La Bible, un manifeste révolutionnaire
Une mise au point historique est utile. La rédaction des évangiles dont celui de Jean n’est pas contemporaine du Christ. Le plus ancien manuscrit des évangiles retrouvé date du tout début du IIIeme siècle. Il est écrit en grec sur papyrus. C’est le plus ancien témoignage connu à ce jour. Il est attesté qu’une personne nommée Ieshoua [...]
Une mise au point historique est utile.
La rédaction des évangiles dont celui de Jean n’est pas contemporaine du Christ. Le plus ancien manuscrit des évangiles retrouvé date du tout début du IIIeme siècle. Il est écrit en grec sur papyrus. C’est le plus ancien témoignage connu à ce jour.
Il est attesté qu’une personne nommée Ieshoua (Jésus) fut crucifié aux alentours de l’année 30 de notre ère. On sait que Ieshoua (Jésus) était un prédicateur qui avait rejoint pour un temps Jean le Baptiste.
Pour tout le reste, il faut s’en remettre aux évangiles. Les 3 synoptiques et celui de Jean.
Ieshoua (Jésus) n’a rien écrit, ses disciples non plus. Les premiers à avoir consigné par écrit les paroles et les actes du Christ sont Paul et les évangélistes.
Paul aurait commencé à prêcher et à écrire vers 60, c’est-à -dire 30 ans après la mort de Ieshoua (Jésus).
Jean, ou plutôt l’école johannique, a commencé à rédiger son évangile vers 80. La forme définitive de l’évangile de Jean, datant du début du IIemesiècle.
Les découvertes archéologiques faites depuis 1850 en Palestine permettent d’authentifier ces affirmations.
Ainsi l’évangile de Jean est écrit environ 3 générations après celle de Ieshoua (Jésus).
J’ajoute que l’évangile de Jean fut écrit en grec.
Un exemple des approximations produites par les traductions et traditions multiples
La locution, par exemple, Jésus de Nazareth est une adaptation de Ieshoua le Nazoréeen.
Nazoréen ne signifie pas originaire de Nazareth, mais plutôt quelque chose comme : Consacré à Dieu.
Nazoréen vient de Nazir qui en hébreux signifie précisément consacré à Dieu et pas de Nazareth qui à l’époque du Christ n’existait probablement pas.
Ainsi l’adaptation de la locution Ieshoua le Nazoréen en Jésus de Nazareth est très approximative, il serait certainement plus juste de dire Jésus le Consacré à Dieu.
La période latine
On voit avec la locution Ieshoua le Nazoréen devenu Jésus de Nazareth dans les traditions des langues modernes, les erreurs assez essentielles quant au sens
produites par les traductions et les adaptations.
Cela serait sans importance si, suite à plusieurs conciles, les Pères de l’église au IVème siècle, pour s’opposer aux tentatives de groupes dissidents de l’église “officielle du Christ” qui voulaient proposer de diffuser leurs propres interprétations des évangiles, n’avaient imposé une unique version du Nouveau Testament.
Cette version officielle après que le christianisme se soit lui-même imposé comme religion d’état dans l’empire romain, va rester inchangé pendant 1000 ans.
Si l’on précise que les langues européennes vont, elles, considérablement évoluer pendant ces 1000 ans, jusqu’à ne plus avoir rien de commun avec le latin, on voit que les gens du XVème siècle vont être soumis à des textes auxquels quasiment personne ne comprend rien. Ces 1000 ans ont façonné une idéologie collective obscure, manipulée par une église qui se préoccupait davantage de ses privilèges que du bien-être spirituel du commun des mortels.
La lettre et le message
La civilisation européenne fonctionnait donc sur un ensemble de textes auxquels personne n’avait accès. L’obscurantisme c’est cela.
Il était donc simple pour les tenants du pouvoir (alliance des féodaux et des évêques) de maintenir dans la crainte et l’angoisse les populations analphabètes.
Les textes étaient appliqués au gré des intérêts des puissants. Le message des évangiles était, quant à lui, tout simplement ignoré.
En dehors de cela, le moyen-âge était riche de manifestations populaires de la foi. Pèlerinages, Mystères… il est, d’ailleurs, significatif que les Mystères furent interdits par l’église, très vite après la réforme. Il fallait tout contrôler.
Abrutissement général, analphabétisme, superstitions collectives quasi névrotiques, menaces permanentes sur le salut de l’âme, voilà la situation socio-psychologique dans laquelle arrive la traduction en langue courante de la Bible par Luther.
Oui, Luther fait ça. Il ose faire ça.
Il faut essayer de se remettre dans le contexte du moment, celui d’un totalitarisme idéologique absolu.
L’imprimerie permet à Luther et à ses “disciples” de diffuser cette traduction. Les imprimeurs, alors très versés dans l’innovation (l’imprimerie était vraiment la nouvelle technologie de l’époque) sont sensibles aux thèses et aux actes révolutionnaires de Luther.
Ceci enclenche un processus irrésistible. Les personnes éduquées lisent, expliquent les textes à celles qui ne savent pas lire.
En très peu de temps, une effervescence s’empare de l’Europe. Elle pourrait se résumer à ceci :
“Alors comme ça, depuis 1000 ans, on nous raconte des mensonges, loin d’être un tyran inspirant la crainte, Dieu est plein d’affection, d’amour et de compréhension, notamment pour les plus faibles et les plus démunis.”
On comprend la révolution que cela suscite dans les esprits et la colère que cela provoque.
Tout à coup, grâce à la traduction et à l’accès aux textes, les évangiles se mettent au service des plus opprimés et se retournent contre les féodaux et les évêques.
Cela allait faire du vilain, l’église, pilier de la société européenne, se sent directement menacée. Le sol se dérobe sous ses pas. Le danger est immense.
L’attaque est d’un type totalement nouveau. Dans un premier temps, l’église n’a pas d’armes pour contrer Luther, si ce n’est d’avoir recours aux bonnes méthodes vieilles de 10 siècles. Par exemple les conciles. Mais Luther s’en joue car il se révèle grand politique, courageux, emporté et irréductible.
A l’origine de tout ce bouleversement, il y la possibilité qu’a donné Gutenberg à Luther d’exprimer ses vues
La possibilité de diffuser une parole autre et qui apparaît à beaucoup comme salvatrice et relevant d’une plus grande justice. Les imprimeurs ne diffusent pas que la Bible, mais aussi des petits fascicules, exposant et expliquant les thèses des réformateurs.
La transposition avec l’époque actuelle est simple
Par exemple, la lecture de l’évangile de Jean souvent noyé dans un environnement Saint Sulpicien montre une phraséologie, une syntaxe, une lexicologie obsolètes, héritées de traditions, quelque peu poussièreuses.
La multiplication des possibilités, via internet entre autres, d’accès à des sources scientifiques ou religieuses, “non-officielles” éclaire d’un jour très différent le texte. Cette éclairage ne met, à mon sens, pas en cause le “message” de cet évangile, en revanche sa présentation ancienne risque d’apparaître de plus en plus comme “mythologique”, au profit d’une vision plus historique, plus politique et beaucoup plus plus libératrice.
Prochain article de la série, La Rupture Gutenberg, la Rupture numérique : Comme un trainée de poudre en Europe.
Dominique Nugues est éditeur du Présent de Dieu
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