Quand les ptérosaures sautaient à la perche pour s’envoler
Les ptérosaures, ces énormes vertébrés à ailes vivant il y a 230 millions d’années, étaient-ils capables de voler ou n'étaient-ils que de grosses autruches ? Des chercheurs créent des modèles pour comprendre comment ces animaux pouvaient décoller.
Titre original : Sergeï Bubka, Jean Galfione et les ptérosaures
Au sein de la panoplie des grands reptiles qui peuplaient notre terre il y a quelques millions d’années, certains sont plus fascinants que d’autres. Certes, le Vélociraptor est monté en grade depuis Jurassic Park, et le T-Rex reste le monstre le plus terrifiant de l’histoire du cinéma depuis que Godzilla est passé de notre coté et qu’il a vaincu Mothra, la mite géante, mais il m’a toujours semblé que les ptérosaures avaient une place à part. En effet, pouvoir voler leur confère le pouvoir de la surprise, et la maîtrise des airs a toujours été un des regrets de l’homme. Mais ces grandes créatures ailées, n’étaient-elles pas finalement que d’anciennes autruches, maitrisant aussi bien le vol que l’étoile de mer maitrise le violoncelle?
Les docteurs Witton et Habib reviennent sur cette controverse dans PLoS ONE, en s’attaquant à la fois aux données dont on dispose et à la façon dont on les voit. En effet, le principal problème théorique que pose le vol des dinosaures, c’est le gigantisme des spécimens, certains estimant qu’ils étaient bien trop gros pour voler. Le problème, c’est que ces estimations sont faites sur la base de fossiles, et que l’on ne peut pas simplement peser les spécimens. Il faut alors estimer poids et tailles sur la base de modèles. Ainsi, les chercheurs estiment que plutôt que des individus de 6 mètres pour 12 mètres d’envergure, il faut plutôt penser à 5 mètres de haut pour 10 mètres d’envergure, ce qui réduit le poids du bestiau de moitié. Ça n’en reste pas moins un beau bébé : imaginez une girafe ailée qui vient vous picorer dans la main, ou nicher sous votre charpente. Les tests de Witton et Habib ont aussi pu estimer la résistance des os et la force de propulsion que leurs ailes pouvaient atteindre, ce qui leur permet d’affirmer que ces doux animaux étaient bien capables de voler.
Mais pouvoir voler et planer est une chose ; encore faut-il pouvoir décoller. Là encore, l’étude publiée permet de répondre à la question, en montrant les limites de certains raisonnement. En effet, quoi de plus naturel que d’aller observer les descendants de ces dinosaures, les oiseaux, et de les regarder prendre leur envol. Si les plus petits sont capables de se soulever d’un battement d’ailes, leur congénères un peu plus gros doivent s’aider d’un bond et d’un bon élan pour espérer jouer la fille de l’air. Mais voilà , pour les sauriens, impossible d’atteindre les vitesses requises, à part peut-être en se lançant dans une descente et avec un fort vent : en bref, nos dangereux volatiles ne seraient pas beaucoup plus utiles que des parapentes.
Mais voilà , à trop vouloir prendre nos ptérodactyles pour des buses, on en oublie qu’ils ont quelques différences avec leurs descendants. En effet, leur aspect physique est assez différent, et leurs proportions ne sont pas les mêmes. Contrairement aux oiseaux, les ailes des anciens reptiles sont plus lourdes et puissantes au fur et à mesure qu’elles grandissent. Un scenario inédit a donc été proposé : les ptérosaures faisaient une sorte de saut à la perche. Ils utilisaient leurs quatre membres pour se propulser vers le haut, ce qui leur permettait de faire décoller un poids beaucoup plus important. Cela expliquerait au passage pourquoi les dinosaures volants sont bien plus gros que les oiseaux actuels. Cela montre bien qu’il faut se méfier des analogies qui coulent parfois de source…
>> Illustrations FlickR CC : John Kannenberg, Mark Witton
>> Article initialement publié sur Science, croyance et idées reçues
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