 10 % de la population active.
Les dernières données publiées par Eurostat, l’institut de statistiques européen, donnent raison au candidat socialiste : en janvier et février 2012, le taux de chômage en France s’établit à 10,0%.
Durant cet entre-deux-tours, Nicolas Sarkozy parle beaucoup de l’Espagne, incarnation, dans son argumentaire, de ce qu’aurait pu être la France sans sa présence à l’Élysée pendant la crise.
Il évoque ainsi, à Saint-Cyr-sur-Loire, le 23 avril :
220 % d’augmentation du chômage chez nos amis espagnols après sept années de gouvernement socialiste.
Invité des “Quatre vérités” sur France 2 le 24 avril :
Savez-vous combien de chômeurs en Espagne ? 23 %.
Lors du JT de 20 heures de TF1 le 25 avril :
Monsieur Zapatero, qui vient d’appeler à voter pour M. Hollande, 220 % d’augmentation (du chômage) en Espagne.
Et à “Des paroles et des actes” sur France 2 le 26 avril :
22 % de chômage [en Espagne].
Or, la réalité du chômage en Espagne décrite par les données officielles est légèrement différente de celle assénée à longueur de discours par Nicolas Sarkozy. Eurostat publie pour le mois de février 2012 un taux de chômage de 23,6 % en Espagne.
De plus, José Luis Zapatero, Premier ministre du Parti socialiste espagnol a été élu en mars 2004. Après un renouvellement, son mandat s’est terminé le 21 décembre 2011. Selon les données d’Eurostat, le taux de chômage harmonisé en Espagne est passé de 11,2 % en mars 2004 à 23 % en décembre 2011, soit une augmentation de 105,4 %. Même si la hausse du chômage en Espagne entre 2004 et 2007 est considérable, elle est donc loin de 220 %.
L’écart des résultats
Les deux candidats ont également régulièrement commencé leurs discours ou interviews par des calculs ou analyses faites sur les résultats du premier tour, comme “La Gauche est à son plus haut niveau depuis très longtemps, 44 %.“ ou encore presque “18 % (de suffrages exprimés en faveur) de Marine Le Pen (…) c’est 6 millions et demi de Français”.
Les résultats officiels étant publiés par le ministère de l’Intérieur, on ne s’attendait guère à trouver des incorrections dans ces citations. Et pourtant, un abus de langage peut jouer des tours, comme pour le candidat de l’UMP lors de son discours de Saint-Cyr-sur-Loire le 23 avril :
les Français sont allés voter à plus de 80 %.
Un “plus de” de trop : les résultats officiels publiés par le
Ou un excès de zêle pour décrire la situation de son adversaire, comme François Hollande à Paris, le 25 avril :
Le candidat sortant qui arrive cinq points en-dessous de ce qu’avait été son résultat en 2007.
Toujours selon les données officielles du
Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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Illustrations et couverture par Loguy pour Owni /-)
- En appliquant les critères suivant pour chacun : si la marge d’erreur entre le chiffre évoqué par le candidat et la donnée officielle disponible est comprise entre 0 et 5 %, nous considérons la citation comme “correcte” ; si la marge est entre 5 et 10 % on la qualifiera d’”imprécise”, enfin si la marge est de plus de 10% nous l’évaluerons comme “incorrecte”. [↩]
- La vérification intégrale de cette intervention sera mise en ligne sur le Véritomètre dans les prochains jours [↩]
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