Nouveau lobbyiste chez Google France
Google France a pêché un lobbyiste de luxe pour porter ses intérêts sur le territoire français, et le sortir de ses ennuis fiscaux. Benoit Tabaka, secrétaire général du Conseil National du numérique, qui baigne dans l'e-landerneau depuis plus de dix ans.
C’est ce qu’on appelle une belle prise. Le landerneau numérique en est déjà tout émoustillé : le secrétaire général du Conseil National numérique (CNN) Benoit Tabaka devrait rejoindre la team des lobbyistes de Google France d’ici l’été.
Le temps d’assurer la transition avec l’instance consultative créée il y a près d’un an sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, qu’il a intégrée en octobre.Une bien mauvaise nouvelle pour le CNN, dont la pérennité est plus qu’incertaine sous la Présidence de François Hollande. Une aubaine en revanche pour Google France, qui a su pêcher le bon poisson pour se dépêtrer de ses ennuis fiscaux.
Châteaux de sables
Car s’il est inconnu du grand public, Benoit Tabaka est un personnage “incontournable et hyperactif” du petit monde du Net français.
C’est d’ailleurs en ces termes que nous le placions, fin janvier dernier, au centre d’une application représentant les différents acteurs de cet écosystème. Un archipel numérique qu’il connaît comme sa poche : Benoit Tabaka y fait depuis longtemps des “châteaux de sable” , bien au-delà des seules frontières du CNN.
Du Conseil, il en est l’un des principaux artisans. A la demande d’Éric Besson, il en rédige les principales orientations aux côtés de Pierre Kosciusko-Morizet. Il est alors encore en charge des “affaires juridiques et réglementaires” du site de vente en ligne Price Minister, où il restera quatre ans.
Ce juriste de formation met également ses compétences à profit au sein du Forum des droits sur l’Internet, sorte d’ancêtre du CNN, de 2002 à 2006. Il a également fait un passage à l’Asic (Association des sites Internet communautaires, qui défend les intérêts de sites tels que Facebook, Google, Dailymotion…), auprès de Giuseppe de Martino (Dailymotion), actuel camarade du CNN, et Olivier Esper (Google), sous les ordres de qui il devrait bientôt travailler.
Benoit Tabaka profite aussi de son temps libre pour prendre le pouls du Net. Sur Twitter, où il dissèque les dernières actualités de la régulation du réseau auprès de quelques 3600 followers, ou sur son blog, où il brasse des questions aussi diverses que le e-commerce, la propriété intellectuelle ou la responsabilité des hébergeurs. Le tout avec humour, et bonhommie : loin du costume-cravate, l’influenceur se décrit comme un “funny lobbyist in favor of Internet” (“Lobbysite rigolo pro-Internet”)
Les taxes
Des atouts de taille, en sus d’un carnet d’adresses bien rempli, pour quiconque cherche à se refaire une beauté dans l’e-univers hexagonal. Google correspond pile-poil au profil. Avec un contrôle fiscal en cours, et de multiples tentatives pour parvenir à lui faire payer des impôts en France, le mastodonte du web a fort à faire dans cette région du monde, et cherche logiquement à y renforcer son équipe de lobbyistes.
À en croire les récentes déclarations du clan Hollande, le géant de Mountain View n’est pas au bout de ses peines en matière fiscale. “C’est un sujet clé qu’il aurait fallu aborder dès 2007, ou même quand Nicolas Sarkozy était ministre du budget” écrit dans son blog Fleur Pellerin, la responsable numérique du candidat socialiste nouvellement élu. Qui accuse d’un même geste l’ancien Président d’avoir préféré à la “taxation du web” la visite du “QG Potemkine de Google à Paris.”
Benoit Tabaka, qui n’est pas bavard sur ses nouvelles activités, aura donc fort à faire pour défendre les intérêts de son nouvel employeur. Y compris en allant à l’encontre, parfois, de préconisations qu’il a lui-même défendues en sa qualité de secrétaire général du CNN.
Certes en juin dernier, le Conseil avait rendu un avis défavorable sur un projet de “Taxe Google”, visant à imposer les activités des géants du Net américains installés sur le territoire français. Mais n’allait pas à l’encontre du principe pour autant : seule l’efficience du dispositif était alors contestée.
Le CNN est opposé à la Taxe sur la Publicité en Ligne dans sa version actuelle […].
Pour autant, le CNN reconnait la justesse de la question posée à travers cette taxe : le véritable objectif n’est pas tant de taxer la publicité, que de chercher à faire contribuer au financement de l’Etat (et de ses réseaux) de grands groupes étrangers, établis fiscalement hors de France, mais ayant une activité significative en France.
Avis n° 3 du 10 juin 2011 Conseil national du numérique relatif à la taxe sur la publicité en ligne
Le CNN va même plus loin, en préconisant l’institution, à l’échelle européenne, d’un nouveau statut, mieux adapté aux firmes d’Internet : “l’établissement stable virtuel”, “dès lors qu’un acteur exerce des activités régulières sur Internet auprès des consommateurs en France.” Une notion qui ne va pas forcément dans le sens de Google. Reste à savoir comment Benoit Tabaka va jongler entre ses anciennes attributions (et orientations) et sa nouvelle casquette.
Pour qui sonne le Tabaka
Côté CNN, l’annonce du départ de Benoit Tabaka semble avoir sonné le glas. Pour beaucoup, la perte de celui qui coordonnait à plein temps les travaux du Conseil, composé majoritairement de chefs d’entreprises, signe la mort certaine de ce dernier.
Sans compter que les équipes de François Hollande ne se sont pas forcément montrées tendres avec cette instance, souvent perçue comme un symbole du sarkozysme numérique. Au mieux, le CNN verra sa composition repensée en profondeur. Au pire, il sera relégué dans les oubliettes de l’administration française. Rejoignant ainsi nombre de conciles et comités théodules depuis longtemps abandonnés.
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